Fabrication des plaques composites et essais mécaniques

Les matériaux composites à fibres végétales

Les composites à fibres naturelles (CFN) en général, et ceux utilisant les fibres végétales en particulier, connaissent ces dernières décennies un regain d’attention afin d’exploiter leur potentiel pour limiter l’impact environnemental des composites à fibres synthétiques et ainsi remplacer dans les applications non structurales les composites à fibres de verre. Le Tableau 1.2 présente une comparaison entre les fibres végétales et certaines fibres synthétiques (verre, carbone) à la fois sur les plans économiques, techniques et de l’impact environnemental. Dans le domaine de l’automobile ou des transports, les CFN sont surtout utilisés pour les pièces intérieures (panneau intérieur des portières, dossier arrière de véhicules) [8, 19, 20]. Cependant, des compagnies commencent à les utiliser dans la fabrication des carrosseries de voiture; c’est le cas avec la voiture Kestrel® (Figure 1.1) qui est un véhicule électrique développé par la compagnie canadienne Motive Industries et dont la carrosserie est faite d’un composite à fibres végétales de chanvre. Des travaux sont également réalisés afin d’utiliser les CFN dans d’ autres applications structurales telles que les pales de turbine [21, 22]. Les fibres végétales peuvent être utilisées avec les résines thermoplastiques ou thermodurcissables. Cependant, une des difficultés rencontrées avec ces fibres se situe au niveau de leur compatibilité avec certaines résines. En effet, la plupart des résines ont un caractère hydrophobe tandis que les fibres végétales sont hydrophiles. Ceci crée un problème d’interface fibre/matrice dont une des conséquences est la réduction des propriétés mécaniques. Nombres de solutions ont été mises en oeuvre pour améliorer cette interface dans les CFN, notamment en soumettant les fibres à des traitements chimiques tels que l’ alkylation et l’acétylation [24-27]. D’autres travaux ont été réalisés pour développer de nouvelles résines biosourcées en remplacement des résines synthétiques [29-31]. De même différentes architectures de fibres (unidirectionnelles, les tissus non sertis ou « non crimp fabric ») sont développées afin d’obtenir de meilleures performances dans les composites [16, 32-34].

Problématique des renforts

En général, les architectures unidirectionnelles sont peu (ou pas) endommagées comparativement aux renforts tissés qui peuvent être endommagés par le métier à tisser, lequel nécessite l’utilisation de fils tordus pour permettre le tissage sans casser les fils, Ainsi, à cause du tissage, les renforts tissés ont de moins bonnes propriétés mécaniques que les renforts UD puisque les fils des renforts obtenus sont à la fois ondulés et tordus, désorientant ainsi fortement les fibres des composites après moulage, De plus, l’opération de tissage ou la couture peut endommager les fibres et affecter les propriétés des composites, En contrepartie, l’une des principales difficultés dans l’utilisation des renforts UD est la nécessité de maintenir les fibres parallèles pendant la manipulation ou le moulage. Pour cela, différentes solutions existent parmi lesquelles la pré-imprégnation à l’aide d’une résine thermodurcissable, l’utilisation de films qui agissent comme liant pour les fils UD ou encore de fils cousus (renforts UD cousus). Cependant, la pré-imprégnation nécessite une phase supplémentaire consommatrice d’énergie et/ou de temps pour la fusion et/ou l’imprégnation du renfort, De plus, les renforts cousus ou tissés peuvent être endommagés par l’opération de tissage (tel que mentionné ci-dessus) et les fibres se présentent localement désorientées; même pour les renforts UD cousus car le fil liant vient localement comprimer et désorienter les fibres, Pour répondre à ces problématiques, de nouveaux renforts hybrides à base de fils UD de lin déposés sur une couche poreuse de papier (désigné par UD/papier à la Figure 1.6a) ou de mat de lin (désignés par UD/mat à la Figure 1.6b) de fibres courtes de lin sont en développement à l’Institut d’Innovations en Écomatériaux, Écoproduits et Écoénergies, à base de biomasse (I2E3) de l’UQTR [54, 55, 61].

Dans ces renforts, la couche de mat ou papier sert de liant pour les fils UD ; liant continu sur toute la surface du renfort UD par opposition à celui utilisé dans les NeF avec fils cousus à intervalle régulier. Des travaux antérieurs [54, 61 , 62] ont montré que l’utilisation d’une fine couche poreuse de mat de lin ou de papier kraft comme liant pour les fibres de lin UD aide à maintenir les fibres bien orientées et alignées afin de maximiser les propriétés en traction des composites UD. Parmi les procédés de mise en forme des matériaux composites à renforts fibreux, les procédés de moulage par injection sur renfort (ISR) continuent de faire l’objet de nombreux travaux de recherche et sont très utilisés dans l’industrie en raison du coût peu élevé, de la qualité et des propriétés finales des pièces [3 , 44, 60, 63-67]. Dans ces procédés, l’une des phases les plus importantes est celle du préformage à la géométrie du moule du renfort. En effet, la qualité finale de la préforme est garante de sa bonne imprégnation par la résine (du fait de l’uniformité ou non de la perméabilité de la préforme) et de la tenue de la pièce finale (tenue mécanique, thermique et chimique). Si la préforme présente des défauts de type vides ou replis des couches de renfort, en plus de perturber l’écoulement global de la résine; ceux-ci créent des défauts majeurs dans la pièce finale qui affecteront considérablement ses propriétés mécaniques. Pour limiter ces problèmes, le renfort doit pouvoir se conformer aisément sur différentes géométries (de la plus simple à la plus  complexe), ce qui veut dire qu’il doit épouser la complexité de la géométrie du moule et ce avec le moins de défauts possibles.

Le préformage des renforts à fibres naturelles

La majorité des travaux sur le préformage 3D des renforts 2D à fibres naturelles concerne les tissus. Généralement, le renfort est préformé sur un dispositif externe ayant la même géométrie que le moule d’injection mais permettant d’imposer des forces de déformation plus importantes que lors de la fermeture du moule d’injection. Les déformations qui se produisent durant le préformage d’un renfort multicouche sont une combinaison de plusieurs 24 phénomènes complexes (traction biaxiale, cisaillement intraplis, compaction, flexion). Selon l’architecture et l’orientation du renfort par rapport au poinçon, le nombre de plis et la complexité géométrique du poinçon, certains défauts apparaissent. Moothoo et coll. [64] ont étudié le préformage d’un renfort de lin de type taffetas sur un dispositif de formage muni d’un poinçon tétraédrique et d’une matrice (moule femelle) ouverte permettant la prise d’images par caméra. Les auteurs observent la présence de certains défauts comme des surépaisseurs et des replis sur certaines faces de la préforme et en dehors de la zone utile (Figure 2.2). Ces replis s’expliquent par le fait que sous l’effet des déformations imposées par le dispositif, les mèches viennent en contact les unes avec les autres au fur et à mesure que le cisaillement intraplis augmente.

L’augmentation progressive et continue de ce contact se traduit par une augmentation des phénomènes de compression latérale entre les mèches, une augmentation de la rigidité de cisaillement et une diminution de l’angle entre les fils de trame et les fils de chaîne. En-dessous d’un certain angle, dit angle de blocage, les fils commencent à onduler, ce qui se traduit par l’apparition de replis. Cette étude montre que certains paramètres comme la constitution des mèches, le nombre de fibres par fils, l’alignement des fibres ainsi que l’architecture (taffetas, toile, sergé) du renfort ont une influence significative sur sa déformabilité et la qualité fmale de la préforme. Les auteurs observent aussi qu’il est possible de réduire l’amplitude des replis ou du moins de limiter leur apparition en augmentant localement la tension dans les fils des renforts grâce à un serreflan. La Figure 2.3a présente les courbes de cisaillement obtenues dans le test de cisaillement intraplis (cisaillement treillis). On y distingue trois zones caractéristiques du cisaillement des tissus et les angles correspondants. Au début de la zone l, l’effort mesuré est faible car il y n’a pas encore de contact entre les mèches de même direction et les seuls efforts sont causés par le frottement entre fils de chaine et fils de trame. Dans la zone 2, les mèches commencent à se toucher et l’angle de blocage (Figure 2.3b) est atteint. Ce contact entre mèches voisines s’accompagne d’un début de compaction latérale. Cette dernière est d’abord partielle dans la zone 2 puis s’intensifie dans la zone 3; ce qui se traduit par l’augmentation nette de l’ effort de cisaillement. À partir de la zone 3, on commence observer la formation de replis [60,90]. La Figure 2.3b, décrit l’angle de blocage et les deux manières de le calculer en fonction de la rotation des fils de trame ( en rouge) [63].

Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
LISTE DES SYMBOLES
LISTE DES ÉQUATIONS
Chapitre 1 – INTRODUCTION
1.1 Généralités sur les matériaux composites
1.1.1 Le marché actuel des composites
1.1.2 Qu’est-ce qu’un matériau composite
1.1.3 Les matériaux composites à fibres synthétiques
1.1.4 Les matériaux composites à fibres végétales
1.2 Architecture des renforts fibreux
1.3 Problématique des renforts
1.4 Objectifs
Chapitre 2 – REVUE DE LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE
2.1 Le préformage
2.1.1 Le préformage des renforts à fibres synthétiques
2.1.2 Le préformage des renforts à fibres naturelles
2.1.3 Conclusion sur le préformage des renforts fibreux
2.2 La compaction planaire
2.2.1 Réponse en compaction des renforts synthétiques
2.2.2 Réponse en compaction des renforts à fibres naturelles
2.2.3 Conclusion sur la compaction des renforts
2.3 La perméabilité des préformes fibreuses
2.4 Les propriétés mécaniques
2.5 Les traitements chimiques
2.6 Le formage des contenants en papier-carton
2.6.1 Défauts typiques rencontrés lors du formage des contenants 3D en papier
2.6.2 Le formage des contenants 3D en papier-carton
2.7 Conclusion partielle
Chapitre 3 – MATÉRIAUX ET MÉTHODES
3.1 Matériaux
3.1.1 La pâte kraft
3.1 .2 Les fibres de lin
3.1 .3 La résine époxyde
3.1.4 Le fluide pour les essais de perméabilité
3.2 Méthodes
3.2.1 La phosphorylation des fibres de lin
3.2.2 Fabrication des renforts
3.2.3 Compaction planaire
3.2.4 Montage expérimental de préformage 3D
3.2.5 Précompaction des renforts pour les essais de perméabilité et le moulage des composites
3.2.6 Essais de perméabilité
3.2.7 Fabrication des plaques composites et essais mécaniques
Chapitre 4 – ÉTUDE DE LA COMPACTION PLANAIRE ET DU PRÉFORMAGE
4.1 Introduction
4.2 Préformage 3D
4.2.1 Méthodologie des tests de préformage
4.2.2 Résultats des tests de préformage
4.3 Méthodologie des essais de compaction et résultats
4.3.1 Méthodologie des essais de compaction
4.3.2 Résultats des essais de compaction
4.4 Résultats de l’analyse de variance
4.5 Conclusion partielle
Chapih·e 5 – EFFET DES PARAMÈTRES DE COMPACTION SUR LES PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DE COMPOSITES À FIBRES UNIDIRECTIONNELLES DE LIN
5.1 Introduction
5.2 Précompaction des renforts en vue des tests de perméabilité des préformes et les propriétés mécaniques des composites
5.3 Résultats
5.3.1 Essais de perméabilité
5.3.2 Essais de traction et analyse des échantillons fracturés
5.4 Conclusion partielle
Chapitre 6 – EFFETS DE LA PHOSPHORYLATION SUR LA COMPACTION DES RENFORTS UD/MAT ET LES PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES COMPOSITES UD/MAT LIN-ÉPOXY
6.1 Introduction
6.2 Méthodologie des essais de compaction et résultats
6.2.1 Méthodologie des essais de compaction
6.2.2 Résultats des tests de compaction
6.3 Essais de traction et analyses micrographiques
6.3.1 Compaction des renforts en vue du moulage des plaques
6.3.2 Résultats des tests de traction
6.3.3 Analyses des faciès de rupture
6.4 Conclusion partielle
Chapitre 7 – CONCLUSIONS GÉNÉRALES
7.1 Résumé des résultats importants
7.2 Travaux futurs
LISTE DES RÉFÉRENCES
Annexe A – CARACTERISTIQUES DE LA PÂTE KRAFT
Annexe B – DOSAGE DU TAUX DE PHOSPHORE
Annexe C – LISTE DE PUBLICATIONS

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