Évolution historique des daara au Sénégal

Les daara et leurs taalibe : contribution à l’étude du problème de la mendicité

Conditions de restauration des taalibe

Les taalibe des daara-hébergées et les taalibe-externes des daaratraditionnelles, des daara de quartier et des daara mobiles, prennent leurs repas chez leurs parents. Aussi, une partie des taalibe-externes des daara-modernisées prennent leurs repas chez leurs parents. La restauration de ces taalibe-externes est semblable à celle de la jeunesse sénégalaise d’une manière générale dans la mesure où elle est relative aux conditions et aux moyens de vie de leurs parents ou de leurs tuteurs. Or, dans cette étude, nous nous intéressons particulièrement à la restauration des taalibe nourris par leurs seriñ-daara et de ceux qui pratiquent de la mendicité. Concernant les taalibe-internes des daara-modernisées, c’est-à-dire ceux qui sont en régime-internat, nous avons remarqué qu’ils ne mangent pas des produits de la mendicité car les propriétaires de ces daara recrutent des servantes qui préparent le repas de leurs taalibe. Les servantes préparent aussi bien le petit déjeuner, le déjeuner que le dîner destinés aux taalibe-internes de ces daara. Le repas qu’elles préparent est varié et est, le plus souvent, d’une qualité meilleure que ce que mangent beaucoup de Sénégalais. Nous y avons trouvé de la viande, de gros poissons et des légumes divers. Il   fait partie des fonctions des éducateurs recrutés par les seriñ-daara de ces daara de superviser la qualité du repas de leurs taalibe. Par exemple, à la daara-modernisée « Daar al-Arxam Ibn Abii al-Arxam pour la mémorisation du Saint-Coran, l’enseignement et l’éducation islamique au Sénégal » d’Aboubacar Sadikh Faye de Parcelles-Assainies, Unité 9, il y a un menu hebdomadaire pour les taalibe. Selon Aboubacar Sadikh Faye, le menu est ainsi établi : Tableau relatif au menu des repas de la daara d’Aboubacar Sadikh Faye Jour Petit déjeuner Déjeuner Dîner Lundi Fondé481 Ceebu Cu-Jën Pas de plat fixe Mardi Fondé Maafe-Yàpp Pas de plat fixe Mercredi Fondé Ceebu- Jën Pas de plat fixe Jeudi Fondé Ceebu Damadaa Pas de plat fixe Vendredi Pain-beurre Yàssa-Ganaar Pas de plat fixe Samedi Fondé Ceebu Kaldu Cere482 Dimanche Fondé Ceebu-Yàpp Pas de plat fixe Aussi, à la daara-modernisée Murtadaa Mbàkké des Parcelles-Assainies, unité 21, le menu est selon son seriñ-daara, Aboubakry Sow, le suivant : Tableau relatif au menu des repas de la daara d’Aboubakry Sow Jour Petit déjeuner Déjeuner Dîner Lundi Non déterminé Damadaa Fonde Mardi Non déterminé Ceebu-Jën Mbaxal Saalum Mercredi Non déterminé Yàssa Sombi-Gerte Jeudi Non déterminé Maafe Mbaxal Saalum Vendredi Non déterminé Ceebu-keccax Fonde Samedi Non déterminé Damadaa Mbaxal Saalum Dimanche Non déterminé Ceebu-Jën Mbaxal Saalum 481 C’est une bouillie préparée à base de mil. 482 Couscous sénégalais. 280 Avec l’autorisation du seriñ-daara, Aboubakry Sow, nous sommes entré dans la cuisine et avons vérifié la conformité du menu qu’il nous présenté avec la réalité. Nous avons constaté que le menu qu’il nous a présenté est conforme à la réalité puisqu’il est affiché sur la porte de la cuisine. Parmi les huit daara-modernisées enquêtées, ce n’est que celles d’Aboubacar Sadikh Faye et d’Aboubakry Sow qui ont un menu quotidien pour leurs taalibe. Mais, Ibrahima Diaw, qui est le principal assistant de Mariama Niasse, nous a affirmé que Mariama Niasse immole chaque semaine un bœuf et distribue la viande aux seriñ de ses différentes daara. Quant aux taalibe-internes des daara-traditionnelles et des daara mobiles, beaucoup d’entre eux se livrent à la mendicité et ne mangent, le plus souvent, que le repas qu’ils ont quémandé. Nous avons observé la manière dont leur restauration est organisée. D’abord, chaque petit taalibe amène sa sébile remplie de riz préparé. Ensuite, un sanda, ayant dépassé l’âge de quémander, collecte les sébiles et verse le contenu dans des récipients, qui sont le plus souvent, sous forme de bols. Dans la plupart des cas, le repas collecté est d’une quantité considérable que les taalibe ne peuvent pas le manger et sont obligés de verser le restant dans des corbeilles qui sont parfois placées à la devanture de la maison logeant la daara. Dans certaines daara, on organise le repas collecté : une partie est consommée pour le repas de midi ; une autre est réservée pour le repas de la nuit, évitant aux taalibe de quémander la nuit. Cette dernière méthode est utilisée par beaucoup de daara-mobiles de la ville de Dakar. Enfin, la dernière étape de l’organisation de la restauration consiste à répartir les récipients entre les taalibe qui se regroupent en groupes, parfois dépassant une dizaine de personnes. Toutefois un récipient, rempli de riz et bien aménagé, est toujours réservé au seriñ-daara et à ses assistants. Au moment de manger, les petits taalibe s’assoient à même le sol et se servent, non pas de cuillères, mais de leur main. Ils mangent toujours avec leur main droite, et certains lavent leurs mains avant de manger. Nous précisons par là n’avoir vu aucun taalibe laver ses mains avec du savon avant de manger. Par contre, le seriñ-daara et ses assistants s’assoient, le plus souvent, sur des nattes et certains d’entre eux s’accroupissent ; certains se servent de cuillères. Cependant, ayant observé le repas consommé par les taalibe-mendiants, nous pouvons affirmer qu’il est d’une qualité médiocre, car il est constitué essentiellement de riz ; il n’y a ni viande, ni légume et c’est très rarement que de petits poissons, appelés 281 Yabooy, sont placés sur le riz. Également, les taalibe consomment la même chose aussi bien pour le déjeuner que pour le dîner. Pour le petit déjeuner, ils se trouvent dans la rue à cette heure et peuvent acheter, avec l’argent qu’ils ont collecté, le plat de leur choix, le plus souvent du pain-beurre, du pain au chocolat, du pain à la mayonnaise ou du Fonde, avant de rentrer chez eux. Par exemple Omar Ba de la daara B. B. nous a déclaré que : « Chaque matin, avant de rentrer à la daara, j’achète, avec l’argent collecté, du pain-beurre à 100 francs et du café à 50 francs pour mon petit déjeuner. » Quant à Baye Omar Ndiaye, il nous a fait part que : « Chaque matin, avant de rentrer à la daara, j’achète, avec l’argent collecté, du Fonde à 100 francs et du café à 50 francs pour mon petit déjeuner ». Pour le déjeuner et le dîner, les taalibe-mendiants consomment la même chose, c’est-à-dire le repas qu’ils ont collecté à midi. La consommation de ce type de restauration nous a amené à penser que les taalibe-mendiants sont sous-alimentés et peuvent souffrir de la malnutrition.

Emploi du temps de la vie quotidienne des taalibe

Les taalibe-internes ont un emploi du temps très chargé, mais qui varie d’une daara à une autre. Dans les daara-mendiantes, chaque seriñ-daara a pratiquement son 286 propre emploi du temps qui est déterminé par la durée accordée à la mendicité des taalibe. Dans les daara-modernisées, l’emploi du temps des taalibe est à peu près le même et cela est confirmé par l’observation de huit (8) daara-modernisées et les données recueillies lors de nos entretiens avec certains seriñ-daara. Nous allons ainsi présenter l’emploi du temps de trois d’entre-elles : celui de la daara de Mariama Niasse qui est adopté par de nombreuses daara de Dakar car elle et son fils Mouhamed Kane ont ouvert plusieurs daara à Dakar ; celui de la daara d’Ibrahima Niang qui est adopté par beaucoup de seriñ-daara formés à Kokki et celui de la daara d’Aboubacar Sadikh Faye qui est adopté par les seriñ-daara formés à Faas-Turé. Ainsi d’après Sidy Mouhamed Habib Niasse qui dirige la daara de Mariama Niasse qui se trouve à Mermoos, nous avons le programme suivant : « Mes taalibe se réveillent chaque jour à 4 heures 30 minutes pour commencer l’apprentissage coranique jusqu’au dernier appel à la prière de Fajar. Á cette heure, ils font leurs ablutions, prient et partent se coucher. Au plus tard à 8 heures 30 minutes, ils se réveillent, se lavent le corps puis prennent leur petit déjeuner. Á 9 heures 00 minute, ils reprennent les cours d’enseignement jusqu’à 13 heures 00 minute. De 13 heures 00 minute jusqu’à 14 heures 00 minute, ils se reposent. Á 14 heures 00 minute, ils prient, puis prennent leur déjeuner et reprennent les cours d’enseignement à 15 heures 00 minute. Á 17 heures 00 minute, les taalibe prient, puis continuent les études jusqu’à 18 heures 00 minute. Á cette heure, ils partent se reposer pour reprendre les cours d’enseignement après la prière de Timis. Ils apprennent leurs leçons de Timis jusqu’à 21 heures 00 minute. Á cette heure, ils font leurs prières, puis prennent leur dîner et partent se coucher au plus tard à 22 heures 00 minute». Concernant la daara-modernisée « Seydunaa Muhamed li tahfiisi al-Xuraan alKariim wa tarbiyya al-Islaamiyya » d’Ibrahima Niang, selon ses propos, l’emploi du temps de la vie quotidienne de ses taalibe est le suivant : « Mes taalibe se réveillent chaque jour à 5 heures 00 minutes pour commencer l’apprentissage coranique jusqu’au dernier appel à la prière de Fajar. Á cette heure, ils font leurs ablutions, prient, puis partent se coucher. Au plus tard à 8 heures 30 minutes, ils se réveillent, se lavent le corps, puis 287 prennent leur petit déjeuner. Á 9 heures 00 minute, ils reprennent les cours d’enseignement jusqu’à 12 heures 30 minutes. De 12 heures 30 minutes jusqu’à 13 heures 30 minutes, ils se reposent. De 13 heures 30 minutes jusqu’à 14 heures, ils s’initient à l’apprentissage de l’écriture et à 14 heures 00 minute, ils prennent leur déjeuner. Á 14 heures 15 minutes, ils prient, puis font la sieste jusqu’à 15 heures 00 minutes. Á 15 heures 00 minutes, ils reprennent les cours d’enseignement ; à 17 heures 00 minute, ils prient puis continuent les études jusqu’à 18 heures 00 minute. Á cette heure, ils partent se reposer pour reprendre les cours d’enseignement après la prière de Timis. Ils apprennent leurs leçons de Timis jusqu’à l’appel de la prière de Geewe. Á 21 heures 00 minute, ils prennent leur dîner, puis partent se coucher». Au niveau de la daara-modernisée « Daar al-Arxam Ibn Abî al-Arxam pour la mémorisation du Saint-Coran, l’enseignement et l’éducation islamiques au Sénégal » d’Aboubacar Sadikh Faye, l’emploi du temps de la vie quotidienne des taalibe est, selon le directeur de cette daara, le suivant : « Mes taalibe se réveillent chaque jour à 4 heures 00 minutes pour commencer l’apprentissage coranique jusqu’au dernier appel à la prière de Fajar. Á cette heure, ils font leurs ablutions, prient, puis continuent à apprendre jusqu’à 7 heures 00 minute. De 7 heures 00 minute jusqu’à 9 heures 00 minute, ils vont dormir. De 9 heures 00 minute à 10 heures 00 minute, ils se lavent le corps puis prennent leur petit déjeuner. Á 10 heures 00 minute, ils reprennent les cours d’enseignement jusqu’à 13 heures 00 minute. De 13 heures 00 minute jusqu’à 16 heures 00 minute, ils se reposent, prient, puis prennent leur déjeuner et enfin font la sieste. Á 16 heures 00 minute, ils reprennent les cours d’enseignement jusqu’à 18 heures 00 minute. De 18 heures 00 minute jusqu’à la prière de Timis, ils se reposent. Après la prière de Timis, ils étudient pendant 45 minutes, puis font leur prière de Geewe, puis prennent leur dîner. Á 21 heure 30 minutes, ils partent tous se coucher». 288 Nous remarquons que les emplois du temps de la vie quotidienne des taalibe des daara-modernisées sont à peu près les mêmes ; il n’y a que très peu de différences. Mais, d’après nos investigations, nous avons su que c’est l’emploi du temps d’Ibrahima Niang qui est le plus adopté par les daara-modernisées de la ville de Dakar. Á travers cet emploi du temps, nous remarquons que les taalibe des daara-modernisées sont très pris et n’ont pas le temps de s’adonner à des activités de distraction. Ce ne sont les jours de jeudi et de vendredi qu’ils peuvent sortir de la daara pour faire de la promenade ; et même dans ce cas, ils font la promenade sous la supervision du seriñ-daara ou d’un de ses assistants. Dans ce sens, Ibrahima Niang nous a révélé que : « Chaque jeudi, je passe la journée à la plage en compagnie de tous mes taalibe pour leur permettre de changer d’air et de se distraire, car je sais que notre rythme d’enseignement est très dur à être supporté par les enfants ». Dans ce sens, Aboubacar Sadikh Faye nous a fait savoir l’emploi de temps de la vie quotidienne de ses taalibe durant les jours de jeudi et de vendredi. Pour lui : « Durant les jeudis et les vendredis, mes taalibe se réveillent à 5 heures 30 minutes pour faire de la révision de leurs leçons jusqu’au dernier appel à la prière de Fajar. Á cette heure, ils font leurs ablutions, prient, puis continuent à apprendre jusqu’à 7 heures 00 minute. De 7 heures 00 minute jusqu’à 9 heures 00 minute, ils dorment. De 9 heures 00 minute à 10 heures 00 minute, ils se lavent le corps, puis prennent leur petit déjeuner. Á 10 heures 00 minute, ils suivent une projection de film jusqu’à 14 heures 00 minute. De 14 heures 00 minute jusqu’à 17 heures 00 minute, ils prient puis prennent leur déjeuner et enfin se reposent. Á la suite de la prière de Tàkkusaan jusqu’à la prière de Timis, ils assistent à une conférence animée par moi-même ou par un de mes assistants. Á la suite de la prière de Timis jusqu’à la prière de Geewe, ils font un concours de récitation du Coran. Après la prière de Geewe, ils prennent leur dîner puis partent tous se coucher à 21 heure 30 minutes ».

Table des matières

Introduction
PREMIÈRE PARTIE- CADRES GÉNÉRAL ET MÉTHODOLOGIQUE DE L’ÉTUDE
Chapitre I- Cadre général
Chapitre II- Cadre méthodologique8
DEUXIÈME PARTIE- ÉVOLUTION HISTORIQUE DES DAARA AU SÉNÉGAL ET L’ENSEIGNEMENT CORANIQUE DANS LE CONTEXTE ACTUEL DU SÉNÉGAL
Chapitre I- Évolution historique des daara au Sénégal
Chapitre II- L’enseignement coranique dans le contexte actuel du Sénégal
TROISIÈME PARTIE- ACTEURS DES DAARA ET CONDITIONS DE VIE ET D’ÉTUDES DES TAALIBE DE LA VILLE DE DAKAR
Chapitre I- Les acteurs des daara de la ville de Dakar
Chapitre II- Conditions de vie et d’études des taalibe de la ville de Dakar
QUATRIÈME PARTIE- INTERPRÉTATION DES ÉTUDES DES TAALIBE, DE LA MENDICITÉ ET DES PROGRAMMES DE RÉFORME DES DAARA
Chapitre I- Études des taalibe
Chapitre II- Analyse de la mendicité
Chapitre III- Lutte contre la mendicité et réforme des daara
Conclusion

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