LE RAISONNEMENT CLINIQUE

LE RAISONNEMENT CLINIQUE

Le raisonnement clinique, processus complexe, représente la nature propre du métier d’infirmier puisqu’il est la source qui guidera les décisions et les actions entreprises par le professionnel. Cette activité mentale est un processus intellectuel invisible de raisonnement hypothéticodéductif, nécessitant un processus analytique et non analytique (pensée intuitive) et la prise de conscience la prise de conscience de ce processus cognitif (l’aspect métacognitif). Faisons un retour sur l’histoire de la profession infirmière, déjà évoqué page 26 et 27, pour comprendre l’importance du raisonnement clinique dans le métier d’infirmier. Les prémices de la profession d’infirmière sont étroitement liées à la profession de médecin. Cependant Florence Nightingale (1860/1910), infirmière britannique, a été l’une des pionnières dans le concept de nursing, qui permet la définition des soins prodigués par des professionnels infirmiers et elle donne une définition plus moderne du concept de nursing : « il est souvent pensé que la médecine est le processus curatif. […] ; la médecine et la chirurgie ne font qu’enlever les obstructions […] Seule la nature guérit. […] Ce que le nursing fait dans chacun des cas, c’est de placer le patient dans les meilleures conditions pour que la nature agisse (traduction libre) » (Pepin, 2019, p. 48). « Le rôle du nursing et de placer le patient dans les meilleures conditions pour que la nature agisse sur lui » (Pepin, 2019, p. 53). Cette conception des soins infirmiers va évoluer sous l’influence d’une autre infirmière d’origine américaine, Virginia Henderson (1897/1996). Elle donne une définition du rôle infirmier « elle définit le rôle infirmier dans son ouvrage la Nature des soins infirmiers, publié en 1966. […]La fonction essentielle de l’infirmier (ière) est d’assister l’individu, malade ou bien portant, dans l’accomplissement des actes qui contribuent au maintien ou la restauration de la santé (ou à une mort paisible) et qu’il accomplirait lui-même s’il avait assez de force, de volonté, ou de savoir. » (Favetta & Feuillebois-Martinez, 2011, p. 62). Depuis 1978 (Loi n°78-615 du 31 mai 1978 relatif à la profession d’infirmier ou d’infirmière, 1978), un rôle infirmier autonome est reconnu légalement. Depuis 2009, le code de la santé publique au niveau de la section des actes professionnels, à bien définit les trois dimensions du rôle infirmier, le rôle sur prescription médicale (Articles R.4311-7, R.4311-8, R.4311-9,  R.4311-10, R.4311-14), le rôle sur collaboration (Article R.4311-4, R.4311-15) et le rôle propre (Articles R.431-3, R.4311-5-1, R.4311-6). Le rôle propre infirmier est donc délimité ainsi : « Relèvent du rôle propre de l’infirmier ou de l’infirmière les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de vie et visant à compenser particulièrement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes. Dans ce cadre, l’infirmier ou l’infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu’il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R.4311-5, R.4311-5-1 et R.4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs des soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l’équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la conception, de l’utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers. » (Article R4311-3 du code de la santé publique, 2009). L’infirmière a un rôle indépendant de la profession médicale tout en travaillant en synergie avec les autres professions de santé dans un but unique, le patient. Ce rôle propre nécessite de la part du professionnel infirmier, un raisonnement clinique qui s’appuie sur le raisonnement hypothético-déductif qui relève de son champ de compétences propres. 2.1. Le processus cognitif Le processus cognitif représente les opérations mentales que les sujets mettent en œuvre pour accomplir une tâche cognitive auxquelles ils seraient soumis. Plusieurs processus mentaux sont décrits en psychologie cognitive comme la perception, les sensations, les actions, la mémorisation et le rappel d’informations, la résolution de problèmes, le raisonnement (intuitif et déductif), la prise de décisions et le jugement… « Les sciences cognitives cherchent à déterminer : – Comment un système naturel (humain ou animal) ou artificiel (robot) acquiert-il des informations sur le monde dans lequel il se trouve, – comment ces informations sont-elles représentées et transformées en connaissances, 49 – comment ces connaissances sont-elles utilisées pour guider son attention et son comportement. » (Lemaire, 1999, p.15). Quelles informations sélections-nous ? Comment utilisons nous ces informations pour enrichir nos connaissances ? Comment les utilisons-nous par la suite ? Dans l’étude des processus cognitifs, une grande partie des psychologues cognitivistes s’accordent sur les postulats suivants : « – le système cognitif est un système de traitement de l’information actif et non passif. C’està-dire qu’il n’enregistre pas passivement les informations. Il manipule des symboles, les transforme en représentations mentales. C’est un système symbolique actif. – L’information est traitée par une suite de processus cognitifs (encodage, stockage, récupération) mis en œuvre par des systèmes plus ou moins spécifiques. Ces systèmes sont plus ou moins indépendants les uns des autres, et les processus sont mis en œuvre soit de manière séquentielle, soit de manière parallèle. – Chaque processus cognitif prend du temps pour traiter l’information. L’analyse de temps nous renseigne sur l’existence et les caractéristiques de ces processus. – L’objectif de la psychologie cognitive est de spécifier les représentations mentales et les processus opérant sur des représentations pour accomplir les tâches cognitives auxquelles sont soumises les sujets. » (Lemaire, 1999, p.20) En psychologie cognitive, deux modes parallèles de traitement de l’information sont identifiés : la pensée intuitive et la pensée analytique. La pensée intuitive est la pensée « qui surgit d’une émotion et d’une intuition, et qui est dépourvue d’une explication rationnelle. Les expériences vécues, les postulats culturels et les impulsions sont des précurseurs de la pensée intuitive. » (Stassen et al., 2012, p. 314). Quant à la pensée analytique, elle peut se définir comme une « pensée qui découle de l’analyse, comme le classement systématique des avantages et des inconvénients, des risques et des conséquences, des disponibilités des faits. La pensée analytique repose sur la logique et la rationalité, elle fait appel à la pensée formelle. » (Ibid.) Le début de l’âge adulte est une étape importante dans le développement cognitif puisque ce développement va s’enrichir du raisonnement complexe et critique ainsi que de l’aptitude à relativiser. Au cours de l’âge adulte, les habiletés intellectuelles sont canalisées vers des préoccupations diverses (familiales, professionnelles, interpersonnelles).

Le processus métacognitif

La métacognition pourrait se définir comme « la capacité d’analyser son processus de pensée : faculté qui permet d’examiner une tâche cognitive afin de déterminer le moyen de la réussir et d’évaluer aussi son propre rendement. » (Stassen et al., 2012, p.224). La métacognition joue un rôle important dans l’acquisition des connaissances. Elle se rapporte à la connaissance et au contrôle qu’a le sujet de lui-même et de ses stratégies cognitives. La définition de la métacognition est difficile à établir. La métacognition se compose de différentes dimensions : les stratégies métacognitives, les connaissances métacognitives, les expériences métacognitives (Houart, 2015). Tout d’abord, les stratégies métacognitives qui permettent à l’individu d’anticiper, le planifier, de contrôler et de réguler la situation. Puis, les connaissances métacognitives reposent sur la connaissance de soi et des autres face à une tâche à réaliser, de l’apprentissage et des stratégies à mettre en œuvre dans un but d’apprentissage. Et enfin, les expériences métacognitives qui se rapportent aux sentiments et aux jugements en rapport avec la tâche et le résultat atteint. Cette notion de métacognition reste récente, puisqu’elle date du début des années 1990 avec les travaux entre autres de John H. Flavell (psychologue américain spécialisé dans le développement cognitif des enfants) et fait suite aux travaux de Jean Piaget sur la période des opérations formelles (vers 11 à 12 ans). Au cours de cette période, les adolescents sont en capacité de faire abstraction « Ils peuvent penser à la pensée (métacognition), spéculer et réfléchir aussi bien sur le possible que sur le concret. Ils sont en mesure de formuler des hypothèses et d’élaborer des stratégies pour vérifier de façon systématique, c’est ce qu’on appelle le raisonnement hypothético-déductif » (Stassen et al., 2012). Le fait de favoriser le développement de la métacognition dans l’enseignement permet à l’étudiant d’identifier ses processus cognitifs qui lui sont propres, mais aussi pour les enseignants de mettre en lumière les stratégies que l’étudiant utilise afin de les utiliser dans l’accompagnement du processus d’apprentissage. « La prise de conscience et la verbalisation de ses propres processus métacognitifs encouragent l’étudiant à mieux se connaitre, facilitant ainsi le développement de la confiance en lui, faisant prendre conscience qu’il est l’acteur principal de son apprentissage, qu’il possède des 51 connaissances et qu’il est capable de les mobiliser […] le formateur en institut de formation en soins infirmiers joue le rôle de médiateur en entrainant les étudiants à améliorer leur efficacité cognitive, à comprendre ce qu’ils font quand ils travaillent, à stabiliser des procédures efficaces, à prendre le recul nécessaire à l’acquisition de connaissances transférables.» (Testevide, 2012) 

Le raisonnement cognitif

L’apprentissage consiste à construire de nouvelles connaissances par des mécanismes de compréhension et de raisonnement, à stocker ces connaissances en mémoire, à organiser cellesci et à développer des automatismes. Le raisonnement se définit par la « faculté d’analyser le réel, de percevoir les relations entre les êtres, les rapports entre les objets, présents ou non, de comprendre les faits. » (CNRTL) L’adjectif cognitif se réfère aux moyens et mécanismes d’acquisition des connaissances ; il désigne la pensée, l’esprit, l’intelligence au sens général des connaissances et les opérations mentales d’un individu (Houde & Leroux, 2015). Le développement cognitif avec le modèle de Jean Piaget, modèle linaire et cumulatif, dit modèle de l’escalier, n’est pas aussi simple que cela, et l’imagerie médicale a permis de démontrer que les stades ne sont pas figés et que l’individu peut régresser et dans son modèle, le théoricien, notamment dans le dernier stade de l’adolescence à l’adulte, ne relate pas l’existence d’erreur de jugements, de biais cognitifs qui entre en ligne de compte dans le raisonnement hypothético-déductif. Selon la théorie du développement de Jean Piaget, le développement de l’intelligence repose sur le principe d’adaptation biologique avec l’assimilation (processus par lequel un objet du milieu est directement perçu par l’organisation de l’individu) et l’accommodation (processus par lequel l’organisation de l’individu se modifie par l’ajustement à l’environnement). L’équilibre cognitif entre ces deux mécanismes repose sur l’adaptation, pour être intégrée toute nouvelle information nécessite à la fois de l’assimilation et de l’accommodation qui sont complémentaire et indissociable.

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