L’enseignement-apprentissage du français et son analyse par le biais de la didactique/la didactologie

Situation francophone plurilingue/pluriculturelle en général à Madagascar

Étant une île, Madagascar n’a pas échappé à l’impact de différentes cultures et langues venant de l’extérieur. L’objectif de ce qui suit, est de donner un bref aperçu de la situation francophone, plurilingue et pluriculturelle en général à Madagascar. Concernant la présence de la langue française dans l’île, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) l’une des institutions responsables de la tenue du XVIème Sommet à Antananarivo les 26-27 novembre 2016 précise que, « le terme francophonie est apparu vers 1880, lorsqu’un géographe français, Reclus O. (1830-1905), l’utilise pour désigner l’ensemble des personnes et des pays parlant le français. On parle désormais de francophonie avec un « f » minuscule pour désigner les locuteurs de français et Francophonie avec un « F » majuscule pour figurer le dispositif institutionnel organisant les relations entre les pays francophones »11. Ce qui a été déterminant est l’imposition de l’usage du français par le biais de la colonisation dans presque tous les domaines : l’administration, la presse, l’école.

Qu’en est-il actuellement depuis l’indépendance ? L’objet de notre réflexion porte sur l’utilisation de la langue française au sein de la société malgache d’aujourd’hui et surtout dans la sphère de la classe. D’après les statistiques de 2015, le MEN avance que 46% des Malgaches utilisent uniquement la langue malgache comme moyen de communication et d’expression : « 1,5 million de Malgaches, soit 6% de la population », maîtrisant le français, « à l’oral comme à l’écrit »12. Même parmi les enseignants, beaucoup semblent avoir des difficultés dans le recours à la langue française. Bon nombre de personnes avisées le constatent et des remarques fusent de celles qui s’inquiètent à juste titre de la destinée de l’enseignement- apprentissage du français, « mais le problème, c’est que les enseignants ne maîtrisent pas cette langue qui est la langue d’enseignement » (Atelier n°1, p 87)13. Malgré ces chiffres, une réalité est certaine au plan des représentations : les Malgaches sont nombreux à penser qu’utiliser le français leur permet de se différencier de ceux qui ne maitrisent que le malgache ou qui maîtrisent peu le français14.

Par conséquent, ils choisissent pour leurs enfants les écoles dites d’expression française, à titre d’exemple dans la Cisco II (Circonscription Scolaire) d’Antananarivo- Avaradrano, il y a 40 écoles d’expression française15 qui ne respecteraient même pas les normes des écoles ou des lycées français mais qui permettent quand même aux enfants malgaches de « s’exprimer en français » sans vraiment le maitriser. Un fait relatif à la situation francophone de Madagascar et son évolution récente est à préciser. En effet, depuis les années 1990, la mondialisation a accéléré l’ouverture du pays à d’autres langues et cultures internationales entre autres le français, l’anglais16, le mandarin, etc. Ainsi, à l’heure actuelle, il est devenu presqu’impossible pour les Malgaches de s’enfermer dans leur tour d’ivoire et de se cantonner à la langue malgache comme la seule langue de communication. Le contact avec l’extérieur exige de s’ouvrir au monde17. La loi d’orientation de l’éducation et de la formation de 200418 confirme cette évolution vers le plurilinguisme : « Art. 15 : l’école et les établissements et de formation sont appelés essentiellement à donner aux apprenant les moyens de maîtriser la langue malagasy, de par son statut de langue maternelle et nationale ; de maîtriser deux langues étrangères au moins ».

Aujourd’hui, on peut s’initier aux langues telles que le mandarin ou le japonais dans les Centres présents en ville : le centre Confucius à l’Université d’Antananarivo depuis son ouverture montre l’engouement des jeunes pour cette langue mais il y a aussi d’autres centres non officiels qui proposent l’enseignement de cette langue, au moins trois à Antananarivo, entre autres « le Centre sino-malagasy » sis à Behoririka. Les premiers essais pour introduire l’anglais au primaire se sont réalisés depuis la 3ème République de l’ère Ravalomanana. De plus, des établissements primaires ont commencé à proposer le mandarin dans leur enseignement19. Le plurilinguisme se diversifie et la concurrence grandit. En résumé, le malgache avait une place privilégiée pendant la royauté mais l’usage du français s’est imposé dans toute l’île par l’intermédiaire de la colonisation. Concernant cette langue, le statut de langue officielle20 ne signifie pas que tous les Malgaches soient francophones. De plus, la mondialisation a fait que d’autres langues sont accessibles depuis la fin de la 3ème République. Cela modifie aussi les choix dans le domaine de l’éducation. Réfléchir sur les langues et leur enseignement- apprentissage amène à parler maintenant de didactique et de didactologie.

L’enseignement-apprentissage du français et son analyse par le biais de la didactique/la didactologie Il a été dit plus haut que le malgache reste la principale langue de communication utilisée par les Malgaches. Cela s’explique par le fait que c’est la langue dite maternelle. Cette dernière est définie par Cuq (2003 : 150-151) comme « la langue acquise la première par le sujet parlant dans un contexte où elle est aussi la langue utilisée au sein de la communauté ». Par son histoire depuis le temps de la royauté, en passant par l’époque de la colonisation, le malgache, avec le français, est une des langues d’enseignement. En effet, l’article 9 ordonnance n°60-049 1960 stipule que « l’organisation des études et des examens feront l’objet de conventions passées avec la République Française en vue d’accorder aux diplômes une valeur reconnue dans tous les États de la communauté ». Puisque l’objet de notre réflexion est la meilleure maîtrise du français à l’oral en situation de classe, la notion de pratiques langagières doit être précisée brièvement, que ce soit la langue académique ou la langue de tous les jours : les pratiques langagières, selon Bouter (2002 : 459) renvoient aux notions de « production verbale », « d’énonciation », de « parole », voire de « performance ».

Comme toute pratique sociale, les pratiques langagières sont déterminées et contraintes par le social, et en même temps, elles y produisent des effets, elles contribuent à le transformer. La recherche de solutions aux difficultés communicationnelles observées permet d’attirer l’attention sur l’intérêt d’une approche didactique et didactologique en fonction des différents milieux socioculturels et scolaires. La didactique, du grec didaskein : enseigner, « désigne de façon générale, ce qui vise à enseigner, ce qui est propre à instruire »21. C’est aussi « l’ensemble des théories d’enseignement et d’apprentissage »22 (Comenius, XVIIème siècle, cité par Cuq, 2003 : 69-70). Raynal et Rieunier précisent encore que la didactique « renvoie à l’utilisation de techniques et méthodes d’enseignement propres à chaque discipline »23. Outre la théorie et les techniques, c’est l’analyse elle-même qui, d’après Cuq, est importante : « on parle de didactique des disciplines pour faire référence à des discours sur des corps de pratiques et à un travail de réflexion sur l’ensemble des disciplines scolaires, y compris les langues vivantes »24. De ces définitions, nous pouvons dégager que la didactique suppose l’étude d’objets complexes : théorie, pratique, discours/réflexion. Elle avance des argumentations solides et cohérentes qui sont produites au sujet de tout ce qui concerne l’enseignement/apprentissage d’une discipline. De ce fait, elle diffère d’une discipline à l’autre au plan des savoirs et des contenus à traiter.

À un niveau supérieur, « la didactologie est la construction d’un univers de référence conceptuel permettant la description et les prises de décision d’intervention didactiques »25. Galisson, quant à lui, appelait de ses voeux la naissance d’une science de la didactique ou didactologie : « La didactologie des langues-cultures est une discipline d’intervention prioritairement ciblée sur les acteurs de terrain, dont l’objectif est d’oeuvrer à l’optimisation du processus de transmission des savoirs et des savoir-faire en matière d’éducation en langues-cultures ».26 La transmission des savoirs et des savoir-faire (Galisson : 1999) n’est pas un art ; elle fait appel au contexte, à une formation interne et/ou externe de l’enseignant pour sortir de l’engrenage d’ un mauvais « habitus ». Il s’agit, de ce fait, de rendre plus performantes les pratiques de classe. De la didactique à la didactologie ou science de la didactique, c’est toute une réflexion sur la prise de distance par rapport à la pratique de classe et à l’enseignement- apprentissage. Une question se pose dans le contexte : la didactique et la didactologie sont-elles connues ? La formation doit alors être abordée.

Définitions Le dictionnaire

Le Grand Robert, de langue française27 insiste sur l’idée de complémentarité : « formation continue, formation permanente : formation complémentaire pour les adultes, et, spécialement, des salariés : Recyclage ». Ce qui suppose une formation initiale « un cycle scolaire à plein temps ». On parle aussi de formation continuée dont les ‘objectifs [sont] proches de la formation initiale, impliquant l’acquisition de savoir ou de savoir-faire jamais acquis encore ». Dans le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde28, la « formation désigne l’action de former c’est-à-dire de développer les qualités, les facultés d’une personne sur le plan physique, moral, intellectuel et professionnel mais aussi le résultat de ce processus » (Cuq, 2003 : 103-108). L’approche de la formation ne s’arrête pas seulement à l’action et au produit de l’action, le même auteur avance l’idée que la « nouvelle fonction de la formation repose pour l’essentiel sur l’idée de processus permanent ».

De ces définitions, on peut retenir que la formation continue est un complément apporté à des personnes exerçant déjà un métier. Pour les enseignants de langues en particulier, elle comprend toutes les formes d’intervention dont ils peuvent bénéficier au cours de leur carrière et qui portent sur tout ce qui peut renforcer l’enseignement/apprentissage, comme annoncé plus haut : théorie, technique, réflexion sur la didactique de la langue et de la culture. C’est une formation qui complète les prérequis et les pré-acquis : « un prérequis29 est considéré comme nécessaire pour aborder tel apprentissage, ce qu’il faut savoir d’avance, les outils qu’il faut maîtriser d’emblée ». La formation continue permet à l’enseignant de se remettre en cause, d’avoir des repères, de réfléchir sur la fonction, de réactualiser les savoirs, etc. « L’adulte n’est pas un être professionnellement achevé ; il doit intégrer, s’approprier des compétences nouvelles, s’enrichir, se modifier par des apports constants. On parle désormais de formation tout au long de la vie »30. En synthèse, les enseignants de langue sont supposés avoir eu une formation initiale qui comprend des contenus, en particulier, en didactique ; tout au long de leur carrière, ils sont amenés à consolider leurs connaissances et leur compétence en vue de meilleures interventions en classe.

Table des matières

REMERCIEMENTS
ACRONYMES
LISTE DES TABLEAUX
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIЀRE PARTIE. CADRAGE : CONTEXTE ET THÉORIE
CHAPITRE I. CADRAGE ET CONTEXTE DE LA RECHERCHE
1.1 Problématique
1.2 Hypothèses
1.3 Méthodologie
CHAPITRE II. LES QUATRE NIVEAUX D’ANALYSE
2.1Situation francophone plurilingue/pluriculturelle en général à Madagascar
2.2L’enseignement-apprentissage du français et son analyse par le biais de la didactique/la didactologie
2.3 Formation continue des enseignants de langue au lycée
2.3.1 Définitions
2.3.2 Historique de la formation à Madagascar
2.4Lien entre oral/image et déblocage linguistique
2.4.1 La communication orale et le rôle de l’image
2.4.2 L’image
2.4.3 L’oral
2.4.4 La communication orale
2.4.5 Rôle de l’image
2.5 Déblocage linguistique et prise de parole
DEUXIЀME PARTIE. DE LA THÉORIE AU TERRAIN: FORMATION CONTINUE ET RECHERCHE DE LA QUALITÉ
CHAPITRE III. L’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS : ANALYSE CRITIQUE
3. Le MEN, le MAPEF, l’INFP et la FMTF
3.1 le MEN, le MAPEF et l’INFP, un partenariat commun
3.1.1 MEN-MAPEF
3.1.2. MAPEF-INFP
3.2. Le MEN, le MAPEF, la FMTF, des relations mutuelles de soutien pédagogique
4. L’ENS, le REPC, le JICA
4.1 L’ENS, le JICA, autre partenariat vers la formation continue
4.2.Le cas du REPC
CHAPITRE IV. DÉLIMITATION DU TERRAIN : LIEU ET ACTEURS
4. L’OBJECTIF DE LA DÉLIMITATION
4.1Le lycée public LJRA : l’objectif
4.1.1 Les enseignants
4.1.2 Les élèves
4.2 Le Corpus
4.3 Définition du nombre de séances
CHAPITRE V. LES MOYENS D’INVESTIGATION
5.1. LES PREMIERES ENQUÊTES : Entretiens avec les enseignants
5.2 Entretien avec les élèves
5.3 L ’observation de classes
5.3.1. Définitions.
5.3.2 L’organisation de l’observation dans les trois classes cibles
5.4 Les résultats
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIÈRES

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