L’acquisition de la nationalité

L’acquisition de la nationalité.

Cette partie sur la dimension civique de l’intégration débute par un aperçu théo- rique de la place qu’occupe la naturalisation dans le processus d’intégration des immi- grés dans une société d’accueil. Il s’arrête dans un premier temps sur les interrogations autour du symbolisme identitaire qui entoure la question de l’acquisition de la natio- nalité pour développer ensuite les conséquences en termes juridiques de cette dernière. Ces conséquences font apparaître la naturalisation non plus comme l’étape ultime de l’intégration mais plutôt comme une rupture importante dans ce processus qui ouvre la voie à l’immigré pour acquérir de nouveaux droits pouvant améliorer son statut socioprofessionnel. Quelques hypothèses expliquant le lien entre l’acquisition de la na- tionalité française et la situation des immigrés sur le marché de travail sont ensuite présentées.communauté politique et notamment de plein accès à des droits. La seconde conception met l’accent sur la dimension morale de la citoyenneté et la présente comme une « carac- téristique souhaitable » fortement dépendante de la « qualité » de la participation d’un individu membre dans la communauté politique à laquelle il appartient (Kymlicka et Norman, 1994). Le conflit porte ainsi sur le lien qui existe entre une sorte de « citoyen- neté formelle » et une citoyenneté qui serait « substantielle » (Martiniello, 2002). Cette ambiguité inhérente à la notion de citoyenneté moderne, ressort très vivement lorsqu’il s’agit de l’accès (non naturel) à cette dernière, à la suite d’un processus migratoire. Certains chercheurs considèrent même que les migrations internationales constituent un véritable défi à la notion de citoyenneté nationale (Wihtol de Wenden, 1987; Wihtol de Wenden, 1999a; Martiniello, 2002). Quelles que soient les positions des uns et des autres il est important de souligner la réémergence des questions de citoyenneté dans les sciences sociales d’une part, et le fait que l’accès à la nationalité continue à susciter un des débats les plus fondamentaux des sociétés modernes d’autre part 1. Ce débat trouve ses racines dans le caractère ambigu du rôle social du code de la nationalité ; son importance réside-t-elle dans le fait qu’il institue des frontières dans la définition de la nation et des ses membres, ou alors plutôt dans le fait qu’il ouvre la voie, à ceux qui, en périphérie de la nation, demandent d’y appartenir à part entière? S’agit-il donc d’un moyen de raffermir une identité nationale menacée, ou d’une sorte de « colle » qui assure la cohésion de la société, a fortiori lorsqu’elle est multiethnique? Enfin, la nationalité est-elle un attribut qu’un étranger ne peut obtenir qu’en le méritant, aux termes d’un parcours où il aurait des preuves à fournir, ou ne représente-t-elle pas plutôt la fin d’un état faible en droit, qui favoriserait le processus d’intégration.

L’ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ.

à la naturalisation, reflète une recherche accrue d’un certain symbolisme identitaire et un certain attachement à la dimension morale de la citoyenneté 2. Le 18 mars 2003, la loi pour la sécurité intérieure instaure un délit d’outrage au drapeau tricolore ou à l’hymne national. Une loi sur la laïcité qui interdit le port des signes religieux (et notamment le port du voile islamique) à l’école est votée en mars 2004. Le 24 mars 2005, la loi Fillon réinstaure l’obligation de l’apprentissage de La Marseillaise et de son histoire à l’école, après des décennies d’abandon. Soulignons ici que depuis la IIIe Ré- publique, l’école a traditionnellement eu comme vocation de transmettre aux nouvelles générations des valeurs républicaines et laïques. Durkheim (1922) considérait que ce devoir de transmission était de la responsabilité de l’État : « [. . . ] il y a dès à présent, à la base de notre civilisation, un certain nombre de principes qui, implicitement ou explicitement, sont communs à tous [. . . ] Le rôle de l’État est de dégager ces principes essentiels, de les faire enseigner dans ses écoles, de veiller à ce que nulle part on ne les laisse ignorés des enfants, à ce que partout il en soit parlé avec le respect qui leur est dû » écrit-il dans Education et Sociologie (1922, p.60). S’inscrivant dans la continuité de cette tradition, ce n’est donc guère le contenu proprement dit de ces lois qui interroge mais plutôt la décision de légiférer sur ces questions à ce moment précis 3.portent sur des questions différentes, on peut penser que toutes ces lois et disposi- tions traduisent une crainte, qui n’est d’ailleurs pas nouvelle, de l’affaiblissement de l’identité nationale. Cette crainte s’est surtout cristallisée à partir des années 1980 et notamment avec la montée électorale du Front National. La réforme du code de la nationalité de 1993 constitue à cet égard une sorte de paroxysme dans l’affirmation des valeurs d’identité nationale ; elle fut d’ailleurs présentée comme un moyen de remédier à la crise de cette identité (Weil, 2002). Les partisans de cette réforme développèrent surtout des arguments selon lesquels un code de la nationalité trop libéral serait une machine à fabriquer des « Français de papier » 5 qui ne s’identifient pas réellement à la nation française. Selon eux, la nationalité française doit se mériter et ne peut être qu’un couronnement du processus d’intégration des immigrés. Cette suspicion à l’égard de l’étranger souhaitant devenir français peut être retrouvée dans le projet de loi sur l’immigration de mars 2006, qui se propose notamment de lutter contre les mariages de complaisance.

Le rapport de la « Commission de la Nationalité », créée pour réduire la virulencedu débat politique qui s’est instauré dans les années 1980 à propos de la réforme du code de la nationalité, adopte une position intermédiaire tout en éclairant le fond du débat autour de la naturalisation. Selon la commission, la vraie question est celle de savoir si la naturalisation favorise l’intégration des populations immigrées et issues de l’immigration en France, en leur ouvrant des droits égalitaires vis-à-vis des natifs, ou si elle n’est pas plutôt, ou ne doit pas être, une sorte de « récompense », qui « se mérite » lorsqu’un étranger a effectué un parcours d’intégration lui permettant enfin d’intégrer la « communauté des citoyens ». Pour répondre à cette question, la Commission de la Nationalité a adopté une position conciliatrice en affirmant qu’il convenait de soumettrel’acquisition de la nationalité à une condition d’intégration sans pour autant que cette dernière soit synonyme d’une assimilation totale (Commission de la nationalité, 1988). Dans son rapport, elle affiche en effet deux objectifs de toute loi sur la nationalité : raffermir l’identité nationale d’une part et favoriser l’intégration des populations d’ori- gine étrangère d’autre part. C’est dans ce contexte que la commission préconisa que les jeunes nés en France de parents étrangers manifestent leur volonté de devenir français entre 16 et 21 ans. Néanmoins, lorsque le projet de loi fut présenté au parlement, c’est le premier objectif qui fut mis en avant au détriment du second (Lochak, 1994). La loi Méhaignerie qui instaura ainsi la nécessité de manifestation de volonté fut donc présentée bien plus comme un moyen de lutter contre la « fraude » dans le domaine de la nationalité que comme un instrument favorisant l’intégration des populations issues de l’immigration. A posteriori, les études ayant tenté d’évaluer cette loi ont montré, en analysant à la fois les très rares rejets et les motivations des jeunes ayant manifesté leur volonté, qu’aucun des effets recherchés n’a été atteint 6. Ce fut la loi Guigou qui rétablit, en 1998, l’acquisition automatique de la nationalité à la majorité pour les jeunes nés en France de parents étrangers.

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