DESCRIPTION DE LA DYNAMIQUE DES ACCUMULATIONS DANS LE SECTEUR ÎLE DE BATZ

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Les forêts de laminaires : biotope, fonctionnement, production et exportation

Les forêts de laminaires : définition et distribution

Les laminaires, encore appelées « kelp », sont des macroalgues brunes ou Phaeophyceae de l’ordre des Laminariales au sens strict (Bolton, 2010). Elles dominent les écosystèmes rocheux côtiers des milieux tempérés et arctiques (Steneck et al., 2002) ; elles sont également présentes au niveau de certaines remontées d’eaux profondes froides (upwellings) en milieux tropical ou subtropical (Figure 4, Wernberg et al., 2019). Les laminaires se retrouvent depuis la frange infralittorale jusqu’à une centaine de mètres de profondeur lorsque la faible turbidité et les conditions locales de lumière le permettent (Steneck et al., 2002). Actuellement, 112 espèces de laminaires ont été décrites appartenant à 33 genres différents (Bolton, 2010).
Malgré une diversité spécifique importante, certaines caractéristiques sont communes aux Laminariales : durée de vie généralement longue (~3-15 ans), taille importante (~1-45 m), croissance rapide, productivité forte (~1000 gC.m2.an-1). Ces caractéristiques mènent à la formation d’importantes structures tridimensionnelles qui affectent leur environnement physique et génèrent un nombre important d’habitats soutenant une biodiversité particulièrement élevée (Steneck et al., 2012). D’où le nom de ‘forêts de laminaires’ ou ‘kelp forests’ donné à ces denses populations algales, qui présentent une canopée (strate supérieure), une sous strate plus ou moins haute et dressée et un environnement particulier au niveau de leurs crampons (Christie et al. 2003, Leclerc et al. 2015, 2016).

Morphologies des différentes espèces

Le thalle des laminaires consiste en une ou plusieurs lames aplaties ou frondes reliées à l’équivalent structurel d’un tronc plus ou moins rigide ou stipe. Ce dernier est fixé au substrat rocheux par l’intermédiaire d’un crampon pouvant être composé de ramifications ou haptères (Figure 5). Les laminaires possèdent néanmoins une très grande diversité morphologique intra-et intergénérique (Figure 6, Steneck et al., 2002).
Trois groupes morphologiques fonctionnels ont été définis suivant la structure de leur canopée (Dayton, 1985). Premièrement, les laminaires à canopée flottante, les plus grandes, sont caractérisées par un stipe flexible et une fronde présentant des structures remplies de gaz ou pneumatocystes. Elles sont représentées par Macrocystis spp. (Linnaeus, C. Agardh, 1820) pouvant atteindre plus de 45 m de hauteur (Abbott & Hollenberg 1976), et trois autres espèces pouvant atteindre jusqu’à 10 m de hauteur, Nereocystis luetkeana (Postels & Ruprecht, 1840), Ecklonia maxima (Papenfuss, 1940) et Eualaria fistulosa (Wynne, 2009). Deuxièmement, les laminaires dressées sont caractérisées par un stipe rigide. Elles sont représentées par plusieurs espèces des genres Laminaria (Lamouroux, 1813), Ecklonia (Hornemann, 1828), Lessonia (Bory de Saint-Vincent, 1825), Pterygophora (Ruprecht, 1852), Eisenia (Areschoug, 1876), Pleurophycus (Setchell & Saunders, 1900) et Thalassiophyllum (Postels & Ruprecht, 1840) (Steneck et al., 2002). Enfin, les laminaires prostrées sont plus petites et caractérisées par une fronde qui recouvre le substrat. Elles sont représentées par différentes espèces des genres Laminaria et Saccharina (Stackhouse, 1809) (Steneck et al., 2002).
En France et au niveau de la façade Atlantique Nord-Est, les forêts de laminaires regroupent six espèces possédant des caractéristiques biologiques particulières : Laminaria hyperborea (Foslie, 1884), Laminaria digitata (Lamouroux, 1813), Laminaria ochroleuca (Bachelot de la Pylaie, 1824), Saccharina latissima (Lane, Mayes, Druehl & Saunders, 2006), Alaria esculenta (Greville, 1830), Undaria pinnatifida (Suringar, 1873). Laminaria digitata est l’espèce dominante des écosystèmes rocheux infralittoraux supérieurs et Laminaria hyperborea domine les écosystèmes rocheux subtidaux jusqu’à 30 m de profondeur.

Phénologie des laminaires et influence des paramètres environnementaux

Cycle de vie, dispersion et recrutement

Plusieurs espèces sont annuelles, mais la plupart sont pérennes. La durée de vie varie entre espèces mais aussi au sein d’une même espèce suivant les conditions environnementales. La durée de vie de la laminaire dominante en Atlantique Nord-Est, Laminaria hyperborea, estimée par le décompte des anneaux de croissance à la base du stipe, peut varier en moyenne de 6 à 11 ans en Norvège (Rinde & Sjötun, 2005) mais des individus de 18 ans ont été observés au Royaume-Uni (Kain, 1979). Les laminaires pluriannuelles possèdent un cycle de vie hétéromorphe diplo-haplophasique, avec alternance d’une forme gamétophyte microscopique haploïde et d’une forme sporophyte macroscopique diploïde qui constitue les forêts (Figure 7). La reproduction débute lorsque les individus sont matures (de 2 à 5 années pour L. hyperborea) par la formation de tissus reproducteurs au cours de la sporogénèse sur des frondes spécialisées dans la reproduction, ou au niveau de sores retrouvés sur la fronde du sporophyte (e.g. taches sombres sur les fondes de L. hyperborea). Les sores sont porteurs de sporocystes, petits sacs renfermant chacun 32 à 64 spores. Lorsque les sporocystes s’ouvrent, ils libèrent dans le milieu des spores haploïdes munis de deux flagelles, ou zoospores, qui se dispersent pendant plusieurs heures jusqu’à rejoindre le fond où elles se fixent. Après fixation et germination le spore donne lieu à un organisme de petite taille, mâle ou femelle, appelé gamétophyte. Les gamétophytes produisent des gamètes qui, dans le cas du gamétophyte mâle sont mobiles et vont fertiliser le gamète femelle immobile porté par gamétophyte femelle. Après fécondation, l’œuf qui en résulte, appelé oogone, va donner lieu à un zygote qui après libération, va dériver avant de recruter, germer et se développer pour former, après divisions cellulaires et croissance, un sporophyte macroscopique juvénile. La reproduction des laminaires est généralement très dépendante des conditions environnementales telles que la photopériode, la composition spectrale et l’irradiance, la concentration en nutriments, la température et l’hydrodynamisme (e.g. Bartsch et al. 2008, 2013, de Bettignies et al., 2018).
Figure 7 : Cycle de vie des laminaires du genre Laminaria, exemple de Laminaria hyperborea (Leclerc, 2013)
La dispersion des laminaires se fait à partir du déplacement des zoospores, mobiles grâce à leurs flagelles et leur flottabilité, libérées en très forte abondance par les sporophytes. Le déplacement des zoospores est relativement faible et la capacité de dispersion est ainsi limitée et dépendante de l’hydrodynamisme local. Le recrutement des gamétophytes varie d’une centaine de mètres (e.g. L. hyperborea, Fredriksen et al., 1995) à plusieurs kilomètres pour certaines espèces (e.g. Macrocystis pyrifera, Agardh, 1820 ; Gaylord et al., 2002). Après fécondation, le sporophyte microscopique va croître suivant les conditions de lumière (Reed & Foster, 1984). Le développement des sporophytes en individus adultes matures, capables de reproduction, peut varier de plusieurs mois à plusieurs années (i.e. entre 15 mois et 5 ans pour L. hyperborea ; Kain & Jones, 1975).

Croissance, production et exportation

La croissance des laminaires est marquée par une dynamique saisonnière. Celle-ci est généralement forte à la fin de l’hiver et au printemps et plus faible en l’été et automne (Lüning, 1979 ; Reed et al., 2008 ; de Bettignies et al., 2013). La croissance correspond à une élongation du stipe et de la fronde et parfois à l’augmentation du nombre d’haptères au niveau du crampon. Celle-ci a lieu au niveau des tissus de la zone méristématique. La localisation de ces tissus diffère suivant les familles de laminaires. Pour la famille des Laminariaceae à laquelle appartient l’espèce étudiée (L. hyperborea), la zone méristématique correspond à la jonction entre le stipe et la fronde. Les laminaires sont considérées comme l’un des producteurs primaires les plus performants sur Terre. La production nette des forêts de laminaires varie de 30 à 2500 gC.m-2.an-1 (Krumhansl & Scheibling, 2012), ce qui correspond en ordre de grandeur, pour les laminaires les plus performantes, à la production des forêts primaires tropicales (≈ 2200 gC.m-2.an-1) ou des zones humides (≈ 2000 gC.m-2.an-1) (Mann, 1973 ; Cebrian, 1999).
Krumhansl & Scheibling (2012) estiment qu’environ 82 % de la production annuelle des laminaires est érodée ou exportée comme détritus dans l’environnement. Le taux de production de détritus est dépendant de la saison et des conditions hydrodynamiques (courant et vagues) et peut être amplifié avec les dommages causés par les herbivores ou par l’épifaune sessile (de Bettignies et al., 2012). Une fois arrachés, les fragments de laminaires peuvent résider un certain temps au sein de la forêt (e.g. Filbee-Dexter et al., 2018) ou être exportés dans des environnements adjacents (e.g. Wernberg et al., 2006) où ils pourront être piégés suivant la topographie et s’accumuler. Les détritus des laminaires peuvent se retrouver dans une grande variété d’habitats telle que les plages sableuses, les estrans rocheux, les milieux subtidaux et les environnements profonds (Vetter, 1994 ; Bustamante et al., 1995 ; Wernberg et al., 2006 ; Kelly et al., 2012) où ils vont fortement influencer la structure et la dynamique des communautés locales.
Paramètres environnementaux structurants : lumière, température, profondeur, hydrodynamismes
Le développement et la croissance des laminaires dépendent de différents paramètres environnementaux : lumière, température, hydrodynamisme et disponibilité en nutriments (Steneck et al., 2002). La limite inférieure de la répartition des laminaires est principalement dépendante de la disponibilité en lumière. La lumière est un paramètre essentiel au développement des laminaires. L’intensité lumineuse est dépendante de la profondeur, la production du phytoplancton, la turbidité ainsi que de la densité de la canopée qui influence le recrutement des jeunes sporophytes (Kain & Jones, 1971 ; Dayton, 1985). La disponibilité en nutriments est également un paramètre important pour la croissance et la productivité des laminaires (Dayton, 1985 ; Johnson et al., 2011). Cependant certaines espèces peuvent stocker les nutriments pendant les périodes de forte concentration pour les remobiliser lors des périodes de faible concentration (Gevaert et al., 2008). Enfin, la plupart des espèces de laminaires requiert un hydrodynamisme important pour leur bon développement. Les turbulences de la masse d’eau sont en effet nécessaires pour rompre la couche limite de diffusion afin de permettre un bon échange des nutriments dissous et l’élimination des déchets métaboliques (Noisette & Hurd, 2018). Cependant, un hydrodynamisme trop important peut entrainer des dommages voire l’arrachage des plants (de Bettignies et al., 2012).

Des espèces fondatrices qui soutiennent une grande diversité

Les laminaires peuvent être considérées comme des espèces fondatrices (Jones et al., 1994 ; Bruno & Bertness, 2001) qui modifient profondément leur environnement en fournissant par leur structure tridimensionnelle un substrat et une zone de refuge pour de nombreuses espèces de macrofaune et macroflore, incluant algues, invertébrés, poissons ou mammifères. Les forêts de laminaires sont ainsi des ‘hotspots’ de biodiversité en milieu côtier. En effet, les différentes strates (canopée, stipe et crampon) forment un grand nombre de microhabitats qui apportent des conditions particulières et soutiennent des communautés diversifiées. Les crampons abritent la plus grande diversité par les nombreux microhabitats produits au sein de sa structure. Les stipes et les épiphytes fixés sur leur surface abritent également une communauté diversifiée et abondante dont la composition varie saisonnièrement suivant la dynamique des algues épiphytes. La canopée supporte une diversité et une abondance plus faible et est composée d’espèces inféodées à cet habitat (e.g. Patella pellicida et Membranipora manbranacea sur les frondes de L. hyperborea).
Les forêts de laminaires abritent de nombreuses espèces d’intérêt commercial (e.g. ormeaux, langoustes, poissons). Elles jouent un rôle particulièrement important pour les poissons par leur fonction de nourricerie pour des juvéniles et d’alimentation (Steneck et al., 2002). Une partie de la biomasse des laminaires est directement consommée par les invertébrés et poissons herbivores. Cependant, à l’exception de l’importante pression de broutage exercée par des oursins (Filbee-Dexter & Scheibling, 2014) ou par des poissons tropicaux (Vergés et al., 2016), la consommation par les herbivores est généralement faible (Krumhansl & Scheibling, 2012). Ainsi, la majorité de la biomasse produite rentre dans la voie des détritus. Les détritus peuvent être consommés localement (Norderhaug et al., 2003) ou être transportés dans les écosystèmes adjacents (Tallis, 2009) ou plus distants (Vanderklift et Wernberg, 2008). De plus, la matière organique dissoute issue des laminaires peut contribuer significativement au régime alimentaire des déposivores et filtreurs au sein des forêts à certaines périodes de l’année (Leclerc et al., 2013).

Services écosystémiques

Depuis plus de 10 000 ans, les sociétés humaines ont exploité les ressources apportées par les forêts de laminaires (Volman, 1978 ; Balasse et al., 2005). Celles-ci ont également joué un rôle sur la biogéographie des populations humaines, par exemple en facilitant la colonisation et l’installation des communautés d’Amérique du Nord il y a 16 000 ans le long de la côte Pacifique (‘kelp highway’ ; Erlandson et al., 2007). Les laminaires apportent également un grand nombre de services écosystémiques : sociaux, économiques et écologiques (Smale et al., 2013 ; Vasquez et al., 2014 ; Bennett et al., 2016). Ceux-ci incluent l’exploitation directe de ces écosystèmes comme la récolte et la culture des algues, les pêcheries locales et le tourisme, ainsi qu’un ensemble de services indirects. Les forêts de laminaires contribuent à la séquestration du carbone, la protection côtière par la diminution de l’hydrodynamisme, l’épuration des eaux eutrophisées ou encore sont une grande source de connaissances scientifiques et culturelles. Même s’il est fastidieux de chiffrer la valeur économique de ces services écosystémiques, il a été estimé qu’ils pourraient représenter 500,000 à 1,000,000 $US par kilomètre de côte et par an, valeur vraisemblablement sous-estimée (Vasquez et al., 2003 ; Bennett et al., 2016 ; Blamey & Bolton, 2017).

Des écosystèmes menacés

Les forêts de laminaires subissent les conséquences de l’activité anthropique du XXième siècle et la pression exercée sur ces écosystèmes s’est amplifiée ces vingt dernières années (Steneck et al. 2002, Krumhansl et al. 2016, Wernberg et al. 2019). Les impacts sur les forêts de laminaires n’ont pas le même ordre de grandeur suivant la zone géographique et les stress auxquels elles sont soumises (Figure 8 ; Krumhansl et al., 2016 ; Wernberg et al., 2019).
Figure 8 : Réchauffement moyen (par décennie) des eaux côtières aux cours des 10 dernières années et exemples de réponses des populations de laminaires (Smale et al., 2019)
Parmi les pressions exercées, citons le réchauffement climatique, les vagues de chaleurs (‘heatwaves’), l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes, les changements des réseaux trophiques associés, les pêcheries, l’eutrophication ou encore les pollutions diverses (Wernberg et al., 2019).
Les laminaires se développent dans les eaux froides et tempérées (Steneck et al., 2002). Une augmentation de la température affecte la distribution, la structure, la productivité et la résilience des forêts (Figure 8 ; Dayton et al., 1992 ; Harley et al., 2012 ; Smale et al., 2013). Comme conséquence, une contraction de l’aire de répartition vers les pôles est observable pour certaines espèces telles que Laminaria digitata et L. hyperborea (Muller et al., 2009 ; Raybaud et al., 2013). Certaines espèces, plus tolérante, peuvent augmenter leur abondance et aire de répartition, recoupant parfois l’aire de répartition d’espèces indigènes fonctionnellement proches. C’est le cas de L. ochroleuca dont l’abondance augmente en Europe et peut, sous certaines conditions environnementales, remplacer les populations de L. hyperborea (Smale et al., 2016 ; Franco et al., 2018). Le changement d’abondance relative des deux espèces peut avoir des conséquences importantes sur le fonctionnement des écosystèmes puisqu’elles ne possèdent par les mêmes caractéristiques de productivité, croissance et formation de microhabitats, bien qu’elles soient morphologiquement proches (Smale et al., 2016 ; Pessarrodona et al., 2018). En Arctique, la perte en surface de glace de mer a induit un changement des communautés ainsi qu’une augmentation de la croissance des laminaires et une expansion de leur aire de répartition vers le Nord (Muller et al., 2009 ; Filbee-Dexter et al., 2019)
Au réchauffement climatique peut se surajouter l’effet des vagues de chaleur ou ‘heatwaves’. Celles-ci correspondent à une augmentation brutale et brève de la température. Bien qu’étant un phénomène temporaire, l’effet cumulé du réchauffement et des ‘heatwaves’ peut mener à un changement brutal de la structure des écosystèmes (Olivier et al., 2018 ; Holbrook et al., 2019). Par exemple, sur la côte ouest de l’Australie, l’effet de ces deux phénomènes a provoqué un changement brutal d’un écosystème dominé par les laminaires à un écosystème dominé par des algues filamenteuses (ou ‘turf’) et à une tropicalisation des communautés sur plusieurs centaines de kilomètres (Figure 9 ; Wernberg et al., 2016).
Les changements climatiques ont également comme conséquence l’augmentation de la fréquence et de l’amplitude des tempêtes. Le fort hydrodynamisme entrainé par les tempête peut accentuer la fréquence et l’importance des arrachages et déchirures des laminaires (Filbee-Dexter & Scheibling, 2012 ; de Bettignies et al., 2013). Les tempêtes peuvent aussi amplifier les dommages causés par les herbivores qui affectent la structure des frondes (Krumhansl & Scheibling, 2011 ; de Bettignies et al., 2013). L’acidification des océans peut également influencer leur croissance et leur recrutement (Leal et al., 2017), menant parfois à un effet positif sur la production (Swanson & Fox, 2007). Cependant les effets de l’acidification cumulés à d’autres changements sont encore difficiles à mesurer.
Figure 9 : Exemple de l’effet cumulé du réchauffement climatique et des ‘heatwaves’ sur les communautés des écosystèmes rocheux subtidaux sur la côte sud-est australienne (crédit infographie Aworoo, Wernberg et al., 2016)
Les activités de pêche peuvent aussi influencer la dynamique et la structure des réseaux trophiques au sein des forêts de laminaires. Dans le monde, l’activité de récolte des laminaires a connu une augmentation ces dernières décennies. L’impact de celle-ci est dépendant des méthodes de prélèvement ainsi que de son intensité. Dans certaines régions, la récolte peut mener à une diminution des populations (Vásquez, 2009), mais les mesures de régulation de l’activité (quotas, période de jachère) diminuent son impact (Laurans, communication personnelle). La pêcherie des prédateurs supérieurs a quant à elle un impact important et facilement observable sur la dynamique des forêts de laminaires. La diminution de l’abondance de prédateurs d’herbivores peut mener à des cascades trophiques affectant parfois durablement les populations de laminaires. Par exemple, la diminution en abondance de certains prédateurs des oursins dans plusieurs régions (e.g. langouste des roches en Tasmanie) a entraîné une augmentation de l’abondance des populations d’oursins et de leurs pressions de broutage. Cette cascade trophique a pu mener dans certains cas à une disparition des populations de laminaires et à une mise à nu du substrat aussi appelé ‘barren grounds’ (Figure 10 ; Ling et al., 2015).
Figure 10 : Remplacement des forêts de laminaires par trois écosystèmes alternatifs : ‘urchin barrens’, récifs de ‘turf’, récifs dominés par d’autres macroalgues. En rouge sont représentées les activités anthropiques ou les conséquences des changements climatiques. Les (+) représentent les drivers menant à un déclin des laminaires et les (-) représentent les drivers menant à une augmentation des laminaires. Les flèches renseignent sur les mécanismes qui mènent à une perte ou un gain de laminaires (Wernberg et al., 2019).

Les forêts à Laminaria hyperborea

Présentation de Laminaria hyperborea

Laminaria hyperborea est une espèce de la famille des Laminariaceae distribuée sur les côtes Atlantique nord-est depuis le Portugal jusqu’au nord de la Norvège et aux côtes islandaises (Figure 11). Elle domine les écosystèmes rocheux depuis la frange infralittorale jusqu’à une trentaine de mètre suivant l’intensité lumineuse (Kain & Jones, 1971).
Figure 11 : Carte de ditribution de L. hyperborea. Les données d’occurrence géoréférencées (points noirs) proviennent des programmes Global Biodiversity Information Facility (GBIF, 2019) et Ocean Biogeographic Information System (OBIS, 2019) (source : rapport de la convention OSPAR 2020)
L’espérance de vie de L. hyperborea varie selon les conditions environnementales et la latitude entre 10 et 18 ans (Kain & Jones, 1963 ; Sjötun et al., 1993 ; Rinde & Sjötun, 2005). La croissance des individus adultes a lieu principalement en hiver et au printemps et s’arrête en juillet (Lüning, 1979). Elle est marquée par l’apparition d’une nouvelle fronde au niveau de la zone méristématique au début du printemps. Une fois la croissance bien initiée,entre avril et main, la fronde de l’année précédente se décroche (Figure 12 ; Lüning et al., 1973). Le stipe rugueux croît en épaisseur et il est possible de dater un individu en dénombrant les stries de croissance. Le crampon se complexifie par la production annuelle de nouveaux haptères. La première reproduction varie entre 15 mois et 5 ans. Les tissus reproducteurs sont observables, entre septembre et avril, sur la surface des frondes par des plaques brunâtres contenant les spores (Bartsch et al., 2008).

Table des matières

CHAPITRE I: INTRODUCTION GENERALE 
I.1. Fonctionnement et dynamique des milieux côtiers
I.2. Rôle des détritus au sein des écosystèmes côtiers
a. Définition générale des détritus
b. Transport des détritus et connectivité entre les milieux côtiers
c. Production des détritus issus des macroalgues en milieu côtier
d. Rôles écologiques des détritus
e. Effet des pulses de matière organique allochtone sur les écosystèmes receveurs
I.3. Les forêts de laminaires : biotope, fonctionnement, production et exportation
a. Les forêts de laminaires : définition et distribution
b. Morphologies des différentes espèces
c. Phénologie des laminaires et influence des paramètres environnementaux
d. Des espèces fondatrices qui soutiennent une grande diversité
e. Services écosystémiques
f. Des écosystèmes menacés
I.4. Les forêts à Laminaria hyperborea
a. Présentation de Laminaria hyperborea
b. Biodiversité et réseaux trophiques
c. Production et exportation
d. Le genre Laminaria : une ressource localement exploitée
I.5. Dégradation des laminaires
I.6. Problématiques et objectifs de l’étude
I.7 Présentation de l’organisation du manuscrit
CHAPITRE II: SITES D’ETUDES & MATERIEL ET METHODES 
II.1. Présentation du secteur : Baie de Morlaix–Ile de Batz
a. Aires d’études
b. Paramètres physiques
c. Importance des forêts de laminaires dans le secteur
II.2. Prospections & suivis dans les zones subtidale et intertidale
a. Suivi intertidal par photographies sur points fixes
b. Prospection de zones subtidales d’accumulation de fragments de laminaires
c. Suivi subtidal par transects fixes
II.3. Expérimentations sur la dynamique des accumulations
a. Dynamique de dégradation par expérimentations in-situ
b. Evolution de la communauté de macrofaune et organisation du réseau trophique
c. Rôle trophique des laminaires : expérimentation in situ de marquage par enrichissement en isotopes stables (13C et 15N).
d. Maintien de la fonction de production : expérimentation en aquarium
II.4. Description des mesures de production et respiration par incubation
CHAPITRE III: DESCRIPTION DE LA DYNAMIQUE DES ACCUMULATIONS DANS LE SECTEUR ÎLE DE BATZ – BAIE DE MORLAIX 
III.1. Suivi intertidal
a. Description des zones d’accumulation
b. Variabilité spatiale
c. Variabilité temporelle
III.2. Suivi subtidal
a. Description des zones d’accumulation et variabilité spatiale
b. Variabilité temporelle au niveau du site de Kivilc’hi
III.3. Mise en relation de ces deux suivis 65
CHAPITRE IV: DYNAMIQUE DE DEGRADATION DES LAMINAIRES 
IV.1. Dynamique de dégradation des accumulations
Article 1: de Bettignies F, Dauby P, Thomas F, Gobet A, Delage L, Bohner O, Loisel S, Davoult D (In Revision) Degradation dynamics and processes within kelp fragments accumulations: an in situ experimental approach. Journal of Phycology
IV.2. Maintien des fonctions productrices et reproductrices au cours de la dégradation
Article 2: Frontier N†, de Bettignies F†, Foggo A, Dauby P, Davoult D (In. Prep.) Sustained productivity and respiration of degrading kelp detritus in the shallow benthos: detached or broken, but not dead. Functional Ecology
CHAPITRE V: FONCTIONNEMENT DES COMMUNAUTES ASSOCIEES AUX ACCUMULATIONS DE LAMINAIRES 
V.1. Dynamique des communautés colonisant les accumulations & description du réseau trophique associé
Article 3: de Bettignies F, Dauby P, Lepoint G, Riera P, Bocher E, Bonher O, Broudin C, Houbin C, Leroux C, Loisel S, Davoult D (In. Prep.) Temporal succession of macrofaunal community associated with kelp fragment accumulations in an in situ experiment. Marine Ecology Progress Series, special ITRS edition
V.2. Confirmation de l’utilisation des débris de laminaires comme sources au sein du réseau trophique : application des isotopes enrichis
Article 4: de Bettignies F, Riera P, Dauby P, Bonher O, Leroux C, Davoult D (In. Prep.) Laminaria hyperborea as a food source within food-web associated with kelp detritus accumulations: an in situ and dual stable isotope (13C, 15N) labelling experiment. Marine Environmental Research
CHAPITRE VI: DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES 
VI.1. Fonctionnement et rôle des accumulations de laminaires.
a. Les accumulations de Laminaria hyperborea : un phénomène dynamique
b. Dynamique de dégradation
c. Communauté associée et rôle trophique de L. hyperborea
d. Comparaison avec d’autres systèmes (détritus de phanérogames, laisses de mers) : similitudes et différences des taxons les plus représentés
VI.2. Un rôle plus vaste dans la dynamique des écosystèmes côtiers
a. Rôle des et fonctionnement du biofilm bactérien et de la méiofaune
b. Influence des accumulations sur les espèces sous-jacentes
c. La récolte de L. hyperborea par les goémoniers : un vecteur probable d’exportation des détritus de laminaires
d. Changements climatiques et influence sur l’ensemble de la dynamique
VI.3. Perspectives et conclusion
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
ANNEXE : LISTE DES ESPECES DE MACROFAUNE IDENTIFIEES
VALORISATIONS SCIENTIFIQUES
Publications
Communications orales
Conférences internationales
Congrès nationaux
Congrès internes à la Station Biologique de Roscoff
PROJETS DE RECHERCHE ANNEXES
Collaboration interne à la station
Collaboration nationale
Collaborations internationales
SUPERVISIONS ET ENSEIGNEMENTS
Supervision d’étudiants
Enseignements
Sensibilisation grand public
RESUME & ABSTACT

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