De la prévention des risques au changement des pratiques agricoles

Des risques très médiatisés. Les pesticides marquent l’actualité, depuis quelques années déjà. Chaque mois ou presque, les médias français et étrangers, souvent alertés par des associations de protection de la santé ou de l’environnement, brandissent les résultats d’une étude qui dénonce les risques présentés par les pesticides pour la santé de l’homme, des animaux ou pour l’environnement en général. Car les pesticides sont partout. Ils sont dans l’air, à proximité plus ou moins immédiate des champs sur lesquels ils sont pulvérisés. Ils sont dans l’eau des nappes phréatiques situées sous ces champs ou des cours d’eau proches de ces champs. Ils peuvent donc se retrouver, en l’état ou sous forme de résidus, dans l’eau que nous buvons. Des résidus de pesticides se retrouvent également dans les céréales, fruits, légumes et autres aliments d’origine agricole que nous consommons. Or ces pesticides participent, ou sont au moins suspectés participer au développement de plusieurs maladies comme les cancers, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, les troubles du développement de l’enfant ou encore les baisses de fertilité . Ils affectent la faune, en particulier le système nerveux des abeilles et sont même soupçonnés jouer un rôle dans l’augmentation brutale de leur mortalité, observée ces dernières années . Si bien que des pesticides peuvent se voir interdits, ou leur usage limité, lorsque des effets nocifs pour la santé de l’homme, de l’animal ou pour l’environnement sont identifiés ou même suspectés. Dernièrement, ce sont trois pesticides présumés dangereux pour les abeilles dont certains usages ont été interdits par l’Union européenne pendant deux ans, le temps de vérifier si risque il y a ou pas pour les abeilles . Certaines organisations non gouvernementales ont même fait des pesticides leur principal cheval de bataille. L’association française Générations Futures , en particulier, ne manque pas une occasion d’alerter l’opinion publique sur les risques liés aux pesticides. Il y a quelques mois, c’est une étude conduite sur des cheveux d’enfants concluant à la présence de plus d’une vingtaine de pesticides par cheveu qui a suscité l’émoi . Il faut dire que la publication des résultats de l’étude suivait de près un épisode de malaises manifestés, suite à la pulvérisation de pesticides sur un vignoble, par les enfants et l’institutrice d’une école voisine . Les pesticides font peur. A tel point que la finalité de ces produits finit par s’oublier.

Un rôle majeur dans la protection des cultures. Il se trouve que les pesticides jouent un rôle de premier plan dans la protection des végétaux contre les organismes nuisibles, appelée protection phytosanitaire . Ces organismes nuisibles peuvent être des animaux, insectes en particulier, ou encore des champignons. Ces insectes et champignons parasitent les plantes, s’en nourrissent ou provoquent toutes sortes de maladies. Il peut aussi s’agir de « mauvaises herbes » ou adventices qui, en se développant, empêchent la bonne croissance des plantes. Tous ces organismes nuisibles compromettent donc les rendements des cultures agricoles et, ce faisant, l’approvisionnement de la population en produits alimentaires. Les textes de l’Union européenne qui encadrent les pesticides insistent d’ailleurs largement sur cet aspect, rappelant que « la protection des végétaux contre ces organismes [nuisibles] est absolument requise, non seulement pour éviter une diminution du rendement, mais aussi pour accroître la productivité de l’agriculture » . Selon ces textes, les pesticides constituent l’ « un des moyens les plus importants » permettant d’assurer la protection des végétaux. L’Europe est effectivement l’un des continents qui consomment le plus de pesticides au niveau mondial, et même le premier en 2011 si l’on dissocie Amérique du Nord et Amérique du Sud. Quant à la France, elle se classait, cette même année, comme le premier consommateur européen de ces produits. Ce dernier constat n’est toutefois pas si étonnant puisque la France est aussi l’Etat membre qui compte la plus grande surface agricole utile au niveau de l’Union européenne. Si le rôle des pesticides vient d’être rappelé, il reste à préciser ce que sont ces produits.

De puissants produits chimiques. Les pesticides sont, pour la plupart, de puissants produits chimiques de synthèse conçus pour détruire, ou pour le moins affecter, les organismes nuisibles aux cultures. Etymologiquement, « pesticide » signifie « qui tue la peste », c’est-à-dire les parasites. Juridiquement, ce terme englobe aussi d’autres produits que ceux strictement destinés à protéger la santé des végétaux. Ces derniers sont en réalité qualifiés de « produits phytopharmaceutiques » par le règlement n° 1107/2009 qui les encadre au niveau de l’Union européenne. Pour l’Union européenne, le mot « pesticide » désigne ainsi, non seulement les produits phytopharmaceutiques, destinés à protéger la santé des végétaux, mais aussi les produits biocides. Par commodité, le mot « pesticide » sera toutefois employé dans la suite des développements pour désigner un produit phytopharmaceutique, sauf indication expresse contraire.

Table des matières

INTRODUCTION
Première partie : L’encadrement limité du marché des produits phytopharmaceutiques
Titre I. L’impossible maîtrise du risque phytopharmaceutique
Chapitre I. Les incertitudes inhérentes à l’évaluation toxicologique
Chapitre II. Les limites intrinsèques de l’indépendance de l’expertise
Chapitre III. Le principe de précaution contraint par le principe de proportionnalité
Titre II. L’utilité phytopharmaceutique entravée par la recherche d’efficacité
Chapitre I. Le faible contrepoids des autres facteurs légitimes à l’efficacité
phytopharmaceutique
Chapitre II. Les obstacles à l’autorisation des produits et pratiques utiles
Seconde partie : L’encadrement encore limitant des pratiques agricoles
Titre I. Le manque d’ambition des règles d’usages phytopharmaceutiques
Chapitre I. Des règles centrées sur la prévention des risques
Chapitre II. Une ouverture difficile vers le changement de pratiques
Titre II. Le rôle modéré du marché dans l’orientation des pratiques agricoles
Chapitre I. Le manque d’information sur la qualité environnementale des produits agricoles
Chapitre II. Le manque d’adhésion aux certifications de production
Titre III. La politique agricole commune enlisée dans son objectif productiviste fondateur
Chapitre I. Des aides directes toujours dédiées à l’agriculture conventionnelle
Chapitre II. Un développement rural décevant
Chapitre III. Un affichage environnemental trompeur
CONCLUSION

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