Comment développer les compétences langagières des “ petits parleurs ” à travers les séances d’APC

Comment développer les compétences langagières des “ petits parleurs ” à travers les séances d’APC

 Le développement et la place du langage en maternelle

L’importance du développement du langage entre 3 et 6 ans

 La professeure de psychologie de l’enfant Agnès Florin1 a souligné l’importance cruciale de la période de 2 à 6 ans lorsque « le langage devient l’outil privilégié que l’enfant va découvrir pour communiquer avec son entourage, pour apprendre et représenter le monde, pour organiser les concepts et les mettre en relation et être reconnu d’autrui ». Une période durant laquelle le développement langagier s’accélère, tant du point lexical que sémantique et syntaxique. Les tableaux d’indicateurs d’Eduscol2 listent les éléments caractéristiques du développement du langage chez un enfant scolarisé. Les extraits suivants illustrent l’extraordinaire évolution langagière contemporaine à la période de l’école maternelle. § Entre 3 et 4 ans : Vocabulaire de plus en plus abondant ; articulation parfois très approximative § Entre 4 et 5 ans : Environ 1500 mots et des phrases de 6 mots et plus. Début des récits, histoires inventées. § Entre 5 et 6 ans : Vocabulaire varié. Récits structurés ; expression de la succession des temps, construction de scènes imaginaires, phrases complexes avec relatives, complétives, circonstancielles ; usage correct du « parce que ». Il existe historiquement deux courants majeurs pour expliquer le développement du langage chez l’enfant : les behavioristes comme l’américain Frédéric Skinner, qui considèrent que l’enfant est une table rase qui se développe stimulé par son environnement (adulte et/ou autres enfants), et les maturationnistes comme le linguiste Noam Chomsky qui suppose l’existence d’une prédisposition innée dans laquelle se développe les compétences langagières. Pour le psychologue français Jean Piaget, le développement du langage répond à des capacités cognitives ni innées ni acquises, ces capacités se construisant par étapes, à travers l’expérimentation et le tâtonnement. Enfin, le chercheur Russe Lev Vygotski établit dans les années 70 une théorie selon laquelle le langage est le fruit d’interactions avec l’environnement. Il forge le concept de « zone proximale de développement » dans laquelle l’enseignant doit se situer afin de fournir un étayage efficace. Cette zone étant juste au-delà de ce que l’enfant sait déjà mais pour laquelle il ne peut apprendre sans aide. Pour la chercheuse en linguistique de formation du langage Laurence Lentin3 , « l’enfant sait parler lorsqu’il maitrise un fonctionnement syntaxique lui permettant d’énoncer explicitement au moyen du seul langage une pensée ou un enchainement de pensées en ou hors situation. » Une définition qu’avait parfaitement exprimée le fondateur de la linguistique, Ferdinand de Saussure : « une langue n’est pas un catalogue de mots. Une langue est un système » 4 .

La place du langage à l’école maternelle et dans les programmes 

Dès lors, pour les enseignants de l’école maternelle, de la petite jusqu’à la grande section, le travail sur le langage oral constitue un enjeu majeur. Comme le stipulent les programmes de 2015 « l’enseignant, attentif, accompagne chaque enfant dans ses premiers essais, reprenant ses productions orales pour lui apporter des mots ou des structures de phrases plus adaptés qui l’aident à progresser ». Le domaine « mobiliser le langage dans toutes ses dimensions » précise l’ampleur de la tâche afin de faire progresser les élèves. Il s’agit de les aider à entrer en communication et à considérer le langage non seulement comme un moyen d’apprentissage mais comme un objet d’apprentissage à travers la réflexion sur la langue et notamment la conscience phonologique. S’il constitue l’un des cinq piliers du programme de l’école maternelle, l’apprentissage du langage oral s’effectue également dans tous les autres domaines. En motricité, par exemple, il s’agira de reformuler les règles d’un jeu ou d’exprimer son ressenti après une victoire ou une défaite ; Dans le domaine des activités artistiques, il s’agira, comme le précisent les programmes, de « mettre des mots sur leurs émotions, leurs sentiments, leurs impressions ». Enfin, dans le domaine « explorer le monde », il faudra, par exemple, être capable « d’utiliser des marqueurs spatiaux (derrière, droite gauche, dessus…) au sein de récits. Enfin, pour l’ensemble des activités proposées, le langage oral se révèle essentiel pour comprendre et mettre en œuvre les consignes données par l’enseignant. Autant d’objectifs qui supposent cependant, de prendre en compte les grandes disparités au sein de l’école maternelle où, comme l’a constaté Philippe Boisseau5 , ancien Inspecteur de l’Education Nationale et auteur de plusieurs ouvrages sur l’apprentissage du langage, des écarts considérables séparent les élèves en maternelle. Des décalages qui constituent, selon lui, le problème central de la pédagogie du langage. C’est pourquoi, afin de répondre à l’un des principaux objectifs du Cycle 1 « Communiquer avec les adultes et les autres enfants par le langage en se faisant comprendre », il semble essentiel d’utiliser pleinement et efficacement toutes les modalités offertes par l’école maternelle. En effet, comme le souligne Agnès Florin6 , « c’est le comportement verbal enregistré chez les enfants de Grande section de maternelle qui s’avère être le plus important pour la prédiction de la performance de lecture ». « Entre le silence des uns et l’investissement des autres, les différences sociales deviennent très vite des inégalités scolaires difficiles à surmonter » alerte Pierre Péroz, 7 maître de conférence en sciences du langage. 

Des modalités de travail qui peuvent et doivent s’adapter aux élèves 

La principale mission de l’école maternelle est de « donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité », ainsi que le décrit le préambule des programmes8 . Une grande souplesse est conférée à l’enseignant aussi bien dans l’organisation de l’emploi du temps que dans l’organisation matérielle de la classe pour adapter les modalités d’apprentissage et répondre à ces objectifs. En maternelle, où de grands écarts sont constatés sur les plans psychologique, moteur et social, il s’agit de prendre en considération l’hétérogénéité intrinsèque au sein de chaque niveau. Respecter les stades de maturité nécessite de pratiquer plus qu’ailleurs une pédagogie différenciée. 5 BOISSEAU Philippe Enseigner la langue orale en maternelle Editions Retz 2005 6 FLORIN Agnès, Pratiques du langage à l’école maternelle et prédiction de la réussite scolaire, Editions PUF, 1991 7 PEROZ Pierre Apprentissage du langage oral à l’école maternelle. Pour une pédagogie de l’écoute Concernant le langage, « il ne s’agit pas d’aller vite ou moins vite (…) il s’agit d’arriver à bon port quel que soit le chemin emprunté » souligne Mireille Brigaudiot9 . Pour Philippe Boisseau10, l’école maternelle doit faire l’effort de fonctionner en petits groupes de langage qui doivent bénéficier prioritairement aux enfants en retard dans cet apprentissage. La plupart des spécialistes du langage s’accordent sur ce fait : afin de favoriser les interactions langagières, principales courroies de transmission de l’apprentissage du langage, le travail en groupe restreint est indispensable. La composition de ces groupes, en revanche, fait débat, certains préconisant la constitution de groupes homogènes afin de favoriser la prise de parole de « petits parleurs » comme Agnès Florin, tandis que d’autres sont partisans de mixer les groupes, considérant que ce dispositif permet de mieux stimuler tous les élèves. Ce travail en groupe restreint doit s’accompagner selon Pierre Péroz11 d’une diminution drastique de la parole des enseignants. En effet, d’après les enquêtes de terrain de cet universitaire, tous ont tendance à monopoliser l’espace de parole au détriment des élèves. Laurence Lentin, elle, va plus loin, considérant « qu’il est impératif de trouver un moyen d’entrainer et d’observer les enfants individuellement ». Car il n’est pas suffisant de parler à l’enfant et de le laisser parler, il faut le faire parler, souligne-t-elle. Dans cette perspective, les Activités Pédagogiques Complémentaires (APC) ont constitué, à mes yeux, un espace privilégié pour organiser des situations duelles me permettant non seulement d’affiner mon observation, principal outil d’évaluation préconisé en maternelle, mais aussi d’entrainer pour les faire progresser des enfants « en retard » par rapport au reste du groupe, quelles qu’en soient les raisons. Ce dispositif particulièrement adapté à la problématique des « petits parleurs » constitue le cadre de mon travail avec trois élèves de la classe dans laquelle je suis professeure des écoles stagiaire depuis la rentrée 2017 et que je vais vous exposer dans ce mémoire.

Table des matières

INTRODUCTION
1. Le développement et la place du langage en maternelle.5
1.1 L’importance du développement du langage entre 3 et 6 ans 
1.2 La place du langage à l’école maternelle et dans les programmes
1.3 Des modalités de travail qui peuvent et doivent s’adapter aux élèves
2. Les « petits parleurs » : De l’apparition du concept en 1985 aux « petits parleurs » de l’école Buffault
2.1 Les « petits parleurs », des profils divers et une notion polymorphe
2.2 Portrait de la classe 5 de l’école Buffault
2.3 Le petit parleur allophone .
2.3.1 Portrait de Joao, élève de GS de la classe 5
2.3.2 Evaluation-diagnostique de Joao
2.3.3 Objectifs du travail à mener avec le « petit parleur » Joao
2.4 Le petit parleur « empêché »
2.4.1 Portrait de Sabin, élève de MS de la classe 5
2.4.2 Evaluation diagnostique
2.4.3 Objectifs du travail à mener avec le « petit parleur » Sabin
2.5 Le petit parleur inhibé
2.5.1 Portrait d’Axel, élève GS de la classe 5
2.5.2 Evaluation diagnostique pour Axel
2.5.3 Objectifs du travail à mener avec le « petit parleur » inhibé Axel
3. Présentation du travail réalisé en APC et bilan
3.1 Approche générale et modalités
3.2 Description et analyse critique du travail réalisé avec Joao
3.2.1 Description des séances
3.2.2 Bilan et analyse des séances avec Joao
3.2.3 Limites du travail proposé
3.3 Description et analyse critique du travail réalisé avec Sabin
3.3.1 Description des séances
3.3.2 Bilan et analyse des séances avec Sabin
3.3.3 Les limites du travail réalisé
3.4 Description et analyse critique du travail réalisé avec Axel
3.4.1 Description des séances
3.4.2 Bilan et analyse des séances avec Axel
3.4.3 Les limites du travail réalisé
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
SITOGRAPHIE
ANNEXES
Annexe n°1
Annexe n°2

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