Contribution théorique

Contribution théorique

L’investisseur en equity crowdfunding est-il un calculateur froid, sans émotion, à la recherche du projet qui présente les meilleurs signaux de qualité ? N’est-il mû que par une pure motivation financière de maximisation de son utilité, c’est à dire de son profit ? Dans le champ de la finance entrepreneuriale, les recherches sur l’equity crowdfunding s’intéressant au choix d’investissement focalisent sur l’asymétrie d’information à laquelle l’investisseur fait face. La théorie du signal répond tout naturellement à cette situation risquée. Aussi, les signaux peuvent prendre différentes formes : informations pertinentes du business plan (prévisions financières, positionnement marché, brevets) ou profil des entrepreneurs (Ahlers et al., 2015), décisions des autres investisseurs (Freedman et Jin, 2014 ; Lin et al., 2013), informations privées (sur la compétence de l’entrepreneur) que l’on détient si l’on est un friends and family (Agrawal et al., 2015), dynamique de la campagne ou encore taux de complétion des levées (Hornuf et Schwienbacher, 2015 b ; Agrawal et al., 2014)… Toutes ces informations permettent à l’investisseur soit de fonder son analyse s’il est compétent soit de répliquer les choix des autres par mimétisme s’il ne l’est pas. In fine, le choix est traité comme rationnel, cognitif et orienté vers un but : la maximisation du profit. Nous ne contestons pas qu’une fraction des investisseurs en equity crowdfunding recherche exclusivement ou prioritairement le profit ou à tout le moins un avantage fiscal. Nous ne contestons pas davantage les résultats établis sur les liens entre interactions sociales réelles ou virtuelles et choix d’investissement. Cependant, nous avons expliqué en quoi ce mode d’investissement présente des caractéristiques singulières qui appellent d’autres cadres théoriques en lien avec l’affectif pour affiner sa compréhension. Le cadre transversal synthétique que nous avons retenu croise essentiellement les champs de la finance, de la psychologie, du marketing et de la GRH. Nous ne sommes pas seuls dans cette démarche théorique puisqu’un petit nombre de travaux en entrepreneuriat ont récemment amorcé un mouvement vers des explications intégrant la dimension affective du choix. Ces études portent sur le phénomène de contagion émotionnelle, sur l’impact des vidéos de pitch des entrepreneurs ou encore sur les effets de la narration et de la persuasion sur les investisseurs (Milovac et al., 2015 ; Davis et al., 2017 ; Wuillaume et al., 2016; Wuillaume et al., 2017; Allison et al., 2017). Nous nous insérons dans la lignée de ces travaux mais en nous situant dans le champ de la finance entrepreneuriale.

Pour ces raisons, nous avons choisi de retenir l’identification et l’appréciation de l’importance des déterminants affectifs du choix des investisseurs comme objet de recherche, en circonscrivant toutefois le contexte du choix par la suppression des interactions sociale réelle comme virtuelle, ceci dans le but de mettre en exergue le phénomène étudié. Finalement, à l’issue de ce travail, nous sommes en mesure de répondre aux deux questions retenues pour notre problématique. La question principale visait à déterminer dans quelle mesure les valeurs et les réactions affectives déterminent les choix des investisseurs en equity crowdfunding. L’estimation empirique de notre modèle explicatif sur un échantillon issu d’une expérimentation de laboratoire menés sur 100 sujets révèle que les valeurs ont un effet significatif important et arrivent en seconde place en termes d’influence sur le comportement. Ensuite, prises isolément, les réactions affectives sont significatives mais leur impact n’est pas aussi sensible que celui des valeurs. Une variable affective, l’intérêt, surpasse toutes les variables explicatives par l’importance de son effet sur le choix d’investissement. Pour cette variable, la dimension ‘Intérêt situationnel’, définie par les sous dimensions ‘curiosité’, ‘attention’ et ‘implication affective’, présente un poids supérieur à la dimension d’’Intérêt individuel’ définie par les sous- dimensions ‘valence de la valeur’ et ’valence émotionnelle’. La variable cognitive du modèle pèse peu et se positionne en 5ième position des variables explicatives par le poids de son effet. Rapportée à l’ensemble des variables affectives, elle devient négligeable ce qui apporte une réponse à la question secondaire de cette recherche : la dimension affective du choix domine la dimension cognitive, au moins dans le cadre de notre expérimentation. De plus, les résultats de l’expérimentation sont convergents et montrent que les sujets ne s’appuient pas significativement sur les business plans pour effectuer leurs choix d’investissement. Ces conclusions légitiment la spécification du modèle individuel prédictif qui supprime précisément la variable cognitive du modèle explicatif. Les résultats du modèle individuel prédictif confortent l’analyse du modèle explicatif ainsi que celle du plan d’expérimentation. Les participants ont, en moyenne, souscrit au capital des projets qu’ils préféraient (i.e. qui leur correspondaient le plus en termes d’intérêt et de valeurs) et jugeaient en moyenne, d’une meilleure qualité, mais paradoxalement, dans le cas de l’investissement relatif (en pourcentage du patrimoine des sujets), l’effet affectif était amplifié avec dans le même temps un effet cognitif diminué, ce qui appuie l’idée d’une irrationalité (instrumentale) des sujets.

 

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