La cohésion et la cohérence dans les recherches théoriques

La distinction entre la notion de cohésion et celle de cohérence est, comme le note Charolles (1988), plutôt bien établie depuis la fin des années 70. […] tout le monde est à peu près d’accord pour opposer d’un côté la cohérence, qui a à voir avec l’interprétabilité des textes, et, de l’autre les marques de relation entre énoncés ou constituants d’énoncés. Concernant ces marques, depuis M.A.K. Halliday et R. Hasan (1976), on tend à les regrouper sous le nom générique de cohésion. (p.53) Ce consensus se vérifie aisément dans les définitions proposées par les dictionnaires spécialisés. En effet, ceux-ci relient régulièrement la cohérence à l’interprétabilité du texte ou du discours et la cohésion aux moyens linguistiques (anaphores, répétitions, ellipses, connecteurs, etc.) qui permettent d’assurer le lien et la continuité.

La cohésion
L’analyse de la cohésion est une étude purement linguistique. La cohésion tient au fait que les éléments grammaticaux vont ensemble. Il s’agit du fonctionnement interne du texte qui ne fait pas intervenir les facteurs relevant de la situation d’énonciation ou d’ordre pragmatique. La cohésion renvoie aux relations sémantiques et aux relations organiques de surface (repérable matériellement) qui construisent le texte. Elle concerne principalement le niveau interphrastique et renvoie aux marqueurs formels qui permettent les connexions entre les phrases : l’anaphore, les connecteurs, les temps verbaux.

Parmi les linguistes qui ont cherché à préciser la notion de cohésion, Halliday et Hassan (1976) sont devenus une référence incontournable dans ce domaine. Dans leur ouvrage intitulé Cohesion in English, ils ont proposé une approche purement intratextuelle des moyens de réaliser la cohésion dans les textes en anglais. Pour ces auteurs, on parle de cohésion lorsque l’interprétation d’un élément du discours dépend d’un autre. Dans ce cas, l’un présuppose l’autre car il ne peut pas être décodé sauf en s’y référant. Généralement, dans une relation de cohésion, l’élément présupposé et l’élément présupposant sont au moins potentiellement intégrés dans un texte.

On a l’habitude de définir la cohésion comme une propriété formelle des textes linguistiques. Halliday et Hasan (1976) identifient cinq types de cohésion en anglais, chacun réalisé à travers un ensemble spécifique d’unités et de structures linguistiques, il s’agit de relations de 1) référence, 2) de substitution, 3) d’ellipse, 4) de conjonction et ensuite 5) de relation entre unités lexicales, telles que la répétition ou l’association d’unités lexicales qui apparaissent régulièrement ensemble.

Ainsi, on parle généralement de référence lorsqu’un élément, pour être sémantiquement interprétable, doit référer à quelque chose d’autre. Ces éléments sont généralement de types personnel, démonstratif ou alors comparatif. Il s’agit d’un facteur de type sémantique qui s’exerce entre des sens plutôt qu’entre des mots.

La relation de substitution est la relation qui existe entre des éléments linguistiques tels que des mots ou des phrases. Elle se situe au niveau lexicogrammatical. La substitution est très similaire à l’ellipse. Elle apparaît lorsqu’au lieu de laisser un mot ou une phrase de côté, comme pour l’ellipse, il est substitué par un mot plus général. L’ellipse, quant à elle, est une substitution fait avec zéro élément. Parler d’ellipse renvoie à la phrase dont la structure présuppose un élément qui précède, mais qui est manquant dans les faits sans que son absence ne nuise à l’interprétation du lecteur. Cela arrive lorsqu’après une mention spécifique, les mots sont omis quand la phrase doit être répétée. La relation de conjonction crée une cohésion en reliant les phrases et les paragraphes entre eux en utilisant les mots de conjonction. Elle permet d’établir une relation entre les sens de deux passages de texte contigus. Les éléments conjonctifs ne sont pas cohésifs en eux-mêmes. Ils présupposent d’autres composantes dans le discours et leur présence ne signifie pas que sans eux, le discours n’aurait pas de cohésion. Ils peuvent concerner le temps (après, avant), la cause (parce que), la coordination (et), etc.

Pour conclure, Halliday et Hasan (1976) parlent de la cohésion lexicale. Pour eux, il s’agit d’un procédé cohésif qui assure l’effet de sens escompté sur le choix du vocabulaire. Le scripteur ici répète le même lexème, ou en général les noms pour référer à un autre élément présent dans le texte. Pour ces auteurs, l’utilisation de ces relations crée une unité textuelle et simplifie la tâche du lecteur qui pourra ainsi établir les liens entre les éléments qui constituent le texte. Dans cette optique, on peut affirmer qu’un texte n’est pas uniquement une succession de phrases. Quoi que formelle, dans la mesure où elle dépend de la présence de certains éléments de linguistique dans le texte, la cohésion demeure pour ces auteurs, une propriété sémantique et non pas structurale. De nos jours, on admet qu’un texte cohésif se construit à travers un équilibrage entre les éléments de reprise et les éléments d’information, en d’autres termes entre la continuité et la progression sémantique et référentielle produites dans un texte par un dispositif linguistique. Lorsqu’on étudie la cohésion d’un texte, on s’attarde surtout aux mécanismes uniquement linguistiques qui régissent les relations entre syntagmes dans la phrase ou encore entre les phrases dans un texte. Certains de ces éléments ont des incidences moins linguistiques que pragmatiques. Ils peuvent avoir un impact sur la structuration d’ensemble du texte et donc sur la construction des paragraphes. Nous allons présenter, dans les lignes suivantes, quelques marques linguistiques indispensables pour le texte.

L’anaphore
Il s’agit de la reprise d’un segment du discours par un autre placé à sa suite. L’anaphore peut être lexicale (reprise d’une unité lexicale par une autre unité lexicale: Anissina et Peizerat sont champions du monde ! Les deux patineurs ont semblé très heureux de cette consécration) ou grammaticale (reprise par un pronom).

La cohérence textuelle
Les travaux menés qui dans les années 1970, se sont attardés à définir les conditions de cohérence ou, plus généralement les conditions de la création d’un texte et ont tous montré que la cohésion n’était pas le seul facteur de textualité. Tout texte doit posséder certaines caractéristiques d’organisation. À cet égard, Charolles (1978) affirme que tout tas de mots ne donne pas une phrase, de même que tout tas de phrases ne forme pas un texte.

La cohérence textuelle renvoie à l’organisation sémantique d’ensemble du texte. La cohérence textuelle pose que le texte est une organisation d’ensemble, un tout organisé et non une simple succession de phrases grammaticales. La cohérence textuelle soulève la question : comment le texte se structure pour être un tout organisé? Elle s’intéresse à la manière dont les séquences du texte se structurent pour former un tout qui est la macrostructure. Parmi les théoriciens de ce concept de cohérence textuelle, il faut citer les travaux des linguistes Charolles (1978, 1988); Brown and Yule (1983), Beaugrande et Dressler (1981); Vanderdorpe (1995); Adam (1999, 2005).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 Problématique
1.1 Le contexte de la recherche
1.2 Les orientations des programmes d’enseignement du français au Cameroun
1.3 Les orientations dans les livres d’enseignement du français au Cameroun
1.4 Les directives à l’endroit de l’enseignant de français du secondaire au
Cameroun
1.5 Quelques recherches autour de l’évaluation de la bonne textualité dans les
textes
1.6 Les questions de recherche
1.7 Les objectifs poursuivis
1.8 La pertinence de la recherche
CHAPITRE 2 Assises théoriques
2.1 La linguistique textuelle et l’analyse du discours / La différence entre un texte
et un discours
2.2 Le texte ou la problématique de la l’organisation d’unités qui vont au-delà de la
phrase
2.3 La cohésion et la cohérence dans les recherches théoriques
2.3.1 La cohésion
2.3.1.1 L’anaphore
2.3.1.2 Les connecteurs
2.3.1.3 Les temps verbaux
2.3.2 La cohérence textuelle
2.3.2.1 Les règles de cohérence de Charolles (1978)
2.3.2.2 Autres définitions de la cohérence textuelle
2.4 Cohésion et cohérence dans le texte argumentatif
2.5 Discours argumentatif
2.6 La cohésion et la cohérence textuelle et leurs traitements dans la recherche en
didactique
2.7 Quelques recherches en didactique de l’argumentation
2.8 La question de l’évaluation et ses relations avec la cohésion et la cohérence
2.8.1 Qu’est-ce que l’évaluation ?
2.8.2 L’évaluation de la cohésion et de la cohérence textuelle
2.9 Synthèse
CHAPITRE 3 Cadre méthodologique
3.1 Critères d’évaluation des productions textuelles
3.1.1 La détermination des critères d’évaluation
3.1.2 Grilles d’évaluation des productions textuelles
3.2 Une posture épistémologique à privilégier
3.3 La démarche méthodologique
3.3.1 Contexte
3.3.2 Constitution de l’échantillon
3.3.3 Présentation spécifique de la démarche de cueillette des données choisies
3.3.4 Validation du matériel
3.3.5 Déroulement de la collecte
3.3.6 Démarche d’analyse
3.3.7 Critères de scientificité
CHAPITRE 4 Résultats des analyses
4.1 Les commentaires des enseignants
4.1.1 L’absence de commentaires
4.1.2 Le commentaire non-développé
4.1.3 Le commentaire codé
4.1.4 Le commentaire exclamatif
4.1.5 Le constat
4.1.6 La correction de l’erreur
4.2 Que font les enseignants quand ils évaluent? Et comment l’explicitent-ils?
4.2.1 Cohésion
4.2.1.1 Anaphore
4.2.1.2 Connecteurs ou organisateurs textuels
4.2.1.3 Paragraphes
4.2.2 Cohérence textuelle
4.3 Commentaires faits par les enseignants
4.4 Compréhension de l’évaluation et de la note selon les enseignants
4.4.1 Connaissances mises en application lors de l’évaluation d’un texte et
compétence de l’enseignant
4.5 Caractéristique d’une bonne production textuelle
4.5.1 Définition d’un texte compris
4.5.2 Définition de la cohérence textuelle
4.6 Types de commentaires privilégiés par les enseignants
4.7 Les critères d’évaluation utilisés par les enseignants au Cameroun
4.7.1 Les critères officiels de l’évaluation au Cameroun
4.7.2.L’évaluation «prétendue faite» par les enseignants
4.8 Quelques faits pédagogiques et didactiques justificatifs des difficultés
rencontrées par les enseignants dans l’évaluation de la production textuelle
4.8.1 Manque de connaissance sur les objectifs de l’évaluation
4.8.2 Le manque de temps à consacrer à l’évaluation
4.8.3 Les notes
4.8.4 Le manque de maîtrise du texte argumentatif
4.9 Avis des enseignants sur les orientations préconisées par la grammaire textuelle
CHAPITRE 5 Synthèse des résultats et discussion
5.1 Interprétations des principaux résultats découlant des questions de recherche
5.1.1 Résultats relatifs à ce que font les enseignants camerounais lorsqu’ils
évaluent les productions textuelles
5.1.2 À quels niveaux se situent les remarques qu’ils font?
5.1.3 Quelles dimensions sont laissées de côté?
5.1.4 Confrontation entre ce que font les enseignants et ce qu’ils disent faire 190
5.1.5 Ces actes permettent-ils d’identifier les critères qui définissent la bonne
textualité ou la cohérence textuelle chez les enseignants?
5.1.6 Les résultats indiquent-ils une bonne prise en charge du savoir didactique
à partir de la linguistique textuelle et de l’analyse du discours?
5.2 Discussion des résultats
5.3 Propositions didactiques
CONCLUSION

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