Correction de front d’onde

Correction de front d’onde

Avant de détailler le dispositif qui a été développé pour la correction de front d’onde de la source femtoseconde utilisée, commençons par évoquer certains résultats de la littérature consacrés à la correction des aberrations de telles sources à impulsions ultra-brèves. Grâce aux propriétés de bonne tenue au flux des miroirs déformables (autorisées par un traitement diélectrique épais) et à leur amplitude de modulation élevée, ceux-ci sont utilisés principalement pour la correction d’aberrations de chaînes à très haute énergie mais de très faible cadence. Ainsi, une diminution de moitié des aberrations de la chaîne 10-TW du CUOS aux Etats-Unis délivrant des impulsions de 2.5 J, 400 fs à 1053 nm a par exemple été réalisée . De la même façon, des miroirs déformables sont également utilisés pour corriger les aberrations du système allemand ATLAS du 3 Correction de front d’onde .Les dispositifs mis en place permettent d’atteindre des intensités crêtes élevées au point focal. Cependant, la qualité de correction de front d’onde est limitée par la faible résolution spatiale des miroirs déformables. Pour des applications mettant en jeu des sources moins intenses, l’utilisation de composants SLM s’avère être un moyen d’obtenir de meilleurs résultats de correction des aberrations, par exemple sur une chaîne laser basse cadence haute énergie [32]. Dans ce chapitre, nous détaillons le système d’optique adaptative qui a été mis en œuvre pour la correction de front d’onde de notre source laser femtoseconde haute cadence basse énergie, afin de disposer d’une phase quasi-plane pour les expériences de mise en forme de tache focale. Le principe de cette expérience consiste à ajuster en temps réel la modulation de phase appliquée au faisceau par l’intermédiaire de la valve optique de façon à compenser les aberrations de phase présentes sur le faisceau incident. Comme dans toute boucle classique d’optique adaptative, une rétroaction sur le modulateur est mise en place après mesure de la phase et comparaison à la phase voulue* (figure 3.1).

Dispositif expérimental

 La valve optique s’insère dans le dispositif expérimental selon le schéma de la figure 3.2 ci-dessous. La source laser délivre des impulsions de durée 130 fs et d’énergie 4 µJ à la cadence de 100 kHz. Le faisceau est élargi grâce à un télescope de façon à bénéficier de toute l’ouverture utile de la valve optique. Sur une pupille de diamètre 1 cm, on dispose ainsi d’environ 100×100 points d’adressage, définis par la résolution spatiale de la valve. La polarisation du faisceau (initialement verticale) est ajustée grâce à une lame demionde pour être parallèle à la direction des molécules de cristaux liquides, afin de bénéficier de la dynamique de phase maximale. L’adressage optique de la valve est réalisé par la lumière incohérente émise par la lampe d’un vidéo-projecteur, filtrée pour laisser passer uniquement la composante bleue, dans la plage spectrale d’adressage de la valve optique centrée sur λ=450 nm. Le contraste et la luminosité du vidéo-projeteur doivent également être précisément ajustés de façon à se positionner dans la zone où la phase ∆ϕ induite par la valve optique est la plus sensible aux différences d’éclairement Boucle de rétroaction SH CCD Vidéoprojecteur λ/2 λ/2 télescope VO objectif Point focal corrigé Source laser 4 µJ 100 kHz 130 fs 800 nm Figure 3.2 – Schéma du dispositif expérimental. Source laser : 4 µJ, 100 kHz, 130 fs, 800 nm. ; λ/2 : lame demi-onde ; la valve optique (VO) est adressée par le faisceau d’un vidéoprojecteur devant lequel est placé un filtre bleu (non représenté) pour centrer le spectre d’émission autour de 450 nm ; la phase est mesurée par un Shack-Hartmann (SH) ; le faisceau est focalisé par un objectif ×20, ON=0,3 ; le point focal est imagé sur une caméra CCD ; des densités neutres (non représentées) sont placées devant le vidéoprojecteur, le Shack-Hartmann et la caméra CCD pour ajuster les intensités des faisceaux, et un filtre infrarouge (non représenté) est placé après la lame de prélèvement pour couper la lumière bleue d’adressage. L’adressage est alors réalisé de façon très simple : il suffit d’afficher une carte de niveaux de gris sur l’écran de l’ordinateur de commande pour que celle-ci soit imagée sur la valve par l’intermédiaire d’un objectif photographique. Lorsque le faisceau femtoseconde traverse la valve optique, sa phase se trouve modifiée. Une seconde lame demi-onde est placée juste après la valve pour établir une polarisation verticale, suivi d’une optique de focalisation de qualité, qui peut être un achromat ou un objectif de microscope selon la taille de point focal désirée. Pour ces expériences, nous avons utilisé un objectif ×20, ON=0,3. Un système d’imagerie sur une caméra CCD permet de bénéficier d’un contrôle en temps réel du point focal. Juste après la valve optique, une fraction du faisceau est prélevée grâce à une lame épaisse de facteur de réflexion 5% pour la polarisation verticale à 800 nm. Ce faisceau est dédié à la mesure du front d’onde : le plan de la valve optique est imagé sur la pupille d’entrée du senseur de phase grâce à un télescope de grandissement 1/2. La phase mesurée correspond alors à la phase du faisceau directement en sortie de la valve. La mesure est réalisée grâce à un analyseur de front d’onde de type ShackHartmann, dont le fonctionnement repose sur le principe illustré sur la figure 3.3 Figure 3.3 – Principe du Shack-Hartmann : la mesure du décalage de chacun des point focaux de la matrice de micro-lentilles par rapport à chaque foyer permet de calculer les pentes locales du front d’onde et ainsi de reconstruire la surface d’onde. Le Shack-Hartmann dont nous disposons (modèle HASO de la société Imagine Optic) comporte une matrice de 32×32 micro-lentilles sur une pupille carrée de 5×5 mm². Le front d’onde incident est échantillonné en sous-pupilles de diamètre égal à celui des micro-lentilles (150 µm). A chaque micro-lentille i est associé un foyer F’i . Si la pente locale du front d’onde au niveau d’une sous-pupille i est non nulle, les rayons incidents sur la micro-lentille i focalisent en F’’i , foyer secondaire. La distance F’i F’’i est proportionnelle à la pente locale. On peut ainsi estimer toutes les pentes locales et reconstruire le front d’onde sur toute la pupille du senseur de phase. La résolution spatiale est fixée par la taille d’une micro-lentille, ce qui correspond à 300 µm dans le plan de la valve optique. La résolution globale du système est donc limitée par celle du Shack-Hartmann, celle de la valve étant trois fois meilleure. Une boucle d’optique adaptative impliquant la valve optique, le senseur de phase et un ordinateur est ensuite activée, de façon à piloter en temps réel l’information de phase transmise au faisceau incident par l’intermédiaire de la valve optique. Le paragraphe suivant détaille l’algorithme utilisé pour faire converger la phase du faisceau vers celle souhaitée. 

La boucle d’optique adaptative 

Cette boucle nécessite d’ajuster en temps réel le signal d’adressage de la valve optique en fonction de la phase mesurée par le HASO. Pour cela, des développements informatiques ont été menés sous Labview de façon à automatiser la procédure. L’annexe 1 détaille le fonctionnement de cette interface, à la fois pour la boucle d’optique adaptative qui nous intéresse ici, mais aussi pour la mise en forme de faisceau par modulation de phase présentée au chapitre 4. La condition préalable à la mise en place d’une boucle d’optique adaptative est d’assurer l’exacte correspondance entre la pupille d’adressage (et donc la zone utile de la valve optique) et la pupille du HASO. Cet alignement est très délicat, il doit être réalisé de manière extrêmement précise sous peine de non-convergence de la boucle. Il est effectué en imposant une série de masques d’adressage bien spécifiques (mires, cercles…) de façon à ajuster au mieux la position et la taille de la fenêtre d’adressage. De même, l’imagerie du plan de la valve sur la pupille d’entrée du HASO nécessite la même attention. L’expérience montre que la précision minimale requise pour ces réglages est de 60 µm. L’adressage se fait en imageant l’écran du PC sur la valve grâce à un vidéoprojecteur. La résolution de l’adressage est alors trois fois supérieure à celle de la valve optique puisque l’on dispose de 300×300 pixels d’adressage sur la zone utile de la valve. Ainsi, aucune pixellisation due à la matrice d’adressage n’est observée. Pratiquement, après avoir compensé la courbure de phase de la valve optique en ajustant le réglage du télescope qui la précède, la procédure itérative utilisée est la suivante (voir figure 3.4) : 1. Adressage gris uniforme au milieu de la dynamique (niveau 128) 2. Mesure de la phase résultante au Shack-Hartmann 3. Comparaison : en fonction du signe de la différence entre la phase désirée et la phase mesurée, on augmente ou diminue le niveau de gris de 1 niveau pour chaque pixel 4. On recommence la procédure avec ce nouveau masque d’adressage, jusqu’à atteindre la valeur de consigne (choisie par l’utilisateur) qui détermine l’arrêt de la procédure. Mesure de la phase résultante ϕ Calcul de ∆ = ϕ – ϕdésirée OUI Test : ∆ < consigne ? NON Modification de chaque pixel de ± 1 niveau de gris Adressage gris uniforme niveau 128 Terminé Figure 3.4 – Diagramme reflétant la procédure itérative de la boucle d’optique adaptative. La mesure de phase réalisée à chaque itération est moyennées sur 2500 impulsions. En ajoutant le temps de traitement informatique, une itération s’effectue en une demiseconde environ. Cette méthode est moins rapide que les boucles utilisées habituellement en optique adaptative, qui sont optimisées pour corriger les perturbations temporelles de l’atmosphère (100 Hz). Cependant, les fluctuations de phase de la source RegA étant très lentes, cet algorithme simple convient à notre expérience.

Résultats de correction de front d’onde

 L’amplitude pic-vallée PV des distorsions de phase du faisceau incident après traversée de la valve optique atteint PV = 370 nm, correspondant à ~λ/2 à 800 nm (figure 3.5.a), l’écart-type ou déviation rms étant alors σ = 66 nm = λ/12. Lorsqu’on lance l’algorithme adaptatif de correction de phase, on obtient rapidement un front d’onde uniforme, après une trentaine d’itérations [33] (figure 3.5.b). Les aberrations résiduelles mesurées sont alors PV = 53 nm = λ/15 sur la pupille de 1 cm de diamètre, avec une valeur rms de σ = 8 nm = λ/100. – λ/4 λ/4 (a) (b). La tache focale correspondante, est visualisée sur une caméra CCD, les résultats sont reportés sur la figure 3.6. La colonne de gauche correspond aux enregistrements de front d’onde aberrant et donc de tâche focale distordue, la colonne de droite présente les mêmes enregistrements après correction active de front d’onde par la valve optique. La même atténuation est appliquée au faisceau dans les deux cas. On note une nette amélioration de la forme de la tâche focale corrigée, qui présente une largeur totale à 1/e² de 2.7 µm, la largeur totale à mi-hauteur (FWHM) étant de 1.7 µm. En outre, toute l’énergie du faisceau est alors concentrée dans la tache gaussienne, d’où une intensité crête supérieure. Pour cette expérience, nous avons utilisé un objectif de microscope ×20, ON=0.3, d’ouverture utile inférieure au diamètre du faisceau. La taille du point focal limité par diffraction atteignable avec cet objectif est donnée par le diamètre du premier anneau de la tache d’Airy : 2.44λf/D avec D diamètre utile, ou encore 2.44λ/2ON. Comme il est plus parlant de caractériser la taille d’un faisceau par son diamètre à mi-hauteur (FWHM), on prend habituellement la moitié du diamètre du premier anneau [34], soit : λ Diamètre du point focal limité par diffraction = 1.22 2ON (3.1) L’application numérique donne 1.63 µm à comparer à 1.7 µm obtenu expérimentalement. Nous avons donc corrigé le faisceau de ses aberrations, de façon à atteindre la limite de diffraction. Un paramètre caractéristique de la qualité de focalisation d’un faisceau laser est le rapport de Strehl, défini précisément dans l’annexe 2. Une expression simplifiée a été établie à partir du critère de Maréchal [34]: πσ λ ⎛ = − ⎜ ⎝ ⎠ 2 S 2 R 1 ⎞ ⎟ (3.2) où σ désigne la valeur rms de la phase sur toute la pupille. La validité de cette approximation est assurée tant que le rapport de Strehl est supérieur à 80%, soit une valeur de σ inférieure à λ/14. Nos mesures se situent donc juste à la limite d’utilisation de cette expression. Nous obtenons RS = 0.73 pour le faisceau aberrant et RS = 0.996 après correction de front d’onde, ce qui confirme le fait que le faisceau corrigé est effectivement limité par diffraction. Il est intéressant de souligner la bonne reproductibilité de la correction de front d’onde. Si les valeurs présentées ci-dessus sont les meilleures que nous ayons obtenues, une correction de phase à PV=λ/10 et σ=λ/50 est aisément atteignable en fonctionnement routinier, correspondant à un rapport de Strehl de 98.5%. En outre, cette boucle d’optique adaptative a été testée avec des aberrations initiales d’amplitude 2λ pic-vallée (ajoutées artificiellement au faisceau), et la même qualité de correction de phase a été obtenue. Ceci prouve que la qualité de correction est limitée par les fluctuations de phase du laser lui-même, qui sont effectivement mesurées aux mêmes valeurs. Ce résultat est également corroboré par les mêmes expériences menées avec l’oscillateur femtoseconde Vitesse [35, 36]. Dans un souci de comparaison à la littérature [25, 26, 37, 38], notons que les distorsions de phase incidentes relevées ici ne sont pas fortes. Nous partons donc d’un faisceau d’assez bonne qualité que nous transformons en faisceau limité par diffraction.  

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