Développement d’un schéma de calcul neutronique pour la modélisation du pilotage des SMR sans bore soluble

Méthodes numériques

TDT-MOC : La méthode des caractéristiques (MOC) permet une résolution itérative de l’équation du transport multigroupes discrétisée angulairement. La résolution s’effectue le long de trajectoires rectilignes, parallèles aux directions discrètes choisies pour suivre la propagation des neutrons (cela permet de ramener l’équation du transport à une équation différentielle ordinaire, ce qui est le principe de la méthode des caractéristiques). Les trajectoires sont générées par une procédure de tracking et traversent le domaine de calcul discrétisé en régions homogènes . Pour les géométries fermées (réseaux infinis sans fuites spatiales avec des conditions de réflexion spéculaire ou de translation), les caractéristiques peuvent être construites de façon cyclique de sorte que les trajectoires se referment sur elles-mêmes, limitant ainsi leur longueur et le nombre de calculs à réaliser.
TDT-CPM : Le solveur TDT contient aussi un module TDT-CPM permettant la résolution de l’équation du transport par la méthode des probabilités de collisions 𝑃𝑖𝑗, dans laquelle la loi de choc est supposée isotrope. En pratique, cette méthode est couteuse lorsque le nombre de mailles devient élevé et ne permet pas de raffiner le maillage des cellules. Son utilisation est souvent limitée aux calculs d’autoprotection dans les calculs en réseau infini.
MINOS-Diffusion : Le solveur MINOS permet de résoudre une formulation variationnelle de l’équation de la diffusion par une méthode d’éléments finis mixte de Raviart-Thomas (rectangulaire) sur une géométrie cartésienne ou hexagonale (hexagones décrits pas des quadrilatères : 4 trapèzes ou 3 losanges). MINOS peut traiter de multiples conditions aux limites : flux nul, vide, albedo, translation, réflexion, etc. Le solveur MINOS est très rapide, ce qui en fait un bon candidat pour les schémas de calculs de conception.
Le solveur MINOS peut aussi résoudre les équations 𝑃𝑁 simplifiées (𝑆𝑃𝑁) qui sont inspirées des équations 𝑃𝑁 en 1D et de l’approximation 𝑃1 dans le cas général. Les méthodes 𝑆𝑃𝑁 ne convergent pas vers une solution exacte de l’équation du transport quand 𝑁 tend vers l’infini (contrairement aux équations 𝑃𝑁). En pratique, l’approximation 𝑆𝑃3, la plus couramment utilisée, permet un meilleur traitement angulaire que l’approximation de la diffusion.
MENDEL : Le solveur MENDEL résout numériquement l’équation de Bateman sous flux neutronique à l’aide d’une méthode d’intégration de Runge-Kutta d’ordre 4. Plusieurs schémas d’évolution sont disponibles selon l’ordre d’interpolation des taux de réactions.
Dans le schéma d’ordre 0, les taux de réactions condensés à un groupe d’énergie sont considérés constants sur chaque pas d’intégration. En pratique, il faut vérifier que les pas de temps utilisés sont suffisamment faibles pour considérer les variations de sections efficaces (autoprotection) et de flux négligeables. Cela peut conduire à l’utilisation de pas de temps courts et donc à de nombreux calculs de flux, ce qui peut s’avérer pénalisant au niveau du temps de calcul.
Dans le schéma d’évolution prédicteur-correcteur d’ordre 1, une forme linéaire des taux de réactions entre les pas n et n+1 est calculée à partir d’une extrapolation basée sur les pas n et n-1. Les concentrations au pas n sont calculées à partir de cette forme des taux de réactions. Cela permet de réaliser un nouveau calcul des flux et des taux de réactions. Ce schéma est répété en réalisant un test de convergence sur les concentrations.
Le schéma d’évolution prédicteur-correcteur d’ordre 2 est similaire au schéma d’ordre 2 à la différence qu’il utilise une extrapolation parabolique des taux de réactions en considérant les pas n, n-1 et n-2.

Description du fonctionnement d’un réacteur à eau pressurisée

Description générale : Un réacteur nucléaire est un système permettant l’établissement et le contrôle de réactions de fission nucléaire en chaîne au sein d’un cœur. On distingue les réacteurs expérimentaux de faible puissance, destinés à la recherche en sûreté ou à l’étude de matériaux et les réacteurs industriels de forte puissance. Un réacteur industriel est une machine thermique dans laquelle la puissance produite par les fissions est évacuée hors du cœur sous la forme d’un débit enthalpique et généralement convertie en puissance électrique par la mise en mouvement d’un groupe turbo-alternateur. Dans un REP, c’est de l’eau sous pression qui assure la fonction du caloporteur pour évacuer la puissance hors du cœur et la transmettre jusqu’à la turbine. Les noyaux fissiles possèdent une plus grande section efficace de fission dans le domaine thermique que dans le domaine rapide. Pour réaliser une fission thermique, il est nécessaire de ralentir les neutrons (modération) de fission ayant une énergie de l’ordre du MeV jusqu’à des énergies de l’ordre de la dizaine de meV. Dans un cœur REP, la thermalisation des neutrons est assurée par les noyaux 1H présents dans l’eau légère, qui assure donc à la fois le rôle de caloporteur et de modérateur. La capture neutronique des noyaux 1H nécessite d’enrichir le combustible en isotope 235U entre 3% et 5% ; l’enrichissement naturel de 0,72% étant trop faible pour assurer la criticité du cœur. Néanmoins, la contribution de 238U au bilan neutronique est importante d’une part à cause des fission rapides et d’autre part à cause des captures qui conduisent à la formation de plutonium .
Fin 2020, il y avait 302 REP en fonctionnement dans le monde (soit environ 68% du nombre total de réacteurs) dont 56 réacteurs en France métropolitaine. La capacité installée en France était de 61670 MW pour une production totale de 379,5 TWh.

Présentation d’un cœur de REP

Dans un REP, le combustible est présent sous forme de pastilles d’oxyde d’uranium (UO2) empilées et entourées d’une gaine en alliage de zirconium fermée à ses extrémités par deux bouchons soudés, le tout constituant le crayon combustible. La gaine et ses bouchons constituent la première barrière de confinement des radionucléides (actinides et produits de fission). Les crayons sont regroupés dans un assemblage combustible sous la forme d’un réseau carré. L’assemblage le plus couramment utilisé dans les REP français est un réseau 17×17 constitué de 264 crayons combustibles, 24 tubes-guides et 1 tube central d’instrumentation. La hauteur de l’assemblage varie selon le type de réacteur (supérieure à 4 m dans les réacteurs N4 français). Les crayons sont maintenus mécaniquement par les embouts supérieurs et inférieurs ainsi que par les grilles de mélange intermédiaires. Les assemblages combustibles sont posés sur la plaque support de cœur dans la partie inférieure de la cuve.
Le cœur est entouré d’une enveloppe de cœur et d’un réflecteur qui peut être composé majoritairement d’eau (réflecteur classique des réacteurs de 2ème génération) ou d’un réflecteur lourd composé essentiellement d’acier (type EPR) . Le rôle du réflecteur est de renvoyer les neutrons sortant des assemblages périphériques vers la partie active du cœur. Le réflecteur permet d’améliorer le facteur de multiplication du cœur et contribue donc à réduire la matière fissile nécessaire pour atteindre la criticité (on parle alors d’économie de réflecteur ). La présence du réflecteur a un impact sur la distribution radiale de puissance dans le cœur et limite la fluence perçue par la cuve.
Lorsque le combustible n’est plus suffisamment réactif pour maintenir la criticité du cœur, il est nécessaire d’arrêter le réacteur pour effectuer une opération de rechargement des assemblages. On désigne par cycle, ou campagne, la période de fonctionnement entre deux opérations de rechargement. La durée de cette période est appelée longueur de cycle. A chaque opération de rechargement, on décide de remplacer tout ou partie des assemblages. La quantité d’assemblages neufs rechargés détermine le fractionnement du cœur. Par exemple, un fractionnement de 3 consiste à remplacer uniquement 1/3 des assemblages du cœur (ceux ayant déjà effectués 3 cycles). Pour un combustible donné, plus le fractionnement du cœur est élevé, plus le burnup des assemblages déchargés augmente. A l’inverse, la longueur de cycle diminue avec le fractionnement et il faut donc recharger le cœur plus souvent. Il y a donc un travail d’optimisation de la gestion du combustible à l’échelle du parc à effectuer, en prenant en compte des limites de fonctionnement et de sûreté .

Définition d’un SMR

Le terme de Small Modular Reactor (SMR) est généralement associé à un réacteur dont la puissance électrique est comprise entre 10 et 300 MWe. La conception modulaire standardisée ainsi que la fabrication des composants et des systèmes en usine sont mis en avant comme des arguments de réduction de coûts et de temps de livraisons. Les modules sont prévus pour être transportés et assemblés sur le site d’exploitation puis reliés aux réseaux énergétiques.
Cette définition très générique regroupe presque tous les concepts de réacteurs connus : réacteur à eau sur terre. Cette catégorie comprend les réacteurs modérés à l’eau légère (REL) et modérés à l’eau lourde (de type CANDU). Il n’y a pas de spécificités sur la conception du circuit primaire (pressurisé à boucle, piscine, intégré). réacteur à eau en mer (flottant ou immergé). réacteur à haute température refroidi au gaz. réacteur à neutrons rapides refroidi par du métal liquide (sodium, plomb, plomb-bismuth) ou par gaz (hélium). réacteur à sels fondus.
Pour les réacteurs de très faible puissance électrique (inférieure à 10 MWe), on parle généralement de Micro Modular Reactor (MMR) indifféremment du concept retenu. Les réacteurs SMR peuvent être imaginés comme des unités de production seules ou faisant partie d’une ferme de production comportant plusieurs unités. D’autres sont conçus pour être facilement transportables d’un site à un autre. La production d’énergie peut être envisagée sous forme électrique, thermique, hydrogène ou comme une cogénération de plusieurs vecteurs. Bien que ces réacteurs s’appuient sur des concepts de cœur déjà connus, les usages et les usagers potentiels de SMR sont différents de ceux des réacteurs classiques de forte puissance. En effet, parmi les marchés de niches non compatibles avec des réacteurs de forte puissance, on identifie : le remplacement d’unités vieillissantes de production électrique à combustible fossile; le besoin de chaleur ou d’hydrogène pour des applications industrielles ; l’alimentation d’une zone ou d’une région isolée, non connectée à un réseau électrique capable de supporter une unité de production de forte puissance ; l’accès à l’énergie nucléaire à moindre coût d’investissement pour des pays n’ayant pas de compétences industrielles dans la filière nucléaire.
Il existe un certain nombre d’enjeux et d’attentes concernant les SMR qui sont souvent mis en avant comme des démarches de conception innovantes. La conception de SMR vise une approche simplifiée du design en ayant recours à des mécanismes passifs et à une intégration des systèmes dans l’enceinte de confinement. Par exemple, l’élimination des moyens de refroidissement actifs peut éviter la présence de systèmes auxiliaires redondants. L’approche modulaire et standardisée est présentée comme un facteur de simplification de la conduite et de la maintenance du réacteur. En revanche, du point de vue de la conception neutronique du cœur, il est difficile de mettre en évidence des critères de conception unilatéralement simplificateurs.

Introduction aux méthodes déterministe et stochastique

Il existe deux grandes catégories de méthodes pour la modélisation neutronique d’un cœur : les méthodes stochastiques et les méthodes déterministes.
Les méthodes stochastiques sont basées sur le caractère aléatoire des réactions neutrons-noyaux. La génération d’un très grand nombre de particules permet d’accumuler des statistiques de réactions dans les différentes zones pour ensuite reconstruire les grandeurs physiques macroscopiques sur le cœur entier. Il est très courant de rencontrer l’appellation Monte Carlo pour désigner ces méthodes, en référence à la génération de nombres aléatoires similaire à un lancer de dés. La précision et l’incertitude associées aux résultats obtenus dépendent directement du nombre d’histoires générées et donc du temps de calcul. Un grand avantage de ces méthodes est l’absence d’approximations nécessaires à la résolution numérique de l’équation du transport (utilisation de sections efficaces ponctuelles, absence de biais liés à la discrétisation spatiale et angulaire du flux neutronique). Ces méthodes permettent de modéliser un système neutronique avec une grande précision mais au prix d’un coût de calcul très élevé.
Les méthodes déterministes effectuent une résolution numérique de l’équation du transport ou de sa version simplifiée, l’équation de la diffusion. La résolution directe de l’équation du transport sur le cœur complet est trop couteuse et il faut donc utiliser des hypothèses qui permettent d’aboutir à des modèles simplifiés, mais qui introduisent des biais de modélisation. Il existe une grande diversité de méthodes numériques pour calculer le flux neutronique en fonction du problème à étudier et des capacités de calcul. Les solveurs numériques sont accompagnés d’une variété d’options qui permettent d’ajuster le compromis entre la précision attendue du résultat et le coût de calcul. L’enchaînement de différentes étapes de résolution numérique permet de mettre au point des schémas de calcul qui répondent à différentes exigences. Lors des études de conception d’un cœur, il est important de pouvoir effectuer des calculs rapides et peu coûteux afin de tester plusieurs dimensionnements en compétition. Un schéma de calcul dit « industriel », ou « de conception », privilégie des temps de calcul acceptables tout en limitant les biais de modélisation introduits sur les grandeurs d’importance. Les coûts de calcul abordables des méthodes déterministes permettent de modéliser des cycles complets de rechargement pour des réacteurs de grande taille avec la prise en compte des contre-réactions liées aux effets thermohydrauliques (température modérateur et combustible).

Table des matières

Chapitre I Introduction 
Chapitre II Eléments théoriques de neutronique et de physique des réacteurs 
II.1 Interactions des neutrons avec la matière 
II.1.1 Neutron
II.1.2 Réactions nucléaires
II.2 Introduction à la neutronique
II.2.1 Grandeurs d’intérêts
II.2.2 Equation du transport
II.2.3 De l’équation du transport à l’équation de la diffusion
II.2.4 Equation de Bateman
II.3 Méthodes numériques
Chapitre III Présentation technologique d’un SMR REP
III.1 Description du fonctionnement d’un réacteur à eau pressurisée
III.1.1 Description générale
III.1.2 Le circuit primaire
III.1.3 Le circuit secondaire
III.2 Présentation d’un cœur de REP
III.2.1 Contrôle de la réactivité
III.2.2 Définition d’un SMR
III.3 Présentation du benchmark d’étude
III.3.1 Niveau assemblage 2D
III.3.2 Niveau cluster 2D
III.3.3 Niveau cœur
III.4 Conclusion partielle
Chapitre IV Modélisation déterministe d’un SMR REP sans bore soluble 
IV.1 Introduction aux méthodes déterministe et stochastique
IV.2 Modélisations déterministes et schémas de calcul 
IV.2.1 Présentation générale d’un schéma de calcul de conception en deux étapes
IV.2.1 1ère étape : calcul de transport 2D en réseau infini
IV.2.2 Calcul d’équivalence réseau-cœur
IV.2.3 2ème étape : calcul de cœur 3D
IV.3 Phénoménologie des effets d’historique de spectre 
IV.4 Effets spectraux liés aux principaux paramètres de fonctionnement 
IV.4.1 Comparaison des effets spectraux introduits par un changement de paramètre
IV.4.2 Analyse locale des effets spectraux suite à l’insertion d’une grappe
IV.4.3 Quantification et décomposition des biais induits par l’historique d’insertion
IV.4.4 Bilan de l’étude
IV.5 Conclusion partielle
Chapitre V Développement d’une méthode de modélisation des effets d’historique d’insertion de grappes
V.1 Etude bibliographique des modélisations des effets d’historique de spectre
V.1.1 Indicateurs d’historique de spectre
V.1.2 Évolution microscopique
V.1.3 Méthodes hybrides
V.1.4 Schéma de calcul en une étape
V.1.5 Bilan
V.2 Méthode hybride retenue : COHLISEE
V.2.1 Présentation de la méthode
V.2.2 Présentation de l’implémentation avec le code APOLLO3®
V.2.3 Avantages et inconvénients
V.3 Conclusion partielle
Chapitre VI Vérification et Validation numérique de la méthode COHLISEE
VI.1 Présentation de la démarche de V&V 
VI.1.1 Vérification
VI.1.2 Validation
VI.2 Assemblage en réseau infini
VI.2.1 Vérification des évolutions macroscopique et microscopique
VI.2.2 Vérification de COHLISEE avec l’indicateur PU
VI.2.3 Validation de COHLISEE avec plusieurs indicateurs de spectre
VI.2.4 Validation avec des séquences d’insertion
VI.2.5 Bilan de la validation sur un assemblage seul
VI.3 Cluster 2×2 
VI.3.1 Vérification sans effets d’historique
VI.3.2 Validation avec des séquences d’insertion
VI.4 Evaluation de COHLISEE sur un calcul de cœur complet
VI.4.1 Longueur de cycle
VI.4.2 Cotes d’insertion des groupes de pilotage
VI.4.3 Réactivités
VI.4.4 Distributions de puissance
VI.4.5 Bilan matière et burnup
VI.4.6 Bilan de l’évaluation comparée sur un cœur complet
VI.5 Pistes d’améliorations de la méthode COHLISEE
VI.5.1 Points de paramétrages supplémentaires pour HG
VI.5.2 Choix de l’indicateur d’historique de spectre
VI.5.3 Calcul de flux en cœur
VI.5.4 Modèle de fuites
VI.6 Conclusion partielle
Chapitre VII Conclusions et perspectives
Bibliographie 
Annexe A Homogénéisation et condensation de sections efficaces multigroupes
Annexe B Les difficultés de l’évolution microscopique 
Annexe C Indicateurs de puissance en cœur 

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