LA LUTTE CONTRE L’ABUS DE POUVOIR

LA LUTTE CONTRE L’ABUS DE POUVOIR

LA SEPARATION DES POUVOIRS

Par rapport à certaines idées ci-devant expliquées, nous sommes en droit d’affirmer que Locke voit pas mal de problèmes pour ce qui concerne la toute-puissance de l’autorité politique. Nous sommes presque sûrs qu’il est convaincu qu’une autorité puissante est toujours tentée par l’usage excessif du pouvoir au détriment du peuple. Cette conviction de Locke se comprend davantage à la lumière de la rude confrontation entre les rois et le parlement à l’époque de la monarchie anglaise. Par exemple Jacques 1er recourait à toute sorte de prétexte pour inhiber les décisions du parlement. Quant à Charles 1er, il les remettait toutes en question et régnait en pure monarque selon sa seule volonté. A partir de ce moment, Locke pense que dans l’organisation de la société politique, les dispositions doivent veiller à donner à l’Etat une nature propre à prévenir autant que faire se peut les excès dont il peut se rendre coupable. La préoccupation de Locke est en réalité d’éviter que le pouvoir dont la raison d’être est le bien être du peuple, ne débouche sur un exercice absolutiste qui serait préjudiciable aux libertés individuelles. La séparation des pouvoirs est un moyen approprié contre l’abus de pouvoir, c’est-à-dire contre un mauvais usage du pouvoir qui consisterait à l’exercer en fonction des intérêts du prince et non en fonction des intérêts de la population. Il est possible de dire que Locke est le premier à avoir formulé le principe de la séparation des pouvoirs comme la seule condition possible pour un exercice judicieux du pouvoir politique. Ainsi il distingue dans l’Etat trois types de pouvoir : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir fédératif. Dans l’organisation des pouvoirs de l’Etat, Locke attribut au pouvoir législatif un statut prééminent. C’est le pouvoir qui a en charge l’organisation de la société politique. Il est l’organe habilité à fixer les règles en fonction desquelles toutes les conduites des membres de la société seront jugées. Il est l’entité dont la tâche est de légiférer. Autrement dit, au pouvoir législatif revient le droit exclusif de donner les lois qui doivent régir la société politique. Pour ces raisons il est non seulement le pouvoir suprême, mais il a aussi un caractère sacré et inaltérable. Le mot exclusif que nous avons utilisé pour qualifier le droit de légiférer que détient le pouvoir législatif n’est point trop fort. Car aucune loi n’est reconnue dans la société politique si ce n’est celles que donne le pouvoir législatif. Cette idée se justifie aisément chez Locke, dans la mesure où, en tant qu’organe choisi et établi par la société, seul le pouvoir 60 législatif est capable de donner aux lois ce qu’il leur faut nécessairement pour être reconnues comme telles, c’est-à-dire le consentement de tout le monde. Et pour cette même raison, seules les lois qui découlent de sa volonté comptent pour les membres de la société, parce qu’elles sont les seules aptes à répondre aux attentes du peuple à savoir le respect des droits naturels de l’homme. Nous constatons à nouveau que c’est pour protéger leurs droits naturels que les hommes entrent en société. Dans ce sens tout ce qu’ils inventeront en vue d’une bonne organisation sociale s’inscrit en droite ligne dans ce même dessein. C’est dire que pour mieux protéger leurs droits naturels, les hommes usent de toute leur ingéniosité pour mettre sur pied les meilleurs modes d’organisation sociale qu’il est possible d’inventer pour parvenir à leur fin. Ainsi, l’institution du pouvoir législatif se justifie par la volonté des hommes de veiller à la protection de leurs droits naturels. C’est ce que confirme Locke au chapitre XI du Second traité en ces termes : « la première et fondamentale loi positive de tous les Etats, c’est celle qui établit le pouvoir législatif, lequel, aussi bien que les lois fondamentales de la nature, doit tendre à conserver la société ; et, autant que le bien public le peut permettre, chaque membre et chaque personne qui la compose ». 68 Sous cet angle, quoi que suprême, le pouvoir législatif se voit tracer des limites au delà desquelles il se passe du rôle pour lequel il a été institué

DU DROIT DE RESISTANCE

Rappelons que dans la conception de Locke, la liberté de l’homme est consubstantielle à sa vie. C’est cette idée qui justifie en bonne partie la position de Locke qui s’engage dans une défense sans réserve des libertés individuelles. L’homme est né libre, a-t-il soutenu. C’est ce qui nous permet dans une certaine mesure de dire que cette liberté est, chez Locke, un don de Dieu. Cela est d’autant plus justifié que Locke poursuit en disant que la nature oblige à l’homme de préserver cette liberté qu’elle lui a donnée. Ainsi, la conservation de la liberté devient un devoir pour l’homme. L’itinéraire de l’homme que Locke a retracé de l’état de nature à l’état civil le vérifie bien. En effet, l’homme entre en société civile parce que ses droits naturels étaient réellement menacés à l’état de nature. De ce point de vue, nous pouvons dire avec Locke que les raisons pour lesquelles l’homme entre en société civil, ne sont rien d’autre que pour sauvegarder sa vie, sa liberté et ses biens. Dans ce sens, il ne serait pas envisageable qu’il s’aliène de cette liberté, c’est à dire qu’il s’en départît. Il n’est pas non plus envisageable qu’il se soumette à une personne qui aurait tous les droits sur lui. Au contraire, ce qui est de son devoir, c’est de faire de telle sorte que cette société civile soit la meilleure organisation qu’il puisse faire afin de préserver sa liberté. C’est effectivement ce qui se laisse voir à travers l’organisation sociale que Locke a mis en relief. L’homme entre en société politique sous son consentement et se dote d’un gouvernement à l’institution duquel il a aussi consenti. Ce gouvernement se charge par principe d’appliquer sa volonté et non de s’y opposer. Si nous prêtons plus attention à l’exposé que nous venons de faire de la séparation des pouvoirs, nous nous rendrons compte que l’homme fait recourt à toute sorte d’artifices pour la protection de sa liberté. Toujours retissant à l’endroit de la toute-puissance de l’autorité politique, Locke évite de donner à l’Etat plus de pouvoir qu’il en faut. Car il est conscient des passions de l’homme qui le tentent souvent à trop user du pouvoir s’il en possède une partie. Ainsi l’Etat tel que Locke le conçoit, a certes un pouvoir sur les citoyens, mais c’est un pouvoir limité. L’objectif pour lequel il a été institué ne lui permet pas d’être absolu. Il ne doit pas non plus être arbitraire, dans la mesure où son exercice doit être conforme au bien public. C’est dans ce sens que Guchet dit, à travers La pensée politique, qu’exercer un pouvoir absolu et arbitraire est absolument incompatible, dans la conception de Locke, avec les fins de la société politique et du gouvernement. Eu égard à cette idée, il est possible de dire que l’Etat 65 doit fonctionner conformément à la volonté du peuple qui l’a institué. Seules les lois établies doivent lui servir d’indicateurs. Car, c’est ce que disent les lois que veut le peuple qui n’est rien d’autre que, même indirectement, leur auteur.

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