Applications biologiques

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Pour étudier le dégradome de base du stratum corneum, nous avons développé une stratégie basée sur l’ultrafiltration, la reconcentration sur phase solide et l’analyse par LC-MS/MS des échantillons. Dans les études peptidomiques, l’ultrafiltration par centrifugation est la méthode la plus utilisée pour extraire des peptides et éliminer les protéines de haut poids moléculaire [6, 221, 222]. Cette technique exploite un mécanisme d’exclusion stérique grâce à des membranes de seuil d’exclusion spécifique. Ainsi Zheng et al. ont utilisé cette procédure sur des échantillons de sérum et ont identifié 350 peptides endogènes uniques provenant de 61 protéines [223]. Nous avons également utilisé l’ultrafiltration en tant qu’étape de pré- fractionnement. Combiner des membranes d’ultrafiltration de différents seuils (10kDa et 5kDa) nous permet de séparer les peptides en différentes fractions, ce qui augmente la sensibilité de nos identifications. Cependant, de la même manière que cette étape permet de concentrer les composés d’intérêt, les contaminants sont eux aussi concentrés. Leur présence peut réduire drastiquement les performances d’analyse des peptides par spectrométrie de masse. C’est pourquoi, nous avons ajouté une étape de reconcentration des peptides sur phase solide de type ZipTipTM C18, ce qui permet également de dessaler l’échantillon. Enfin l’utilisation d’une séparation chromatographique préliminaire avant l’analyse par spectrométrie de masse est nécessaire pour les études d’échantillons complexes en particulier dans les approches peptidomiques : comme l’échantillon n’est pas digéré à la trypsine, certaines protéines ne seront identifiées que grâce à très peu de peptides, voire un seul. Les analyses MS ont été réalisées sur un instrument hybride LIT-FTICR. Ce type d’appareil nous a permis à la fois de monter en sensibilité et en gamme dynamique afin d’identifier des peptides minoritaires. De plus, la masse des précurseurs est mesurée précisément dans la cellule ICR pendant le scan SIM. Les recherches dans les banques sans digestion in silico sont compensées en diminuant la tolérance de masse à 10ppm. Ainsi le nombre de faux positifs est significativement réduit et les identifications sont plus sûres.

Nous avons analysé des extraits de peptides endogènes de deux types d’échantillons différents : du stratum corneum plantaire où le phénomène de desquamation est moins complet et du stratum corneum non plantaire obtenu à partir de prélèvements non invasifs (stripping) au niveau de la jambe. Au total, 1098 séquences d’acides aminés différentes ont été identifiées, appartenant à 71 protéines (voir le Tableau 10). 21 de ces protéines sont de masse inférieure à 30kDa et peuvent être classifiées comme des protéines de bas poids moléculaire, comme par exemple la cystatine A, la caspase 14, la suprabasine ou encore la calmoduline-like 5. La composition en peptides des deux types d’échantillons est relativement différente. Ainsi certaines protéines ne sont détectées que dans les échantillons de stratum non plantaire comme la filaggrine 2 et au contraire d’autres comme la fatty acid-binding protein ne sont détectées que dans les échantillons de stratum plantaire. De plus lorsqu’une protéine est présente dans les deux échantillons, les peptides identifiés peuvent être partiellement différents.

Comparaison topologique (PA/SCP)

La structure et les fonctions de la peau palmo-plantaire sont assez différentes en comparaison de la peau plus fine des autres parties du corps. Nous avons comparé des échantillons de différentes zones de peau à savoir de la jambe (PA) qui est une zone où la desquamation s’effectue normalement et de la plante de pied (SCP) où au contraire la desquamation est modifiée avec un épaississement de la couche de stratum corneum. Cette épaisseur peut être reliée au degré de stress mécanique subi par les zones palmo- plantaires [229]. L’analyse des deux types d’échantillons a mis en évidence des protéines plus ou moins dégradées selon le type de peau étudié. Les protéines identifiées peuvent être classées en 4 groupes selon leur état de dégradation protéolytique (Figure 53). Des protéines peu dégradées avec l’identification de 1 ou 2 peptides différents, des protéines dégradées de manière plus importante au niveau du stratum plantaire comme certaines kératines, des protéines au contraire plus dégradées dans les zones de peau non palmo- plantaire et enfin des protéines qui présentent le même profil de dégradation quelle que soit la zone.

Parmi ces protéines, se trouvent notamment les protéines du cornéodesmosome, ce qui semble montrer que le phénomène de desquamation a un effet qualitativement identique sur ces protéines. En revanche, l’accumulation de peptides endogènes issus de la dégradation des kératines dans les zones plantaires pourrait indiquer une dégradation exacerbée de ces protéines, ce qui protégerait d’un point de vue quantitatif la dégradation des protéines cornéodesmosomales et retarderait la desquamation des couches supérieures de stratum. Au contraire, si on associe l’épaississement de la peau à un stress mécanique plus important, le processus de desquamation étant ralentie, toutes les protéines sont plus longtemps en contact avec les protéases de la peau ; les kératines, quoique plus résistantes, finissent par ng [230] : le compte du nombre de spectres permet d’estimer les changements relatifs d’abondance de chaque protéine. Cela présuppose que la couverture d’une protéine augmente avec son abondance. Une augmentation du nombre de MS/MS traduit donc que la protéine est plus présente dans l’échantillon. Dans notre cas, cela traduit que la protéine en question est soit plus présente soit plus dégradée puisque nous ne nous intéressons qu’aux peptides endogènes, produits de la protéolyse des protéines étudiées. En ce qui concerne les protéines identifiées dans un seul des groupes d’échantillons, nous avons considéré un nombre minimum de peptides fictifs de 3 pour l’échantillon où la protéine n’a pas été identifiée. En effet, l’un des critères de validation que nous avons choisis est l’identification d’au moins un peptide de la protéine en triplicat.

Lors de cette comparaison topologique, nous avons identifié près de 5 fois plus de peptides endogènes pour la filaggrine dans les échantillons de stratum non plantaire que plantaire. De plus, des peptides de filaggrine 2 n’ont été identifiés que dans les échantillons non plantaires. Or, la filaggrine est aussi exprimée au niveau du stratum corneum plantaire [231]. L’identification d’un plus grand nombre de peptides endogènes dans la zone non plantaire pourrait donc être directement liée à une dégradation plus importante au niveau de cette zone. Cette protéine est synthétisée sous forme de pro-protéine et progressivement protéolysée : d’abord dégradée en monomère de filaggrine puis complètement en acides aminés dans les couches les plus superficielles du stratum corneum ce qui permet de maintenir l’hydratation de l’épiderme [130]. Cette variation, en termes de dégradation, que nous avons observée au niveau des peptides endogènes, peut donc être réliée à l’hydratation amoindrie des zones de peau palmo- plantaires. De plus, il a récemment été montré que l’hydrolase bleomycine et dans une moindre mesure la calpaïne-1 jouaient un rôle important dans cette dégradation [232]. Or, nous avons identifié plus de peptides de ces deux protéases dans les échantillons de stratum corneum non plantaire : ceci pourrait traduire uniquement une surexpression (et non une surdégradation) de ces protéases et donc expliquer la dégradation des filaggrines dans ces échantillons.

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