La Méditerranée : un laboratoire d’examen de la transition énergétique émergente

La Méditerranée : un laboratoire d’examen de la transition énergétique émergente

Le bassin méditerranéen dispose d’un gisement solaire et éolien considérable mais qui demeure sous exploité. Pourtant, la demande en énergie est en forte augmentation au Sud de la rive (Berthelot, 2014). Cette tendance est particulièrement préoccupante, car la Méditerranée est l’une des zones les plus exposées aux impacts du changement climatique. Elle est une « écorégion » (Benoit, Comeau, 2005, p. 9) qui, d’un point de vue environnemental, est très vulnérable. Or, le développement économique de la région est fortement conditionné par son environnement naturel. Sa dégradation génère d’ores et déjà des coûts économiques et sociaux importants. Cet espace rassemble des pays avec des écarts de niveaux de croissance économique et sociale (Bethemont, 2008), et présentant des tendances énergétiques différenciées mais potentiellement complémentaires. La stabilité et la prospérité de cette zone dépendront de la capacité des pays méditerranéens à mettre en œuvre de façon concertée des politiques qui assurent un développement à la fois plus respectueux de l’environnement et plus équitable. La Méditerranée illustre ainsi parfaitement la problématique mondiale du développement durable (Grenon, Batisse, 1989) et constitue un véritable laboratoire d’examen pour la mise en œuvre de la transition énergétique émergente. Le chapitre 4 constitue une justification de l’entrée régionale investie dans notre étude. Il marque le glissement de l’échelle globale à l’échelle régionale. La première partie définit les impératifs énergétiques différenciés, mais climatiques communs aux deux rives de la Méditerranée, dans un espace d’interface aux contrastes multiples (I). La deuxième partie illustre les conséquences climato-environnementales actuelles et attendues du réchauffement climatique dans la région et la « prise de conscience méditerranéenne », qui en font un poste d’observation privilégié pour la mise en œuvre de la transition énergétique « bas carbone » (II).

Une région aux défis et aux potentiels énergétiques différenciés.

État des lieux de l’énergie en Méditerranée

Le pourtour méditerranéen possède une superficie54 de 11 029 179 km2 et regroupe, en 2014, 6,7 % de la population mondiale, soit près d’un demi-million d’habitants, répartis sur 21 54 Ce chiffre prend en compte la superficie de la mer Méditerranée (2510000 km2 ) ainsi que la superficie de l’ensemble des pays méditerranéens (8519179 km2 ).  pays. Deux habitants sur trois sont urbains (Laria, 2008). Plus d’un tiers de la population vit sur le littoral, qui s’étend sur plus de 46 000 km. Ce phénomène de littoralisation de la population est en constante augmentation (Plan Bleu, BEI, 2008). Un certain nombre d’études sur la Méditerranée (FAO, Plan Bleu, etc) utilisent la classification suivante : Pays du Nord de la Méditerranée (PNM) et Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM). Les PNM55 regroupent l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, Chypre, l’Espagne, la France, la Grèce, la Croatie, l’Italie, le Monténégro, Malte et la Slovénie. Les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée comprennent l’Algérie, l’Egypte, Israël, le Liban, la Libye, le Maroc, la Palestine, la Syrie, la Tunisie, et la Turquie. Cette échelle est certes plus large que l’aire biogéographique méditerranéenne56 stricto sensu mais le cadre institutionnel, les politiques sectorielles et les orientations de la coopération régionale se définissent à partir de cette classification (Benoit, Comeau, 2005). L’ensemble des résultats chiffrés présentés dans ce chapitre a été traité en prenant en compte cette classification, particulièrement appropriée pour cerner les défis énergétiques propres à chacune des deux rives. 1- Une prédominance des énergies fossiles. À l’échelle méditerranéenne comme à l’échelle mondiale, 80 % des énergies consommées sont des énergies fossiles (94 % pour les PSEM ; contre 75 % pour les PNM). Depuis quelques décennies, on observe dans le bilan énergétique régional un maintien du charbon, une stabilisation du nucléaire et une très forte progression du gaz naturel aux dépens du pétrole [cf. graphique 12]. Graphique 12 – Bilan énergétique en Méditerranée en 2013 2- Une consommation en énergie primaire en baisse dans les PNM, en forte croissance dans les PSEM. La consommation en énergie primaire en Méditerranée représente 7,3 % de la consommation énergétique mondiale en 2013, soit 920 Mtep (BP, 2014). Au sein de l’espace méditerranéen, près de 62 % de la consommation en énergie primaire en 2014 est imputable 55 Parmi les PNM, certains pays sont membres de l’Union Européenne : Chypre, l’Espagne, la France, la Grèce, la Croatie, l’Italie, Malte et la Slovénie. Notre analyse prend en compte la législation en vigueur dans le cadre communautaire européen. 56 Délimitée à partir du climat et de la végétation. 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% 50% 55% 60% 65% 70% 75% 80% 85% 90% 95% 100% © Nadia Benalouache – 2016 / AIE & OME – 2014 Energies fossiles Energie nucléaire Energies renouvelables Chapitre 4 – La Méditerranée : un laboratoire d’examen de la transition énergétique émergente – 117 – aux PNM, et en premier lieu la France, l’Espagne et l’Italie [cf. graphique 13]. Cependant, cette part a baissé de près d’un tiers par rapport à 1971, où elle était de 89,9 %. La consommation en énergie primaire sur la rive Nord décroît progressivement depuis 2007 à raison d’un taux de croissance annuel moyen de -0,71 %. Cette tendance résulte notamment des politiques de maitrise de la demande actuellement menées dans un certain nombre de pays de l’Union Européenne, mais s’explique par ailleurs par la maturité des économies des PNM, marquées par une évolution vers le secteur des services et par la saturation de la demande d’énergie pour divers services énergétiques (Plan Bleu, 2009). En revanche, la part de la consommation énergétique des PSEM par rapport à l’ensemble régional a augmenté depuis 1971. Elle est de 38 % en 2014, contre 13,2 % en 1971. La consommation en énergie primaire dans les PSEM a été multipliée par sept durant cette période, passant de 46 à 341 Mtep. Dans le cas de l’Égypte, elle a même été multipliée par 11. Les PSEM connaissent actuellement un taux de croissance annuel de la demande en énergie élevé, de l’ordre de 6 à 7 % voire 8 % pour certains d’entre eux. Plus du tiers de l’énergie primaire commerciale consommée dans les pays méditerranéens sert à la production de l’électricité (Plan Bleu, 2009). Graphique 13 – Évolution de la consommation d’énergie primaire en Méditerranée entre 1971 et 2014 (en Mtep)57 3- Une hausse généralisée de la consommation et de la production d’électricité en Méditerranée. La consommation en électricité dans l’espace méditerranéen croît continuellement depuis 1971 [cf. graphique 14]. Enregistrant un taux de croissance annuel moyen de +3,4 %. Les PNM sont responsables en 2014 de plus de 64,7 % de la consommation en électricité de l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen, mais cette part a baissé par rapport à 1971 où elle représentait 91,6 %. À l’inverse, elle augmente en ce qui concerne les PSEM et passe de 57 Les données ne sont pas disponibles pour Malte et l’Autorité palestinienne et qu’à partir de 1990 pour la BosnieHerzégovine, Chypre, le Monténégro et la Slovénie. 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800 850 900 950 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 en Mtep © Nadia Benalouache – 2016 / AIE – 2015 Med PNM PSEM Chapitre 4 – La Méditerranée : un laboratoire d’examen de la transition énergétique émergente – 118 – 8,6 à 35,3 % entre 1971 et 2014. Le rythme de croissance annuel moyen dans les PSEM est de +6,3 % contre +2,6 dans les PNM. Tandis que la consommation en électricité dans les PNM accuse une hausse de +15,5 % seulement depuis 2000 – tendant même à stagner dans les dernières années – elle est de +122 % dans les PSEM. Dans les PNM, la tendance est à la stagnation de la demande, même si elle se maintient à un niveau élevé. Graphique 14 – Évolution de la consommation d’électricité en Méditerranée entre 1971 et 2014 (en TWh)58 L’analyse de l’évolution de la production d’électricité accuse des mêmes tendances [cf. graphique 15]. Le choix des filières dans chacun des pays dépend fortement des ressources nationales : le gaz naturel en Algérie (88 %59) et en Egypte (82,9 %), le charbon en Grèce (57,1 %) et en Turquie (31,3 %), etc. La part du nucléaire est considérable en France (78,2 %), importante en Slovénie (38 %) et en Espagne (20,8 %). La production hydroélectrique n’est significative que dans les pays de la rive Est comme la Turquie (23,3 %) et la Syrie (13,3 %) et dans les pays de l’Est adriatique tels que l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Slovénie et le Monténégro. Les énergies renouvelables minimisent les risques d’accroissement de la dépendance énergétique ainsi que l’impact du changement climatique, sans pour autant présenter de risques technologiques nouveaux. Pourtant, les énergies renouvelables sont encore peu représentées dans le bilan énergétique des pays méditerranéens comptant pour 4 % seulement (hydroélectricité incluse). Le pourtour méditerranéen, et principalement les PSEM, possède un immense potentiel en énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire et éolienne, tout en disposant de vastes espaces qui sont en mesure d’accueillir de grandes capacités de production d’électricité, notamment à partir des technologies solaires à concentration (Ferrière, Flamant, 2004).

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