La communication pédagogique a l’épreuve de l’interculturalité

Le sens de l’autre : La construction de la signification de l’altérité dans la formation des enseignants

La communication non verbale et ses composants 

On vient de voir comment Hall et Goffman se sont intéressés à l’étude des comportements humains, dans leurs interactions entre individus de cultures différentes et similaires, à la manière dont les capitaux humains, culturels, sociaux ont une influence dans l’acte communicatif des individus de cultures similaires et divergentes, la manière dont la communication non verbale prend en compte des aspects de type spatial, gestuel, temporel et linguistique. Tous ces aspects peuvent se regrouper dans la kinésique, la proxémique, le paralangage, la chronémique, le toucher. Mais quelles sont la différence et les particularités de ces composantes ? Et comment peuvent-elles affecter un échange entre des individus d’une même culture et de cultures différentes ? 

La kinésique 

On commence à entrer en détail dans les composantes de la communication non verbale avec la kinésique. Le terme kinésique a été utilisé pour la première fois en 1952 par Ray Birdwhistell qui s’est intéressé à la signification psychologique des mouvements corporels. Il a effectué un grand nombre d’études sur le langage gestuel et a utilisé comme moyen de recherche un de nombreuses ressources filmiques. Dans son texte Kinesics and Context, Birdwhistell a montré les aspects kinésiques, linguistiques et philologiques de la relation entre la mère et l’enfant, qui se manifestent entre le langage oral et l’expressivité gestuelle. En effet pour Birdwhistell, l’être humain est capable d’exprimer environ 250 000 expressions avec son visage. Il donne l’exemple suivant : un sergent américain, au moment de saluer avec sa casquette, peut changer la fonction de simple « salut » à partir de gestes variés de son 49 visage comme : la séduction, l’insulte, l’attaque, etc. (Birdwhistell, 1970 : 19). La communication personnelle ne se fait donc pas uniquement de manière verbale, elle répond aussi à d’autres aspects d’interaction sensorielle. La Kinésica es el estudio sistemático que hace referencia a los movimientos corporales no orales, de percepción visual y aquellas posiciones del cuerpo, ya sea de forma consciente o no, que poseen un valor comunicativo clave en el proceso de la Comunicación no Verbal combinado con la estructura lingüístico-paralingüística del hombre (Cestero Mancera, 2006). La kinésique est donc constituée par la position corporelle, la gesticulation, l’expression faciale et le regard. La posture utilisée par l’individu dans un échange communicatif, formel ou informel, aura une influence sur chaque partie (émetteur, récepteur). En effet, les postures peuvent avoir une signification différente selon les individus, les cultures. Par exemple : la personne qui reste les mains dans les poches lors de la visite d’un lieu religieux. Dans certaines cultures, cette posture, face à l’église, montre un haut degré d’irrespect, mais dans un contexte ou une situation différente, la même position pourra n’avoir aucune importance. Les postures peuvent également temps indiquer la position sociale et la catégorie du communicateur. La postura es el elemento más fácil de observar y de interpretar de todo el comportamiento no verbal. En cierto modo, es preocupante saber que algunos movimientos corporales que teníamos por arbitrarios son tan circunscritos, predecibles y –a veces- reveladores; pero por otra parte, es muy agradable saber que todo nuestro cuerpo responde continuamente al desenvolvimiento de cualquier encuentro humano. (Davis, 1998 : 35). On adopte une posture dans tout échange communicatif, situation qui nous donne une valeur comme des êtres vivants exprimant à travers leurs corps leurs stimuli sensoriels. Cependant, quel sens donne-t-on à quelqu’un qui pose le coude sur la table, qui met les mains derrière sa nuque, qui reste avec les bras croisés, qui reste avec les jambes croisées, pendant un échange ? Chaque posture sera sans doute interprétée de manière particulière et différente selon la situation, la personne, le contexte, etc. Ekman et Friesen (1969) proposent cinq catégories de comportement non verbal. Ces auteurs considèrent que la gesticulation et les postures comprennent différents comportements qui peuvent être résumés en cinq catégories par rapport à leur usage, origine et codification : emblems, illustrators, affects displays, regulators, adaptors. Emblems are those nonverbal acts which have a direct verbal translation, or dictionary definition, usually consisting of a word or two, or perhaps a phrase. This verbal definition or translation of the emblem is well known by all members of a group, class or culture. While we usually think of emblems as general, at least within a culture or language group, clearly for groups within a culture such emblems as secret signs for fraternal orders fit our definition. An emblem may repeat, substitute, or contradict some part of the concomitant verbal behavior; a crucial question in detecting an emblem is whether it could be replaced with a word or two without changing the information conveyed. (Ekman, P., Friesen, W., 1969 : 63). 50 L’environnement, les niveaux sociaux des individus ont donc une influence sur les sens donnés aux gestes ou « emblems » et changent d’une culture à une autre ou même d’un groupe à un autre. Ils ont été créés par les membres d’une culture ou groupe pour transmettre des significations intensionnelles. Un exemple sera le langage des gestes utilisés par un groupe de sportifs (se toucher la casquette, la poitrine, le poignet, etc) qui pourront n’avoir aucun sens pour les spectateurs; ou encore il y a des gestes dans chaque culture qui peuvent provoquer des malentendus à cause des différences de signification3 . Les auteurs considèrent qu’ils existent différents « emblems » qui ont été créés de manière arbitraire dans la mesure où il n’existe pas une relation entre le geste et son sens4 . Les individus sont donc plein d’emblems que nous considérons dans le cadre de notre recherche pour l’influence qu’ils peuvent avoir au moment d’établir une commutation interculturelle et, plus précisément, avec des jeunes qui n’ont pas une interaction permanente avec l’étranger. En continuant avec la classification proposée par Ekman et Friesen (1969), on trouve les « illustrators ». « They are movements which are directly tied to speech, serving to illustrate what is being said verbally. » (Ekman, P., Friesen, W., 1969 : 68). Les « illustrators » sont attachés au langage verbal et n’ont pas une signification par eux-même. Cependant, encore une fois, les différences d’interprétation des « illustrators » entre les diverses cultures peuvent provoquer des malentendus. Par exemple, le fait de frapper le poing sur la paume de l’autre main pour exprimer force peut avoir une connotation obscène dans certaines cultures. En faisant un exercice avec les étudiants de la classe où ils devaient transmettre un message sans voir directement l’interlocuteur, on remarque qu’il y a toujours une tendance à renforcer avec les mains ce qui se dit avec les mots. Cependant, ces mouvements, en dehors du contexte communicatif, n’ont pas de signification. La troisième catégorie proposée est les « affects displays » : ils font référence aux mouvements du visage et du corps en relation avec les sentiments et les émotions des individus. En effet, des sentiments sont exprimés à travers une expression du visage et des émotions à travers des mouvements du corps. Ces expressions, liées aux normes culturelles de chaque peuple, quelques-unes peuvent être universelles ou particulières, intentionnelles ou inconscientes. En effet, rougir, ouvrir les yeux, sourire, transpirer entre autres, sont des manifestations du corps qui sont en relation avec la situation et avec chaque individu. Ekman et Friesen soutiennent qu’indépendamment de la culture, les états d’âmes des individus peuvent se résumer en joie, courage, peur, surprise, intérêt, contrariété. Ils présentent le processus des « affects displays » comme dans la figure 4. 3Le pouce levé (geste de Ok dans certaines cultures) signifie en Turquie qu’un homme est homosexuel. Elle a aussi une connotation obscène. Bouger la tête d’un côté à l’autre comme Bulgarie exprime une affirmation. Bouger la tête de bas en haut exprime une négation. Toucher la tête dans les pays bouddhistes est une insulte. 4 Le geste de la paix peut en fournir un exemple. En effet dans certains endroits de l’Afrique du sud ce geste a une connotation obscène. 51 Figure 4. Le processus des affects displays. Ekman & Friesen (1969 :74). Les « regulators » font aussi parti de la classification proposée par Ekman et Friesen. These are acts which maintain and regulate the back-and forth nature of speaking and listening between two or more interactants. They tell the speaker to continue, repeat, elaborate, hurry up, become more interesting, less salacious, give the other a chance to talk, etc. they can tell the listener to pay special attention, to wait just a minute more, to talk, etc. the most common regulator is the head nod, the equivalent of the verbal mmm-hmm. Other regulators include eye contact, slight movement forward, small postures shift, eyebrow raises. (1969 : 82). Figure 4. Le processus des affects displays. Ekman &Friesen. 1969 :74 Les « regulators » font aussi parti de la classification proposée par Ekman et Friesen. These are acts which maintain and regulate the back-and forth nature of speaking and listening between two or more interactants. They tell the speaker to continue, repeat, elaborate, hurry up, become more interesting, less salacious, give the other a chance to talk, etc. they can tell the listener to pay special attention, to wait just a minute more, to talk, etc. the most common regulator is the head nod, the equivalent of the verbal mmm-hmm. Other regulators include eye contact, slight movement forward, small postures shift, eyebrow raises. (1969: 82). Les « regulators » sont donc utilisés par les deux parties (émetteurs et récepteurs) et peuvent changer d’une culture à l’autre. Par exemple, il y a des peuples qui donnent une grande importance au silence et à la pause au moment de parler, et au contraire il existe des cultures qui trouvent les longs silences ennuyeux et agressifs. Ces différences d’interprétation sont causées par la subtilité de « regulators » et peuvent provoquer des difficultés au moment de l’interaction. Les « regulators » expriment le rythme de la communication et le niveau de compréhension et de confiance entres les parties ; de plus, ils favorisent la coordination par rapport aux interventions des individus. Quelques cultures donnent une grande importance au regard. Au Japon, le fait de regarder directement aux yeux peut être considéré comme une invasion de l’espace personnel d’un individu. A l’inverse, dans des pays tels que la Colombie, quelqu’un qui ne regarde pas dans les yeux quand il parle démontre de l’insécurité et un manque de confiance. Dernière catégorie de communication non verbale, les « adaptors » sont définis comme les mouvements personnels du corps provoqués par des stimuli liés aux états physiques ou 52 émotionnels des individus. Ils ont normalement leur origine dans les situations désagréables, où, de manière inconsciente, l’individu fait un geste qui provoque une barrière face la situation et en même temps l’aide à s’adapter à la situation. On voit donc comment les éléments qui font partie de la kinésique ont des particularités, des différences, des ressemblances dans les diverses cultures et comment les interprétations données par les individus ont une incidence dans l’échange communicatif. Il est aussi évident que ces différences ne se présentent pas seulement entre les individus de pays différents, mais également au sein d’un même groupe social. Pour qu’il existe une communication fluide, il faut donc savoir interpréter la signification donnée à tous les gestes, postures, expressions qui font partie des émissions sensorielles qui passent de manière volontaire ou involontaire chez les individus, et qui sont influencés par les contextes et les particularités des hommes. Algunos estudios han puesto en evidencia que el conocimiento adicional concerniente al contexto en que tiene lugar una expresión facial afectará la corrección de juicio acerca de la emoción expresada. Se puede identificar correctamente expresiones faciales de emoción sin consentimiento alguno del contexto en que se producen pero seguramente las percepciones simultáneas del contexto social, el ambiente y de otras personas afectarán nuestros juicios (Knapp, 2001 : 247-248). 

La proxémique 

Le mot proxémique vient du latin proximus : proche, ximus : plus, maximum. Le concept a été abordé premièrement par l’anthropologue Edward Hall (1962-2009) qui s’est intéressé à analyser les effets de proximité chez les êtres humains. Hall a considéré que l’espace conservé entre les individus change suivant l’action, la relation et le type d’individus qui interviennent dans l’échange. En de ses études, Hall a proposé quatre types de distances gardées par les individus dans un contexte social à savoir: Table 2. Les distances chez les hommes, E. Hall, 1971 : 147-160. Type de distance Type de distance Distance Caractéristique Intime « La présence de l’autre s’impose et peut même devenir envahissante par son impact sur le système perceptif » Proche Réduite C’est celle l’acte sexuel et de la lutte, celle qui réconforte et qui protège. Lointaine De 15 à 40 cm La voix est utilisée et devient même un murmure. La chaleur et l’odeur de l’autre et détectable. Personnelle « La distance fixe qui sépare les membres des Proche De 45 à 75 cm Utilisé pendant les conversations avec des personnes très proches. Un grand contact visuel. 53 Type de distance Type de distance Distance Caractéristique espèces sans contact ». Lointaine De 75 à 125 cm Il s’agit de la limite de l’emprise physique sur autrui. Hauteur de voix modérée, la texture de peau, rides, boutons sont visibles. Sociale « Les détails visuels intimes du visage ne sont plus perçus, et personne ne touche ou n’est supposé toucher à autrui, sauf pour accomplir un effort particulier » Proche De 1,20 m à 2,10 m Distance des négociations impersonnelles, collègues de travail, réunions informelles. Lointaine De 2,10 m à 3,60 m Cette distance fait référence à la phrase : éloignez-vous que je puisse vous regarder. Elle est plus formelle que la distance sociale proche. Ni la chaleur ni l’odeur corporelle ne sont détectées. Publique « Elle est située hors du cercle où l’individu est directement concerné » Proche De 3,60 m à 7,50 m Le sujet peut adopter une conduite de fuite ou de défense s’il se sent menacé. La voix est forte. Lointaine De 7,50 m Elle n’est pas réservée aux personnalités politiques, mais elle peut être utilisée en public par n’importe qui. Adapté de La dimension cachée, E. Hall, 1971 : 147-160 Hall souligne que la classification proposée est attachée au fait que la conduite et la distance choisie par l’homme dépendent des rapports interindividuels, des sentiments et activités. En même temps, ces rapports sont attachés aux capitaux personnels et culturels que l’individu a créés à travers son environnement et son expérience. En prenant un exemple de la vie quotidienne à la Faculté où se développe la présente recherche, on trouve un exemple de choc culturel à partir de la proxémique. Les assistants de langue étrangère qui visitent la faculté (français, américain et anglais), considèrent que certains étudiants colombiens ont tendance à leur parler de manière très proche et aussi à les toucher de manière involontaire. Par rapport au système de transport de la ville, les assistants expriment leur gêne dans la mesure où il y a un grand contact physique entre les passagers à l’intérieur du bus, et ils expliquent leur faible désir de conduire dans la ville à cause des structures routières et de la manière de conduire des colombiens. A l’évidence, les distances, les manières d’être, de percevoir d’agir, etc., changent d’une culture à une autre et caractérisent les lieux et la population. La proxémique concerne donc l’espace de type physique et personnel qui change d’une culture à une autre, d’un individu à un autre, d’un groupe à un autre..

Table des matières

Première partie. La communication pédagogique a l’épreuve de l’interculturalité
Chapitre 1. Théories de la culture
Section1. La culture et ses origines
Section2. La rencontre des cultures
Chapitre 2. Théories de la communication
Section1. Le processus de la communication
Section2. Communication non verbale
Section3. Approches épistémologiques de la communication
Chapitre 3. Communication interculturelle
Section1. L’interculturel et les autres concepts
Section2. De la communication à la communication interculturelle
Section3. L’identité
Chapitre 4. Pédagogie et interculturalité
Section1. Le sujet et l’éducation interculturelle
Deuxième partie. Le terrain de la recherche et la méthodologie utilisée
Chapitre 1. Le terrain de la Colombie
Section 1. La Colombie et son histoire
Section 2. A la découverte de la Colombie : pays méconnu
Section 3. Bogotá, une ville à découvrir
Chapitre 2. Le système académique colombien et la question du FLE
Section 1. L’éducation et la langue étrangère en Colombie
Section 2. Le FLE dans l’éducation supérieure en Colombie : une manière de
favoriser la rencontre avec les autres cultures
Chapitre 3. Problématique, hypothèse et terrain de la recherche
Section 1. Délimitation de la recherche
Section 2. Les institutions universitaires comme terrain, de recherche
Section 3. La population d’étude choisie afin de comprendre la construction de la signification de l’altérité chez les jeunes Colombiens
Chapitre 4. Présentation et justification de la méthode
Section 1. La recherche qualitative comme processus de construction scientifique
Section 2. Les outils de recueil des données à l’intérieur et à l’extérieur de la Colombie
Section3. Méthodologie de l’analyse de données dans la recherche-action proposée
Troisième partie. Présentation et interprétation des résultats autour de la question de départ de la recherche
Chapitre 1. Analyse interprétative des résultats
Section 1. Le questionnaire : outil quantitatif mais aussi qualitatif
Section 2. La rencontre interculturelle en ligne. CIBONI : Communication Interculturelle entre Bogotá et Nice
Section 3. L’observation à l’intérieur et à l’extérieur de la salle de classe
Section4. Les entretiens avec les enseignants en formation et titulaires de FLE sur le terrain de la recherche
Section5. Les rencontres en ligne via skype
Chapitre 2. Analyse de données avec le logiciel Atlas TI
Chapitre 3. Méthode proposée pour favoriser la Compétence en Communication Interculturelle des enseignants en formation de FLE en Colombie
LA CONSTRUCTION DE LA SIGNIFICATION DE L’ALTERITÉ : CONCLUSIONS GENERALES
TOME 2 : ANNEXES

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