La qualité de vie au travail des sages-femmes

La signification de la qualité de vie au travail

Les représentations de la qualité de vie au travail énoncées par les sages-femmes regroupent rarement les trois axes principaux qui sont pour rappel : les conditions de travail, le contenu du travail et la capacité à s’exprimer et à agir. Leurs représentations de la QVT sont subjectives et propres à chacune d’elles, en fonction de leurs besoins, de leurs attentes et de la maternité où elles travaillent.
La majorité des sages-femmes ont mis en avant l’importance de la qualité des relations de travail ; la notion d’entente, de bonne humeur au sein d’une équipe, et de pluridisciplinarité. En effet, Camille, L. 9-10 a déclaré « C’est venir volontiers, c’est faire partie d’une équipe, être incluse dans une équipe, se sentir bien dans cette équipe. L’équipe est fondamentale pour moi. ». Pauline, L.6-7 a exprimé « Ça m’évoque de l’entente, de la communication, du bien-être, un état d’esprit, de la convivialité. ».
Les conditions de travail sont également évoquées dans l’ensemble des réponses ; notamment le matériel à disposition et la charge de travail. Inès, L.6, a mentionné « environnement à la fois matériel », L. 7-8 « ne pas passer son temps à courir, ne pas avoir de surcharge de travail ».

Les conditions de travail 

Matériel et lieu de travail

Tout au long de sa garde, la sage-femme va utiliser du matériel, à la fois pour les soins (perfusions, monitoring, toucher vaginal) mais aussi pour pouvoir accueillir la patiente. Dans les établissements de santé, leur quantité est parfois insuffisante pour neuf sages-femmes sur seize entendues. Cécile en a fait part L. 16-17-18-19 « Concernant les moyens, on manque de moyens. On a des ordinateurs qui sont obsolètes, des fois on cherche des perfuseurs parce qu’on a pas été livré. On a l’impression qu’on mendie, on va piquer des choses au bloc pour ramener en grossesse à risques. Je trouve qu’on est assez mal loti niveaux locaux et matériels. »
Le deuxième élément qui se dégage concernant le matériel à disposition est le manque d’ergonomie comme l’a exprimé Marion L. 13-14 « On est en 2018, et on a des tables d’accouchements de l’an 20, avec des trucs qui tournent, qui pèsent une tonne » et L. 16-17 « Les tables sont fines alors que nos patientes sont obèses, elles ne se tirent pas. Ce n’est pas pratique, ce n’est pas ergonomique. ».
Face à ces difficultés touchant le matériel, les sages-femmes interviewées ont fait part du besoin d’augmenter les moyens financiers accordés au matériel: Cécile L. 25-26-27 « Il faudrait que ça suive au niveau des commandes, c’est un manque de moyens. A mon avis les cadres font bien les commandes mais au fil des années elles doivent se faire un peu taper sur les doigts pour commander ».

L’organisation du travail

Les amplitudes horaires, le travail de jour, de nuit et la planification des gardes définissent entre autre l’organisation du travail.
L’amplitude horaire de 12 heures semble convenir à la plupart des sages-femmes, laissant des jours de repos comme l’a dit Danielle L. 17-18 « C’est parfait, je trouve que c’est un bon équilibre entre la vie professionnelle et familiale. Ça permet d’avoir des jours de libre en semaine. » mais aussi le temps de prendre en charge une patiente durant tout son travail en salle de naissance comme l’a attesté Marie, L. 19-20
« Parfait,… Tu suis de A à Z une femme, dans le temps c’était l’idée. » Cependant, travailler 12 heures reste contraignant, Aurélie L. 22-23 a déclaré « on se casse plus la vie en 12 heures, on se fait plus de mal. », tout comme Marion L. 21-22 « Quand tu rentres chez toi après tu ne fais plus rien, tu es fatiguée de ta journée. ».
La fatigue est d’autant plus présente lorsque l’on travaille de nuit ; Pauline L. 24-25 « Faire que des nuits pour moi, ce n’est pas physiologique du tout ». La pénibilité du travail de nuit se retrouve dans tous les entretiens des sages-femmes travaillant en établissement de santé. Marie a témoigné L. 24-25-26 « C’est ce qui a de plus dur dans ce métier. C’est ce qui a de plus violent dans le métier de sage-femme, de ne pas dormir c’est une violence et une souffrance. ».
Le travail de nuit est toutefois accepté par les sages-femmes interviewées sachant bien que leur présence est indispensable 24 heures sur 24 en maternité. Par contre, certaines sages-femmes aimeraient un temps de repos accordé lors d’une garde nuit, et d’un lieu pour pouvoir se reposer. Cela leur permettrait d’améliorer leur vécu des nuits et de réduire la fatigue : Cécile L. 31-32-33 «On n’a pas de réelles chaises confortables et ça manque. Après notre métier nous oblige à faire des nuits ,et c’est comme ça. », Marie L. 26-27-28 « Il faudrait respecter systématiquement deux heures de sommeil dans la garde. On a le droit de se reposer deux heures, il faudrait officiellement pouvoir dormir deux heures minimum pendant la garde. »
De plus, la qualité de vie au travail et le vécu du travail sont altérés par le manque de stabilité des plannings, le manque de régularité des gardes de jour ou de nuit comme l’ont mentionné Claire L. 22 «Certaines font des jours et des nuits mélangés et elles sont crevées.» et Carole L. 36-37-38 « avoir un planning fixe je trouve ça primordial afin que notre corps s’habitue et qu’on puisse trouver un rythme. Les nuits sont beaucoup plus faciles du coup. ». Comme Danielle l’a déclaré L. 22-23 «Il faudrait faire des alternances de périodes plus longues de jour et de nuit, 1 semaine que des jours 1 semaine que des nuits.», cette stabilité réduirait la fatigue et aboutirait à un meilleur confort.

Le contenu du travail 

L’engagement personnel : la motivation
Onze sage-femmes entendues ont considéré que la qualité de vie au travail impactait sur leur motivation. Cette motivation reste variable. Les causes principales qui ont été décrites durant les entretiens sont le manque de soutien (six sage-femmes sur vingt) et de reconnaissance (quatre sage-femmes sur vingt) ; à la fois de la part de la hiérarchie, mais aussi de l’ensemble des autres professionnels.
En effet, Alice a souligné, en parlant d’autres professionnels travaillant dans le service, L. 96-97 «Ce sont ces gens qui me démotivent, faut qu’elles prennent conscience de notre travail.», L. 106-107 «elles ne prennent pas conscience de l’importance de notre métier, et de nos responsabilités.». Géraldine a déclaré L. 69-70-71 « C’est très aléatoire, il y a des jours où tu as envie de tout plaquer et un autre où tu as envie de t’inscrire à un DU parce que ton métier c’est la folie et que tu as envie d’apprendre des choses. ».
La gestion de la charge émotionnelle :Les sages-femmes entendues gèrent convenablement les émotions et les moments difficiles de leur métier par le biais de leur entourage professionnel (autres professionnels, psychologue du service : quinze sages-femmes sur vingt), de leur entourage personnel (cinq sages-femmes sur vingt), et de leur activité personnelle (quatre sages-femmes sur vingt). La notion d’expérience comme moyen de gérer la charge émotionnelle a été évoquée également. Gabrielle seulement n’a pas trouvé de solution adéquate comme l’a mentionné L. 86-87-88 « Je garde beaucoup pour moi, je n’ai pas trouvé de solution, je n’arrive pas à en parler à mes collègues. Je n’ai pas trouvé de soutien et ça peut être compliqué. ».
Les professionnelles ont émis l’idée de mettre régulièrement en place des temps de paroles sur leur temps de travail comme l’a proposé Carole L. 100-101-102-103 « Ce serait bien que ça soit instauré, tant de fois par mois, qu’on se réunisse et qu’on parle des situations délicates et difficiles. Il faudrait que ça s’associe à notre travail, qu’on instaure ce moment où les personnes du coup se livreraient plus que si c’était occasionnel à la suite d’un événement. » afin de renforcer les moments de dialogue et de partage.

La capacité à s’exprimer et à agir 

Les relations de travail

Les relations de travail englobent les relations avec la hiérarchie, et les autres professionnels (gynécologues obstétriciens, sages-femmes, puéricultrices, auxiliaires de puéricultures… etc.). Certaines sages-femmes salariées ont déclaré un manque de communication et de management de la hiérarchie : Inès L. 75-76-77 «Il n’y pas eu de retour d’expérience, alors que ça fait 9 mois que je travaille là-bas. J’aimerais savoir si on fait bien notre travail, s’il y a des choses à améliorer.», Cécile L. 154-155 «J’aimerais qu’on soit un peu plus soutenue par notre hiérarchie quand il y a des difficultés».
De plus, les relations avec la patiente et ses proches peuvent être parfois conflictuelles. Certaines sages-femmes font part d’une agressivité et d’une méfiance à leur encontre ; comme l’a mentionné Gabrielle L. 139-142 « C’était un mari violent qui a débarqué dans mon cabinet une fois. j’étais tétanisée et je n’ai rien fait. ».
Renforcer le service de sécurité est une proposition envisagée dans les entretiens. La communication est un moyen de réduire ces situations de violences verbales, comme l’a dit Marion L. 22 « Le dialogue permet de désamorcer ».

La prévention des risques psycho-sociaux

La prévention est majoritairement suffisante pour l’ensemble des sage-femmes entendues, cependant certaines ont émis le souhait d’obtenir une observation sur terrain de la médecine du travail comme l’a souligné Pauline L. 134-135-136-137 « Je trouve que ça manque que la médecine du travail ne propose pas de rencontre pour analyser notre qualité de vie au travail, ça serait bien qu’ils se déplacent pour voir les locaux, l’environnement, l’organisation du travail au moins sur une journée pour voir comment ça nous impacte et réfléchir à des améliorations. ».

Table des matières

I. INTRODUCTION
II. METHODE ET MATERIEL 
III. RESULTATS
1. Signification de la qualité de vie au travail
2. L’état d’esprit des sage-femmes en allant et en sortant du travail
3. Les conditions de travail
4. Le contenu du travail
5. La capacité à s’exprimer et à agir
IV. ANALYSE ET DISCUSSION
1. Limites et biais
2. L’organisation du travail : caractéristiques et conséquences
3. Un environnement de travail pesant
4. Une rémunération insuffisante
5. Les émotions vécues par les sages-femmes
6. Le manque de reconnaissance et ses impacts
7. L’importance et la compléxité des relations de travail
8. Vers une démarche de qualité de vie au travail ?
V. CONCLUSION
VI. BIBLIOGRAPHIE
VII. ANNEXES

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