Le biofilm dentaire 

Le biofilm dentaire 

Définition Au 17ème siècle un drapier hollandais du nom Antonie Von Leeuwenhoeke observait pour la première fois la plaque dentaire à l’aide d’un système de microscope rudimentaire (Arampatzi et al., 2011; Duffau, 2014). La plaque dentaire était probablement le premier biofilm à avoir été étudié en termes de composition microbienne ou sa sensibilité aux agents antimicrobiens. La plaque dentaire, appelée aussi biofilm dentaire (Kolenbrander, 2011), est l’un des biofilms les mieux étudiés (Marsh, 2009). On peut la définir comme étant une accumulation hétérogène complexe composée d’une communauté bactérienne attachée à la surface des dents ou aux espaces gingivo-dentaires (l’émail, le cément, les tissus épithéliaux mous) et enrobée dans une matrice extracellulaire de polymères d’origine microbienne et salivaire (Donlan et Costerton, 2002; Roman, 2006). Cette matrice peut représenter de 50% à 90% de la matière organique totale des biofilms (Flemming et Wingender, 2010; Arampatzi et al., 2011). Les biofilms sont des systèmes dynamiques structurellement complexes dont la formation représente un mode de vie permettant aux microorganismes non seulement de survivre dans des conditions environnementales hostiles et de coloniser de nouvelles niches mais aussi il favorise la collaboration métabolique et les échanges nutritionnels entre les différents membres de cette communauté (Hall–Stoodley et al., 2004; Tremblay et al., 2014).

Formation du biofilm

Formation de la pellicule acquise exogène (PAE)

La première étape de la formation du biofilm dentaire est la formation de la pellicule acquise exogène, que les biologistes qualifient aussi de « biofilm salivaire ». Cette PAE va jouer le rôle de film de conditionnement. L’attachement bactérien se voit, par conséquent, grandement facilité (Pellat et al., 2002; Simain et al., 2010; Duffau, 2014). Ce film se forme naturellement et spontanément à la surface des dents après le brossage, par l’absorption sélective de protéines et d’autres macromolécules provenant de la salive ou du fluide creviculaire (Hannig et Joiner, 2006; Duffau, 2014). L’épaisseur de ce dépôt acellulaire amicrobien varie entre 005 et 1m. Les glycoprotéines salivaires constituent 98% de la composante protéique de la PAE. (Hannig et Joiner, 2006). D’autres constituants comme les phosphoprotéines, les immunoglobulines (IgA, IgG) (Marsh et Martin, 2009), les mucines de poids moléculaire élevé (Haïkel, 2001), le lysozyme, l’albumine, l’α amylase, la glycosyl-transférase, les cystatines , la lactoférrine, l’anhydrase carbonique, les phosphoprotéines riches en prolines (PRPs), la stathérine, l’acide sialique et les sucres (galactose,mannose et glucose) participent également à la formation de la PAE. Ce film protéique joue un rôle déterminant vis-à-vis de l’émail en le protégeant de la déminéralisation et en assurant une perméabilité sélective qui retarde la diffusion des acides (Pellat et al., 2002). 

Adhérence et colonisation bactérienne

Les micro-organismes sont généralement transportés passivement à la surface de la dent par l’écoulement de la salive. Ils adhèrent réversiblement à la pellicule acquise exogène, par l’intermédiaire de forces réversibles électrostatiques (répulsives) et celles de van der Waals (attractives) (Pellat et al., 2002; Marsh et Martin, 2009) ou à la surface d’autres bactéries grâce à une adhésion spécifique, irréversible, par l’intermédiaire de connexions ligand contre récepteur (Kolenbrander et al., 2002; Kolenbrander et al., 2006; Duffau, 2014). La colonisation de la pellicule acquise exogène est progressive. Les bactéries les plus précoces dites « pionnières » trouveront sur la surface dentaire de nombreux récepteurs contenus dans la pellicule. Les colonisateurs pionnières sont principalement des bactéries à Gram positif telles que Streptococcus oralis, Streptococcus mitis, Streptococcus gordonii, Synthèse bibliographique 5 Streptococcus sanguinis ou encore Actinomyces naeslundii (Kolenbrander et al., 2002; Kolenbrander et al., 2006). Les bactéries pionnières résistent aux fortes concentrations en oxygène et aux mécanismes d’élimination de la cavité buccale. Leur croissance s’accompagne de la modification et la création de nouvelles conditions environnementales (comme par exemple une diminution de la disponibilité en O2) plus adaptées au métabolisme de certaines bactéries. Cela favorise alors le recrutement de nouvelles espèces: c’est les colonisateurs secondaires (Marsh et Martin, 2009). C’est une deuxième vague de colonisation qui peut alors se mettre en place, trouvant sur ce lit bactérien de nouveaux moyens d’adhésion. Ces colonisateurs secondaires sont toujours considérés comme précoces, parmi lesquels figurent des bactéries telles qu’Eikenella corrodens ou Capnocytophaga ochracea, qui seront ensuite suivis de colonisateurs tardifs comprenant les parodontopathogènes les plus fréquemment suspectés (Duffau, 2014). 

Maturation

Lors de cette phase, on observe une modification importante de la taille du biofilm, résultat de nombreuses multiplications bactériennes. La matrice extracellulaire augmente en épaisseur avec des modifications des gradients d’oxygène, de substrats, voire de pH. Des mécanismes de communication intercellulaire s’installent durablement, la bactérie est ainsi informée de la densité et des interactions cellulaires dans son proche environnement. C’est le concept du «quorum sensing» (Simain et al., 2010). A ce stade, la plaque dentaire constitue une « véritable barrière de diffusion », en limitant l’entrée de certains composés comme les antimicrobiens contenus dans les dentifrices, elle a ainsi une sensibilité moindre à ces produits. De plus, elle provoque la rétention des produits du métabolisme bactérien (Rouch, 2015).

Dissémination

Lorsque l’épaisseur maximale du biofilm est atteinte, le stade final de développement du biofilm peut avoir lieu. Il s’agit du stade de dispersion, des formes planctoniques sont relarguées dans le milieu extérieur à partir du biofilm (Clutterbuck, 2007). Les bactéries libérées vont coloniser de nouvelles niches écologiques et par conséquent la formation d’autres biofilms aura lieu (Pantaléon, 2015). Le décrochage des bactéries du biofilm peut être un phénomène passif ou actif. Lorsque le phénomène est passif, les bactéries peuvent se détacher de façon continue, en petites quantités : on parle d’ « érosion » du biofilm. En revanche, on peut assister à un détachement massif et rapide « en lambeaux », où des mécanismes moléculaires sont mis en place afin d’induire le détachement des micro-organismes (Donlan, 2002; Wijman et al., 2007; Arampatzi et al., 2011). Les formes planctoniques ainsi libérées peuvent conserver des caractéristiques du biofilm, comme l’antibio-résistance (Donlan, 2002). Des facteurs intrinsèques au biofilm comme la présence de bactériophages, de molécule du quorum-sensing, de surfactants ou d’acides aminés, peuvent induire le détachement des bactéries du biofilm (Kaplan, 2010; McDougald et al., 2012; Pantaléon, 2015). 

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