Intérêts et limites d’une conciliation des traitements médicamenteux de sortie

Définition et fréquence des erreurs médicamenteuses

Les évènements indésirables liés aux soins : Les erreurs médicamenteuses appartiennent aux évènements indésirables (EI) liés aux soins. Les EI constituent un sujet de préoccupation majeur dans l’amélioration de la prise en charge des patients hospitalisés. Ils sont définis comme « tout incident préjudiciable à un patient hospitalisé survenu lors de la réalisation d’un acte de prévention, d’une investigation ou d’un traitement ».
Leur gravité est très variable, allant de l’absence de conséquence perceptible à une prolongation d’hospitalisation ou ré-hospitalisation, voire à un handicap temporaire ou permanent. Dans de rares cas, ils peuvent conduire au décès du patient.
L’étude ENEIS réalisée en 2009 relève 2,9 évènements indésirables graves (EIG) pour mille journées d’hospitalisation. Dans cette étude, 47% des EIG sont évitables, et la moitié d’entre eux concerne des produits de santé, dont des médicaments.
Les erreurs médicamenteuses : Parmi ces évènements indésirables associés à l’usage des médicaments, on distingue les effets indésirables et les erreurs médicamenteuses. Les effets indésirables sont inévitables, ils découlent de l’emploi du médicament dans ses conditions normales d’utilisation ou d’un mésusage (utilisation intentionnelle en dehors de ces conditions). En revanche, les erreurs médicamenteuses (EM) se définissent comme « l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte survenu au cours du processus de soins impliquant un médicament ». Dans certains cas, il est difficile de distinguer les effets indésirables des erreurs médicamenteuses. Par exemple, dans le cas d’un patient prenant des anti-vitamines K (AVK), un surdosage/sous-dosage est parfois inévitable. En dehors d’une interaction médicamenteuse c’est donc un effet indésirable. Par contre, la survenue d’une hémorragie ou d’une thrombose faute de suivi de l’INR (International Normalized Ratio) et d’intervention adéquate constitue une erreur.

L’erreur médicamenteuse et les logiciels d’aide à la prescription

Concernant le mode de prescription, prescrire manuellement est plus à risque d’EM en comparaison de l’utilisation d’un logiciel d’aide à la prescription ou LAP , qui contient de nombreux outils d’interceptions d’erreurs, automatise certaines manipulations et limite les transcriptions. Cependant, les LAP peuvent générer des erreurs spécifiques (erreur de sélection dans un menu déroulant par exemple), et poser des problèmes de conception (utilisation trop complexe, génération d’anomalies, non interception d’erreurs qu’ils sont supposés arrêter) . Leur certification est donc indispensable, et leur choix et déploiement dans les établissements de santé doivent être bien pensés sous peine de devenir une source d’erreurs supplémentaires.
L’EM peut également être liée à des technologies de santé utilisées pour l’administration des médicaments telles que les pompes, pousse-seringues électriques et montages complexes de perfusion .

Origines des erreurs médicamenteuses aux points de transition et particularités des transferts inter-hospitaliers

EM aux points de transition : Selon le dictionnaire Larousse, une transition est le « passage d’un état à un autre ». Dans le domaine de la santé, c’est le passage d’un secteur, d’un service ou d’un établissement à un autre, dans le parcours de soins d’un patient.
Il existe a minima un changement d’équipe médicale et paramédicale en charge du patient, mais aussi éventuellement, de support pour les informations d’ordre médical, paramédical et pharmaceutique (le dossier médical du patient, le plan de soins, le Logiciel d’Aide à la Prescription ou LAP, et logiciel de Gestion Administrative du Malade ou GAM), voire de circuit logistique pour l’approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux. La vulnérabilité du patient vis à vis des erreurs médicamenteuses aux points de transition découle de ces ruptures dans sa prise en charge.
L’Institute for Heath Improvement américain estimait en 2009 que 46% des erreurs médicamenteuses surviennent aux points de transition dans le système de soins.
Types d’erreurs et conséquences : Les trois types d’erreurs dominantes aux points de transition sont les erreurs de molécules, les omissions/ajouts non intentionnels de médicaments et les erreurs de dosage et de posologie.
Les conséquences de ces erreurs sont principalement : une prise en charge non optimale du patient en raison de l’arrêt d’un traitement ou d’une erreur de dose, la génération possible d’effets indésirables (dont allergies) en cas de molécules ajoutées ou de posologies involontairement augmentées, une entrave ou un retard au diagnostic thérapeutique en cas d’effet indésirable ou au contraire d’un problème d’adhésion à un traitement dont le médecin n’a pas connaissance .

Définition de la conciliation des traitements médicamenteux

Le collège de la Haute Autorité de Santé (HAS) a défini la conciliation des traitements médicamenteux, encore appelée «conciliation médicamenteuse», comme «un processus formalisé qui prend en compte, lors d’une nouvelle prescription, tous les médicaments pris et à prendre par le patient. Elle associe le patient et repose sur le partage d’informations et sur une coordination pluri-professionnelle. Elle prévient ou corrige les erreurs médicamenteuses en favorisant la transmission d’informations complètes et exactes sur les médicaments du patient entre professionnels de santé aux points de transition que sont l’admission, la sortie et les transferts ».
C’est une démarche organisée et structurée, destinée à prévenir ou intercepter les erreurs médicamenteuses aux points de transition dans le parcours de soins du patient. Elle repose sur la coopération entre : les professionnels de santé de ville (médecins, pharmaciens, infirmiers), les professionnels de santé des établissements de santé (médecins, pharmaciens, infirmiers, …), les patients eux-mêmes ou leurs aidants.
Cette conciliation permet d’établir un bilan aussi exhaustif et fiable que possible des traitements pris par le patient, qu’ils soient prescrits ou non. Bien que l’enchaînement des grandes étapes de la conciliation paraisse assez intuitive, il est indispensable de formaliser la façon de procéder pour la rendre efficace et en tirer un maximum de bénéfices .
Des études internationales sur le sujet, notamment l’initiative des High 5s, montrent les bénéfices de ce dispositif en terme d’interception et correction des erreurs médicamenteuses.
La réduction des erreurs médicamenteuses figurait parmi les objectifs de l’initiative internationale des High 5s via la mise en œuvre et l’évaluation de procédures standardisées de conciliation médicamenteuse (SOP Med’Rec). Neuf hôpitaux français ont participé à cette démarche. Sur les 22 863 patients conciliés en France, le nombre d’erreurs médicamenteuses interceptées et corrigées était en moyenne de 0,8 erreur par patient. Grâce au développement d’un outil d’évaluation de la gravité erreurs médicamenteuses par le CH de Lunéville et le CHU de Strasbourg, il a été déterminé que 17% des erreurs interceptées étaient de gravité majeure, critique ou catastrophique et auraient eu un impact sur la santé des patients .

Conciliation médicamenteuse de sortie (CTS) ou de transfert (CTT)

La conciliation médicamenteuse de sortie consiste à confronter la prescription de sortie du patient au BMO, aux prescriptions pendant le séjour et au courrier médical de sortie remis au patient. Cette lettre reprend en principe le traitement de sortie du service, ainsi que le détail et la justification des changements effectués. Ce dernier point est devenu une obligation légale au 1er janvier 2017 avec le décret n° 2016-995 du 20 juillet 2016 relatif aux lettres de liaison.
De la même façon que pour la CTA, il existe un temps de recueil des informations, un temps de synthèse et un temps d’échange avec le prescripteur. Le temps de recherche active d’informations s’appuie sur le BMO réalisé à l’admission, sur l’ensemble des prescriptions réalisées pendant le séjour, sur l’ordonnance de sortie et idéalement sur la lettre de sortie. Cette dernière doit être remise au patient à sa sortie de l’établissement et comporte en principe le résumé de l’évolution clinique du patient et la justification des modifications de traitement réalisées en conséquence. Un document est rédigé pour synthétiser le traitement de sortie, les principaux éléments physiopathologiques en lien avec les traitements et les modifications effectuées par rapport à l’entrée. Les éventuelles divergences non documentées font une nouvelle fois l’objet d’un échange avec le prescripteur, et si nécessaire d’une rectification ou d’une justification écrite dans le bilan de sortie.
En cas de sortie vers le domicile, le patient est informé des changements effectués. Le bilan de sortie lui est remis et est envoyé à son médecin traitant, ainsi qu’à son pharmacien d’officine.

Table des matières

INTRODUCTION 
I. SECURISATION DE LA PRISE EN CHARGE MEDICAMENTEUSE AU SEIN D’UN GHT
I.1. Erreurs médicamenteuses
I.1.1. Définition et fréquence des erreurs médicamenteuses
I.1.2. Origines des erreurs médicamenteuses aux points de transition et particularités des transferts inter-hospitaliers
I.2. La conciliation des traitements médicamenteux : un outil de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse
I.2.1. Définition de la conciliation des traitements médicamenteux
I.2.2. Méthode de conciliation des traitements médicamenteux
I.3. Les Groupements Hospitaliers de Territoire: des opportunités de sécurisation
offertes par un nouveau mode de coopération 
I.3.1. Origine des GHT
I.3.2. Objectifs et fonctionnement des GHT
I.3.3. Prise en charge médicamenteuse dans les GHT
I.3.4. Place de la pharmacie clinique dans les GHT
II. MISE EN PLACE D’UNE CONCILIATION MEDICAMENTEUSE AUX TRANSFERTS DU CH D’AVRANCHES-GRANVILLE VERS LES SSR 
II.1. Contexte général
II.2. Matériel et méthode
II.2.1. Le Groupe Hospitalier Mont-Saint-Michel
II.2.2. Population de l’étude
II.2.3. Etat des lieux de la conciliation médicamenteuse dans les établissements concernés
II.2.4. Analyse des risques d’erreurs médicamenteuses associées au transfert en SSR
II.2.5. Méthode de conciliation
II.3. Résultats
II.3.1. Caractéristiques des patients
II.3.2. Analyse de risques a priori
II.3.3. Analyse de risques a posteriori
II.3.4. Résultats de la conciliation
II.4. Discussion 
II.4.1. Limites dans l’étude de la population ciblée par la conciliation et comparaison avec la population conciliée
II.4.2. Analyse de risques
II.4.3. Intérêts et limites de la conciliation médicamenteuse entre établissements d’un GHT
II.5. Conclusion 
CONCLUSION GENERALE

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