Le fonctionnement du régime

Le fonctionnement du régime

Le régime de gouvernementalité du Plan triennal a fonctionné sur trois niveaux imbriqués : le niveau macro – national – le niveau mezzo – régional – et le niveau micro des établissements régulés. Les régulateurs primaires du Plan ont défini au niveau national un cadre général de conduite des conduites, qui a ensuite été diversement assimilé par les régulateurs secondaires. Pareillement, les équipes projet dans les établissements régulés se sont différemment saisies de ces cadres régionaux pour déterminer leur propre manière de conduire la conduite des membres de leur organisation. Chaque niveau d’application générale a donc ouvert aux niveaux d’application plus particulière un champ de fonctionnements possibles. En retour, conformément au principe de régulation réactive, les choix de fonctionnement opérés aux niveaux micro ont impacté les fonctionnements régionaux, dont l’agrégation a donné sa réalité au fonctionnement national. La compréhension du fonctionnement du régime doit par conséquent partir du général au particulier, pour revenir ensuite au général. C’est pourquoi nous allons présenter d’abord la dynamique de fonctionnement nationale du régime de gouvernementalité du Plan triennal, avant d’aborder les grands types d’appropriation de ce fonctionnement que nous avons pu observer au niveau régional, et de modéliser le fonctionnement micro de ce régime de gouvernementalité sur la base de nos trois cas exploratoires d’établissements régulés.

La figure 4.2 ci-dessous résume schématiquement comment les différentes composantes du régime de gouvernementalité se sont articulées au niveau national au cours du Plan triennal. Suivant les choix méthodologiques explicités au troisième chapitre, nous avons reconstitué la dynamique nationale de fonctionnement du régime en identifiant trois périodes dans le déroulement du Plan : l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation. L’élaboration du Plan a eu lieu entre son annonce officielle par la ministre de la Santé en avril 2014 et la publication par l’ANAP des appels d’offres relatifs à ses modalités d’accompagnement, en mai 2015, qui ont marqué l’aboutissement de la réflexion sur les actions à mener dans le cadre du Plan au niveau national. La mise en œuvre du Plan a toutefois débuté avant la finalisation de cette élaboration, avec le premier séminaire ROP du 18 mars 2015, à la suite duquel le kit de déploiement du Plan a été diffusé en régions. Cette mise en œuvre s’est achevée le 31 décembre 2017, date de fin du Plan. La démarche d’évaluation du Plan triennal a néanmoins été initiée bien avant cette clôture, puisque le premier rapport de bilan des dispositifs d’appui à la mise en œuvre du Plan a été publié par l’ANAP en juillet 2016. Nous avons fait courir cette période d’évaluation jusqu’en février 2018, car notre observation s’est arrêtée au-delà. L’évaluation du Plan s’est cependant prolongée après cette date, puisque l’ANAP a produit le rapport de bilan final de son appui fin 2018.

La période d’élaboration du Plan triennal a correspondu à un moment de conception technologique, puisque c’est durant cette période que la technologie sécuritaire de gouvernement que nous avons décrite en section précédente été conçue par les régulateurs primaires et leur intermédiaire. Le fondement sur lequel s’est bâtie cette conception a été la perception d’un risque financier systémique. Dans la mesure où la prévention de ce risque a représenté à fois le fait générateur et la finalité de l’avènement du régime de gouvernementalité sanitaire du Plan triennal, nous avons mis ce thème en exergue dans la figure 4.2 en le signalant par un triangle. Cette perception a instillé chez les régulateurs primaires la conviction qu’un changement de rationalité gouvernementale était nécessaire. En effet, la rationalité gouvernementale jusqu’alors dominante, qui était centrée sur le pilotage tarifaire, ne semblait pas pouvoir être maintenue, car elle ne permettait pas de couvrir ce risque. Cette logique sécuritaire a par conséquent amené les régulateurs primaires à adopter une nouvelle rationalité, visant la transformation des établissements de santé régulés. Cette rationalité nouvelle était ainsi porteuse d’une ré-objectivation de ces organisations régulées, en tant qu’offreurs de soins situés dans des parcours de patients qu’elles n’avaient plus vocation à prendre complètement en charge. Ce projet de ré-objectivation des établissements régulés impliquait de compléter les dispositifs de sécurité préexistants par des dispositifs de transformation organisationnelle. Ce sont ces dispositifs qui ont été les supports des mécanismes de pouvoir et des procédures de véridiction qui se sont enclenchés dans la période de mise en œuvre du Plan.

 

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