La Réforme de la Gestion publique et le développement économique et social

La Réforme de la Gestion publique et le développement économique et social

La plupart des pays Membres de l’OCDE se sont efforcés au cours des 10-15 dernières années de renouveler leurs systèmes et leurs structures de gestion publique. Certains ont pris le départ plus tôt que d’autres, et les points forts ont varié selon les traditions historiques et les institutions des pays. Il n’existe pas de modèle idéal de gestion publique, mais il apparaît très clairement que les pays concernés ont suivi et continuent de suivre des approches plus ou moins communes en matière de réforme de la gestion publique. Cela tient probablement au fait que les pressions en faveur de la réforme qui s’exercent sur eux ont été plus ou moins similaires. En fait la réforme de la gestion publique n’est pas apparue ex nihilo. Elle constitue fondamentalement une réaction à l’insatisfaction croissante ressentie à l’égard de la capacité qu’ont les gouvernements d’assurer le développement est « Visiting Fellow » à l’Australian National University, et Secrétaire honoraire de l’Australian Department of Prime Minister. La Réforme de la Gestion publique et le développement économique Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire économique et social. Les pays Membres de l’OCDE entreprennent de réformer leurs mécanismes de gouvernement parce qu’ils se préoccupent des performances de leur économie, de l’évolution des besoins et des demandes qu’expriment citoyens et institutions, et du déclin de la confiance à l’égard du système politique. Les facteurs les plus importants qui ont poussé aux réformes de la gestion publique au cours des 10 ou 15 dernières années ont correspondu à tout un ensemble de préoccupations : • le niveau de la fiscalité, du déficit budgétaire et/ou de la dette publique était excessivement élevé, et susceptible de s’aggraver si on ne faisait rien ; • trop souvent les programmes publics n’atteignaient pas leurs objectifs, et/ou étaient peu efficaces de sorte qu’ils ne représentaient pas un bon usage des deniers publics ; • l’appareil administratif n’était pas suffisamment sensible aux besoins des clients, y compris ceux des ministres ; • l’administration, pour sa part, faisait partie du problème, car elle était devenue trop massive et trop encombrante. À ces préoccupations s’est récemment ajoutée la conviction croissante que le défi le plus important auquel les pays Membres de l’OCDE sont confrontés est de parvenir à ce que le Secrétaire général de l’OCDE a appelé un meilleur équilibre entre le développement économique et le développement social. Il existe notamment le risque que l’indispensable appui du public en faveur d’une économie ouverte et de l’ajustement structurel qui en est le corollaire ne sera préservé que si la politique économique est complétée par une politique sociale efficace. Parallèlement les mesures nécessaires d’assainissement budgétaire augmentent les contraintes qui pèsent sur la politique sociale, notamment lorsqu’il apparaît que celle-ci est appelée à masquer ou à réparer les échecs de la politique économique. Mais dans l’approche traditionnelle de la politique sociale, bien des aspects sont également perçus comme faisant partie du problème plutôt que comme sa solution, car on s’inquiète de plus en plus de voir que les aides fournies diminuent l’incitation à se « prendre en charge », que les bénéficiaires acquièrent une mentalité de dépendance et sont bel et bien encouragés à vivre en marge de la société. En fait la préoccupation redistributive traditionnelle de la politique sociale est en train d’être remplacée par l’inquiétude devant l’« exclusion sociale » de certains groupes que toute une série de facteurs rend socialement marginalisés. La présente étude a pour but d’analyser et d’approfondir le plus possible les liens entre les réformes de la gestion publique et le développement économique et social. Comment les changements dans la gestion publique ont-ils été influencés par le développement économique et social, et réciproquement que lui ont-ils apporté ? Il est indispensable de mieux comprendre ces questions pour bien cerner le rôle de la gestion publique parmi les grands thèmes du programme d’ensemble de l’OCDE que sont l’assainissement budgétaire, la croissance économique, le développement social ainsi que la gouvernance démocratique. Chercher à dégager les liens entre le développement économique et social et la réforme de la gestion publique soulève un certain nombre de difficultés. Premièrement, bien qu’il y ait eu de sérieux efforts d’évaluation des réformes effectuées en Australie, en Finlande, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, dans la plupart des pays Membres de l’OCDE on n’a réalisé à l’heure actuelle qu’une quantité limitée d’études d’évaluation, la raison principale étant que les réformes ont été lancées de manière progressive. Il s’agit en grande partie de travaux de défrichage, dont la qualité s’améliorera avec le temps. Autrement dit, les réformes sont encore suffisamment récentes pour que dans bien des cas il soit prématuré de se prononcer sur leurs éventuelles incidences. De plus leurs responsables se sont préoccupés avant tout de leur lancement et n’ont pas eu suffisamment de temps pour analyser le passé. L’ampleur d’une évaluation systématique et exhaustive d’un aussi vaste ensemble serait à elle seule décourageante et hérissée de difficultés, dans la mesure où il faudrait aborder des domaines nouveaux et mettre au point de nouvelles techniques d’évaluation. En outre, certains pays ont pu avoir des doutes sur la justification d’un tel effort, car il y avait peu de chance que les gouvernements qui étaient à l’origine des réformes souhaitent remettre en cause leurs orientations principales. Le fait que de plus en plus de pays mènent des réformes selon des directions largement similaires laisse plutôt penser qu’il y a là un indice superficiel de succès. Deuxièmement, l’ampleur et la nature des données susceptibles d’aider à apprécier l’incidence des réformes de la gestion publique varient considérablement d’un pays Membre à l’autre. C’est là principalement le reflet des différences de rythme et d’étendue des réformes selon les pays, mais cela traduit également l’importance variable accordée à la transparence et à la responsabilisation, considérées souvent comme un moyen d’imposer une discipline à l’exécutif ou à tel ou tel gestionnaire de programme. Il s’ensuit inévitablement que dans les références à des cas précis, les pays qui ont été les plus actifs quant à la réforme de la gestion publique et à la publication d’éléments relatifs aux résultats obtenus occupent une place disproportionnée. En troisième lieu, il est fatalement difficile de décider de ce qu’il est possible d’imputer de manière quelque peu précise aux réformes de la gestion publique, La réforme de la Gestion publique et le Développement économique et social sur la gestion budgétaire notamment en termes de causalité. Il est certes possible de décrire les changements intervenus dans les processus de gestion et dans les intentions qui les sous-tendent, mais le point réellement intéressant concerne la différence que ces changements ont apportée quant aux éventuels résultats de la politique économique et sociale et à leur efficacité. Il est néanmoins impossible de dire avec une quelconque certitude dans quelle mesure les changements effectifs dans les politiques ou dans les résultats seraient imputables à des changements concernant les processus de gestion publique.

Les contours de la réforme de la gestion publique 

Pour éclairer la nature des liens qui existent entre la réforme de la gestion publique et la politique économique et sociale, le mieux est peut-être d’examiner La réforme de la Gestion publique et le Développement économique et social 163 © OECD 2001 dans quelle mesure elles ont des fondements intellectuels communs, et sont confrontées à des problèmes interdépendants qui exigent une réponse intégrée. Dans la plupart des pays Membres de l’OCDE la réforme de la gestion publique a donc entraîné un changement de mentalité de grande ampleur, pour répondre à un nouveau paradigme de la gestion publique qui s’efforce de combiner les pratiques modernes en matière de gestion et la logique économique tout en préservant les valeurs centrales du service public. Ce nouveau paradigme de la gestion publique privilégie les résultats en termes d’optimisation de la dépense publique, qu’il s’agit d’obtenir grâce à la gestion par objectifs, au recours au marché et aux mécanismes de type marché, à la concurrence et au libre choix, à quoi s’ajoutent les transferts de compétences à travers une meilleure concordance entre autorité, responsabilité et contrôle. À la place de l’ancien paradigme, qui était dominé principalement par les processus et par les règles et mettait l’accent sur la hiérarchie, ses décisions et ses contrôles, le nouveau contexte de la gestion publique présente les caractéristiques suivantes : • un accent mis sur les résultats exprimés en termes d’efficience, d’efficacité, de qualité du service et de concordance entre les bénéficiaires souhaités et les bénéficiaires effectifs d’une politique ; • une gestion décentralisée faisant mieux concorder autorité et responsabilité, de façon à ce que les décisions concernant l’allocation des ressources et les prestations de services soient prises au plus près du terrain, en ménageant des possibilités de remontées d’informations de la part des clients et autres catégories d’intérêts ; • un accent plus fortement mis sur le client, et la possibilité de choisir qui lui est offerte par l’instauration d’une vraie concurrence au sein de l’administration ainsi qu’entre les organisations du secteur public et leurs homologues non administratifs ; • des assouplissements permettant d’examiner des substituts plus efficaces à l’offre directe de services ou à la réglementation, tels que les instruments de type marché – redevances d’utilisation, bons (vouchers) et vente de droits de propriété ; • une responsabilité à l’égard des résultats et du respect des voies légales, de préférence à l’application d’une série de règles précises, avec en corollaire la gestion du risque se substituant au refus du risque. Ces changements tout à fait essentiels intervenus dans le contexte de la gestion reflètent la place éminente faite à la dimension de l’offre, qui a tant polaRevue de l’OCDE sur la gestion budgétaire  risé l’attention dans les stratégies de développement économique au cours des vingt dernières années, et sont également liés à l’adoption d’une politique sociale plus active, davantage ciblée sur les besoins de l’individu et le progrès recherché par le biais de l’effort personnel. Il en résulte que la réforme de la gestion publique est nécessairement très large, et qu’elle recouvre non seulement les changements visant à accroître l’efficience et l’efficacité des administrations publiques, mais également les réformes qui tendent à améliorer les incitations à la performance dans le secteur privé et dans l’ensemble de la collectivité. Ajoutons que bien des changements opérés dans le contexte de la gestion publique ont impliqué des modifications dans les programmes publics pour y introduire par exemple de nouveaux modes de financement ou de contrôle financier, de façon à ce que les clients de l’administration aient davantage d’influence ou que de meilleures incitations s’exercent sur les prestataires. Ces caractéristiques essentielles des réformes de la gestion publique entendue au sens large vont être approfondies ci-après grâce à l’examen des changements intervenus dans un certain nombre de domaines précis.

Renforcement de la capacité de conception

S’agissant d’aboutir à une meilleure intégration de la politique économique et de la politique sociale, les réformes de la gestion publique les plus importantes sont peut-être celles qui ont trait au renforcement de la capacité de conception des politiques publiques. C’est principalement au centre du gouvernement qu’incombe la coordination des politiques, de sorte que toutes les améliorations apportées à l’intégration de la politique économique et de la politique sociale influenceront très vraisemblablement le rôle des organismes centraux, le fonctionnement du conseil des ministres voire l’appareil gouvernemental. Cependant les réformes qui affectent la capacité de conception ne se limitent pas aux aménagements internes de la gestion des affaires publiques. C’est en fait dans ce domaine que les réformes peuvent le plus facilement laisser leur marque sur les grandes questions de gouvernance, sur les relations entre services et entre niveaux d’administration, et sur les rapports avec le public. C’est pourquoi les réformes peuvent présenter dans ce domaine un caractère particulièrement délicat, et les ministres ont souvent joué un rôle important dans leur élaboration. Dans la mesure où ils sont de notoriété publique, les points de vue des ministres à l’égard des réformes de la gestion publique, et notamment ce qu’ils pensent de l’impact desdites réformes sur la conception des politiques, revêtent un intérêt particulier. La plupart des ministres ont été généralement favorables aux réformes et, ce qui est intéressant, notamment lorsque les changements avaient été faits à l’initiative de leurs prédécesseurs. C’est dans les approches suivies dans le renforcement de la capacité de conception des politiques que les différences entre les pays Membres de l’OCDE sont probablement les plus accentuées. Étant donné cependant le processus d’apprentissage par lequel tous les pays passent actuellement, on peut tirer certaines leçons des expériences des autres pays. Il devrait au minimum être possible de mieux comprendre ce qui peut ou ne peut pas marcher ailleurs, et il semble bien en fait que certains thèmes communs apparaissent en ce qui concerne l’élaboration d’une meilleure capacité de conception des politiques.

L’appareil gouvernemental 

Ces dernières années un certain nombre de pays Membres de l’OCDE ont apporté des changements dans l’appareil gouvernemental, avec entre autres objectifs le souci d’améliorer la capacité de conception des politiques. Ainsi l’Australie et le Canada ont diminué le nombre de leurs ministères en regroupant plusieurs ministères distincts mais étroitement liés. La coordination des politiques s’en est trouvée grandement améliorée dans les secteurs concernés, et la charge pesant sur le conseil des ministres a été allégée dans la mesure où moins de conflits internes sont maintenant soumis à arbitrage. D’autres changements, eux aussi motivés par le désir de permettre au conseil des ministres de se concentrer sur les enjeux stratégiques concernent la séparation entre conception des politiques et prestation de services. C’est une approche que les pays scandinaves ont traditionnellement suivie à maintes reprises, mais ces dernières années des pays tels que le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont créé des agences distinctes pour fournir des services d’un type bien défini, tandis que les ministères sont censés se tenir à l’écart de la gestion quotidienne de façon à pouvoir se concentrer vraiment sur les tâches de conception. Un certain nombre d’autres pays Membres de l’OCDE ont partiellement suivi cette même voie, mais on s’interroge sur la qualité future de la fonction de conseil si cette séparation affaiblit l’interaction entre l’opérationnel et l’aide à la décision. Une telle séparation peut en outre réduire la marge de flexibilité des ministres lorsqu’il s’agit d’adapter une politique en réponse à de nouvelles situations ou à de nouvelles idées. Les transferts de compétences en matière de prestation de services à un autre niveau (inférieur) d’administration représentent un autre moyen d’alléger le La réforme de la Gestion publique et le Développement économique et social 167 © OECD 2001 fardeau pesant sur l’état et lui permettre de se concentrer sur les grandes orientations stratégiques. Les pays Membres de l’OCDE à système politique fédéral ont traditionnellement suivi cette voie, sans toujours y réussir. Cependant les ÉtatsUnis et le Canada ont au cours de ces dernières années transféré d’importantes attributions respectivement à leurs états et à leurs Provinces, et l’Australie a adopté une nouvelle approche concertée entre le niveau fédéral et les états pour opérer une rationalisation de leurs fonctions et attributions respectives. De même dans les pays à état unitaire comme le Japon, la France et l’Italie, ainsi qu’en Espagne et en Grèce, on s’est efforcé d’accroître les pouvoirs des collectivités régionales, d’abord pour alléger la tâche de l’état, mais également pour que les décisions sur des enjeux essentiellement locaux soient prises au plus près des populations directement concernées. 

Le rôle des organismes centraux et des procédures interministérielles 

Les réformes concernant les organismes centraux et le conseil des ministres ont eu pour objectifs majeurs d’alléger le contrôle des détails opérationnels exercé à partir du centre, de manière à focaliser à nouveau l’attention du centre du gouvernement sur ses missions propres, qui sont la coordination et la définition des politiques et des priorités dans les cas où une approche globale est rendue nécessaire par l’importance des interactions entre politiques qui sont en jeu. L’expérience laisse penser que lorsque cette tâche est bien faite, le pouvoir du centre s’en trouve renforcé dans la mesure où de nombreux mécanismes de contrôle antérieurs ne servaient qu’à fragmenter les responsabilités de sorte que personne en fait n’était responsable. Dans les périodes de changement rapide la nécessité de faire respecter l’autorité des ministres et du gouvernement s’impose évidemment avec une force particulière. Les décisions requises en matière de réformes de structures et d’élaboration des mesures d’ordre économique et social ne peuvent aboutir que si l’impulsion vient des ministres. Se concentrer ainsi de manière plus affirmée sur les dimensions stratégiques de l’action gouvernementale ne peut que renforcer l’autorité et l’influence des ministres. Lorsque les ministres énoncent clairement leurs objectifs et leurs valeurs l’appareil administratif est mieux en mesure de réagir en fournissant les avis d’expert portant sur ce que les ministres essaient précisément de réaliser. L’administration devient de ce fait plus réceptive au gouvernement alors au pouvoir, au lieu d’essayer de supputer les intentions des ministres et de faire du même coup intervenir ses valeurs et objectifs propres. Pour répondre à ces préoccupations la Nouvelle-Zélande a ainsi mis en place tout un système de gestion Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire stratégique qui s’attache à favoriser le dialogue entre les ministres et leurs services en articulant les résultats clefs attendus des hauts responsables des ministères et les objectifs stratégiques à long terme du gouvernement. Les gouvernements ont également procédé à des expériences avec leurs procédures interministérielles de façon à ce que les dossiers les plus délicats soient mieux traités. On peut ainsi faciliter les choix difficiles qu’imposent de fortes réductions des déficits budgétaires si la procédure budgétaire est pilotée par un petit groupe de ministres partageant les mêmes idées, avec la participation ou l’appui du Premier ministre, avant que l’ensemble du gouvernement ne soit saisi pour approbation. Un tel groupe peut non seulement être chargé d’atteindre les objectifs budgétaires indispensables, mais servir de vecteur pour la formulation d’excellentes politiques. Le rôle propre des organismes centraux consiste alors à coordonner les avis présentés au gouvernement de façon à ce que l’ensemble des faits et des points de vue pertinents soient soumis à l’attention des ministres sous une forme aisément compréhensible. La responsabilité essentielle de ces organismes est de veiller à ce que les décisions prises en conseil des ministres le soient en connaissance de cause. Un principe fondamental est qu’il ne doit y avoir aucune surprise, ni au moment de l’examen en Conseil des ministres, ni ultérieurement. En outre, les organismes centraux ont pour mission de penser à l’avenir et d’attirer l’attention sur les problèmes futurs et sur les incohérences entre les politiques suivies. À ce titre, les organismes centraux ont joué un rôle de catalyseur dans la mise au point des politiques, mais conformément à l’orientation générale des réformes, il est de plus en plus reconnu que cela ne doit pas aller jusqu’à dépouiller les ministres et leurs services de leur responsabilité.

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