La vie et la mort des étoiles massives révélées par l’observation des raies gamma nucléaires

La vie et la mort des étoiles massives révélées par
l’observation des raies gamma nucléaires

La mort insondable des étoiles massives 

Ce chapitre expose l’état actuel de notre compréhension du processus par lequel les étoiles massives finissent leur existence en une explosion de supernova. Il s’agit autant d’un rappel des grands principes admis de l’effondrement du coeur d’une étoile en fin de vie que d’un inventaire des récents développements en matière de simulation et des facteurs qui ont été identifiés comme potentiellement importants. L’essentiel de cette partie est une synthèse des revues de Woosley et al. [2002], Woosley and Janka [2005] et Janka et al. [2007], et de certaines de leurs références. 

 Effondrement gravitationnel et puis ? 

A l’issue de la combustion hydrostatique et des différentes phases de fusion nucléaire centrale ou en couche, l’intérieur d’une étoile de masse initiale supérieure à 8 M! est stratifié chimiquement autour d’un coeur constitué d’éléments du groupe du fer. L’énergie de liaison par nucléon de ces éléments est maximale, ce qui signifie que leur fusion avec d’autres noyaux est endoénergétique et ne saurait fournir d’énergie à l’étoile. D’autre part, les pertes d’énergie par neutrinos, qui sont le mode dominant de refroidissement du coeur à partir de la combustion du carbone, se poursuivent au centre, entraînant ainsi la contraction du coeur stellaire en un milieu fortement dégénéré. Dans le mˆeme temps, des réactions de fusion se poursuivent aux interfaces entre certaines couches chimiques, en particulier la combustion en couche du Si dont les produits viennent grossir la masse de fer au centre. A l’approche de la masse critique de Chandrasekhar, deux processus physiques vont entrer en scène et précipiter 1Afin de ne pas alourdir le texte, seules les références ”majeures” sont indiquées dans le texte. Pour tous les résultats et valeurs mentionnés, le lecteur trouvera une bibliographie extrˆemement fouillée dans les trois publications utilisées comme sources principales.

 Effondrement gravitationnel et puis l’effondrement gravitationnel du coeur de fer et par suite de l’étoile toute entière

 A partir d’une certaine densité (! 1010 g.cm−3), il devient plus intéressant, d’un point de vue énergétique, pour le coeur stellaire dégénéré de procéder à la réaction de capture électronique 1.1 plutˆot que de repousser les électrons vers des énergies de Fermi toujours plus grandes. p + e− → n + νe ou (A,Z) + e− → (A,Z − 1) + νe (1.1) Les électrons fournissent alors la majeure partie de la pression nécessaire au maintien de l’étoile, et leur disparition progressive au profit d’une neutronisation de la matière prive l’étoile d’un support essentiel. Par ailleurs, la température centrale à ce moment de l’évolution est telle que le rayonnement associé commence à photodissocier le fer environnant en helium, anéantissant ainsi en une fraction de seconde des millions d’années de nucléosynthèse. Sous les effets conjugués de l’émission neutrinique, de la capture électronique et de la photodésintégration partielle, la contraction du coeur de fer devient une chute libre pouvant atteindre des vitesses de l’ordre du quart de la vitesse de la lumière. Lorsque la densité atteint les 1012 g.cm−3, la partie centrale du coeur devient opaque aux neutrinos et l’effondrement s’y poursuit alors de manière homologue. La densité centrale augmente alors jusqu’à atteindre la densité nucléaire. La composante répulsive de la force nucléaire met fin à l’effondrement lorsque la densité atteinte est de l’ordre du double de la densité nucléaire, soit environ 4-5 1014 g.cm−3. La compression du coeur au delà de la densité nucléaire génère un rebond et une onde de choc se forme à la surface du coeur homologue et commence à se propager dans l’extérieur du coeur de fer, en chute supersonique. A ce stade, l’explosion de l’étoile semble acquise et l’idée a effectivement prévalu pendant plusieurs années que l’onde de choc issue du rebond du coeur pouvait inverser l’effondrement et aboutir à l’éjection des couches externes de l’étoile. Toutefois, une analyse plus détaillée de l’évolution de ce choc a révélé qu’un certain nombre de mécanismes de dissipation le vident de son énergie avant qu’il n’ait pu sortir du coeur. Vient tout d’abord la photodésintégration des noyaux engloutis par l’onde de choc, qui consomme environ 1051 ergs par 0.1M!, puis, en aval du choc, le refroidissement de la matière et la capture électronique par les nucléons issus de la désintégration, dont l’intense émission neutrinique emporte aussi une partie de l’énergie du choc. Quelques ms après le rebond du coeur, le choc s’épuise et entre en stagnation à un rayon de 100-200 km tandis qu’au centre, une proto-étoile à neutrons (PNS) accrète de la matière à un rythme insensé de quelques dixièmes de masse solaire par seconde. Si ce corps compact ne trouve aucun moyen d’injecter rapidement de l’énergie, il implosera immanquablement en un trou noir et aucune explosion n’aura lieu

Ressusciter un choc : les neutrinos Bien que l’explosion prompte se soit rapidement essouflée, le système ne manque pas de sources d’énergie.

La première d’entre elles est l’énergie de liaison gravitationnelle de l’étoile à neutrons en formation. L’effondrement du coeur stellaire jusqu’au rebond a produit un corps compact extrˆemement dense et chaud d’un rayon d’environ 30 km. Dans les secondes qui suivent (temps caractéristique de Kelvin-Helmholtz pour la contraction de la PNS), cette proto-étoile à neutrons va se refroidir jusqu’à devenir une étoile à neutrons d’un rayon de 10 km environ et dans l’intervalle l’énergie de liaison de l’étoile à neutrons, soit environ 3.1053 ergs, est rayonnée sous la forme de neutrinos. Pour obtenir une éjection des couches externes de l’étoile à une énergie cinétique typique de 1051 ergs, il suffirait juste de capter une infime fraction de cette prodigieuse luminosité neutrinique afin de relancer le choc initial. Ce scenario d’explosion retardée a été proposé par Bethe and Wilson [1985], d’après une idée originale de Colgate and White [1966] qui avaient alors envisagé une explosion prompte due à cette intense émission de neutrinos. Les neutrinos piégés dans le coeur dense diffusent jusqu’à la neutrinosphère d’ou` ils s’échappent vers l’extérieur. En route, ils peuvent déposer une partie de leur énergie entre la neutrinosphère et le choc par l’intermédiaire des interactions suivantes : νe + n → e− + p (1.2) νe + p → e+ + n (1.3) Il se créé ainsi en aval du choc une zone de faible densité et haute température dont la pression, qui est le moteur du choc, est maintenue par l’incessante injection d’énergie par les neutrinos. Si la luminosité et l’énergie des neutrinos sont suffisantes, la résurrection du choc et l’explosion de l’étoile peuvent ˆetre obtenues en quelques dixièmes de secondes. D’autant plus que le phénomène est vertueux : un chauffage efficace de la matière en cours d’accrétion par l’objet compact ralentit sa chute et augmente ainsi son exposition au flux de neutrinos. Cependant, l’énergie déposée par les neutrinos est largement réémise, sous forme de neutrinos. La réussite de l’explosion retardée est donc le fruit d’une compétition entre absorption et réémission, deux processus dont l’efficacité dépend des distributions de densité et température dans une zone comprise entre l’étoile à neutrons et le choc. Cette région dont la structure est imposée par l’hydrodynamique du milieu est divisée par le rayon de gain, à partir duquel la matière enregistre un gain net en énergie. L’intervalle entre le choc et le rayon de gain constitue alors la région de gain. Un critère important ici est le ratio du temps caractéristique d’advection de la matière accrétée par le choc, qui sera exposée au flux de neutrinos pendant sa descente vers l’objet compact, au temps caractéristique de chauffage par les neutrinos. Les simulations 1D (à symétrie sphérique) de ce scenario d’explosion retardée ont malheureusement toutes abouti à des échecs, comme ce fut le cas pour le scenario d’explosion prompte. Cependant, il est rapidement apparu que la zone de gain était instable car le flux de neutrinos y produit un gradient d’entropie négatif. De violents mouvements de convection s’installent donc derrière le choc, avec pour conséquence d’augmenter le rayon du choc et la taille de la zone de gain. Plus important peut-ˆetre est le fait que les cycles de convection transportent l’énergie déposée à la base de la région de gain vers le choc, ou` elle peut ainsi travailler contre la matière en chute libre au lieu de se dissiper en neutrinos. Le résultat net est une augmentation de l’efficacité de chauffage par les neutrinos. La simulation en 2D permit effectivement d’obtenir des explosions là ou` le 1D avait failli, mais le passage d’un traitement gris à un traitement spectral du transport des neutrinos fit disparaître ce succès. L’existence d’une seconde zone de convection située à l’intérieur de l’étoile à neutrons, en dessous de la neutrinosphère, aurait pu accroitre la luminosité neutrinique et ainsi conduire à une explosion mais la prise en compte de cet effet a montré que l’augmentation de l’émission de neutrinos demeure insuffisante.

Table des matières

1 La mort insondable des étoiles massives
1.1 Effondrement gravitationnel et puis ?
1.2 Ressusciter un choc : les neutrinos
1.3 Lancer un jet : rotation et MHD
2 L’astronomie gamma nucléaire
2.1 Le potentiel de l’astronomie gamma nucléaire
2.2 Le 44Ti : sonder la dynamique de l’explosion
2.3 L’26Al : tracer l’activité nucléosynthétique
2.4 Le 60Fe : révéler les supernovae .
3 Traitement des données INTEGRAL/SPI
3.1 Présentation de l’instrument
3.1.1 La caméra de SPI
3.1.2 Le masque codé
3.1.3 Le format des données
3.2 Le bruit de fond instrumental
3.2.1 Origines physiques du bruit de fond
3.2.2 Modélisation du bruit de fond
3.3 La production des résultats
3.3.1 L’ajustement des modèles
3.3.2 La vérification des résultats
4 Synthèse de population stellaire
4.1 Rendements théoriques de nucléosynthèse
4.1.1 Les modèles stellaires
4.1.2 La grille de rendements utilisée
4.2 Calcul de la luminosité mécanique
4.2.1 Les différentes stades évolutifs
4.2.2 Les vitesses des vents stellaires
4.3 La synthèse de population
4.3.1 Le fonctionnement du programme PopSim
4.3.2 Approximations et incertitudes
5 La dynamique interne de l’explosion de Cassiopée A
5.1 Un vestige de supernova très prometteur
5.1.1 La plus récente supernova galactique (ou presque…)
5.1.2 Une explosion asymétrique
5.1.3 Le progéniteur de Cassiopée A
5.1.4 La seule source connue de 44Ti
5.2 Les observations SPI de Cassiopée A
5.2.1 Les spectres source 7
5.2.2 Estimation des erreurs systématiques
5.3 Le site de production du 44Ti
5.3.1 Le fer présent dans Cassiopée A
5.3.2 La cinématique actuelle de Cassiopée A
5.4 Synthèse
6 L’activité stellaire de la Galaxie révélée par l’
26Al et le 60Fe
6.1 Historique de l’26Al et du 60Fe
6.1.1 Des années 1970 à COMPTEL
6.1.2 De COMPTEL à INTEGRAL… ?
6.2 La Galaxie radioactive vue par SPI
6.2.1 L’émission galactique à 1809 keV
6.2.2 L’émission galactique à 1173 et 1332 keV
6.2.3 Distribution spatiale de l’26Al galactique
6.3 Modélisation de l’26Al et du 60Fe galactiques
6.3.1 Modèle et hypothèses
6.3.2 Masses et flux prédits
6.4 Synthèse
7 L’activité nucléosynthétique de la région du Cygne
7.1 Le Cygne, une région riche … et brulante
7.1.1 Une structure ambigue
7.1.2 … finalement résolue !
7.2 L’activité nucléosynthétique du Cygne révélée par SPI
7.2.1 La morphologie de l’émission
7.2.2 Les caractéristiques des signaux de décroissance
7.3 Modélisation de l’activité nucléosynthétique du Cygne
7.3.1 Modèle, hypothèses et premiers résultats
7.3.2 Effets de la métallicité et de l’IMF
7.4 Simulation de la superbulle de Cyg OB2
7.4.1 Théorie des superbulles
7.4.2 Simulations hydrodynamiques
7.5 Synthèse
8 Synthèse et perspectives
8.1 Etude des raies du 44Ti dans Cassiopée A
8.2 Observation/modélisation de l’26Al et du 60Fe galactique
8.3 Observation/modélisation de l’26Al et du 60Fe dans le Cygne
8.4 Etude de l’émission d’annihilation des supernovae et de leurs vestiges

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