La préservation de la fertilité par cryoconservation du tissu ovarien dans le cancer du sein

La préservation de la fertilité par cryoconservation du tissu ovarien dans le cancer du sein

INTRODUCTION

Le cancer du sein, avec 2,3 millions de nouveaux cas dans le monde en 2018, dont 7 à 10% chez les femmes jeunes, se situe au premier rang des cancers chez la femme en âge de procréer [1][2]. Grâce aux progrès thérapeutiques, la survie à cinq ans après un cancer du sein dans cette population étant de 90%, la fertilité après le traitement apparaît comme un enjeu majeur dans leur plan personnalisé de soin (PPS) [3]. En effet les études VICAN 2 et VICAN 5 ont rapporté l’existence d’un projet parental chez 37,5% des femmes âgées de moins de 40 ans au moment du diagnostic, 24,1% et 56% auront respectivement un projet parental dans les deux et cinq ans suivant l’annonce du diagnostic [4] [5]. Les traitements reçus lors de la chimiothérapie, comprenant généralement des anthracyclines associées à du cyclophosphamide puis des taxanes, sont gonadotoxiques et entraînent une diminution importante du taux d’AMH [6]. L’AMH est secrétée par les cellules de la granulosa des follicules pré – antraux et antraux. Elle est considérée comme le marqueur de la réserve ovarienne en follicules primordiaux le plus spécifique, précis, reproductible et non invasif [7]. Son taux est fortement corrélé au compte des follicules [8][7]. De plus l’AMH a été identifiée comme un indicateur en temps réel de la déplétion et de la récupération folliculaire chez les femmes atteintes d’un cancer lors du traitement par chimiothérapie [7][9]. L’AMH sérique reste significativement diminuée dans les un à deux ans qui suivent la fin de la chimiothérapie, suggérant une altération sévère de la fonction ovarienne [10][11]. Cette altération de la fonction ovarienne peut être définitive dans 20% des cas [11]. La grossesse après un cancer du sein n’étant pas associée à une augmentation de rechute [12], les recommandations actuelles de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) en accord avec celles établies par l’ESHRE (European Society of Human Reproduction and Embryology) préconisent de proposer une consultation d’oncofertilité aux patientes, au cours de laquelle leur sont remises les informations concernant l’impact des traitements reçus sur la fertilité et les techniques existantes d’autoconservation de leur gamètes et/ou de leur tissu germinal [13][14]. En cas de cancer du sein dont le PPS prévoit une chimiothérapie adjuvante après une chirurgie complète, la stratégie de préservation de la fertilité (PF) consiste habituellement à proposer un ou plusieurs cycles de stimulation ovarienne en vue d’une cryopréservation ovocytaire ou embryonnaire lors de l’intervalle libre entre la chirurgie et le début de la chimiothérapie. En cas de cancer du sein dont le PPS prévoit une chimiothérapie néo-adjuvante, c’est à dire avant la chirurgie, la stratégie de PF ne fait pas l’objet d’un consensus. Certaines équipes proposent une stimulation ovarienne bien que la tumeur soit encore en place car ils n’ont pas observé d’augmentation de la mortalité ou du risque de récidive à 5 ans [15]. Cependant, d’autres auteurs craignent les effets d’une hyper-oestrogénie induite par la stimulation sur une 3 tumeur hormono-dépendante encore en place. C’est pourquoi ils associent un traitement par anti-aromatase au protocole de stimulation dit antagoniste et démontrent l’absence d’impact sur le taux de survie sans rechute à 2 et 5 ans de l’utilisation de Letrozole et du Tamoxifène chez des femmes atteintes d’un cancer du sein. [16][15][17][18]. D’autres proposent à ces femmes une maturation in vitro (MIV) avant le début de la chimiothérapie, qui consiste à recueillir le complexe cumulo-ovocytaire immature de petits follicules antraux sans stimulation ovarienne suivie d’une MIV dans des conditions de culture spécifique, néanmoins cette technique reste très peu utilisée [19][20]. Bien qu’une première naissance ait été récemment rapportée dans le cadre d’une PF pour cancer du sein, la MIV est toujours considérée comme une technique expérimentale dans ce contexte par les sociétés savantes [14][19]. Certaines équipes associent dans cette indication une ovariectomie avec MIV ex vivo et cryoconservation de tissu ovarien (CTO) [21][22]. Ou bien, seule une CTO peut être également proposée à ces femmes pour préserver leur fertilité.

MATERIEL ET METHODES

Design de l’étude Nous avons mené une étude rétrospective de cohorte à partir de données collectées prospectivement dans l’observatoire de la fertilité du Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Lille, au sein du service de Médecine de la Reproduction et de la Préservation de la Fertilité. La période d’inclusion s’est étendue de janvier 2015 à février 2021. Chaque femme incluse dans cette étude a signé un consentement écrit et éclairé autorisant d’une part l’exploitation de ses données cliniques, biologiques et échographiques dans le cadre de projets de recherche et, d’autre part, leur accord ou leur refus concernant la proposition de prélèvement ovarien en vue d’une cryoconservation avant chimiothérapie néo-adjuvante pour cancer du sein (DC-2008-642 and CNIL DEC2015-112). Cette étude s’inscrit dans le projet « Elle va guérir puis voudra un enfant » soutenu par la division oncologique de l’ARS Hauts-de- France et l’association Onco Hauts-de France. Parcours au sein de l’observatoire de la fertilité Chaque femme a été adressée par son oncologue dans le service de préservation de la fertilité du CHRU de Lille. Elles ont été reçues en consultation d’onco-fertilité et ont bénéficié d’informations concernant la toxicité de la chimiothérapie sur la réserve ovarienne, le risque d’altération de la fertilité et d’insuffisance ovarienne prématurée à long terme. Depuis 2015, il est proposé aux femmes de 35 ans et moins l’équivalent d’une hémi-ovariectomie par de larges biopsies corticales pour CTO avant le début de la chimiothérapie néo-adjuvante, avec informations sur la technique chirurgicale ainsi que sur les risques de complications per – et post-opératoire. La possibilité de greffe ovarienne ultérieure pour restaurer la fertilité était expliquée, sous réserve d’une analyse anatomopathologique, immunologique et génétique compatible et favorable à la greffe (absence de cellule tumorale, ou mutation ou métastase). Les femmes étaient incluses dans l’observatoire quelle que soit leur décision concernant le prélèvement ovarien. Une information concernant les consultations de suivi, les prélèvements biologiques, et la surveillance échographique après traitement leur a été délivrée. Leur consentement a été recueilli. 5 Population étudiée Les critères d’inclusion pour le prélèvement ovarien en vue de CTO étaient : ‐ Age ≤ 35 ans ‐ AMH ≥ 8 pmol/l ‐ Cancer du sein non-métastatique avec indication de chimiothérapie néo-adjuvante ‐ TEP-TDM négatif Chaque femme préservée était ensuite appariée sur l’âge (± 3 ans ; 1/1) à une femme de l’observatoire en situation néo-adjuvante, et n’ayant pas accepté ou bénéficié de PF par CTO. Recueil de données Les données relatives aux femmes ont été recueillies à partir de l’observatoire de la fertilité : l’âge, l’IMC, l’existence d’un tabagisme ou non, la parité, la régularité des cycles initiaux, une contraception hormonale au moment du diagnostic, le protocole de chimiothérapie prévu, le statut hormonal de la tumeur, l’existence d’une mutation BRCA. 

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *