Etude comparative des communautés micromammaliennes (Afrosoricida et Rodentia)

Les micromammifères, un des groupes de vertébrés singuliers de Madagascar sont l’un des éléments de sa biodiversité remarquable, avec 59 espèces réparties dans quatre sousfamilles endémiques : Nesomyinae (famille des Nesomyidae, ordre des Rodentia) rassemblant les rongeurs, Tenrecinae, Oryzorictinae et Geogalinae. Ces trois dernières sous-familles sont inclues dans la famille des Tenrecidae (ordre des Afrosoricida) (Soarimalala & Goodman, 2011).

La distribution et quelques aperçus sur l’écologie de ces espèces sont bien connus dans les régions orientales de l’île, grâces aux travaux de nombreux chercheurs comme Jenkins et al. (1996), Goodman et al. (1999) et Maminirina et al. (2008) qui ont conduit des inventaires rapides dans différentes localités de cette zone. Quant à la partie Ouest de Madagascar, suite à d’importants efforts de recensement au cours de ces dernières années par Randrianjafy (2003), Soarimalala & Goodman (2004), Goodman & Raheriarisena (2006), Soarimalala (2008), Rakotomalala & Goodman (2010) et Zafindranoro (2011), les connaissances sur la distribution et sur les types d’habitats fréquentés par les espèces des forêts sèches et des fourrés épineux, typiques de cette Région occidentale commencent à s’enrichir (Soarimalala, 2008 ; Zafindranoro, 2011).

Certaines espèces de micromammifères, à l’instar de Tenrec ecaudatus, Setifer setosus (sous-famille des Tenrecinae) s’avèrent très tolérantes en matière d’habitats, et sont rencontrées partout à Madagascar (Soarimalala & Goodman, 2011). En revanche, pour les autres espèces, leurs préférences vis-à-vis des différents types d’habitats naturels et anthropogéniques ne sont pas encore claires. Cette situation surtout remarquée chez les Rodentia endémiques qui semblent être plus dépendants des habitats forestiers puisque seuls quelques individus de certaines espèces comme Eliurus myoxinus ont été capturés en dehors des forêts intactes (Ganzhorn, 2003a ; Soarimalala & Goodman, 2011).

Présentation du milieu d’étude

Localisation géographique

La Concession Forestière de Kirindy CNFEREF fait partie de l’ex-province de Toliara et est située au Centre-ouest de Madagascar, Région du Menabe, District de Morondava et Commune rurale de Bemanonga. Elle est à 60 km environ au nord-est de la ville de Morondava en suivant la Route Nationale numéro 8 (RN 8) qui mène à Belo-Tsiribihina. La Concession est traversée par une piste large appelée « Piste CONOCO » qui donne accès aux différents sites d’échantillonnage. La station de recherche du Deutsches Primatenzentum (DPZ) ainsi que les infrastructures à vocation touristique dirigées par le CNFEREF sont implantées au PK 5 de la piste CONOCO, dans le bloc CS5. La forêt est traversée d’est en ouest, dans sa partie sud par la rivière saisonnière Kirindy qui lui a valu son nom.

Climatologie

Cette région possède un climat tropical sec, caractérisé par deux saisons contrastées (Donque, 1975) : une saison chaude et pluvieuse de 3 à 5 mois, de novembre à mars/avril, et une saison sèche de 7 à 9 mois. Les températures moyennes minimales et maximales annuelles enregistrées y sont respectivement de 19,0°C et 30,7°C et la température moyenne annuelle est de 24,7°C. Par ailleurs, la précipitation moyenne annuelle est de 767 mm, avec un maximum de 1511 mm et un minimum de 390 mm. Les plus fortes chutes de pluie sont enregistrées au mois de janvier (Sorg & Rohner, 1996).

Les précipitations mesurées dans la forêt de Kirindy, avec une moyenne de 799 mm/an sont légèrement supérieures à celles collectées dans la station de Morondava (Sorg et al., 2008).

Géologie

La forêt de Kirindy CNFEREF, située dans le bassin sédimentaire de Morondava se développe sur des formations sédimentaires constituées de sables non consolidés (Besairie, 1964 ; Du Puy & Moat, 1996). Ces formations sont qualifiées aussi de carapace argilosableuse, et sont issues de grès du pliocène et constituent un vaste glacis légèrement incliné vers l’ouest. Néanmoins, des affleurements de grès peu altérés apparaissent au nord-est de la Concession Forestière (Bourgeat, 1996 ; Sorg et al., 2008).

Sol

La majeure partie de la forêt de Kirindy CNFEREF est établie sur des sols ferrugineux non lessivés de couleur roux ou jaune ; les sols rouges reposent sur les sols jaunes. Par ailleurs, des sols ferrugineux à concrétions de couleur jaune sont observés sur les pentes faibles ; et dans les cuvettes fermées et le long des cours d’eau, des vertisols bruns et noirs, situés sous les trois couches précédentes sont visibles (Bourgeat, 1996). Quant à leurs propriétés physico-chimiques, Sorg et al. (2008) avancent qu’il s’agit de sols faiblement acides dont les horizons supérieurs sont pauvres en nutriments et en azote. Ces sols ont un pH de 6 à 6,5 en surface et cette acidité augmente légèrement en profondeur. En outre, un rapport carbone/azote variant de 10 à 20 indique une minéralisation optimale. Goodman et al. (2008a) y ont défini à partir des échantillons récoltés au cours d’inventaires fauniques, des sols de texture sablo-limoneuse pauvres en matières organiques.

Végétation

Suivant la classification de Moat & Smith (2007), la forêt de Kirindy CNEREF fait partie de la forêt sèche de l’Ouest, qui s’étend du fleuve Mangoky au sud-ouest jusqu’au Cap d’Ambre, au nord. Elle présente un certain nombre de caractères biologiques propres aux forêts sèches (Sorg et al., 2008). La composition et les associations spécifiques des arbres de cette forêt sont intimement liées aux caractéristiques du sol, qui elles-mêmes dépendent de la topographie. Les quelques 200 espèces d’arbres qui y ont été recensées se distribuent ainsi suivant les conditions édaphiques (Sorg & Rohner, 1996). La forêt comprend trois strates : une strate basse dense, une strate intermédiaire plus éparse et une strate supérieure clairsemée (Rakotonirina, 1996 ; Sorg et al., 2008).

Les espèces de plante les plus représentées sont : Commiphora spp. (Burseraceae), Securinega seyrigii (Euphorbiaceae), Poupartia silvatica (Anacardiaceae), Dalbergia spp. (Fabaceae), Cedrelopsis spp. (Ptaeroxylaceae) (Rakotonirina, 1996). La présence de trois espèces de baobab (Bombacaceae), à savoir : Adansonia grandidieri, Adansonia rubrostipa et Adansonia za y est aussi remarquée.

Faune

La Concession Forestière de Kirindy CNFEREF constitue un habitat pour de nombreuses espèces animales. Les données les plus récentes issues de cette forêt suggèrent 42 espèces de reptiles et 56 espèces d’amphibiens (Raselimanana, 2008). Une quarantaine d’espèces d’avifaune essentiellement forestiers y ont été recensées dont plus de la moitié sont endémiques de Madagascar (Raherilalao & Wilmé, 2008). La faune mammalienne est aussi diversifiée. Huit espèces de lémuriens (Ganzhorn & Kappeler, 1996 ; Mittermeier et al., 2010), 10 espèces endémiques et quatre espèces exotiques de petits mammifères non-volants (Soarimalala, 2008), 14 espèces de Chiroptères (Rakotondramanana & Goodman, 2011 ; Rakotondramanana, 2011) et environ trois espèces de Carnivora de la famille des Viverridae (Ganzhorn et al., 1996) y sont représentées.

Afrosoricida

Les Afrosoricida malgaches forment un groupe très diversifié en termes de nombre d’espèces d’un côté, et au niveau de leurs aspects morphologiques de l’autre (Soarimalala & Goodman, 2011). Toutes les espèces endémiques de Madagascar, appartenant à ce taxon sont issus d’un ancêtre commun à travers une radiation adaptative au cours des temps géologiques (Poux et al., 2008).

Les Afrosoricida malgaches, notamment certaines espèces de la sous-famille des Tenrecinae comme Setifer setosus peuvent se rencontrer dans différents environnements, y compris ceux modifiés par l’Homme. De ce fait, leur aire de distribution couvre tout Madagascar. Toutefois, il existe des espèces strictement confinées aux forêts humides de l’Est, comme le cas de plusieurs membres du genre Microgale et d’autres telles que Geogale aurita se trouvant seulement dans les forêts sèches et le bush épineux du Sud-ouest et du Centre-ouest de la Grande île (Soarimalala & Goodman, 2011). Dans leurs habitats naturels, ces petits mammifères occupent différentes niches écologiques, ce qui permet à plusieurs espèces, de coexister dans une même forêt (Goodman et al., 2011).

Les représentants de ce groupe sont des espèces essentiellement nocturnes sauf Tenrec ecaudatus chez qui au cours de certains stades de son cycle reproductif, les femelles restent actives durant la journée (Nicoll, 2003).

Le cycle de reproduction de la plupart des espèces reste encore vague. Pourtant certaines espèces seraient capables d’avoir au moins deux portées par an lorsqu’il y a une disponibilité alimentaire (Randrianjafy, 2003 ; Randrianjafy et al., 2007), tel est le cas de Geogale aurita qui paraît avoir une deuxième portée dans une même saison (Stephenson, 2003). Les Afrosoricida malgaches se nourrissent essentiellement d’insectes (Ade, 1996 ; Soarimalala & Goodman, 2003a) mais Tenrec ecaudatus est plutôt omnivore (Nicoll, 2003). Pour les autres espèces, aucune information plus fournie n’est pratiquement disponible (Gould & Eisenberg, 1966 ; Soarimalala & Goodman, 2011).

Table des matières

INTRODUCTION
I. PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE ET DES GROUPES BIOLOGIQUES ETUDIES
I.1 – Présentation du milieu d’étude
I.1.1 – Localisation géographique
I.1.2 – Climatologie
I.1.3 – Géologie
I.1.4 – Sol
I.1.5 – Végétation
I.1.6 – Faune
I.2 – Présentation des groupes biologiques
I.2.1 – Afrosoricida
I.2.2 – Rodentia
I.3 – Menaces pesant sur les petits mammifères
II. MATERIELS ET METHODES
II.1 – Sites d’étude
II.1.1 – Site N5
II.1.2 – Bordure ou lisière forestière
II.2 – Période d’étude
II.3 – Méthodes de collecte des données
II.3.1 – Capture-marquage-recapture
II.3.1.1 – Piégeage par des lignes de trous-pièges avec barrière ou « pitfall with drift fence»
II.3.1.2 – Piégeage par des « pièges standard »
II.3.1.3 – Visite des pièges
II.3.1.4 – Identification des spécimens
II.3.1.5 – Marquage
II.3.2 – Observations générales
II.3.3 – Caractérisation des habitats par la méthode des plots botaniques
II.3.4 – Détermination du domaine vital de Tenrec ecaudatus : suivi d’individus focaux
II.4 – Traitements et analyses statistiques des données
II.4.1 – Détermination de l’abondance relative
II.4.2 – Analyses de la diversité biologique : indice d’équitabilité (E)
II.4.3 – Analyse de la normalité des données par le test de Kolmogorov-Smirnov
II.4.4 – Test de Khi-deux (χ2)
II.4.5 – Test-t de Student
II.4.6 – Test-U de Mann-Whitney
II.4.7 – Evaluation du domaine vital de Tenrec ecaudatus en utilisant le Polygone Convexe Minimum ou PCM
III. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III.1 – Composition et richesse spécifique
III.2 – Abondance relative des populations de petits mammifères
II.3 – Diversité biologique
III.4 – Caractéristiques des habitats des micromammifères
III.5 – Estimation de la surface du domaine vital des tenrecs étudiés
IV. DISCUSSION
IV.1 – Composition et richesse spécifique
IV.2 – Abondance relative
IV.3 – Diversité biologique
IV.4 – Caractéristiques des habitats et leurs influences sur les micromammifères
IV.5 – Domaine vital de Tenrec ecaudatus
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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