LES ANASTOMOSES DIGESTIVES

LES ANASTOMOSES DIGESTIVES

Histoire des sutures intestinales

La suture de l’intestin fut limitée pendant 2000 ans aux plaies et à quelques étranglements herniaires et occlusions, et vouée généralement à l’échec. Pendant cinq siècles, du Moyen-âge au Premier Empire, l’abstention et le scepticisme dominent malgré de rares succès isolés. Un grand nombre de procédés de suture, directe ou sur tuteur, avec ou sans invagination, complétée par une fixation suspension à la paroi a été utilisé pour diriger à l’extérieur la fistule intestinale jugée inévitable. L’échec restait habituel. La dernière décennie voyait proposer une multitude de procédés avant que la suture aux fils et à l’aiguille s’impose après 1900. Mais le risque de fistule mortelle restait élevé. Après la Seconde Guerre Mondiale, la réanimation médicale,les antibiotiques, les progrès du matériel et des techniquespermettaient d’augmenter les indications et l’audace chirurgicale. En 1970, la suture monoplan à points séparés puis surjets avec du matériel très fin et du fil résorbable avait triomphé quand apparutla suture aux pinces mécaniques, progrès coûteux mais performant .

La médecine indienne

Dès le VIe siècle avant notre ère, Susçruta, qui exerçait à Bénarès au 1er siècle avant J-C décrivait la suture ou sivya. Elle est faite soit à l’aiguille ou au fil enfilé qui figuraient dans les valises à cases ou Suchis Sastras où l’on transportait les outils pénétrants ; soit en utilisant les longues fourmis noires : l’aide tenait la plaie, l’opérateur la tête de l’insecte qu’il pinçait. Le spasme agrafait les crochets des longues mandibules surles bords de l’incision. Un coup d’ongle séparait la tête du corselet, et l’on retiraitle corps de la fourmi . A l’école de Bologne (XIIIe-XIVe siècle), concernant les plaies intestinales,la suture s’imposait avec trois Maîtres : Théodoric (début XIIIe), Guillaume de Salicetti (né en 1210) qui décrivait la suture des pelletiers, Henri de Mondeville (1275-1326) qui, pour les plaies du côlon, utilisait une pince porte-aiguille, des aiguilles triangulaires très pointues enfilées à l’avance d’un fil de soie cirée à la poix (Cyrurgia, TIV)

Du Moyen-âge au Premier empire

Pendant plus de quatre siècles, l’abstention et le scepticisme régnaient quant aux hernies étranglées que Franco n’opérait plus et aux plaies intestinales qu’Ambroise Paré suture sans grand espoir si elles étaient latérales, et n’opérait pas si elles étaient circulaires. Ces sutures de plaies latérales échouaient parce que les fils non noués sortaient par la plaie ou par l’incision laissées ouvertes, et qu’on les retirait vers le 10e jour quand la cicatrisation – aléatoire – était encore fragile. Et le succès tenait plus à la chance qu’au type de surjet, exécuté grossièrement à points espacés avec de gros fils et de grosses aiguilles agressives. Heister (1763), Travers (1812), sur l’animal, ont démontré plus tard qu’on pouvait couper ras impunément les fils noués et réintégrer l’intestin en fermant l’abdomen [1]. Beaucoup de chirurgiens cherchèrent l’étanchéité : ➢ Soit par une suture directe sur un tuteur, reprenant la suture sur un tube de sureau de Salerne et de Bologne au XIIe siècle, mais en utilisant un segment de trachée (Fig 1). ➢ Soit par invagination suture sur une carte à jouer ointe de blanc d’œuf, du carton, un rouleau de suif. L’échec évident de tous ces procédés conduisaità suturerles plaies latérales par des fils séparés non noués sortant isolément dans la plaie ou à travers la paroi laissée ouverte ou en groupant les fils en anses (Ledran, 1742) ou en torsades (Loeffler, Richter, 1740). Le but est de suspendre la plaie fermée à la paroi et de diriger ainsi la fistule prévisible. Pour les plaies circulaires, l’invagination simple des deux bouts coupés l’un dans l’autre, l’inférieur dans le supérieur (Ramdohr, 1730), ou mieux le supérieur dans l’inférieur (Louis, 1757) étaient améliorées par Chopart et Desault 1779. Mais tous ces essais échouaient le plus souvent et la fistule mal appareillée était mortelle (Fig 1). Deux noms, Jobert (1824) et Lembert (1826) marquaient un tournant en prônant l’intervention et la suture directe des plaies intestinales : A.J. Jobert (de Lamballe), dès 1824 a publié ses premiers travaux sur le chien, et en 1826 un Mémoire sur son expérience animale et humaine. 5 Figure 1 : Le traitement des plaies intestinales avant 1820. Les sutures des petites plaies (en bas), ou des plaies circulaires (en haut) donnent depuis plusieurs siècles des mauvais résultats. 

De 1970 à nos jours

Le matériel était beaucoup moins traumatisant. Les gants de latex sont devenus à usage unique et peu coûteux. L’aiguille fine courte à pointe triangulaire et corps rond est sertie d’un fil à la fois très fin et très solide, héritée de la chirurgie cardio-vasculaire. Le surjet monoplan s’imposait progressivement. Surtout le fil est résorbable, le bénéfice de la résorption semi-rapide ou lente sur l’élimination luminale est devenu aussi évidente pour le tube digestif que pour la paroi. La colle biologique renforçait les sutures à risques [1]. Les sutures mécaniques Elles ont connu depuis 1970 un extraordinaire engouement.Les premières pinces à suture mécanique, sont nées à Budapest : pince de Hultl (1909), de Von Petz (1921) surtout, ou encore de Freidrich et Neuffler à Ulm (1934).La coelioscopie au début des années 90 a engendré des modifications et des miniaturisations des instruments de suture et d’anastomose et leur exécution a été plus ou moins rapidement maîtrisée [1]. Depuis une vingtaine d’année, dans les pays nantis, les anastomoses sont réalisées à l’aide de pinces d’agrafeuse chirurgicale types GIA®. Il s’agitd’une Agrafeuse Linéaire Coupante Chirurgicale Ouverte Rechargeable UU. Cette agrafeuse est coupante et dépose 2 doubles lignes d’agrafes en titane et coupant entre ces 2 doubles lignes [6]. Les chargeurs d’agrafes pour tissus normaux (bleu) et les chargeurs d’agrafes pour tissus épais (vert) peuvent être utilisés sur le même instrument. Les rangées d’agrafes sont placées en une seule application réduisant les pertes sanguines et le traumatisme tissulaire (Fig. 2). Il existe aussi la pince mécanique circulaire EEA qui permet de réaliser des anastomosescirculaires par voie endoluminale (Fig.3). Le chargeur comprend 2 couronnes concentriques d’agrafes et un couteau intérieur.L’extrémité de la tige centrale sortant du chargeur porte une enclume circulaire contrelaquelle les agrafes viennent se fermer en B. L’ensemble est porté par un manche linéaire ou courbe. Par pression de la poignée, l’appareil place en une seule fois une double rangéed’agrafes en quinconce disposées en couronne et simultanément le couteau coupe lestissus à l’intérieur de la rangée d’agrafes la plus interne réalisant l’anastomose [7, 8]. Ces agrafeuses mécaniques permettraient un meilleur contrôle de l’hémostase et un gain de temps que l’anastomose manuelle.

Les trois phases du processus de cicatrisation intestinale

Phase exsudative initiale

Elle dure 3-4 jours, pendant lesquels démarrent le processus d’adhérence des lèvres de la plaie et le stade d’induction biochimique de la cicatrisation où la thrombine libère du fibrinogène en présence d’ions calciques et où apparaissent les monomères actifs de la fibrine qui forment immédiatement des chaînes: l’anastomose du grêle, très robuste lors de la confection péropératoire, devient plus fragile, vers le 4ème jour postopératoire [9]. II.2. Phase de prolifération Elle se développe entre le 4ème et le 10ème jour ; elle est dominée par la multiplication rapide des fibroblastes dans la fibrine réticulée. C’est dans les fibroblastes qu’est synthétisé le collagène, principal constituant du tissu conjonctif, dont la qualité autant que la quantité garantissent la cicatrisation et la solidité dela suture [9].

Phase réparatrice terminale

Elle s’étend du 11ème au 21ème jour. La cicatrisation des sutures et des anastomoses est un processus complexe faisant intervenir des éléments cellulaires du tissu mésenchymateux dont les programmes de biosynthèse débouchent sur la production de quatre familles de macromolécules (collagènes, élastines, protéoglycanes, glycoprotéines de structure) [9]. Au cours du processus de cicatrisation, qui répète celui de l’histogenèse normale, ces macromolécules, dont les différents types dépassent la trentaine, interviennent sous l’impulsion de très nombreux gènes de structure de régulation, qui doivent être activés dans un ordre et une coordination chronologique rigoureusement programmée [9]. Le déroulement normal du programme de biosynthèse peut aboutir à deux résultats différents : ➢ Dans le cas les plus courants, à la régénération complète, sans discontinuité, des différentes couches de la paroi intestinale après anastomose, la sous muqueuse, la musculeuse et la séreuse étant parfaitement différenciées, chacune ayant recouvrésa structure antérieure. ➢ Dans d’autres cas, à la cicatrisation simple et efficace, mais exposant à une sténose ultérieure.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. Histoire des sutures intestinales
II. Les trois phases du processus de cicatrisation intestinale
III. Quelques facteurs entravant directement ou indirectement le processus normal de cicatrisation
IV. Bilan clinique et paraclinique devant une fistule digestive postopératoire
V. Traitement médical de la fistule digestive
VI.Traitement chirurgical
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. Patients et Méthodes
I.1. Cadre de l’étude
I.2. Type et période d’étude
I.3. Durée de l’étude
I.4. Méthodes de recueil des données
I.5. Population d’étude
I.6. Paramètres étudiés
I.7. Limites de l’étude
I.8. Considération éthique
II. Résultats
II.1.Caractéristiques de la population d’étude, examens clinique et paracliniques
II.2.Etat nutritionnel préopératoire des patients allant bénéficier d’une anastomose digestive
II.3.Les différentes indications opératoires
II.4.Prise en charge postopératoire après anastomose digestive
II.5.Durée de séjour postopératoire
II.6.Suites opératoires
II.7.Relation entre évolution et état nutritionnel des patients
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. Quelle est la meilleure anastomose : le fil ou la pince mécanique ?
II. Genre, tranche d’âge, tares et antécédents toxiques
III. Etude clinique
IV.Examens paracliniques préopératoires
V. Indications opératoires
VI.Les interventions chirurgicales
VII. La prise en charge postopératoire après anastomose digestive
VIII. Durée de l’aspiration digestive par SNG en postopératoire
IX.Evolution postopératoire

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