Facteurs prédisposants à une infection virale foetale

Passage transplacentaire

Le passage ou non du virus par voie transplacentaire et les effets qui s’ensuivent semblent influencés par de nombreux facteurs (source et sérotype viral, espèce cible, environnement, interaction avec d’autres agents, âge du fœtus) [ROEDER et al., 1991].
L’infection transplacentaire se produisait rarement avec les sérotypes étudiés [DE CLERCQ et al., 2008]. Dans les zones d’infection enzootique, la proportion de veaux infectés pendant la gestation était d’ailleurs négligeable ou nulle [MACLACHLAN, 1994 ; MACLACHLAN et al., 2000]. Toutefois, il semble y avoir de plus en plus de preuves que certaines nouvelles souches de virus FCO semblent avoir un tropisme pour les utérus gravides et infectent l’embryon et le fœtus [WALDVOGEL et al., 1992ab]. La placentation syndesmochoriale permet le transfert du sang et des composants plasmatiques au fœtus en développement. Comme le virus de la FCO est associé aux monocytes, lymphocytes et érythrocytes, cette placentation qui favorise les hématomes représente un milieu idéal pour le transfert de l’infection. Le virus pourrait passer le placenta via des monocytes infectés ou par l’infection de cellules du trophoblaste [OSBURN, 1994].
L’infection fœtale par franchissement de la barrière placentaire se produit notamment avec les virus adaptés in vitro sur culture cellulaire. Ce passage sur culture augmente considérablement la capacité des virus à traverser le placenta ; la plupart des vaccins vivants atténués se composent ainsi de souches de FCO potentiellement à l’origine d’infections congénitales. La première constatation que les vaccins à base de virus vivant atténué causaient des infections congénitales a été rapportée au début des années 50 quand des brebis gestantes ont été vaccinées contre la FCO en Californie. Le résultat était la naissance d’agneaux avec des déficits neurologiques graves. Dans la littérature, on retrouve cette transmission transplacentaire avec des souches vaccinales contre les sérotypes 10, 11, 13 et 17 adaptées en culture cellulaire [BELBIS et al., 2010].
Les lésions observées in vivo sur les fœtus ou les veaux infectés in utero par le virus de la FCO se rapprochent de celles observées lors d’utilisation de ces vaccins. Une telle contamination avait pu être mise en évidence lors d’infection expérimentale mais rarement en cas d’infection naturelle [MACLACHLAN et al., 2000; MACLACHLAN et al., 2009].
Toutefois des vaches infectées par le sérotype 11 (également adapté sur culture cellulaire), à 40 ou 60 jours de gestation, ont délivré des veaux normaux sans qu’aucune infection transplacentaire ne soit constatée [ROEDER et al., 1991].
Il a également été montré expérimentalement que des souches virales sauvages telles que le sérotype 11 UC-2 ont une extrêmement faible, voire une incapacité totale, à proliférer et causer des infections congénitales tandis que la souche UC-8 est très pathogène pour le fœtus de veau en développement et pour le souriceau nouveau-né. Aucune de ces souches virales ne cause pourtant de maladie clinique chez les moutons, vaches ou souris adultes [WALDVOGEL, 1992b].
Le sérotype 8, quant à lui, a encore une fois, lors de la récente épidémie en Europe, été à contre-courant des constatations habituelles. En effet, dès septembre 2007, deux veaux nés de mères infectées naturellement par le sérotype 8 du virus de la FCO ont été détectés positifs au test ELISA de compétition (détectant des anticorps dirigés contre la protéine structurale VP7) et positifs au test RT-PCR détectant l’ARN viral et ce, avant la prise de colostrum [THIRY et al., 2008]. Ainsi que l’ont démontré par la suite plusieurs études de terrain menées lors de l’hiver 2007-2008, le virus de la FCO sérotype 8 peut se transmettre par voie transplacentaire dans une proportion comprise entre 16% et 33% [DARPEL et al., 2009 ; SANTMAN-BERENDS et al., 2010]. Cette capacité n’a pas été retrouvée avec le sérotype 1 dans une étude en Andalousie. En plus de son émergence tout à fait inattendue bien au Nord des localisations habituelles du virus de la FCO, cette propriété de passage transplacentaire jusqu’alors jamais décrite dans la littérature avec des souches naturelles amène certains auteurs à formuler l’hypothèse que la souche de sérotype 8 apparue en Europe dériverait d’une souche vaccinale [BELBIS et al., 2010].

Avortements et mortalité précoce

La mort fœtale ou embryonnaire peut se solder par la résorption, la momification, la macération ou l’avortement [GIVENS et MARLEY, 2008]. L’avortement se définit comme l’expulsion du fœtus avant la fin de la période normale de gestation [RICE et ROGERS (1993)].
Les virus peuvent entraîner la mort fœtale ou embryonnaire [VANROOSE et al. (2000)] :
– indirectement par des effets systémiques via la virémie de la mère,
– directement en affectant le conceptus ou en contaminant l’environnement.
La mortalité embryonnaire causée par les pathogènes est souvent reliée à l’hyperthermie durant l’infection (cf. figure 9). Une hyperthermie importante durant le début de la gestation peut provoquer une mort embryonnaire précoce résultant de la dénaturation des protéines embryonnaires. Les prostaglandines peuvent être élevées lors d’états fébriles et donc causer la lutéolyse et ainsi une perte de la gestation. De plus, le stress de l’animal fébrile peut indirectement causer la perte de la gestation par le biais de taux circulants de stéroïdes eux-mêmes anormalement élevés ou par le biais d’une faible réponse immunitaire pour les autres organismes pouvant causer une mortalité embryonnaire.
Figure 9 : Perturbations des événements pré ovulatoires et du développement embryonnaire
lors d’hyperthermie.
Source :AUBINEAU (2009)
Un autre mécanisme peut être les effets cytolytiques sur l’embryon éclos associés à la présence du virus dans la lumière utérine.
Le virus de la FCO présente un tropisme pour l’utérus gravide, richement vascularisé. Des lésions vasculaires viro-induites et des hématomes placentaires favorisent les contacts entre les sangs maternel et fœtal. Les atteintes du système reproducteur varient selon les études. Elles dépendent notamment du sérotype et de la souche du virus. Chez la vache, l’infection est associée à :
– l’allongement de l’intervalle vêlage-fécondation (153 au lieu de 112 jours),
– un taux de réussite plus faible à la première IA (22% contre 34%),
– un âge plus élevé au premier vêlage.
Les avortements causés par le virus de la FCO étaient connus pour se produire de manière sporadique [MACLACHLAN et al., 2000]. Expérimentalement, l’infection de vaches gestantes avant la période de gestation et deux semaines après son début ne cause pas de mortalité embryonnaire précoce [OSBURN, 1994]. L’infection expérimentale de vaches gravides aux jours 21 et 30 avec un virus de sérotype 11 n’a pas altéré la poursuite de la gestation. Une infiltration lymphocytaire périvasculaire modérée était observée dans l’ovaire, sans modification au cours de la gestation [THIRY et al., 2008].
Encore une fois, le sérotype 8 a surpris tout le monde de par sa clinique peu commune : de nombreux avortements étaient rapportés chez des vaches infectées par cette souche. Dans les Ardennes, en 2007, des avortements touchant jusqu’à 10% du cheptel en fin de gestation (8-9 mois) ont été rapportés [MAYER et al., 2007]. Les études menées aux Pays-Bas en 2006 ont estimé l’impact de la FCO sur les avortements et la mortalité embryonnaire entre 1 et 2% [MAYER et al., 2007 ; ELBERS et al., 2008].
Il est néanmoins difficile d’attribuer concrètement ces avortements ou mortalités embryonnaires directement au virus de la FCO sur le terrain. En effet, de nombreux autres facteurs (alimentaire, parasitaire, stress…) peuvent être mis en cause. D’après MANIERE (2008), une psychose, consécutive à l’installation de l’épidémie et aux échos faits d’impacts sur la reproduction, a pu être à l’origine de répercussions sur le suivi des accidents de la reproduction. Cela a pu entraîner une forte augmentation des déclarations d’avortements ainsi que de nombreuses demandes de testage des taureaux reproducteurs. Par exemple dans la Nièvre, on a assisté à un quasi doublement des déclarations d’avortement (878 en 2006/2007 contre 1680 en 2007/2008) dans tout le département qui n’était pourtant qu’en partie touché par la FCO. Si une partie de l’augmentation est probablement imputable à la FCO, le département se trouvait au front de l’épizootie à ce moment (au nord 90% des broutards étaient séropositifs contre 10% seulement au sud). Des biais doivent donc être recherchés : dans ce contexte d’interrogations et d’inquiétudes, des avortements que les éleveurs avaient l’habitude de ne pas déclarer l’ont été, et d’autant plus si des indemnités étaient prévues.
Une étude cherchant à s’appuyer sur des données comparables a été menée par l’Institut de l’Elevage sur l’épizootie de 2007. En s’appuyant sur les bases de données (base de données nationale d’identification (BDNI), SIG et base des foyers de FCO déclarés) de 2007 par rapport à 2006, une extrapolation a été proposée en tenant compte du nombre de veaux attendus habituellement (7 millions) dans les élevages français. Celle-ci a permis d’arriver à la conclusion que les pertes de veaux, la perte des mères et les échecs de reproduction liés à la FCO ont eu comme conséquence 20 923 veaux manquants en élevage laitier et 40 572 en élevage allaitant. Les veaux estimés manquants à cause de la FCO représenteraient environ 1% du cheptel [MOUNAIX et al., 2008].
Toujours dans cette étude, lors d’enquêtes réalisées dans des élevages foyers du Nord et de l’Est de la France, les éleveurs ont constaté une augmentation des avortements durant le dernier semestre 2007, soit chez des vaches en fin de gestation pour des vêlages d’automne, soit pour des femelles en début de gestation mises à la reproduction durant ce semestre. Le taux d’avortements supplémentaires attribués à la FCO a pu être estimé à 4% en élevage laitier et 3% en élevage allaitant. Il s’agit d’une proportion d’avortements supplémentaires à rajouter au taux d’avortements « normal » de 2% [MOUNAIX et al., 2008].
Au cours de la saison de vêlages 2007/2008, en Belgique, près de 40% des fœtus avortés (et dont la mère avait présenté des symptômes de FCO pendant la gestation) étaient viropositifs envers la FCO ; et même lorsque la mère n’avait présenté aucun signe clinique associé à la FCO pendant la gestation, l’ARN viral était retrouvé chez près de 18% des avortons [BELBIS et al., 2010]. L’augmentation de la mortalité fœtale chez les bovins a également été rapportée en Belgique [MEROC et al., 2009].

Cas du nouveau-né infecté in utero

Les virus sont connus pour être à l’origine de tératogenèse (c’est-à-dire la genèse d’organes anormaux lors de la croissance fœtale au cours de la gestation). Lorsque les souches virales de la fièvre catarrhale ovine ont la possibilité de traverser le placenta et d’atteindre le fœtus, il est possible qu’elles entraînent des malformations fœtales. Ces cas sont sporadiques et étaient surtout, jusqu’à récemment, uniquement décrits chez les veaux dans des pays tels que l’Afrique du Sud et les Etats-Unis (de par l’utilisation de vaccins vivants atténués). L’arrivée du sérotype 8 en Europe et sa capacité peu commune à traverser la barrière placentaire ont entraîné des conséquences cliniques chez des veaux infectés in utero relativement fréquentes pour cette maladie. En témoignent notamment les nombreuses hydranencéphalies constatées aux Pays-Bas lors de l’épidémie de 2007 [WOUDA et al., 2008].

Anomalies nerveuses

Le virus présente en particulier un tropisme nerveux chez le fœtus [OSBURN, 1994]. Le type d’atteinte est associé au stade de gestation auquel a lieu l’infection (cf. tableau 2) [MACLACHLAN et OSBURN, 1983 ; WALDVOGEL et al., 1992ab ; MACLACHLAN et al., 2009].
Tableau 2 : Manifestations chez le veau en fonction de la date de l’infection fœtale par le virus de la FCO.
D’après THIRY et al. (2008) ; MACLACHLAN et al. (2000), WALDVOGEL et al. (1992b)

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