Invariants topologiques des orbites périodiques d’un champ de vecteurs

Invariants topologiques des orbites périodiques d’un champ de vecteurs

Préliminaires

Nous commençons par rappeler quelques généralités sur les objets en jeu ici : orbifaces, fibrés unitaires tangents et flot géodésique. Nous ne donnons pas de preuve dans cette partie, mais renvoyons à la bibliographie pour des démonstrations détaillées. 3.1.a Groupes fuchsiens et orbifaces La notion d’orbifold est une généralisation de celle de variété étroitement liée à l’étude des pavages et des revêtements. Le cas qui nous intéresse ici est celui des orbifolds métriques orientables en dimension 2. 3.1.1 Définition. Une orbiface orientable Σ modelée sur une surface riemannienne X est un espace métrique Σ muni d’un atlas de cartes (Ui , fi , pi), où les Ui sont des ouverts simplement connexes de X invariants par une rotation d’angle 2π/pi et les fi : Ui → Σ sont des revêtements ramifiés locaux d’ordre pi tels que le quotient (Z/piZ)\Ui → Σ est un homéomorphisme sur son image et dont les images recouvrent Σ, et tels que les changements de cartes f −1 i ◦ fj sont des isométries de X. 23 Quand X est une sphère à courbure constante (resp. le plan euclidien, resp. le plan hyperbolique), on parle d’orbiface sphérique (resp. euclidienne, resp. hyperbolique). ♦ Par exemple, le tore R 2 /Z 2 est une orbisurface euclidienne. En effet, on peut choisir pour les ouverts Ui des ouverts de R 2 , pour les fi la projection naturelle R 2 → R 2 /Z 2 , et pour les indices pi la valeur 1. Les changements de cartes sont alors des translations. Autre exemple, le quotient de la sphère S 2 par n’importe quel sous-groupe discret G de SO(3) agissant à gauche est une orbiface sphérique. On choisit pour les Ui des ouverts de la sphère, pour les cartes la projection S 2 → G\S 2 . Les indices pi correspondent alors aux ordres des rotations du groupe G. Les changements de cartes sont alors des rotations de la sphère. FIGURE 3.1.1 – Deux exemples d’orbifaces. À gauche le tore R 2 /Z 2 recouvert par neuf cartes. La figure représente le plan recouvert par un ensemble Z 2 -équivariant de cartes ; le réseau Z 2 est figuré par des points. À droite le quotient de la sphère S 2 par le groupe des isométries directes du cube. Les sommets du cube admettent des voisinages décrit par des cônes (Z/3Z)\U. Une orbiface riemannienne est analogue à une surface, sauf au voisinage de certains points isolés, appelés singularités coniques, que l’on peut imaginer comme un cône dont l’angle au sommet vaut 2π/pi . Soit H 2 le demi-plan {z ∈ C | =z > 0} dit de Poincaré, muni de la métrique hyperbolique standard ds2 = dz2 /=z, et soit T 1H 2 son fibré unitaire tangent. On rappelle que le groupe des isométries directes de H 2 est PSL(2, R) et que l’action de PSL(2, R) sur T 1H 2 est propre et simplement transitive. On peut donc identifier T 1H 2 et PSL(2, R). Topologiquement, il n’y a pas grand chose à dire puisque T 1H 2 est isomorphe à H 2 × S 1 . En revanche, si on quotiente H 2 par un sous-groupe fuchsien agissant à gauche, c’est-à-dire un sous-groupe discret G de PSL(2, R) agissant proprement sur H 2 , on obtient des surfaces ou des orbifaces G\H 2 ayant une topologie non triviale, et des flots géodésiques plus compliqués sur le fibré unitaire tangent T 1 (G\H 2 ). La propriété importante pour notre étude est l’existence de domaines fondamenteux polygonaux pour les groupes fuchsiens. 3.1.2 Définition. (voir [10, p. 204]) Soit G un groupe fuchsien. On appelle domaine fondamental polygonal pour l’action de G sur H 2 une partie F de H 2 telle que (i) l’union des gF pour g dans G est H 2 , (ii) pour g, g0 distincts dans G, les intérieurs des ensembles gF et g 0F sont disjoints, (iii) la frontière de F dans la compactification H 2 ∪ ∂∞H 2 est constituée d’un nombre fini c de segments, qui sont soit géodésiques, soit inclus dans ∂∞H 2 . ♦ Un domaine fondamental a des propriétés supplémentaires liées à la structure du groupe fuchsien. 

Proposition

(voir [10, pp. 214, 220, 221]) Soit G un groupe fuchsien et F un domaine fondamental pour l’action de G sur H 2 . On note V1, . . . , Vc les sommets de F, et pour tout Vi dans H 2 , on note θi l’angle entre les côtés ]Vi−1Vi [ et ]ViVi+1[ de F. Alors (i) quitte à subdiviser les côtés, pour tout côté ]ViVi+1[ de F non inclus dans ∂∞H 2 , il existe un côté ]Vj+1Vj [ (avec éventuellement i = j) et un élément gij de G tel que gi(]ViVi+1[) =]Vj+1Vj [, (ii) le groupe G est engendré par les éléments gij qui apparient ainsi les côté finis de F, (iii) l’appariement des côtés s’étend en un regroupement des sommets (par groupe d’éventuellement plus que deux), et si les sommets Vi1 , . . . Vik sont regroupés, il existe pi entier ou infini tel que θi1 + · · · + θik = 2π/pi . ♣ V1 V2 V3 V4 V5 V6 FIGURE 3.1.2 – Un exemple de domaine fondamental pour un groupe fuchsien G. Les côtés de même couleur sont appariés par G. Cet appariement regroupe les sommets V1, V3 et V5, et laisse V2, V4 et V6 isolés. La somme des angles dans ces quatre groupes vaut respectivement 2π, 2π/3, 2π/3 et 0. Le quotient G\H 2 est une orbiface, les points V2 et V4 sont projetés sur des singularités coniques. Pour tout point V de H 2 , on note B(V, ε) la boule de centre V et de rayon ε, et pour tout segment ]V V 0 [ dans H 2 , on note B(]V V 0 [, ε/2) le ε/2-voisinage tubulaire du segment [V V 0 ], privé des boules B(V, ε/2) et B(V 0 , ε/2). La proposition 3.1.3 permet de déduire une structure d’orbiface sur le quotient G\H 2 . 3.1.4 Proposition. Soit G un groupe fuchsien et F un domaine fondamental polygonal pour l’action de G sur H 2 . Soit V1, . . . , Vc les sommets de F, et p1, . . . , pc les entiers associés par la proposition 3.1.3 (iii). Soit ε < min 16i6c (d(Vi , Vi+1)). Alors (i) le quotient G\H 2 est une orbiface hyperbolique admettant un atlas constitué des cartes (B(Vi , ε), id, pi) si Vi est dans H 2 , (B(]ViVi+1[, ε/2), id, 1) si ]ViVi+1[ n’est pas dans ∂∞H 2 , et (Int(F), id, 1), (ii) les changements de cartes sont l’identité quand deux cartes se coupent, et les éléments gij de la proposition 3.1.3 (ii) pour les cartes recouvrant des côtés appariés ou des sommets regroupés par G. ♣ Pour la suite, étant donné un domaine fondamental F, on note ri le nombre de sommets de F regroupés avec Vi (y compris Vi), et on note Pi leur image commune dans G\H 2 . Dans le pavage de H 2 par des copies de F, le nombre de faces adjacentes à Vi est alors piri , tandis que le stabilisateur GVi est Z/piZ.

Le fibré unitaire tangent d’une orbiface

Nous nous intéressons maintenant au fibré unitaire tangent. Commençons par deux cas simples. Étant donné un disque D 2 paramétré polairement par (r, θ), son fibré unitaire tangent est l’ensemble des vecteurs de norme 1 tangents à D 2 . Notons ϕ l’angle d’un vecteur tangent avec la direction horizontale θ = 0. Alors T 1D 2 est paramétré par r, θ et ϕ ; c’est donc un tore plein D 2 × S 1 . θ ϕ π FIGURE 3.1.3 – À gauche : le fibré unitaire tangent à un disque D 2 est un tore plein. L’action de Z/pZ est figurée par une flèche, c’est un vissage. Un étage de la tour est un domaine fondamental, l’espace compris entre deux murs verticaux en est un autre. Au centre : le modèle de l’étage pour le quotient, obtenu en identifiant plancher et plafond d’un étage via une rotation d’angle −2π/p. C’est par définition un modèle du fibré unitaire tangent à D 2 p . Toutes les fibres à part la fibre centrale coupent p fois le disque méridien. À droite : un autre modèle du quotient, le modèle de la part de gâteau, obtenu en identifiant deux murs verticaux de la tour via une translation d’un p-ième de la hauteur totale. Supposons le disque D 2 muni d’une métrique telle que la rotation d’angle 2π/p est une isométrie. Alors le groupe Z/pZ agit par isométries sur D 2 . L’action n’est pas libre car le centre du disque est fixé. C’est en fait le seul point à stabilisateur non trivial. Le quotient de D 2 par Z/pZ est donc une orbiface, notée D 2 p . On note π la projection de D 2 sur D 2 p . L’action de Z/pZ étant par isométries, elle s’étend au fibré unitaire tangent T 1D 2 , et un élément ¯k de Z/pZ agit par ¯k ·(r, θ, ϕ) = (r, θ + 2kπ/p, ϕ+ 2kπ/p). L’action sur T 1D 2 est alors libre, puisque les vecteurs tangents au centre tournent d’un angle 2kπ/p. Le quotient (Z/pZ)\T 1D 2 est donc une variété, que l’on définit comme le fibré unitaire tangent à D 2 p , noté T 1D 2 p . C’est également un tore plein (voir figure 3.1.3). Remarquons que le tore T 1D 2 est naturellement feuilleté par les cercles T 1 {x} = {x} × S 1 qui coupent +1 fois chaque disque méridien D 2 × {ϕ}. Le tore T 1D 2 p est également feuilleté par les cercles T 1 {x}. Si x est le sommet du cône, alors T 1 {x} est l’âme du tore plein et coupe +1 fois chaque disque méridien. En revanche, si x est un autre point de D 2 p , le cercle T 1 {x} coupe +p fois chaque disque méridien, les intersections se succédant avec un angle −2π/p. Comme tout point d’une orbiface admet un voisinage du type D 2 p , on peut définir le fibré unitaire tangent à toute orbiface. Plus formellement

 Définition

Soit Σ une orbiface modelée sur une surface riemanienne X et décrite par un at- 26 las {(Ui , fi , pi)}. Alors le fibré unitaire tangent T 1Σ à Σ est la variété modelée sur T 1X et définie par l’atlas {(Vi , gi)}, où, pour tout i, (i) l’ouvert Vi est le fibré unitaire tangent T 1 ((Z/pZ)\Ui), (ii) la carte gi : Vi → T 1X est définie par gi(x, v) = (fi(x), Dfi(x)(v)). ♦ Soit fij un changement de cartes de la forme f −1 i ◦ fj de Σ. Alors gij défini par gij (x, v) = (fij (x), Dfij (x)(v)) est un changement de cartes de T 1Σ. Dans le cas des groupes fuchsiens[∗] , on a une définition équivalente du fibré unitaire tangent : comme G agit proprement sur H 2 par isométries, l’action de G sur H 2 s’étend en une action libre sur T 1H 2 . Le quotient G\(T 1H 2 ) est donc une variété. Elle coïncide avec le fibré unitaire tangent déjà défini T 1 (G\H 2 ). 3.1.c Le flot géodésique sur une orbiface Soit G un groupe fuchsien. En tant qu’orbiface métrique, G\H 2 porte un flot géodésique Φ : R × T 1 (G\H 2 ) → T 1 (G\H 2 ) défini comme suit. Étant donné un point (x, v) de T 1 (G\H 2 ), il passe par x une unique géodésique orientée γ dirigée par v ; alors Φ t (x, v) est l’unique point (x 0 , v0 ) de T 1 (G\H 2 ) tel que x 0 est sur γ, on a xx0 = t, et v 0 dirige également γ. Une autre façon de construire Φ est de partir du flot géodésique Φe sur T 1H 2 . Comme G agit par isométries sur H 2 , son action sur T 1H 2 commute avec le flot géodésique, et donc celui-ci se projette sur le quotient G\T 1H 2 en un flot, lequel coïncide avec Φ

Table des matières

Remerciements
Présentation de la thèse
I Enlacement du flot géodésique
1 Généralités, constructions d’A’Campo et de Giroux
1.1 Définitions et notations
1.2 Les divides d’A’Campo et Ishikawa
1.3 Les livres ouverts de Giroux
2 Sections de Birkhoff pour le flot géodésique sur le tore plat
2.1 Géodésiques périodiques et polygone affine associé
2.2 Analyse du problème
2.3 Classification
3 Patrons et enlacement des géodésiques sur les orbifaces à un cusp
3.1 Préliminaires
3.2 Un patron pour le flot géodésique sur une orbiface unicuspidale
3.3 Patrons pour le flot géodésique dans les orbifaces de type (p, q, ∞)
3.4 Enlacement avec le cusp dans les orbifaces de type (p, q, ∞)
3.5 Enlacement entre géodésiques périodiques de T
1Σ2,q,∞
4 Patrons et enlacement sur les orbifaces à courbure négative
4.1 Discrétisation des géodésiques et multi-patrons
4.2 Enlacement des géodésiques sur les surfaces compactes
4.3 Quotients et orbiface Σ2,3,7
Intermède
5 Un billard contenant tous les entrelacs
II Polynôme d’Alexander des nœuds de Lorenz
6 Nœuds de Lorenz et sommes de Murasugi
6.1 Description combinatoire des nœuds de Lorenz
6.2 Somme de Murasugi, nœuds fibrés et monodromie
7 Racines du polynôme d’Alexander des nœuds de Lorenz
7.1 Préliminaires : le jardin des Dehn
7.2 Combinatoire de la monodromie d’un entrelacs de Lorenz : premier passage
7.3 D’autres surfaces de Seifert pour les nœuds positifs
7.4 Combinatoire de la monodromie d’un entrelacs de Lorenz : second passage
7.5 Bornes sur le rayon spectral de la monodromie
III Nœuds, dynamique, et théorie des nombres
8 Nœuds de Lorenz, nœuds modulaires, et corps quadratiques
8.1 Classes de conjugaison dans SL2(Z) sous l’action de GL2(Z)
8.2 Classes d’idéaux et classes de conjugaison
8.3 La surface modulaire
8.4 Flot modulaire, nœuds modulaires, et classes de conjugaison
8.5 Nœuds modulaires et nœuds de Lorenz
8.6 Nœuds de Lorenz et classes d’idéaux
8.7 Deux résultats nouveaux
Bibliographie

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