Etude retrospective de l’effet de l’infliximab sur la masse corporelle au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques

Le Tumor necrosis factor alpha TNFα

Le facteur de nécrose tumorale ou tumor necrosis factor (TNF), est une cytokine appartenant à la superfamille des TNF, comprenant une vingtaine de peptides comme le CD40 ligand, ou encore RANKL (Receptor Activator of NF-κB Ligand). La biologie du TNF est étroitement liée à celles d’endotoxines ou du lipopolysaccharide (LPS) des bactéries à Gram négatif. Ce lien est connu depuis 1893 par le traitement avec succès de sarcomes par un mélange de Serratia marcescens et de streptocoques. Il a également été démontré que le sérum d’animaux chez lesquels on a préalablement injecté des endotoxines pouvait provoquer la nécrose des tumeurs . Ces affirmations seront confirmées en 1975 à New York et cette activité du sérum conduira à la mise en évidence du Tumor necrosis factor , puis la poursuite des investigations mènera en 1984 à l’obtention de la molécule recombinante .
CARACTERISTIQUES BIOCHIMIQUES : Le TNFα est produit sous la forme d’un précurseur de 233 acides aminés(AA) tandis que la forme mature sécrétée par les macrophages ne comporte que 157AA. La séquence supplémentaire de 76AA, exceptionnellement longue pour un propeptide, est clivée par une métalloprotéinase pour libérer le TNFα de la cellule activée.
Le TNFα est constitué de 3 sous-unités de 17kDa chacune. Chaque monomère est essentiellement constitué de feuillets β . Bien que les séquences des TNFα matures humain et murin aient une forte homologie (79%), celle du propeptide l’est encore davantage (86%) . Une forme membranaire de 26KDa ayant conservé le propeptide signal a également été mise en évidence. Cette forme sert d’ancrage au TNFα, mais peut aussi interagir avec les récepteurs membranaires de cellules voisines et ainsi réguler la communication intercellulaire . De plus, quand elle est exprimée à la surface de monocytes ou de macrophages, elle peut médier d’autres actions immunomodulatrices de la cytokine.
GENES ET REGULATION DE L’EXPRESSION : Chez l’homme, les gènes du TNF se situent sur le chromosome 6, au sein des gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) , comprenant deux gènes codant pour le TNFα et le TNFβ, et étant très semblables mais utilisant des promoteurs qui leur sont propres. Le gène du TNFα est composé de 4 exons et de 3 introns, dont plus de 80% de la séquence codée par le quatrième exon contribue à coder pour le TNFα mature. Une stimulation adéquate provoque l’expression du TNFα dans une large variété de cellules. Par exemple le LPS induit l’expression du TNFα primairement par tous types de macrophages. De même, les lymphocytes B, T  , les NK (natural killer), les neutrophiles, les astrocytes , les cellules endothéliales , et les cellules musculaires lisses ont été identifiés comme producteurs de TNFα. La transcription de ces gènes peut se produire en absence de synthèse protéique et est fortement contrôlée au niveau post-transcriptionnel par le biais d’une région consensus octamèrique non traduite en 3’ de l’ARN messager(ARNm). Cette séquence adenosine uridine rich element (AURE) est impliquée dans la régulation de l’expression des gènes en contrôlant la demi-vie et la traduction des ARNm .

LES EFFETS BIOLOGIQUES DU TNFα

Le TNF intervient dans de multiples activités biologiques et dans de nombreux tissus. Il joue notamment un rôle central dans la réponse inflammatoire aux cotés des cytokines IL-1 et IL-6 en suscitant une réponse du foie en phase aigüe, et induit donc l’A1- antichymotrypsine, la sérum amyloïde A, les protéines C3 du complément et le facteur B. En revanche, les expressions de l’albumine et de la transferrine sont inhibées par le TNF. Ces modulations de synthèses de protéines hépatiques servent de mécanisme de défense contre les agents infectieux ou les traumatismes .
L’une des activités majeures du TNF est son action sur les neutrophiles. Leur activation par le TNF améliore leur activité phagocytaire, augmente leur cytotoxicité, et élève la production de superoxydes et de H2O2. De plus, il stimule la dégranulation des neutrophiles, inhibe la migration, et provoque l’adhésion aux cellules endothéliales.
Une autre action est très documentée, celle sur le tissu adipeux, sur lequel il améliore la libération de glycérol, prévient ou inverse la différenciation des adipocytes, inhibe l’expression de la lipoprotéine lipase et de plusieurs protéines spécifiques du tissu adipeux.
Le TNF est également une puissante cytokine immunomodulatrice. Il peut médier de sévères réactions inflammatoires, stimuler la collagénase et les prostaglandines, les fibroblastes et cellules endothéliales, réguler les réponses immunitaires des lymphocytes T et B, induire les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classes I et II, et réguler l’expression d’autres cytokines. Il intervient aussi dans la résorption osseuse en augmentant le nombre d’ostéoclastes ainsi que leur activité, favorisant ainsi l’ostéolyse.
Dans le système nerveux central, il agit sur les neurones de l’hypothalamus pour induire de la fièvre via la production de PGE2 et d’IL-1.

LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE

Epidémiologie : La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques. Sa prévalence est estimée entre 0,3 et 0,8% de la population adulte, avec une incidence annuelle en France d’environ 8 nouveaux cas pour 100.000 habitants. La PR peut survenir à tout âge mais est plus fréquente entre 40 et 60 ans, avec une prédominance féminine (80% des cas) à ces âges, mais cette différence de sex-ratio s’atténue progressivement au-delà de 70 ans. Il existe une prédisposition génétique à la maladie en liaison avec le système HLA notamment et il n’est pas exceptionnel de rencontrer dans les antécédents familiaux une PR ou d’autres maladies auto-immunes.
Manifestations cliniques : La PR se définit comme étant une maladie inflammatoire chronique caractérisée par un gonflement et une fragilisation des articulations, ainsi qu’une destruction progressive des structures articulaires, conduisant à un handicap sévère et une mortalité prématurée. Les critères de classification pour une PR ont été révisés en 2010 par l’American College of Rheumatology (ACR) conjointement avec l’European League Against Rheumatism (EULAR).
Les premiers signes se manifestent généralement sous forme d’oligo ou poly arthrite et de synovites. Les douleurs sont de rythme inflammatoire avec de possibles réveils nocturnes et un dérouillage matinal supérieur à 30 minutes. L’atteinte des mains est la plus caractéristique et souvent inaugurale. Une fois installée, la PR évolue par poussées, et tend à gagner les articulations jusqu’alors indemnes et peut, outre les mains, toucher les poignets, les pieds, les épaules, les coxo-fémorales, le rachis cervical et toutes les articulations synoviales. Elle peut s’accompagner de signes extra-articulaires tels qu’une altération de l’état général, un syndrome sec (de Goujerot-Sjögren), des nodosités sous-cutanées, des adénopathies, des atteintes rénales, cardiaques, pulmonaires, et oculaires.
L’évaluation clinique de la maladie peut s’effectuer par le calcul du SDAI (Simple Disease Activity Index), ou du DAS 28 (Disease Activity Score), prenant en compte 28 articulations, l’échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur selon le patient et l’inflammation par le biais de la CRP ou de la vitesse de sédimentation (VS). L’évaluation de la capacité fonctionnelle et de la qualité de vie sont quant à elles quantifiées par le patient en remplissant le HAQ (Health Assessment Questionnaire).

LES SPONDYLARTHROPATHIES

Généralités et critères de classification : Les spondylarthropathies regroupent les rhumatismes inflammatoires ayant des manifestations cliniques, et un terrain génétique commun. En effet on retrouve la présence de l’antigène HLA-B27 chez 90% des patients atteints de Spondylarthrite ankylosante (SPA). Il s’agit d’un allèle normal du CMH, présent chez 6 à 8% de la population caucasienne, et ne suffit donc pas pour permettre le diagnostic, mais peut cependant l’orienter. Elles ont en France une prévalence de 0,35% et un sex-ratio Hommes/Femmes de 1,5, de plus, elles débutent majoritairement chez l’adulte jeune (moins de 35 ans). Le groupe des spondylarthropathies comprend : La Spondylarthrite ankylosante (SPA), Le Rhumatisme psoriasique (Rhum Pso), Les arthrites réactionnelles, Les spondylarthropathies des entérocolopathies, Les spondylarthropathies juvéniles, Le syndrome SAPHO (Synovite, Acné, Pustulose, Hyperostose, Ostéite), Les spondylarthropathies indifférenciées.
La cible privilégiée des spondylarthropathies est l’enthèse, qui est la zone d’ancrage des ligaments, des tendons, et des capsules articulaires dans l’os. On observe aussi secondairement une synovite, préférentiellement localisée sur les membres inférieurs. L’orteil ou le doigt dits « en saucisse », ou dactylite, sont également caractéristiques et correspondent au gonflement global témoignant de l’association d’une ténosynovite et d’arthrites méta- et interphalangiennes. On retrouve aussi des atteintes axiales touchant les sacro-iliaques, le rachis, et le thorax. En pratique deux groupes de critères diagnostiques sont utilisables : les critères d’Amor et ceux de l’ESSG (European Spondylarthropathy Study Group).

LES MALADIES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES DE L’INTESTIN

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) comprennent la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH). Elles se caractérisent par une inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, se traduisant par des diarrhées parfois sanglantes et des douleurs abdominales, avec une évolution par poussées inflammatoires de durée et de fréquence extrêmement variables en fonction des patients, alternant avec des phases de rémission. Dans le monde 2,5 millions de personnes souffrent de MICI. En France 120.000 personnes sont atteintes de la MC et 80.000 de RCH. On considère que 5 nouveaux cas pour 100.000 personnes sont diagnostiqués chaque année. Le nord-ouest de la France se caractérise par une forte incidence de la MC et basse de la RCH .
Le tabagisme et l’appendicectomie sont, à ce jour, les deux seuls facteurs environnementaux clairement impliqués dans le développement et l’évolution des MICI, tandis que d’autres (allaitement maternel, certains aliments, le stress, les contraceptifs oraux, les vaccinations…) restent encore discutés . En effet, le tabac aurait un effet protecteur face à la RCH mais représente un facteur de risque de MC . Quant à l’appendicectomie, plusieurs études ont démontré qu’elle protégeait de l’apparition ultérieure de la RCH. De même, bien que l’origine des MICI ne soit pas encore identifiée, il est fréquent de retrouver plusieurs personnes atteintes au sein d’une même famille, indiquant la présence de facteurs de prédispositions héréditaires . Par exemple, le gène NOD2/CARD15, découvert en 2001 et situé sur le chromosome 16, a été le premier gène de susceptibilité identifié, une mutation de celui-ci pouvant multiplier par 40 le risque de développer une MC .

Table des matières

PARTIE 1 Etude Bibliographique : Le Tumor Necrosis Factor et les rhumatismes inflammatoires chroniques 
I. Introduction 
II. Le Tumor necrosis factor alpha TNFα 
1. CARACTERISTIQUES BIOCHIMIQUES
2. GENES ET REGULATION DE L’EXPRESSION
3. LES RECEPTEURS DU TNF ALPHA
a. Le tumor necrosis factor receptor type 1 (TNFR1) p55
b. Le tumor necrosis factor receptor type 2 (TNFR2) p75
c. Les formes solubles des récepteurs
4. LES EFFETS BIOLOGIQUES DU TNFα
III. Les maladies inflammatoires
1. LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE
a. Epidémiologie
b. Manifestations cliniques
c. Physiopathologie
d. Traitements
2. LES SPONDYLARTHROPATHIES
a. Généralités et critères de classification
b. La spondylarthrite ankylosante
c. Le rhumatisme psoriasique
3. LE PSORIASIS
a. Manifestations cliniques
b. Physiopathologie
c. Traitements
4. LES MALADIES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES DE L’INTESTIN
a. Manifestations cliniques
b. Physiopathologie
c. Traitements
IV. Les agents Anti-TNFα 
1. GENERALITES SUR LES ANTICORPS MONOCLONAUX
a. Structure des immunoglobulines
b. Les anticorps monoclonaux comme substances thérapeutiques
i. Les différents types d’anticorps
ii. Utilisations thérapeutiques
iii. Mécanismes d’action des anticorps monoclonaux thérapeutiques
2. LES MEDICAMENTS ANTI-TNFalpha
a. Infliximab (Remicade®)
b. Etanercept (Enbrel®)
c. Adalimumab (Humira®)
d. Certolizumab pegol (Cimzia®)
3. EFFICACITE DES ANTI-TNFalpha ET SWITCHES DE MOLECULES
a. Facteurs liés à la pathologie
b. Facteurs liés au patient
c. Facteurs liés au traitement anti-TNFα
d. Le switch de molécules
4. EFFETS SECONDAIRES DES TRAITEMENTS ANTI-TNFalpha
PARTIE 2 Etude clinique rétrospective : Prise de poids sous Infliximab 
I. Objectifs de l’étude 
II. Patients et méthodes
1. PATIENTS
2. METHODOLOGIE
a. Recueil des données
b. Paramètres étudiés
c. Le DAS 28
d. Les BASDAI et BASFI
3. ANALYSE STATISTIQUE
III. Résultats
1. CARACTERISTIQUES GENERALES DE LA POPULATION ETUDIEE
2. PRISE DE POIDS
3. RESULTATS SELON LES PATHOLOGIES
a. Polyarthrite rhumatoïde
b. Spondylarthrite ankylosante
c. Rhumatisme psoriasique
d. Comparaison des prises de poids par pathologie
4. PARAMETRES SECONDAIRES ETUDIES
a. Sexe
b. Femmes ménopausées
c. Insuffisance thyroïdienne
d. Syndrome dépressif
e. Diurétiques
f. Corticoïdes
g. Méthotrexate
h. Maladies inflammatoires chroniques intestinales
i. Ages
5. REPONSE AU TRAITEMENT
a. Doses utilisées
b. CRP
c. Arrêts définitifs
d. Amélioration du DAS28
e. Rémission de la PR
f. Evolutions des BASDAI et BASFI
g. Amélioration du BASDAI
h. Amélioration du BASFI
i. IMC
IV Discussion 
V Conclusion
ANNEXES 
BIBLIOGRAPHIE

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