La diffusion des technologies d’information et de communication une enquête longitudinale en Pologne

La diffusion des technologies d’information et de communication une enquête longitudinale en Pologne

La diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) et leurs usages ont été largement étudiés à partir des années 1990. Cependant les projecteurs ont souvent été pointés sur les sociétés les plus avancées technologiquement : l’Amérique du Nord, le Japon ou l’Europe occidentale et la question de savoir comment ces processus se sont déroulés dans les pays où la diffusion a démarré plus tardivement est quelque peu laissée de côté. Cela est dû à la fois au moindre poids économique de ces pays « en voie de numérisation », et à la plus faible visibilité des études locales. Pourtant de telles recherches existent, qui devaient permettre de vérifier si la voie vers la généralisation des TIC est universelle ou si le rattrapage des retards technologiques prend des chemins spécifiques. Qui dit rattrapage, désigne en effet un processus accéléré, par rapport à la courbe de diffusion originale. Il y a déjà là une différence en regard des pays précurseurs, qui exige d’interroger de façon plus approfondie les effets de génération. Ces derniers risquent en effet de jouer fortement dans les processus de diffusion rapide, surtout dans le cas des technologies complexes comme l’ordinateur. Ce rattrapage technologique se déroule également dans les configurations technologiques différentes de celles qu’ont connues les pays qui ont adopté les TIC depuis les années 1990. Les processeurs et les ordinateurs sont en effet relativement moins onéreux, l’accès à l’internet à domicile se fait de plus en plus via une connexion haut débit, les téléphones mobiles, de plus en plus multimédia, se répandent à grande vitesse dans les populations. Ces différences contextuelles dans la diffusion des technologies d’information d’aujourd’hui peuvent influencer les processus en jeu par la concurrence ou la complémentarité des diverses TIC qui, à l’origine, ne se diffusaient pas en parallèle.Dans cet article nous esquisserons le portrait actuel des TIC en Pologne en nous appuyant sur les résultats du panel Diagnoza Społeczna112. Il s’agit d’une recherche d’envergure consacrée aux conditions de vie des Polonais – ménages et individus – initiée en mars 2000, dont la troisième vague a eu lieu en mars 2005 (cf., infra, encadré méthodologique). A partir de la vague de mars 2003, les questions sur les équipements et les usages des TIC ont été posées ; en 2005 leur nombre a été démultiplié. Cela nous donne donc à la fois la possibilité de suivre des évolutions de la pénétration et des usages de ces technologies sur un certain nombre de variables et celle d’analyser en profondeur les usages actuels des TIC. Cette recherche longitudinale nous permettra d’observer plus précisément les transformations dans le temps et, en particulier, celles qui ne sont pas linéaires comme le phénomène d’abandon d’internet analysé ci-dessous. Nous nous concentrerons sur les résultats majeurs de l’enquête, afin de mettre en évidence les dynamiques de la diffusion des TIC en Pologne. Nous passerons en revue les équipements des foyers en ordinateurs et en connexions à l’internet, puis le secteur du téléphone (fixe et mobile), pour finir avec un essai d’analyse conjointe de l’accès des Polonais aux nouvelles technologies d’information et de communication et des inégalités d’accès, suivant les variables sociodémographiques les plus influentes.

La diffusion de l’informatique au foyer L’ordinateur à domicile

 La possession d’un ordinateur à domicile ouvrant la possibilité d’accéder aux contenus numériques, il nous est apparu normal de commencer notre investigation par cette technologie domestique. En 2005, on trouve un ordinateur dans 45% des foyers polonais (dans 44%, il existe au moins un ordinateur de bureau et dans 3,5% au moins un ordinateur portable). Le portable est en général un ordinateur supplémentaire, seul 1,5% des foyers n’étant équipés que d’un portable. Le multi-équipement informatique est également assez rare, seuls 12% des foyers polonais disposant de plus d’un ordinateur. Outre la simple possession d’un ordinateur à la maison, les rapides progrès technologique ont fait que la qualité de cette machine aura aussi déterminé en partie les possibilités d’usage qu’elle peut offrir. Nous avons en conséquence demandé une description plus détaillée des ordinateurs du foyer. Si l’on prend en compte l’ancienneté de l’équipement, on constate que les PC sont plutôt anciens: 27% des foyers disposent d’un ordinateur de moins d’un an, 20% d’une machine de deux ans, 14% d’un appareil de trois ans et pour les autres, l’équipement est encore plus ancien. Même si l’on prend en compte la modernisation des ordinateurs (ajout de mémoire, changement de processeur, achat d’un lecteur ou graveur de disques…), 21% des foyers en possession d’un ordinateur possède un équipement âgé de plus de trois ans. Nous pouvons donc remarquer que le changement d’équipement est relativement lent et qu’une partie des foyers polonais est dotée d’ordinateurs aux performances limitées. Il est cependant possible que ces ordinateurs soient tout à fait suffisants quant aux besoins des personnes qui les utilisent, notre enquête ne permettant pas répondre à cette question. L’ordinateur est surtout présent dans l’équipement des foyers actifs et ceux où il y a des personnes scolarisées (plus il y a de scolarisés, plus la probabilité de possession d’un ordinateur est grande). Le nombre de personnes habitant dans le foyer exerce aussi un effet positif sur la possession d’un ordinateur. Parmi les foyers non-équipés, 46% ont déclaré comme motif de non-équipement une raison financière. Un examen plus approfondi de la possession de l’ordinateur montre néanmoins que les ressources économiques du foyer ne sont pas significativement associées avec l’équipent lui-même quand le niveau du diplôme et la composition du foyer sont contrôlés (cf. tableau 1). Cela laisse supposer que pour beaucoup de foyers, l’intérêt pour cette technologie ne va pas de soi et qu’au contraire, quand il y a une motivation ou un intérêt spécifique, les ressources financières ne sont pas un obstacle insurmontable pour l’équipement. Un facteur très important de cette « motivation » est la présence d’enfants au domicile (cf. infra).

Internet à domicile 

La possession d’un ordinateur est, bien évidement, le premier pas vers la connexion à l’internet, mais ce pas n’est pas toujours franchi. En effet, en 2005, 26% des foyers polonais déclarent un accès à l’internet, soit environ 57% des foyers équipés en ordinateur114. En comparaison avec 2003, on observe une légère amélioration (en 2003, 17% de foyers équipés d’un ordinateur dont 50% avec internet). Les facteurs facilitateurs de l’accès à l’internet à domicile sont très proches de ceux que nous avons mis en évidence pour l’équipement informatique. En effet, pour accéder à internet, la possession d’un ordinateur reste quasiment obligatoire, le nombre des personnes se connectant exclusivement grâce au téléphone mobile ou via un PDA restant résiduel. L’énumération de ces facteurs serait une répétition de la section précédente. Nous allons donc comparer les variables influençant les deux formes d’adoption de l’ordinateur (connecté ou non connecté) à domicile, à travers une analyse de régression logistique. Le raisonnement de type « toutes choses égales par ailleurs », permettra de différencier plus clairement les deux situations (cf. tableau ci-dessous).

Internet Haut Débit 

Du point de vue des usages, l’accès à internet à domicile n’est pas le seul facteur important. Le type d’accès joue aussi un rôle non négligeable. Entre une connexion par modem téléphonique, payée à la minute, et une connexion large bande, permanente et forfaitaire, les différences dans la diversité et surtout dans la durée d’utilisation sont très grandes115. En 2005, parmi les foyers ayant accès à internet à domicile, 63% ont un accès haut débit (cela représente 16% des tous les foyers en Pologne). Pour 40% il s’agit de l’ADSL et pour 23% d’un accès via le câble TV. Durant les deux années séparant les vagues de l’enquête, la situation a fortement évolué. En effet, en 2003, les trois quarts des foyers accédaient à internet par un modem téléphonique, en 2005, le haut débit était deux fois plus fréquent que la connexion par modem. Ce fait agit en filigrane sur la transformation des usages d’internet observée dans notre échantillon, mais il introduit aussi un effet d’infrastructure, puisqu’il renforce les écarts entre zones urbaines et rurales. On observe alors que l’accès à internet haut débit est beaucoup plus répandu dans les grandes villes (28% dans les cités de plus de 500.000 habitants contre 16% en général). Il se diffuse aussi dans d’autres villes (entre 25% et 19%), mais il est presque inexistant à la campagne (5%). L’effet de l’infrastructure constaté en Pologne n’est pas spécifique à ce pays. En France, mi-2004, une étude du CREDOC observait également que la pénétration de haut débit en Ile-de-France était trois fois supérieure aux taux de connexion large bande dans les zones rurales (Bigot 2004: 9). Comme pour l’ordinateur en général, le nombre des actifs professionnellement au foyer (25% des foyers avec les actifs dispose d’un accès large bande) et surtout la présence des enfants scolarisés (28%) augmente la probabilité de souscription à un abonnement internet rapide. La motivation professionnelle et scolaire est bien un facteur qui pousse à l’accès aux contenus de l’internet, au moins pour la prise de décision d’équipement. 

Les usages de l’internet Lieux de connexion à l’internet

 A côté de la migration des foyers vers un internet à haut débit, nous observons aussi une transformation dans la répartition des lieux d’où on accède à l’internet. En 2005, 63% des utilisateurs ont déclaré des connexions depuis le domicile, 32% des usages au travail, 24% sur le lieu de leurs études. 14% ont cité un cybercafé et 24% une utilisation chez des amis ou chez la famille. Parmi eux, 46% des personnes déclarent plusieurs lieux d’accès, 31% accédant au Web seulement depuis leur domicile, 10% seulement depuis le bureau, 4% possédant un accès exclusivement à l’école, 3% se connectant seulement dans un cybercafé et 4% chez amis ou en famille. En comparaison des déclarations recueillies en 2003, la part des utilisateurs à domicile aura augmenté de 10% (de 53% à 63%). Dans cette même période, le pourcentage des utilisateurs sur le lieu de travail ou chez les amis ou la famille n’a, lui, pas changé. En revanche, on observe une diminution des citations de l’école et de l’université (de 28% à 24%), ainsi que des cybercafés (de 19% à 14%). La tendance est donc au déplacement des usages de l’internet vers les lieux privés.

Durée d’utilisation

La durée déclarée d’utilisation d’internet a augmenté de 42% entre 2003 et 2005. En 2003, un utilisateur passait sur le Web en moyenne 6 heures par semaine. Dans la dernière vague de Diagnose ce temps est monté à 8 heures et demie. Une explication à ce phénomène est à rechercher dans les résultats discutés plus haut: les utilisateurs sont en effet plus nombreux à se connecter du domicile et, le plus souvent, avec le haut débit. Ces deux faits vont dans le sens d’un allongement de la durée de l’utilisation. 279 L’accessibilité d’internet croit, ce qui favorise une utilisation plus intensive, y compris de la part des nouveaux accédants. De plus, le nombre des utilisateurs expérimentés augmente automatiquement et ce sont eux qui utilisent internet de la manière la plus diversifiée et qui y consacrent davantage de temps que les nouveaux internautes.  

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