Dialogue interreligieux et dialogue œcuménique

Dialogue interreligieux et dialogue œcuménique

L’engagement des religieux latins en faveur d’une amélioration des relations interreligieuses en Egypte se réalise de plusieurs manières, que nous avons abordées dans les chapitres précédents. Nous avons pu constater à plusieurs reprises que le mot de « dialogue » ressort dans les discours de ces religieux, mais aussi dans ceux de personnes extérieures aux congrégations. Il est nécessaire maintenant d’approfondir cette notion de dialogue, qui semble être lui aussi une des modalités choisies par les religieux pour travailler à la pacification des rapports entre chrétiens et musulmans. Cette conception du dialogue comme un outil pour apaiser des tensions peut se lire aussi à travers leurs tentatives de mettre en place un dialogue œcuménique.médiatisation, et cette publicité est notamment liée au souhait de l’Etat égyptien de montrer publiquement son engagement pour une amélioration des relations entre chrétiens et musulmans. L’engagement des religieux latins en faveur de ce dialogue relève cependant d’une autre motivation, qui est celle d’aider à la détente des relations interreligieuses par le biais d’une meilleure connaissance mutuelle.

Les conditions du dialogue

Le dialogue interreligieux entre islam et christianisme au sein duquel les religieux latins sont engagés est une tentative d’atténuer les tensions entre chrétiens et musulmans en Egypte. Dans cette perspective d’une amélioration de ces relations, il ne s’agit pas de chercher à abolir des différences admises et reconnues par tous, mais plutôt d’essayer de voir au-delà de ces différences ce qui peut être mis en commun, pour servir de base à une pacification des rapports interreligieux (Waardenburg, 1998 : 51). la Pureté), au sein de laquelle s’organisent des rencontres entre les dominicains et des intellectuels égyptiens. Ces rencontres se fondent sur l’idée novatrice que les membres sont avant tout des sujets croyants, sans distinction sur le plan de l’appartenance religieuse : « la rencontre se fait au niveau de l’homme-croyant et non de l’homme-confessionnel » (Saaïdia, 2004a : 385). Il s’agit donc d’une rencontre au niveau de la foi. Le but n’est pas d’échanger autour du dogme religieux, mais de l’expérience intime de la foi. Ils savent qu’il ne peut exister d’accord total entre le christianisme et l’islam, d’où cette préférence pour une rencontre qui permettrait de transcender la doctrine religieuse par l’intermédiaire d’une discussion autour de l’expérience religieuse. Ces rencontres induisent de ce fait à la fois un rejet du syncrétisme, mais aussi du prosélytisme.

Cette conception de la rencontre interreligieuse par le père Anawati est novatrice pour son époque pré-Vatican II. Les participants de ces rencontres ne se désignent plus comme musulman ou chrétien, mais seulement comme croyant. C’est la dimension proprement spirituelle qui les intéresse ici, et non le côté dogmatique de la religion. C’est aussi un moyen de connaître l’autre d’une manière différente, et d’offrir une possibilité de développer un plus grand espace de compréhension : l’islam que dans le christianisme, est aussi importante pour ces deux religions, c’est qu’elles considèrent qu’il ne peut être que bénéfique pour la société. En ce sens, le père réaffirme la qualité intrinsèquement missionnaire de ces deux religions. Il semble donc y avoir une contradiction entre le caractère missionnaire de ces religions, et le fait qu’il les considère aussi comme facteur de cohésion. C’est pour cela que la démarche de s’engager dans une rencontre au niveau de la foi pourrait se révéler plus constructive dans la perspective d’un dialogue interreligieux, parce qu’elle réduirait la dimension prosélyte.

Dans la lignée de cette nouvelle politique romaine, les religieux latins installés dans les pays où vit une forte proportion de musulmans s’engagent progressivement à favoriser ce dialogue entre islam et christianisme. Etant donné les nouvelles réflexions autour de la mission, et du fait qu’une annonce directe des Evangiles n’est plus envisageable, l’engagement en faveur de ce dialogue correspondait bien aux nouvelles exigences missionnaires. Dans les années qui suivent le concile, plusieurs outils vont être créés dans le sens de cet engagement d’un dialogue avec l’islam. En 1988 par exemple, est fondé le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. Ce conseil est actuellement présidé par le cardinal Tauran, qui organisa une conférence sur le dialogue interreligieux en février 2008, au Caire, sous le titre : « La place des croyants dans la société ». Au cours de cette conférence, le cardinal fit part du constat actuel d’un certain retour du religieux dans les différentes sociétés. Il rappela que ce retour du religieux s’articule avec une dimension interreligieuse, étant donné que les sociétés aujourd’hui sont pour la plupart pluri-religieuses. Son discours se basait en grande partie sur les innovations introduites par Vatican II, notamment en ce qui concernait l’engagement de l’Eglise dans un dialogue avec les autres religions. Pour lui, il ne s’agissait pas de dire que toutes les religions se valent, mais plutôt d’affirmer que tous les chercheurs de Dieu ont la même dignité, et de fait, réaffirmer le principe d’égalitarisme entre tous les croyants. D’autre part, puisque toutes les religions ont l’ambition de collaborer avec ceux qui travaillent pour le bien commun, il y aurait donc un potentiel de communion entre les adeptes des différentes religions, et le cardinal incitait notamment chrétiens et musulmans à devenir des « artisans de paix ». Cette conférence se termina sur l’idée que les croyants sont porteurs d’un double message : leur vie de prière leur permet tout d’abord de témoigner que Dieu seul est digne d’adoration, et que toutes les idoles créées par les hommes (l’argent, l’apparence, le pouvoir, etc) sont un danger ; mais aussi qu’ils sont des « prophètes de l’espérance », qui ne croient pas en la fatalité de l’histoire, et tentent plutôt d’orienter leurs actions grâce à leur foi. Le discours prononcé par le cardinal Tauran recoupe de nombreux aspects que nous avons relevés tout au long de ce mémoire.

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