La diversité génétique et son lien avec la sélection dans les races bovines laitières françaises

La diversité génétique et son lien avec la sélection dans les races bovines laitières françaises

La diversité génétique dans les espèces domestiques sélectionnées

Avant d’aborder les particularités des races bovines laitières françaises, il est primordial de nous intéresser aux grands principes sur lesquels repose la sélection génétique dans les espèces domestiques, ainsi qu’à ses liens avec la diversité génétique. En effet, la diversité génétique joue un rôle central dans la capacité à sélectionner les animaux et nous verrons en quoi l’équilibre progrès génétique/diversité génétique est difficile à satisfaire. Nous verrons ensuite quelles sont les conséquences possibles d’une perte de diversité génétique dans les populations domestiques sélectionnées et quelles sont les méthodes de gestion de la diversité génétique. 

Les grands principes de la sélection génétique

La genèse de la sélection génétique

La sélection des espèces domestiques est un processus initié avec la domestication par les populations humaines. La domestication des espèces domestiques animales a commencé par celle du chien il y a plus de 15 000 ans (Frantz et al., 2016), antérieure à la sédentarisation et à l’agriculture, et s’est poursuivie par celle de nombreuses espèces de rente du néolithique à nos jours. La domestication s’est effectuée en sélectionnant les animaux de manière empirique, à partir de caractères favorisant leur utilisation par l’Homme, par exemple la docilité. Ce processus de sélection a donc privilégié certains phénotypes et entraîné la modification des fréquences des génotypes correspondants au sein des populations domestiquées par rapport aux populations sauvages. Une fois la domestication effectuée, la sélection s’est focalisée sur l’amélioration d’autres caractères (de production, de morphologie ou comportementaux). En France, dès la fin du XIXe siècle, les éleveurs ont initié la création des livres généalogiques ou herd-books, par le biais d’associations ayant fortement contribué à l’institutionnalisation des races. L’objectif de chaque association était de fixer les qualités d’une race donnée en s’assurant de la conformité des animaux reproducteurs à un standard morphologique, en passant par l’identification des animaux et l’enregistrement de leur généalogie. Au début des années 1900, des procédures de contrôle des performances individuelles des animaux sont apparues comme le contrôle laitier chez la vache ou de la ponte chez les poules. Ces procédures se sont étendues aujourd’hui à de nouveaux caractères en lien avec la santé, le bien-être ou encore l’impact environnemental des animaux. Cette préoccupation pour l’amélioration des animaux d’élevage s’est donc ancrée en France dès le XIXe La diversité génétique et son lien avec la sélection dans les races bovines laitières françaises 12 siècle dans le paysage de l’élevage, de l’enseignement et de la recherche agronomique (Gouyon, 2002). En parallèle de ce travail des éleveurs-sélectionneurs, la génétique fait son apparition dans le monde académique avec la redécouverte des lois de Mendel en 1900 (Laloë, 2011). Cet événement a soulevé de nombreux débats sur l’antagonisme entre la nature discontinue des gènes et la variation continue des caractères mesurables, ainsi que la question de la part de responsabilité de l’environnement et de l’hérédité dans les variations observées. Mendel avait proposé une solution au paradoxe entre la discontinuité des gènes et la continuité des caractères, en suggérant qu’un caractère continu était sous dépendance polygénique. Cette hypothèse a été formalisée en 1918 par Ronald Fisher (Fisher, 1918). Selon le modèle polygénique, le phénotype d’un individu est influencé à la fois par son environnement et par sa valeur génétique, cette dernière étant la somme des effets de très nombreux gènes à effet faible. Ce modèle a jeté les bases de la génétique quantitative. Dans ce contexte, le travail d’enregistrement des généalogies et des performances effectué par les éleveurs-sélectionneurs, l’organisation de ces derniers en associations de races, l’implication précoce des pouvoirs publics français dans l’amélioration de certaines espèces (Loi sur l’élevage, 1966), ainsi que les progrès de l’informatique, ont fourni le terreau nécessaire à la mise en place d’évaluations génétiques et de nouveaux programmes d’amélioration des animaux d’élevage.

Le progrès génétique, indissociable de la variabilité génétique

La génétique quantitative classique et les évaluations polygéniques

L’essor de la génétique quantitative et du modèle polygénique ont offert la possibilité de prédire la valeur génétique des animaux pour chaque caractère, c’est-à-dire la partie héritable et transmissible à la descendance. L’objectif est généralement d’augmenter la valeur génétique de la population d’une génération à la suivante (sélection directionnelle). La sélection des animaux reproducteurs s’effectue alors sur la base de la valeur génétique estimée pour chaque caractère ou une combinaison de différents caractères, et non plus à partir des performances ou phénotypes bruts dont une part est due à l’environnement. Les évaluations génétiques utilisent les phénotypes, ou performances, ainsi que les pedigrees, pour prédire le plus précisément possible la valeur génétique des animaux. Pour obtenir la valeur génétique d’un animal, il est nécessaire de corriger son phénotype par les effets fixes identifiables, comme l’âge ou l’élevage d’origine. La part de variance phénotypique expliquée par la composante génétique, appelée héritabilité, est propre à chaque caractère et à chaque population. La notion d’héritabilité résulte essentiellement des travaux menés par Fisher 13 (1918), Wright (1921) et Malécot (1948). On note l’héritabilité au sens strict ℎ 2 et on la calcule comme suit : ℎ 2 = 𝜎𝑎 2 𝜎𝑝 2 Avec 𝜎𝑝 2 la variance phénotypique observée dans la population et 𝜎𝑎 2 la variance génétique additive, c’est-à-dire la part de variabilité phénotypique observée due aux gènes et transmissible génétiquement à la descendance. La variance génétique correspond à la variabilité génétique du caractère d’intérêt. Plus l’héritabilité d’un caractère est élevée, plus le caractère sera facile à sélectionner car une part importante des variations entre individus s’expliquera de manière significative par la génétique. L’efficacité de la sélection pour un caractère dépend donc de la variabilité génétique de ce caractère. Pour sélectionner efficacement les animaux, il est nécessaire que l’estimation de leur valeur génétique soit la plus précise possible. On mesure la précision des évaluations génétiques grâce au coefficient de détermination (CD), compris entre 0 et 1, défini comme le rapport entre la variance des valeurs génétiques estimées et la variance des valeurs génétiques (Laloë, 1993). Plus le CD sera proche de 1 et plus les évaluations seront précises. La valeur du CD dépend du nombre de performances enregistrées pour chaque animal et ses apparentés, ainsi que de l’héritabilité du caractère : plus l’héritabilité est élevée, plus la précision des évaluations sera élevée. Or, plus la variabilité génétique d’un caractère est élevée, plus son héritabilité sera élevée. La précision des évaluations dépend donc fortement de la variabilité génétique du ou des caractères évalués. En sélection animale, et surtout dans les filières où l’insémination est la plus développée comme chez les bovins laitiers, le progrès génétique est généralement diffusé par la voie mâle, principalement car les mâles peuvent avoir une descendance plus nombreuse que les femelles et qu’il est plus simple technologiquement et d’un point de vue sanitaire de manipuler et diffuser du sperme que des ovocytes. De fait, de nombreux caractères de production animale ne sont exprimés que chez les femelles (production laitière, ponte, etc.). Dans ce cas, on estimera la valeur génétique d’un mâle en utilisant la production des femelles qui lui sont apparentées, selon le principe que la valeur génétique de celles-ci est égale en espérance à la moitié de celle de leur père. La précision de l’évaluation dépend alors de l’héritabilité du caractère mais également du nombre de descendantes avec performance.

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