Étude de l’impact sur la marche et l’équilibre d’une thalamotomie bilatérale par Gamma Knife par rapport à une stimulation bilatérale du noyau ventral intermédiaire du thalamus

Examens complémentaires et diagnostics différentiels

Devant l’absence de test diagnostique ou de marqueur biologique du TE, son diagnostic peut parfois être difficile. Un des examens pouvant être utile face à une situation douteuse est la réalisation d’un enregistrement polygraphique électromyographie (EMG) simultané de plusieurs muscles couplé à une analyse du mouvement continu par un accéléromètre. Cet examen montrera un tremblement postural avec une composante intentionnelle de fréquence de 6 à 12 Hz . Plus le sujet est âgé et plus l’enregistrement est proximal, plus la fréquence sera lente . Le tremblement est par définition régulier et on note une activité rythmique alternée entre le muscle agoniste et le muscle antagoniste. Les bouffées sont de l’ordre de 120ms. L’élément important est la persistance d’une activité de fond entre les bouffées qui atteste du caractère postural, et non de repos du tremblement. Parfois des examens complémentaires sont à réaliser afin d’éliminer un possible diagnostic différentiel :
Un tremblement physiologique exagéré : le tremblement est également bilatéral, postural, cinétique et affecte le plus souvent les membres supérieurs. On note une fréquence légèrement plus rapide (8-12Hz). Il peut être déclenché par le stress, le froid, l’anxiété. Si besoin, il convient de réaliser un bilan endocrinien, avec notamment le dosage des hormones thyroïdiennes.
Le tremblement psychogène : fréquent, ses caractéristiques sont très variables. L’examen clinique et l’EMG peuvent aider au diagnostic. En effet, dans ce cas la fréquence du tremblement est irrégulière et influencée par l’entraînement et la distractibilité. À l’interrogatoire la présence de périodes de rémission, d’un début brutal et d’une topologie variable du tremblement peuvent être des arguments en faveur de cette étiologie .
Le tremblement iatrogène : l’interrogatoire doit rechercher la prise de médicament trémogène. Il convient selon la gêne occasionnée de discuter d’un sevrage thérapeutique en fonction de la balance bénéfice/risque du traitement .

Le TE : une pathologie cérébelleuse ?

Les données de la littérature convergent vers la dysfonction du réseau cérébello-thalamo-cortical en rapport avec un générateur central qui produirait un rythme oscillatoire pathologique. Au sein de ce réseau, le noyau ventral intermédiaire médian (VIM) du thalamus est le principal relai entre le cervelet et le cortex moteur via les voies dentato-thalamique et thalamo-corticale . La connexion entre le noyau dentelé et le VIM (DN-VIM) a un rôle prépondérant dans le tremblement. En effet une lésion dans cette voie suffit à produire un tremblement d’intention .
Chez des patients atteints de TE, un enregistrement électrophysiologique du VIM a été réalisé avant la mise en place d’une stimulation cérébrale profonde (SCP). On retrouve une corrélation linéaire entre l’activité musculaire du tremblement et l’activité rythmique des neurones . Au repos, cette activité oscillatoire disparaissait en même temps que le tremblement. Cette activité oscillatoire a été retrouvée avec un enregistrement par magnétoencéphalographie et était de nouveau corrélée à l’enregistrement EMG du patient . Ces neurones hyperactifs du VIM générant l’activité oscillatoire ont été surnommés les «neurons tremor». Le VIM représente donc une cible appropriée des traitements invasifs pour contrôler le tremblement. Mais une question importante reste à résoudre. Qui du cervelet ou du thalamus est à l’origine de ces oscillations pathologiques ? Une récente revue de la littérature s’appuie sur des données anatomopathologiques et d’imagerie cérébrale afin de nous proposer trois boucles au sein du réseau cérébello-thalamo-cortical  :
« Une boucle génératrice » composée entre autres par les noyaux dentelés, les neurones de Purkinje, l’olive inférieure.
« Une boucle propagatrice » composée par la connexion DN-VIM, le VIM, les voies thalamo-corticales et le cortex moteur.
« Une boucle motrice » composée par les voies motrices descendantes, les motoneurones et les muscles .

Quelles structures cérébelleuses sont à l’origine de cette activité pathologique ?

S’il existe un consensus quant au rôle d’une dysfonction cérébelleuse se propageant via les réseaux cérébello-thalamo-corticaux dans le TE, son origine exacte fait encore débat dans la littérature.
Neurones de Purkinje et noyaux dentelés : Des travaux récents suggèrent que l’hyperactivité du VIM serait médiée par les noyaux dentelés également hyperactifs, conséquence d’une activité anormale des NP. Cette proposition fait suite à l’hypothèse d’une signalisation GABA altérée dans le circuit cérébello-thalamo-corticale. Cette idée est renforcée par une étude sur la souris où une délétion spécifique des NP en sous-unités GABA-A alpha1, afin de supprimer leur courant post-synaptique inhibiteur, a suffi à déclencher un tremblement similaire au TE humain . L’altération des NP suffirait donc à déclencher un phénotype de TE. En effet, afin d’inhiber efficacement les neurones des noyaux dentelés, les NP doivent maintenir une activité neuronale adéquate. Deux patterns d’activité sont nécessaires : les « Potentiels d’action simples » et les « Potentiels d’actions complexes ». Dans le cadre du TE, ces deux patterns semblent perturbés :
« Potentiels d’action simples » : Deux conditions sont nécessaires pour que ces potentiels d’action inhibent correctement les noyaux dentelés : une architecture intercellulaire spécifique (plusieurs NP projettent vers un seul neurone du noyau dentelé) ainsi que l’irrégularité de ces potentiels d’actions. Il a été montré qu’une perte d’inhibition GABA-A dans le cervelet régularise les «potentiel d’action», diminuant de ce fait leur pouvoir inhibiteur . Une étude récente de modélisation a montré que la diminution d’amplitude de ces potentiels d’action suffit à entraîner les oscillations pathologiques dans le VIM .
« Potentiels d’action complexe » : Chez le sujet sain, on note une architecture intercellulaire normale : une seule FG projette vers un seul NP. Chaque microzone correspond à un nombre limité de NP innervés par des FG issues d’un seul axone de l’olive inférieure. Ces FG orchestrent l’organisation de ces « potentiels d’action complexes » : l’activité est synchrone au sein d’une microzone et asynchrone entre les microzones. Les NP d’une microzone projettent vers un seul neurone du noyau dentelé. Chaque activité est suivie d’une pause transitoire asynchrone puis d’un effet rebond asynchrone des neurones du noyau dentelé .
Dans le modèle murin du TE un NP reçoit la projection d’une FG principale ainsi que des projections collatérales des FG adjacentes. Ainsi plusieurs microzones peuvent être innervées par la même projection de l’olive inférieure.
Ainsi les « potentiels d’action complexes » sont plus nombreux, plus amples et synchrones au niveau d’une microzone et entre les microzones. En conséquence, on note une pause excessive et simultanée de plusieurs neurones des noyaux dentelé et une majoration de l’effet rebond. L’ensemble favorise nettement une activité oscillatoire .

Le TE : une atteinte diffuse de l’encéphale ?

Comme le suggère l’examen clinique et le bilan neuropsychologique l’atteinte cérébrale du TE semble être plus diffus et dépasser le réseau entre le cortex moteur et le cervelet.
Une étude intéressante morphologique a comparé l’IRM de 18 patients atteints de TE et de 20 sujets sains de moins de 65 ans. Cette étude montre une diminution de la substance grise du lobe pariétal gauche, de l’insula gauche et du pont et une majoration bilatérale de la substance grise du cervelet, du lobe précentral, du gyrus temporal inférieur droit, du lobe frontal moyen et du gyrus occipito-temporal fusiforme droit . Deux remarques peuvent être soulevées à la suite de cette étude. Contrairement aux autres études morphologiques, les auteurs ne rapportent pas une atrophie mais une augmentation du volume du cervelet. Or, les patients de cette étude étaient jeunes (42,24 ans en moyenne) et présentaient donc un TE précoce .
Ce qui n’est pas le cas des autres études où l’âge des patients était hétérogène et en moyenne plus élevée (64 ans en moyenne pour Shin et al., 2016 et 66 ans en moyenne pour Quattrone et al., 2008) . Ainsi, dans le cas de TE précoce, la progression moins rapide pourrait laisser place à des mécanismes compensatoires, qui au fil du temps conduirait à l’atrophie.
D’autre part, une majoration du volume du gyrus fusiforme et du cortex temporo-occipital a déjà été retrouvée dans d’autres études d’imagerie structurelle et fonctionnelle . En IRM fonctionnelle, l’activation de ce réseau serait corrélée à la sévérité du tremblement. Les patients atteints de TE présenteraient une réorganisation adaptative de ces régions en lien avec le contrôle visuospatial accru induit par le tremblement. Dans la même veine, une étude sur des patients atteints de TE ayant subi un traitement chirurgical qui diminuait les tremblements révèle des modifications significatives des aires visuelles (196). Enfin, l’atrophie de la substance grise au niveau du lobe pariétal postérieur pourrait sous-tendre un défaut de proprioception chez les patients atteints de TE.

Traitements chirurgicaux

Dans certains cas de tremblements sévères le traitement médicamenteux devient inefficace . Alors des approches chirurgicales lésionnelles ou non lésionnelles peuvent être proposées aux patients. Historiquement, le neurochirurgien Irving Cooper et son équipe réalisaient des chémopallidotomies avec une approche invasive. Cette technique était efficace mais très mal tolérée avec un fort risque de mortalité . Une analyse post-mortem d’un patient traité efficacement a montré que la lésion neurochirurgicale n’était pas dans le pallidum mais dans le thalamus. Ce dernier devient alors la cible thérapeutique des techniques chirurgicales.
En 1947, débute l’ère de la stéréotaxie, la première opération réalisée dans le cadre des mouvements anormaux est une pallidotomie unilatérale chez un patient avec une maladie de Huntington . En 1954, la première thalamotomie est réalisée par thermocoagulation par une équipe allemande . De 1950 jusqu’à la fin des années 80, ce fut la seule approche chirurgicale proposée dans le TE pharmaco-résistant. A la fin des années 1980, une première révolution apparaît: l’avènement de la stimulation cérébrale profonde (SCP) rapportée par l’équipe de Benabid . Depuis quelque décennies, d’autres techniques lésionnelles mais non invasives ont émergé comme la radiochirurgie par Gamma Knife (RGK) et par ultrason guidée par résonance magnétique (MRgFUS). Nous décrirons chacune de ces méthodes.

Table des matières

Introduction générale 
I. Introduction 
A. Épidémiologie 
B. Présentation clinique 
1. Anciens critères diagnostics
2. Présentation clinique
a) Tremblement
b) Troubles moteurs
c) Troubles non moteurs
3. Évolution de la maladie et handicap
C. Nouveaux critères
D. Examens complémentaires et diagnostics différentiels 
E. Hypothèses étiologiques et physiopathologie 
1. Données génétiques
2. Facteurs épigénétiques
3. Physiopathologie
a) Le TE : une pathologie cérébelleuse ?
b) Données anatomopathologiques
c) Données moléculaires
d) Données d’imagerie cérébrale
e) Quelles structures cérébelleuses sont à l’origine de cette activité pathologique ?
f) Le TE : une atteinte diffuse de l’encéphale ?
F. Traitements
1. Traitements médicamenteux
a) Niveau de recommandation A
b) Niveau de recommandation B
2. Toxine botulique
3. Traitements chirurgicaux
a) Thalamotomie par radiofréquence
b) Stimulation cérébrale profonde
c) La thalamotomie par Radiochirurgie par Gamma Knife (RGK).
d) La thalamotomie par ultra-sons guidés par résonance magnétique (MRgFUS)
e) Détérioration de la marche et de l’équilibre après lésion bilatérale du VIM
G. Objectif de l’étude
II. Matériel et méthode
A. Sujets et déroulement des évaluations posturo-locomotrices
1. SCP bilatérale
2. RGK Bilatérale
B. Évaluation du tremblement et évaluation cognitive 
C. Protocole expérimental
1. Evaluation de la locomotion
a) Acquisitions des données
b) Paramètres analysés
2. Evaluation de la posture
a) Acquisitions des données
b) Paramètres analysés
D. Analyses statistiques
III. Résultats
A. Stimulation cérébrale profonde du VIM 
1. Impact de la stimulation cérébrale profonde sur le tremblement essentiel et les fonctions cognitives
2. Impact de la stimulation cérébrale profonde du VIM sur la marche et la posture
a) Comparaison Préchir, OFF, ON
b) Effets de la stimulation cérébrale profonde du VIM sur la marche et la posture : comparaison
ON/OFF
3. La VIM-SCP entraine-t-elle à long terme des effets secondaires sur la fonction posturo-locomotrice? : Comparaison des patients stimulés récemment versus les patients stimulés depuis plus de 5 ans : Étude préliminaire
a) Données cliniques
b) Paramètres locomoteurs
4. Effets indésirables rapportés à l’examen clinique
B. Effet de la thalamotomie bilatérale par Gamma Knife
1. Impact de la thalamotomie par Gamma Knife sur le tremblement essentiel
2. Impact de la thalamotomie par Gamma Knife sur la marche
3. Impact de la thalamotomie par Gamma Knife sur la posture
4. Effets indésirables rapportés à l’examen clinique
IV. Discussion
A. SCP bilatérale
B. RGK bilatérale
C. Comparaison de la SCP bilatérale et de la thalamotomie bilatérale par RGK
D. Perspectives 
V. Conclusion
Bibliographie 
Annexes
Abbreviations

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