Conséquences physiopathologiques et cliniques

PRISE EN CHARGE GENERALE

L’expérience quotidienne montre que la découverte d’un intoxiqué peut correspondre à des situations posant des problèmes diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques différents. Les patients auraient été intoxiqués volontairement ou accidentellement et au moment de la consultation, ils peuvent être asymptomatiques ou au contraire présentent des signes de défaillances vitales. Il faut rappeler que la mortalité en réanimation de l’intoxiqué conscient est quatre fois plus importante que celle de l’intoxiqué comateux. C’est pourquoi, devant toute suspicion d’intoxication aiguë, il faut rechercher dans un premier temps une possible défaillance grave des fonctions vitales (neurologique, circulatoire, respiratoire) et répondre par un traitement symptomatique ; Dans un deuxième temps, rechercher un critère de gravité lié à la nature du toxique ayant une valeur décisionnelle thérapeutique immédiate( Cas de l’intoxication par la chloroquine > 4g, anticipation même si le sujet est conscient par sédation, ventilation assistée et amines pressives). Lorsque le patient est stabilisé et / ou ne présente aucune détresse des fonctions vitales on fera l’examen clinique complet et para clinique. Enfin porter les indications thérapeutiques spécifiquement toxicologiques axées sur deux composantes : – les traitements évacuateurs et épurateurs qui visent à diminuer la gravité potentielle d’une intoxication mais sans effet sur sa gravité immédiate ; – les traitements antidotiques reservés à un petit nombre d’intoxications. La surveillance clinique et/ou paraclinique est très importante à souligner même si le patient est asymptomatique à l’admission. Pour les intoxications volontaires, une prise en charge psychiatrique est nécessaire avant la sortie.

Aspect épidémiologique de l’intoxication aiguë

L’intoxication aiguë touche une population jeune de 15 à 29 ans avec un taux de 54,46 % ; puis de 30 à 44 ans (23,16%). L’âge moyen des patients est de 31,5 ans ; Les âges extrêmes sont de 1 an et 62 ans. Ce résultat est superposable à ceux retrouvés en Suisse. Chez eux, toutes les tranches d’âge sont touchées et plus particulièrement celles entre 15 à 40 ans (24). Selon le type d’intoxication 82,10% sont volontaires. Comme dans la littérature, nous avons constaté la prédominance féminine en générale de 55,26% (17). Le sexe ratio est de 1,3. Les études faites par le projet VOARISOA et son équipe, de 1985 à 1995 montre que la plupart des candidats au suicide est fortement représentée par le sexe féminin (25). RAJAONARIVONY N.F.L. a noté aussi que les femmes suicidant sont deux fois plus nombreux que celui du sexe opposé et il a mentionné que ceci est en rapport avec le nombre excédent de femmes et d’enfants par rapport aux hommes (26). C’est toujours le cas de notre étude. Les enfants de moins de 15 ans font surtout des intoxications accidentelles (10%). Les intoxications volontaires sont l’apanage des grands enfants.

Le plus jeune dans notre étude est de 11 ans. RAOLISON M. a trouvé que les enfants qui s’intoxiquent volontairement sont devenus de plus en plus jeunes, de 5 à 9 ans (27). A partir de 15 ans, les intoxications sont souvent volontaires et leur fréquence diminue avec l’âge avec un pic maximal de 51,57% entre 15 à 29 ans. Les motifs des intoxications volontaires ou tentative de suicide en d’autre terme, enregistrés lors de l’interrogatoire, sont par ordre de fréquence : problème relationnel ou conjugal, problème sentimental, amoureux et affectif, désespoir, problème familial, problème économique, chômage, échec scolaire… Au niveau européen on note : la séparation ou la perte récente d’un être bien-aimé, la dépression, le chômage, les problèmes financiers, l’abandon, les problèmes somatiques graves, l’abus d’alcool et drogues, ainsi que les pathologies psychiques (28) (29) Parmi les modes d’intoxication, la voie orale est de loin la plus fréquente dans les intoxications courantes, alors que la voie respiratoire est souvent impliquée dans des catastrophes toxiques ou des intoxications professionnelles (24). Nous avons constaté que 98,43% sont des intoxications par ingestion. La fréquence des intoxications aiguës varie selon le mois. Le plus grand nombre d’admission a été enregistré le mois de janvier avec 11,58%.

Clinique : Comme antécédent 5% des malades ont connu au moins une fois l’intoxication aiguë. La nature du toxique n’est pas mentionnée. Pour les intoxications volontaires la récidive est de 4,73%. Parmi ces derniers, les 3,42% en a connu une fois, les 1,05% deux fois et 0,26% trois fois. Ce résultat est important par rapport à celui retrouvé par RAJAONARIVONY N.F.L. qui était de 3,7% de récidivistes (26) ; La raison serait que le patient aurait trop de problèmes dans sa vie, qu’il ne saurait plus quoi faire. On a remarqué à La Réunion que d’une enquête à l’autre, la fréquence des suicidants récidivistes a augmenté de 41% en 1980 à 53% en 1999. En plus, une personne qui a déjà eu recours une fois à l’intoxication volontaire en aura de nouveau et avec plus de facilité qu’auparavant devant des circonstances difficiles (30). On ne connait pas le nom du produit utilisé dans 10,79% des cas. Cette méconnaissance du produit incrimine implique l’importance de l’approche clinique par toxidromes. Dans ce cas, c’est l’ensemble des signes retrouvés à l’examen qui va orienter sur le toxique probablement en cause, et par la suite la prise en charge.

Les médicaments (Chloroquine, Paracétamol,…) seuls (31,31%) ou en association (poly médicamenteux 15,78%) constituent la première cause des intoxications. La vente libre des médicaments en dehors des pharmacies favorise cette situation. En outre, il y a aussi l’usage détourné des médicaments pour se donner l’assurance, de l’énergie et de l’euphorie car il ne s’agit pas d’usage médical. Après les médicaments ce sont les organophosphorés (31,84%).Les plus utilisés sont le Nuvan et le Tamaron. Les autres causes sont de faible importance mais non négligeables. Une étude faite en 2001 a montré qu’après les médicaments, le produit caustique constitue le choix des Tananariviens, suivi par les produits agricoles dont les organo phosphorés (26). Les intoxications médicamenteuses sont très fréquentes chez le sexe féminin. Le sexe masculin préfère les autres produits; les plus souvent cités sont les organophosphorés, l’acide, les co-intoxications ou association de produits différents. Au Maroc, le sexe féminin représente un pourcentage élevé par rapport au sexe masculin avec un sexe ratio de 0,93 en ce qui concerne l’intoxication par les pesticides (31).

Pour l’acide, étant donné le caractère corrosif du produit, les femmes ont moins tendance que l’homme à l’utiliser comme moyen de suicide. Il faut effectivement que la personne soit déterminée à en finir avec ses jours pour ingérer un produit qui laisse des séquelles douloureuses et invalidantes en cas d’échec. Chez les moins de 15 ans les toxiques les plus utilisés sont les organo phosphorés (53,84%), entre 15 à 29 ans et 45 à 59 ans ce sont les médicaments (35,74% et 35,48%). Chez l’enfant, les accidents d’intoxication sont liés au mode de vie des différentes populations. La fréquence élevée des intoxications par les organophosphorés dans les pays en développement comme le nôtre est due à l’insuffisance de la règlementation, l’absence de système de surveillance, d’application des règles, le manque de formation, l’insuffisance de l’accès aux systèmes d’information, le manque d’équipements de protection personnelle, une agriculture plus axée sur les populations (32).

La dose supposée ingérée des toxiques est inconnue dans presque la moitié des cas (49,74%) alors que le pronostic tient compte de plusieurs critères dont cette dose du toxique. Sans la connaitre, même si le patient est asymptomatique à l’admission on doit s’attendre à l’apparition de signes de gravité ou de complications. D’où la nécessité de surveiller de près les patients. La présence des signes cliniques à l’entrée dépend du produit utilisé, de son mécanisme d’action, de la dose utilisée, du délai de la prise en charge, du terrain (enfant, sujet âgé, tare). A l’admission 43,42% des patients ont présenté des signes de gravité. D’autres signes non graves ont été retrouvés dans 37,37%. Les 19,21% n’ont présenté aucun signe clinique. L’absence des signes de gravité ne signifie pas que l’intoxication n’est pas grave. D’ailleurs, Il existe des toxiques avec intervalle libre entre la pénétration du toxique dans l’organisme et l’apparition des signes cliniques et biologiques comme le paracétamol, les antivitamines K, le méthanol, l’éthylène glycol. Les signes de gravité retrouvés à l’entrée ont été neurologiques dans 27,10% des cas, circulatoires dans 30,52% et respiratoires dans 22,36%. Les défaillances ont été multiviscérales dans 25,52% .

Qualité de la prise en charge

La prise en charge commence dès l’admission des patients par l’interrogation du malade s’il est conscient, ou de son accompagnateur sur les renseignements concernant l’intoxication et le produit toxique utilisé. En même temps, la première chose à faire est de rechercher des signes de défaillance des fonctions vitales et de faire le traitement symptomatique en urgence. Le délai de la prise en charge est toujours nécessaire en cas d’intoxication. Ce délai est inconnu pour 13,95% des cas ; Il est de moins d’une heure pour 9,48% des malades, entre une heure et six heures pour 66,84%. Le retard de la prise en charge aggrave l’intoxication et le pronostic. Les traitements symptomatiques effectués varient selon l’état du patient à l’admission. Des gestes d’urgences sont parfois nécessaires. L’oxygénothérapie est systématique devant la présence des signes de détresse surtout respiratoire. Face à des troubles de la conscience ou un état comateux, pour assurer une ventilation correcte et pour éviter l’inhalation, deux gestes techniques associés ou non ont été réalisés: l’intubation trachéale dans 16,84% des patients et la pose de sonde naso gastrique dans 5,26% .

La réanimation cardio pulmonaire a été faite chez 2,62% des patients qui ont présenté un arrêt cardio respiratoire. Une assistance ventilatoire a été nécessaire pour 7, 63% des patients ; ils ont été ventilés manuellement au ballon par faute de respirateur. Pour l’assistance circulatoire 21,84% des malades ont nécessité l’utilisation d’amines pressives tels que la dopamine, l’adrénaline, la noradrénaline. Outre l’utilisation de l’atropine comme antidote de l’intoxication par les organophosphorés, il a été utilisé dans 1,05% des cas comme traitement d’une bradycardie importante. Le sérum glucosé hypertonique(SGH) a été systématique devant une hypoglycémie confirmée par l’analyse. Comme beaucoup de malades n’ont pas le moyen de faire l’analyse, le SGH a été aussi systématique devant tout signe clinique d’hypoglycémie, devant toute intoxication par des produits pouvant entrainer une hypoglycémie. Pour les traitements spécifiques: L’épuration digestive par le lavage gastrique suivi d’absorption de charbon activé est de 32, 89% ; Le lavage gastrique seul est de 17,36% et l’utilisation de charbon activé seul 12,36%. . Le lavage gastrique a été effectué dans la plupart des cas avant la troisième heure de l’ingestion du toxique. Quelquefois la méconnaissance du délai de prise en charge, du produit toxique utilisé et de la dose ingérée oblige parfois les médecins à faire le lavage gastrique même au-delà de trois heures pour s’assurer de la vacuité gastrique. De plus, cette méthode est le seul traitement spécifique qu’on peut appliquer à tous les malades même si ces derniers n’ont pas le moyen de s’acheter des médicaments. L’épuration digestive repose sur les habitudes locales et l’expérience du praticien. D’ailleurs, peu d’étude a été effectué dans cette domaine ; le mieux sera d’adopter le principe de « primum non nocere » et tenir compte du rapport « bénéfice- risque ». (29) Le traitement antidotique qui est spécifique du produit incriminé a été réalisé dans 75%. Il est à noter que les antidotes sont parfois très couteux et/ou non encore disponibles chez nous.

Table des matières

Première partie : RAPPELS SUR LES INTOXICATIONS AIGUES
1- Définition
2- Mécanismes des intoxications aigues
3- Mode d’intoxication
4- Conséquences physiopathologiques et cliniques
5-Prise en charge générale
5.1- Recherche de la défaillance grave des fonctions vitales
5.2-Examens cliniques
5.3- Examens paracliniques
5.4- Traitement symptomatique
5.5- Traitement spécifique
Deuxième partie : ETUDE PROPREMENT DITE
1- Méthodologie
1.1- Patients
1.2- Méthode
1.3- Paramètres à analyser
1.4- Modalité d’analyse
2- Résultats
2.1- Résultat de recrutement
2.2- Profil épidémiologique
2.3- Données cliniques et paracliniques
2.4- Prise en charge
2.5- Evolution et pronostic
Troisième partie : COMMENTAIRES ET DISCUSSION
1- Aspect épidémiologique de l’intoxication aiguë
2- Aspects clinique et paraclinique
3- Qualité de la prise en charge
4- Evolution et pronostic
SUGGESTIONS
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE

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