Etude théorique de la combinaison cohérente de lasers dans une cavité externe 

Les sources paramétriques

Une solution étudiée depuis plusieurs années par de nombreux laboratoires est de développer des sources basées sur l’optique non-linéaire. Il s’agit d’utiliser les phénomènes de conversion de fréquence dans des cristaux non-linéaires pompés par des sources laser solides. En particulier, les Oscillateurs Paramétriques Optiques (OPO) ont déjà montré leur efficacité [13] en terme de puissance, d’accordabilité et de qualité de faisceau. Le point clef de ces sources est toutefois de disposer des cristaux non-linéaires appropriés. Un bon matériau doit à la fois présenter un coefficient non-linéaire élevé pour une conversion de fréquences efficace, être transparent à la longueur d’onde de pompe et aux longueurs d’onde générées et avoir une conductivité thermique élevée pour pouvoir travailler à forte puissance de pompe. A partir d’une onde de pompe, deux ondes de fréquences plus basses sont ainsi générées dans le cristal non-linéaire: l’onde signal et l’onde complémentaire. Pour que le processus de conversion non-linéaire soit efficace, les vecteurs d’onde associés à ces trois ondes doivent respecter la condition d’accord de phase qui assure qu’elles interfèrent de manière constructive tout au long du cristal.

Afin de respecter cette condition, on utilise dans la plupart des cas la biréfringence naturelle du cristal non-linéaire. Lorsque le matériau n’est pas biréfringent, une solution consiste à remettre périodiquement en phase les ondes qui interagissent dans le cristal par une inversion locale du signe du coefficient non-linéaire : c’est la technique du quasi-accord de phase. Le cristal non-linéaire est ensuite placé dans une cavité optique dont le rôle est de faire osciller les ondes générées, et donc de les amplifier par passages successifs dans le milieu non-linéaire (voir Figure 1.2). Figure 1.2. Schéma de principe d’un OPO doublement résonant. Pour l’émission en bande II, deux cristaux se distinguent : l’AsGa et le ZnGeP2 ou ZGP. Les excellentes propriétés non-linéaires de l’AsGa en font un réel candidat pour son intégration dans des OPO infrarouge. Il est en effet transparent dans l’intégralité des bandes II et III, sa capacité de conversion est élevée (il présente une forte susceptibilité non-linéaire de 90 pm.V-1) et son coefficient de conductivité thermique lui permet de supporter de fortes puissances. L’AsGa n’est pas biréfringent : on utilise la technique du quasi-accord de phase. Thales R&T a mis au point à au début des années 90 une première technique de fabrication qui conduisit à la validation du concept d’AsGa à orientation périodique [14]. Des OPO ont été réalisés à partir de tels cristaux [13] délivrant à une longueur d’onde de 4.5μm et avec une bonne qualité de faisceau (M² < 1.8), jusqu’à 7.7 W de puissance moyenne. Le ZGP est également transparent sur les bandes II et III et présente une susceptibilité non-linéaire élevée (75 pm.V-1). L’accord de phase dans le ZGP est assuré en utilisant la biréfringence du matériau. Les OPO à base de ZGP sont aujourd’hui capables de fournir 14 W de puissance moyenne en bande II [15], [16]. Les principaux désavantages des sources paramétriques sont leur encombrement et la complexité de leur architecture qui les rendent difficilement transportables ainsi que leur faible rendement électrique-optique global (< 10%).

Les lasers à cascade quantique Les lasers à cascade quantique (LCQ) [17] constituent certainement la solution la plus intéressante. Ce sont des lasers semi-conducteurs dits unipolaires qui travaillent sur des transitions inter sous-bandes dans des puits quantiques (principalement en AsGa/AlAsGa ou en InAsGa/InAlAs). La transition laser a lieu entre deux niveaux discrets (niveaux 2 et 3 sur la Figure 1.3) des puits quantiques couplés qui constituent les zones émettrices : c’est une transition inter sous-bande. La nature de la transition radiative des LCQ leur confère des propriétés physiques différentes des diodes classiques utilisant des transitions inter bandes. Tout d’abord, la longueur d’onde d’émission n’est pas liée à l’énergie de bande interdite du matériau, comme c’est le cas pour les diodes classiques, mais à l’agencement des 3 ou 4 puits couplés qui constituent les zones émettrices. C’est un des avantages des LCQ: la zone active peut ainsi être conçue pour émettre du MIR (~ 3 μm) [18] à l’infrarouge lointain (~ 160 μm) [19]. Une autre propriété intéressante des transitions inter sous-bande concerne le profil spectral du gain. En effet, les deux sous-bandes de la transition optique appartiennent à la bande de conduction et leur dispersion dans le plan parallèle aux couches de la zone active a donc la même courbure. Par conséquent, les transitions entre les sous-bandes se font à une même énergie et il en résulte que le gain dans les LCQ présente un profil spectral piqué.

Il s’agit d’une Lorentzienne dont la fréquence centrale dépend de la largeur des puits et dont la largeur à mi-hauteur de l’ordre de 10 meV pour des structures émettant dans le MIR. D’autre part, à cause des règles de sélection des transitions inter sous-bande, l’émission des LCQ est polarisée linéairement dans une direction perpendiculaire aux couches [17]. La zone active est constituée de quelques dizaines de ces zones émettrices séparées par des zones d’injection (ou injecteurs) chargées de faire transiter les électrons d’une zone émettrice à l’autre par effet tunnel. Ces injecteurs sont en fait constitués d’un grand nombre de puits quantiques fortement couplés qui forment un super-réseau. Ce super-réseau est vu par les électrons comme un réseau de Bragg en optique. Ainsi on voit apparaître des bandes permises et des bandes interdites pour les électrons. Leur rôle est crucial pour le transport des électrons dans la structure puisqu’elles permettent de les amener sur le niveau 3, de les obliger à se désexciter vers le niveau 2 puis de les extraire rapidement du niveau 1 (Figure 1.3). En transitant d’une zone émettrice à l’autre via les injecteurs, un même électron est donc recyclé plusieurs fois et est réutilisé à chaque zone de gain pour l’émission d’un photon, c’est l’effet «cascade». Le principe général de la zone active est schématisé sur la Figure 1.3. Nous ne présentons ici que les grands principes du LCQ, la conception complète d’une zone active étant beaucoup plus complexe, mentionnons notamment la gestion du temps de vie des différents niveaux, essentielle pour assurer une inversion de population. Le dessin et l’étude du transport électronique dans les zones actives dans les LCQ continuent d’être des domaines de recherche très actifs. Aujourd’hui, des améliorations sont encore possibles dans le dessin de ces structures, citons, par exemple, les lasers sans injecteurs [20].

Le couplage évanescent

Afin d’induire un couplage entre les émetteurs d’une barrette de diodes laser, la solution la plus directe consiste à positionner les émetteurs suffisamment proches les uns des autres de telle sorte que les parties évanescentes des modes guidés des différentes diodes se recouvrent partiellement. On parle alors de couplage par ondes évanescentes. Dans le proche infrarouge, le pas typique entre les émetteurs de la barrette est de quelques microns. Le principal inconvénient du couplage évanescent est que dans la plupart des cas le mode global de la barrette (ou supermode) favorisé est le mode « en opposition de phase » où deux émetteurs adjacents sont déphasés de π l’un par rapport à l’autre. Ceci s’explique en partie par le fait que ce supermode est celui qui présente le moins de pertes. En effet, son profil spatial possède des noeuds entre les guides et donc un recouvrement optimal avec les zones de gain de la barrette. Par exemple, le supermode « en phase », où tous les émetteurs ont la même phase, présente un profil de champ qui ne s’annule pas entre deux guides et donc des pertes supérieures à celles du mode « en opposition de phase ». Il s’agit d’une configuration multi-pupillaire : en champ lointain, le mode « en opposition de phase » présente des lobes supplémentaires ce qui conduit à une dégradation de la qualité spatiale du faisceau [32], [33]. Typiquement, étant données les dimensions de ce type de barrette de diodes, on observe en champ lointain deux lobes principaux d’intensité similaires accompagnés de lobes parasites d’intensités moindres. En outre, ce défaut s’aggrave avec la puissance émise par le réseau de diodes lasers. Il s’agit là du principal défaut du couplage par ondes évanescentes. Pour favoriser le mode en phase et augmenter le couplage, une autre solution consiste à placer les zones de gain et les zones de guidage en quinconce.

L’émission laser est ici guidée par le gain dans chacune des diodes [34]. Le couplage entre les émetteurs s’effectue grâce aux ondes de fuite dans les zones d’indice fort, on parle aussi d’antiguidage. On montre théoriquement que cette architecture présente l’avantage de favoriser le mode « en phase » par rapport au mode « en opposition de phase ». Si l’on s’intéresse au champ lointain des supermodes de ces réseaux d’émetteurs couplés par ondes évanescentes ou par ondes de fuites, on s’aperçoit qu’il présente un certain nombre de pics de diffraction (configuration multi-pupillaire). Dans le cas où le mode « en phase » a été sélectionné et où le taux de remplissage de la barrette est suffisamment élevé on obtient en champ lointain un lobe sur l’axe central contenant un fort pourcentage de la puissance totale de sortie. Ainsi, dans [35], les auteurs obtiennent 58% de l’énergie totale dans le lobe central du mode « en phase ». Si l’on filtrait ce lobe central, on pourrait alors parler de combinaison de faisceaux avec une efficacité de combinaison de 58%. En conclusion, les performances des barrettes de diodes lasers couplées par ondes évanescentes ou par ondes de fuite, sont actuellement limitées à quelques centaines de milliwatts [33]. La principale limitation ici est la très grande instabilité de l’émission à forte puissance. Il est extrêmement compliqué de fixer le mode « en phase » lorsque l’on cherche en même temps à extraire beaucoup de puissance : la plus petite instabilité peut provoquer un saut de mode de la barrette. D’autre part, la combinaison d’un grand nombre de diodes pose ici problème. En effet, le couplage se fait de proche en proche, ce qui signifie que les erreurs de phase vont se propager à toute la barrette et détériorer la qualité de la combinaison. Pour toutes ces raisons, la plupart des pistes actuelles pour réaliser la combinaison d’un grand nombre de faisceaux concernent le couplage en cavité externe.

Présentation des solutions étudiées pendant cette thèse

Dans cette thèse, les solutions explorées pour la montée en puissance dans le MIR ont concerné la combinaison cohérente passive de LCQ en cavité externe. Pour éviter l’utilisation de barrettes (voir 3.4), nous avons travaillé avec des LCQ unitaires fabriqués par le III-V Lab à Palaiseau émettant en bande II aux alentours de 4.5-4.6μm. C’est à ces longueurs d’onde que sont actuellement obtenus les plus fortes puissances pour les LCQ. Plusieurs architectures de combinaison cohérente passive en cavité externe ont été explorées. Toutes les solutions étudiées ici réalisent la mise en phase des émetteurs ainsi que la combinaison en champ proche et champ lointain des faisceaux en une seule étape. Le principe de combinaison, fondé sur l’auto-organisation dans les cavités externes à N bras, est décrit au 3.3.2 . Les émetteurs sont placés dans un résonateur commun à N bras couplés par un élément combinant 1 vers N. Les LCQ sont traités antireflet pour empêcher qu’ils n’oscillent individuellement et ainsi favoriser leur mise en phase la cavité commune. Dans un premier temps nous nous sommes intéressés aux cavités Michelson pour la combinaison de deux LCQ. Ces cavités sont ont l’avantage de ne nécessiter comme élément combineur qu’une simple lame semi-réfléchissante (voir Figure 1.13). Pour combiner plus de LCQ, nous avons développé dans un deuxième temps des cavités externes avec coupleur Nx1. Deux types de coupleurs ont été conçus : des réseaux de phase binaires (ou réseaux de Dammann) à l’efficacité limitée et des réseaux de phase multi-niveaux à motifs sub-longueur d’onde.

Les réseaux de Dammann présentent une efficacité limitée (~80%) ce qui va introduire des pertes additionnelles non négligeables dans la cavité externe. Ces réseaux présentent cependant l’avantage d’être relativement simples à concevoir tant sur le plan théorique que technologique. Nous avons également étudié la possibilité de réaliser des réseaux de phase multi-niveaux à motifs sub-longueur d’onde qui présentent des efficacités proches de 100%. En revanche, ces derniers nécessitent la mise en oeuvre de moyens théoriques et technologiques beaucoup plus importants. Nous présenterons au Chapitre 2 un modèle pour comprendre la combinaison cohérente dans les résonateurs à N bras. Il s’agit d’un outil théorique permettant d’étudier les résonances du système et de quantifier l’efficacité de combinaison en fonction de la configuration géométrique de la cavité et de la largeur de bande de gain des émetteurs. Le Chapitre 3 sera consacré aux deux types de séparateurs de faisceaux étudiés ici : les réseaux de Dammann et les réseaux sub-λ. Les outils de modélisation et les routines d’optimisation utilisés pour concevoir ces structures seront présentés. Enfin, nous nous intéresserons à la fabrication de ces réseaux et aux contraintes technologiques associées. Le Chapitre 4 décrit la réalisation expérimentale de combinaison cohérente de lasers à cascade quantique dans une cavité Michelson. Le Chapitre 5 concernera, quant à lui, la réalisation expérimentale de combinaison cohérente de cinq LCQ en cavité externe aves un réseau de Dammann. Les performances en termes de puissance, d’efficacité de combinaison et de qualité de faisceau seront analysées et comparées aux prédictions théoriques. Les limitations et les avantages de cette méthode sont analysés et des voies d’amélioration possibles sont identifiées.

Table des matières

1 INTRODUCTION
1. LES CONTRE-MESURES OPTIQUES DANS L’INFRAROUGE MOYEN
2. ÉTAT DE L’ART DES SOURCES DANS LE MOYEN INFRAROUGE
2.1. Les lasers à gaz
2.2. Les diodes laser interbande
2.3. Les lasers à solide
2.4. Les sources paramétriques
2.5. Les lasers à cascade quantique
2.6. Synthèse
3. LA COMBINAISON DE FAISCEAUX
3.1. L’amélioration de la luminance des sources laser
3.2. Combinaison incohérente
3.3. Combinaison cohérente
3.4. Synthèse sur la combinaison de faisceaux dans le MIR
4. PRÉSENTATION DES SOLUTIONS ÉTUDIÉES PENDANT CETTE THÈSE
2 ÉTUDE THÉORIQUE DE LA COMBINAISON COHÉRENTE DE LASERS DANS UNE CAVITÉ EXTERNE
1. COMBINAISON COHÉRENTE EN CAVITÉ EXTERNE
2. MÉTHODE DE LA RÉFLECTIVITÉ ÉQUIVALENTE
2.1. Principe
2.2. Influence des longueurs de bras
2.3. Influence des sous-cavités
3. UTILISATION D’ÉMETTEURS NON IDENTIQUES
3.1. Différences de puissance
3.2. Différences de profils de faisceau
4. CONCLUSION
3 RÉALISATION DE SÉPARATEURS DE FAISCEAUX DANS LE MOYEN INFRAROUGE
1. INTRODUCTION
1.1. Solutions existantes
1.2. Dimensionnement du problème
1.3. Moyens de fabrication utilisés à Thales R&T
1.4. Présentation de la méthode numérique utilisée
2. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET PROFIL DE PHASE CONTINU IDÉAL
2.1. Grandeurs utiles
2.2. Efficacité de séparation et efficacité de combinaison
2.3. Profil de phase continu idéal
2.4. Optimisation
3. RÉSEAUX DE DAMMANN DANS LE MOYEN INFRAROUGE
3.1. Profil de phase binaire optimal
3.2. Traitement antireflet
3.3. Tolérancement
3.4. Fabrication et caractérisations
4. STRUCTURES SUB-POUR LA RÉALISATION DE SÉPARATEURS DE FAISCEAUX DANS LE MOYEN INFRAROUGE
4.1. Principe
4.2. Calcul du profil du réseau sub-λ : première approche
4.3. Calcul du profil du réseau sub-λ : deuxième approche
5. CONCLUSION
4 COMBINAISON COHÉRENTE DE DEUX LASERS À CASCADE QUANTIQUE DANS UNE CAVITÉ MICHELSON
1. LES LCQ UTILISÉS
1.1. Caractéristiques des LCQ
1.2. Caractéristiques des LCQ en cavité externe individuelle
2. LA CAVITÉ MICHELSON
2.1. Montage expérimental
2.2. Résultats expérimentaux
3. CONCLUSION
5 COMBINAISON COHÉRENTE DE PLUSIEURS LASERS À CASCADE QUANTIQUE DANS UNE CAVITÉ EXTERNE AVEC UN RÉSEAU DE PHASE
1. LES LCQ UTILISÉS
1.1. Caractéristiques des LCQ
1.2. Caractéristiques des LCQ en cavité externe individuelle
1.3. Caractéristiques des LCQ en cavité Littmann
2. LA CAVITÉ EXTERNE AVEC RÉSEAU DE DAMMANN
2.1. Montage expérimental
2.2. Préambule aux mesures expérimentales
2.3. Résultats expérimentaux
3. SOLUTIONS POUR L’AUGMENTATION DE LA PUISSANCE DE SORTIE
3.1. Synthèse sur les causes de chute de la puissance de sortie
3.2. Extrapolation de la puissance de sortie
4. CONCLUSION
6 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXE A NOTION DE QUALITÉ DE FAISCEAU
ANNEXE B CALCULS AUTOUR DE L’EFFICACITÉ DE COMBINAISON D’UN RÉSEAU DE PHASE IDÉAL
LISTE DES PUBLICATIONS
BIBLIOGRAPHIE

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