Le phosphore dans les sols

Le phosphore

Généralités

La découverte du phosphore remonte à 1669. On la doit à l’alchimiste hambourgeois Hennig Brandt. C’est probablement le seul élément initialement isolé dans de la matière organique animale, puis végétale (Greenwood and Earnshaw 1984). Il n’a été identifié dans l’apatite qu’en 1779 par Torben Bergman (1735-1784) et Jean Louis Proust (1754-1826) (Vanden Bossche 1999 ). Le phosphore (P) est le 11 ème élément le plus abondant sur Terre et il entre dans la composition de toutes les cellules des organismes vivants. Etres humains, animaux, plantes et microorganismes, tous dépendent entièrement du phosphore pour vivre et se reproduire.
Le matériel génétique des organismes vivants est constitué par les acides nucléiques (ADN et ARN) qui contiennent du phosphore (Le phosphore représente plus de 10% du poids d’une molécule d’ADN). Cet élément entre également dans la composition des protéines.
En ce qui concerne les plantes, le phosphore intervient comme élément nutritif indispensable à un grand nombre de processus biochimiques tels que la respiration ou la production d’énergie (photosynthèse), son stockage,son transport et son utilisation.
Dans le règne animal, le phosphore est également impliqué dans les processus énergétiques (formation et dégradation du glycogène des muscles, synthèse des protéines).
Les dents et les os en contiennent beaucoup sous forme de phosphate de calcium. D’ailleurs, Fardeau (1993) rapporte que dès l’an 100, Plutarquesignalait des accroissements de récolte après enfouissement d’os. Les premières fertilisations phosphatées raisonnées ont été pratiquées vers 1820 à partir de constituants organiques (os, guano). C’est aussi à partir de gisements contenant des os fossiles que les phosphates minéraux ont commencé d’être exploités en 1850.
Les différentes formes du phosphore présentes dans le sol sont :
– le phosphore dans la solution du sol
– le phosphore sous forme de « pool » labile dans la phase solide du sol, c’est-à-dire susceptible de passer en solution
– le phosphore dans la fraction non-labile de la phase solide du sol (Cheiab 2006)
Ces trois formes sont représentées schématiquement dans la Figure 2.

Le phosphore dans les sols ferrallitiques de Madagascar

Dans les ferralsols de Madagascar, le phosphore est très facilement immobilisé dans les sols qu’il devient indisponible pour les plantes. Ce processus dépend de plusieurs facteurs dont le pH, la décomposition de la matière organique et la température (Cheiab 2006). Les oxydes et hydroxydes de fer et d’aluminium ont également une grande influence dans le cycle de P dans ces sols (Mc Laughlin and Ryden et al. 1981).

Le phosphore et le matériel végétal

Au niveau de la plante, le phosphore se répartit entre un pool métabolique, situé dans le cytoplasme et les chloroplastes et un pool non métabolique dit de réserve, sous forme inorganique au sein des vacuoles (Maire 2005). Ses rôles métaboliques sont :
– structural, entrant dans la constitution de phospholipides et acides nucléiques ;
– énergétique par le haut potentiel que le phosphoryle confère à certaines molécules (ATP) ;
– régulateur des voies métaboliques par sa répartition entre chloroplaste et cytoplasme.
La production de 1g de matière sèche par une plante requiert un prélèvement d’environ 3mgP (Fardeau and Conesa 1994). Pour le même poids, une plante de région tempérée utilise près de 300 ml d’eau dont l’essentiel est restitué à l’atmosphère par évapotranspiration. Or la concentration moyenne de la solution du sol est de 0,25mg.l (Morel 1996).  Dans ces conditions, l’apport de phosphore lié au flux de masse (ou convection) n’est que de 0,075 mgP, soit 2,5% des besoins de la plante. La nutrition des plantes en phosphore suppose donc un mécanisme de prélèvement actif par la racine (éventuellement les mycorhizes).
Le prélèvement des plantes doit être compensé par la libération de phosphore dans la solution. Il y a ainsi transfert depuis la phase solide vers la solution (Fardeau and Conesa 1994). Les mécanismes impliqués (dissolution, désorption) conditionnent la nutrition des végétaux.
Le phosphore absorbé par les plantes à partir de lasolution du sol peut être remplacé par le phosphore provenant des fractions inorganique et organique du sol soit par :
– des apports d’engrais ;
– une libération de phosphore par minéralisation de la matière organique du sol ;
– une dissolution du phosphore contenu dans les minéraux du sol ; processus lent et dépendant du pH ;
– une désorption du phosphore adsorbé sur la matière organique du sol, l’argile et autres minéraux du sol (cf. Figure 4).

Les engrais phosphatés

Sources minérales : le Triple Super Phosphate

Les engrais phosphatés sont fabriqués à partir des roches phosphatées qui sont extraites de la terre. Le phosphore présent dans ces roches n’est pas disponible pour les plantes. Pour rendre le phosphore soluble, ces roches sont attaquées avec de l’acide sulfurique pour produire de l’acide phosphorique.
Les processus de fabrication aboutissent au superphosphate simple ou triple qui sont utilisés directement comme engrais phosphatés.
Les engrais phosphatés apportés au sol libèrent le phosphore sous forme de H 2PO4 -ou HPO4 2-, selon le pH du sol. Une partie de ces anions sontabsorbés par les racines. Une autre partie va réagir avec des cations tels que le fer et l’aluminium en sol acide pour former des minéraux qui sont peu solubles et donc moins disponibles pour les plantes. Ces réactions sont à l’origine de la très faible mobilité du phosphore dans le sol. Ainsi, pour améliorer l’efficacité des engrais phosphatés, ils doivent être répartis dans le sol afin d’augmenter leschances de contact avec les racines.(Transfert de Technologie en Agriculture 2000)

Sources organiques : le Bat Guano

Le bat guano est un engrais 100 % BIO composé essentiellement de l’accumulation de la fiente de chauve souris qui peut être utilisé pour tous types de cultures (maraîchères, forestières, fruitières, plantes ornementales…) et tout particulièrement pour les cultures biologiques. A cet effet, le bat guano est autorisé pour l’agriculture biologique en référence à l’annexe II du règlement de la CEE N° 2092/91.
Pour résumé, le bat guano est un engrais naturel entièrement biologique qui non seulement contient du N-P-K, surtout riche en phosphore, mais également en éléments mineurs tels que :
a) le magnésium, nécessaire à la formation de la chlorophylle, qui améliore la couleur et la santé des plantes, des fleurs et des fruits et favorise l’absorption du phosphore,
b) le calcium qui améliore la rigidité des tiges et la maturité des fruits et des graines, et qui réduit aussi l’acidité du sol.
c) les oligo-éléments tels que le manganèse, le zinc (facteur de croissance), le cuivre (qui favorise l’assimilation de la potasse et de l’azote).
d) et enfin la flore microbienne et les matières organiques qui permettent la libération rapide des éléments minéraux bénéfiques aux plantes pour sa nutrition et qui améliorent par la même la structure du sol.
Les informations sur la composition du bat guano deMadagascar sont données dans le Tableau 1.

Réactions des engrais phosphatés dans le sol

La Figure 5 montre la répartition de l’engrais phosphaté commercial ou organique après son application en sol acide à neutre. Ce diagramme est une approche thermodynamique (probabilité élevée de succès d’une réaction d’extraction) et séquentielle (extractions successives sur le même échantillon de sol). Il est basé sur des méthodes d’analyse assez spécifiques à la forme du phosphore dans le sol, oudes solutions d’extraction reliées à son énergie de rétention. La méthode de fractionnement du phosphore inorganique en sol acide comprend le phosphore faiblement lié extrait par unsel ou par de l’eau distillée, le phosphore lié à l’aluminium, au fer ou au calcium, et le phosphore occlus dans les oxy-hydroxydes. Le phosphore organique lié à la matière organique (MO) du sol comprend les compartiments facilement hydrolysables, microbiens et réfractaires (humus). Dans ce diagramme, les flèches représentent les transferts entre compartiments exprimés de façon qualitative tel que le phosphore rapidement, modérément ou lentement disponible ou diffusible vers la solution du sol (Parent and Pellerin et al. 1998).

La matière organique dans les sols ferrallitiques

Un des caractères généraux des sols ferrallitiques est de posséder une teneur généralement faible en matière organique et surtouten humus ; et l’absence d’humus grossier (Aubert 1954). Ces sols ont un humus à décomposition rapide souvent appelé « mull » et dans certains cas « crypto-mull », malgré les caractères qui les différencient de cette forme d’humus : celle-ci en reste la plus proche parmi toutes celles définies jusqu’à présent. Il paraît plus exact d’indiquer seulement que cet humus a bien évolué et provient d’une décomposition rapide de la matière organique (Aubert 1964). Cettedécomposition de la matière organique est poussée et celle-ci est très liée à la matière minérale (Aubert and Segalen 1966). Les débris ou résidus végétaux qui tombent sur le sol (feuilles, fruits, rameaux, branche set troncs) et ceux qui se décomposent dans le sol (racines et exsudats racinaires) constituent la source primaire de matière organique. Dans le cas des sols ferrallitiques, ces résidus végétaux sont en général rapidement décomposés par l’activité biologique. Une partie importante est minéralisée donnant des éléments solubles ou gazeux ; une autre est transformée (humifiée) en divers composés humiques par des réactions de biodégradation et de synthèse. Ces composés humiques de nature chimique très variée, liés d’une manière plus ou moins intime aux matières minérales en particulier aux argiles et aux sesquioxydes, paraissent pour une grande part relativement résistants aux actions microbiennes et ne se décomposent que très lentement (DeBoissezon 1977).

La matière organique et le phosphore

Les réactions biologiques et chimiques contrôlent les quantités d’orthophosphates disponibles pour la plante dans la solution du sol.Dans les sols acides, cas des ferralsols de Madagascar, le phosphore est susceptible de réagir avec les hydroxydes de fer (Fe) ou d’aluminium (Al) pour former des composés relativement insolubles (Dalton and Russell et al. 1952).
La compréhension du rôle de la matière organique dans l’augmentation de la biodisponibilité du P dans les sols agricoles est importante pour le développement de nouvelles pratiques agronomiques permettant d’augmenter l’efficacité des engrais phosphatés tout en réduisant les risques environnementaux.
La matière organique influence positivement l’assimilation du phosphore par la plante (Dalton and Russell et al. 1952; Hue 1991). Plusieurs réactions dans le sol expliquent ce phénomène. D’abord, certains acides organiques normalement produits dans le sol par l’action de microorganismes et la décomposition de la matière organique, sont efficaces pour dissoudre les complexes Fe-P ou Al-P en formant à leur tour des complexes stables avec ces molécules (Swenson and Cole et al. 1949). Plusieurs anions organiques retrouvés dans l’humus et la lignine ont aussi la capacité de se combiner avec l’aluminium et le fer. Iyamuremye et Dick (1996) rapportent qu’en plus de favoriser la compétition des acides organiques pour les mêmes sites de fixation que le phosphore, la matière organique entraîne l’augmentation des charges négatives dans le sol. Par conséquent, ce phénomène réduit l’attraction électrostatique de cet élément et permet de le maintenir en solution.
Dans le même ordre d’idées, les amendements organiques procurent une source de carbone qui stimule l’activité microbienne. Des ligands sont relâchés, ce qui affecte les réactions d’adsorption, de précipitation et de solubilisation du phosphore dans le sol. De plus, les amendements organiques constituent eux-mêmes une source de phosphore organique sujet à la minéralisation. Plusieurs études ont démontré que l’utilisation d’engrais de ferme seuls ou combinés à des engrais minéraux permet d’en augmenter la bio-disponibilité pour la plante tout en produisant une augmentation des rendements (Sharif and Chaudry et al. 1974 ; Giardini and Pimpini et al. 1992). Par exemple, Moshi et al. (1974) ont démontré que la quantité de fertilisants phosphatés requis dans un Oxisol du Kenya pour atteindre 0,2 mgP L -1 dans la solution du sol passait de 90 à 22 kgP ha -1 lorsque la concentration de carbone organique dans le sol augmentait de 3,8% (profil cultivé) à 6,8% (profil forestier).
Il apparaît donc que les amendements organiques ont un impact sur les formes du phosphore dans le sol. La plus grande disponibilité de cet élément liée à la présence de matière organique pourrait faire diminuer les quantités d’engrais minéraux phosphatés utilisées en agriculture.

Facteurs étudiés

Le facteur étudié est l’apport de fertilisant phosphaté sous forme de triple super phosphate (TSP) avec ou non un apport de fertilisant organique sous forme de Guano (Guanomad™). Cinq doses de TSP sont testées : 0, 5,10, 20 et 50 kgP.ha -1 , soit 10 niveaux dont des témoins sans aucun apport ou avec uniquement un apport de guano. Les cultures sont menées sans aucun apport d’azote, aussi ont été ajouté des témoins sans apport de TSP mais avec un apport d’urée avec ou sans apport de Guano.On a donc au total 12 niveaux pour le facteur testé. Le guano a été apporté à la dose de 292 kg.ha -1 , qui correspond à un apport équivalent en carbone de 7,5t.ha -1 de fumier (Tableau 2).

Mise en place des essais

L’essai au champ a été disposé en plan expérimental agronomique comprenant quatre (4) blocs correspondant aux répétitions des traitements étudiés.
Les traitements sont répartis au hasard au niveau de chaque bloc. Les blocs sont placés suivant les courbes de niveau et choisis pour leur homogénéité dans l’espace (Figure 7).
Les parcelles, d’une surface de 24 m 2 (6mx4m) chacune, sont au nombre de quarantehuit (48) (12 parcelles x 4 blocs).
Le couloir entre les parcelles est d’un (1) mètre et celui entre les blocs est de deux (2) mètres. La première année après la défriche, du maïs a été cultivé puis en deuxième année, les parcelles ont été cultivées avec une légumineuse le Voandzou (Vigna subterranea ) (cf. ANNEXE 1-2).
L’espacement entre les plants de Voandzou est de 40cm x 40cm, soit une densité de 50 000 pieds.ha -1 L’apport des intrants, TSP et guano, a été fait au niveau de la plante quatre semaines après le semis. Le Tableau 2 résume les quantités d’engrais apportés.

Table des matières

LISTE DES ABRÉVIATIONS
LISTE DES ANNEXES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I Synthèse bibliographique
I.1. Les sols ferrallitiques
I.1.1. Généralités
I.1.2. Les sols ferrallitiques à Madagascar
I.2. Le phosphore
I.2.1. Généralités
I.2.2. Le phosphore dans les sols ferrallitiques deMadagascar
I.2.3. Le phosphore et le matériel végétal
I.3. Les engrais phosphatés
I.3.1. Sources minérales : le Triple Super Phosphate
I.3.2. Sources organiques : le Bat Guano
I.3.3. Réactions des engrais phosphatés dans le sol
I.4. La Matière Organique
I.4.1. Rôles de la matière organique dans la fertilité du sol
I.4.2. La matière organique dans les sols ferrallitiques
I.4.3. La matière organique et le phosphore
PARTIE II Expérimentation au champ : Apport organiq ue (Bat Guano) et engrais phosphatés (tsp) dans un système de culture à rotation céréales légumineuses sur les sols de tanety(Ferralsol)
II.1. Introduction
II.2. Matériels et méthodes
II.2.1. Site d’expérimentation
II.2.2. Facteurs étudiés
II.2.3. Mise en place des essais
II.2.4. Opérations post-récoltes
II.2.4.1. L’analyse de sol
II.2.4.2. Mesure du rendement de la plante cultivée: le Vouandzou
II.2.5. Traitements statistiques
II.3. Résultats
II.3.1. Caractéristiques du sol
II.3.1.1. Evolution du Phosphore Olsen
II.3.1.2. Evolution de la teneur en carbone organique (CO)
II.3.1.3. Evolution du pH
II.3.2. Réponse de Vouandzou
II.3.2.1. Production de graines sèches
II.3.2.2. Efficience d’Utilisation du Phosphore (EUP)
II.4. Discussions
II.4.1. Effet du bat guano sur les caractéristiquesdu sol après deux saisons de culture
II.4.1.1. Le Phosphore Olsen
II.4.1.2. Le Carbone Organique
II.4.2. Evaluation de la courbe de réponse du Vouandzou d’un ferralsol à l’ajout de triple super
phosphate en présence ou non de bat guano
II.5. Conclusion partielle
PARTIE III Expérimentation en condition contrôlée : Effet du Bat Guano sur la réponse d’une plante test (Ray grass) à l’apport d’ engrais phosphatés (TSP) dans un sol acide (Ferralsol)
III.1. Introduction
III.2. Matériels et méthodes
III.2.1. Les traitements testés
III.2.2. Le sol
III.2.3. La plante test : le ray grass
III.2.4. Mise en place et déroulement des essais
III.2.5. Analyses du phosphore dans les sols et lesplantes
III.2.6. Analyses des données
III.2.6.1. Analyses statistiques
III.2.6.2. Calcul de l’efficience d’utilisation du phosphore
III.3. Résultats
III.3.1. Le pH des sols
III.3.2. Le phosphore dans les sols
III.3.2.1. Le Phosphore Total
III.3.2.2. Le P Olsen
III.3.3. La production aérienne de Ray Grass et le phosphore
III.3.3.1. Production de matière sèche
III.3.3.2. Teneur en Phosphore dans la biomasse
III.3.3.3. Quantité de Phosphore dans la biomasse produite
III.3.3.4. Efficience d’absorption de Phosphore parle ray grass et provenant du fertilisant
III.4. Discussions
III.4.1. Effet de l’apport de bat guano sur la disponibilité de phosphore dans un ferralsol
III.4.2. Evaluation de la courbe de réponse du Ray Grass d’un ferralsol à l’ajout de triple super phosphate en présence ou non de bat guano
III.4.3. Substitution du TSP par le bat guano comme fertilisation phosphatée
III.5. Conclusion partielle
Conclusion générale
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Table des matières

projet fin d'etude

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