Les accidents graves de réacteurs nucléaires à eau légère

Les accidents graves de réacteurs nucléaires à eau
légère

Fonctionnement et sûreté des réacteurs nucléaires

 Le développement de l’industrie électronucléaire s’est effectuée en plusieurs étapes : on parle de génération de réacteurs. Le parc français est constitué de 58 réacteurs à eau pressurisée de seconde génération et produisant 76.3% de l’électricité française (chiffres RTE1 2015). Parmi ces réacteurs, on distingue trois paliers correspondant à la puissance électrique fournie :

  • 34 réacteurs produisant une puissance électrique de 900 MWe ; 
  • 20 réacteurs de 1300 MWe ; 
  • 4 réacteurs d’une puissance de 1450 MWe. Un réacteur EPR (European Pressurized Reactor) de 3ème génération et produisant une puissance de 1650 MWe est actuellement en construction sur le site nucléaire de Flamanville. L’énergie nucléaire provient des réactions de fission entre un neutron thermique et un noyau d’uranium 235 qui conduisent à la production de noyaux fils et de neutrons pouvant à leur tour engendrer de nouvelles fissions : on parle de réactions en chaîne. Le combustible nucléaire, sous forme de pastilles de dioxyde d’uranium UO2 enrichi, est placé au sein d’une gaine en alliage de zirconium : l’ensemble pastilles-gaine constitue le crayon combustible. Ces crayons combustibles sont rassemblés sous forme d’assemblages combustibles (un assemblage est constitué de 264 crayons combustibles) au sein du cœur du réacteur (voir Figure 1.1).Le bore dissout dans l’eau du circuit primaire joue le rôle d’absorbant neutronique, tout comme les barres de commande en B4C ou en alliage Ag-In-Cd, afin de maîtriser les réactions de fission et ainsi la réactivité du réacteur. L’énergie libérée par les réactions de fission est transportée par le fluide caloporteur, l’eau à la pression de 155 bars et à la température de 350˚C, jusqu’au générateur de vapeur. Au niveau du générateur de vapeur, l’eau du circuit secondaire est chauffée sous forme de vapeur pour actionner un groupe turbo-alternateur et produire de l’électricité. La Figure 1.2 présente de manière schématique le fonctionnement général d’un réacteur à eau pressurisée L’exploitation des réacteurs nucléaires de production d’électricité doit satisfaire à des exigences de sûreté. Cela passe par le contrôle de la réactivité, le refroidissement du combustible nucléaire irradié et le confinement des matières radioactives. Le concept de défense en profondeur, introduit en France dans les années 1970, se traduit par la mise en place de différents niveaux de défense reposant à la fois sur les caractéristiques de l’installation et sur les moyens (dispositifs matériels, procédures) mis en place dans le but de prévenir une situation accidentelle, et lorsque cette dernière se produit malgré tout, à en limiter les conséquences radiologiques sur l’environnement. Au sein d’un réacteur à eau pressurisée, le concept de défense en profondeur est matérialisé par l’existence de trois barrières du confinement de la radioactivité : 
  1. la gaine des crayons combustibles ; 
  2. le circuit primaire fermé ; 
  3. l’enceinte de confinement en béton du bâtiment réacteur. Tout événement ayant pour conséquence la sortie du fonctionnement normal du réacteur est classé, selon son incidence sur l’installation et ses conséquences sur l’environnement, sur l’échelle INES (International Nuclear Scale Event). Cette dernière comprend 8 niveaux, allant du niveau 0 relatant à un simple écart au fonctionnement normal sans conséquences sur l’installation jusqu’au niveau 7 pour les accidents majeurs ayant des conséquences radiologiques importantes sur l’environnement. Les événements nucléaires de Tchnernobyl (Ukraine, 1986) et de Fukushima (Japon, 2011) ont été classés au niveau 7 et celui de Three Mile Island (Etats-Unis, 1979) a été classé au niveau 5.

Propagation d’un accident grave 

Phénoménologie relative à la formation d’un bain fondu 

On qualifie d’accident grave une situation au cours de laquelle le combustible nucléaire est significativement dégradé par une fusion partielle ou complète du cœur du réacteur. Parmi les accidents de réacteurs nucléaires, on distingue deux grandes familles [2] : • les accidents de réactivité ; • les accidents de refroidissement. La première famille d’accidents résulte d’une insertion de réactivité au sein du cœur du réacteur à la suite, par exemple, d’une éjection intempestive des barres de commande. Les accidents de refroidissement sont susceptibles d’intervenir à la suite d’une fuite sur le circuit primaire : on parle d’accident de perte de réfrigérant primaire (APRP), de la perte des sources électriques des systèmes de refroidissement ou de la perte de la source froide du circuit secondaire. Dans la suite, nous nous limiterons aux accidents de perte de réfrigérant primaire. Un tel accident est susceptible de conduire à la perte prolongée du refroidissement du cœur du réacteur [1, 3]. Même en cas d’arrêt des réactions de fission nucléaires par la chute des barres de contrôle, la puissance résiduelle associée aux décroissances radioactives des noyaux instables doit être évacuée, ce qui n’est plus assuré de par la perte du refroidissement du cœur. La puissance résiduelle n’étant plus évacuée, l’élévation de température qui en résulte peut mener à la dégradation du cœur. Différents phénomènes physico-chimiques interviennent à court et à plus long terme dans le processus de dégradation du cœur : • A partir de 700˚C, dégradation des propriétés mécaniques des gaines en alliage de zirconium et déformation de ces dernières ; • A 800˚C, fusion des barres de commande en Ag-In-Cd ; • Début de l’oxydation exothermique des gaines en alliage de zirconium par la vapeur d’eau vers 1030˚C. Cette réaction exothermique libère localement une puissance supérieure à la puissance résiduelle, si cette puissance n’est pas évacuée il s’ensuit une augmentation de la température et un emballement de la réaction d’oxydation à partir de 1580˚C ; • Vers 1150˚C, réaction de dissolution entre le B4C et l’acier inoxydable ; • Entre 1200 et 1400˚C, formation d’eutectiques acier inoxydable-Zr et Ag-In-Cd-Zr ; • A 1460˚C, fusion de l’acier inoxydable ; • A partir de 1760˚C, fusion du zirconium métallique et début des réactions de dissolution entre le zirconium et le dioxyde d’uranium UO2 ; • A partir de 2530˚C, réaction de dissolution entre le dioxyde d’uranium UO2 et la zircone ZrO2, et formation d’un bain fondu ; • Fusion de la zircone ZrO2 et du dioxyde d’uranium UO2 aux températures respectives de 2700˚C et 2850˚C. Le bain fondu formé en cœur et résultant de la fusion du combustible nucléaire UO2 et des gaines partiellement oxydées (Zr+ZrO2) est appelé corium. Au cours de sa progression, le bain de corium est susceptible d’interagir avec les structures métalliques environnantes pour finalement se relocaliser vers le fond de cuve.

Relocalisation du corium en fond de cuve

 Au cours de la relocalisation du corium vers le fond de la cuve du réacteur, plusieurs phénomènes peuvent intervenir. Si de l’eau résiduelle est présente dans le fond de cuve, le jet de corium peut se fragmenter au cours de son interaction avec cette eau résiduelle. Les gouttes de corium ainsi fragmentées et solidifiées forment un lit de débris en fond de cuve. Ce lit de débris n’étant plus refroidi, ce dernier peut fondre pour former un bain de corium en fond de cuve ce qui peut mener à une perte de l’intégrité de la cuve du fait des flux de chaleur délivrés par ce bain de corium [4]. La formation d’un bain de corium en fond de cuve a été observée au cours de l’accident sur le réacteur n˚2 de la centrale de Three Mile Island qui s’est produit aux Etats-Unis le 28 mars 1979 suite à la perte du refroidissement du cœur. L’état final du cœur du réacteur est présenté à la Figure 1.3 (extraite de http://www.irsn.fr).

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