Les articles rédigés à l’issue de travaux menés dans des laboratoires de science

L’ article scientifique

Les articles rédigés à l’issue de travaux menés dans des laboratoires de science sont d’office présumés scientifiques. Cette apparente évidence concerne-t-elle les articles de sciences humaines et sociales ? Pas si sûr. Et pourtant on parle bien de science juridique, de science économique, de science politique, de littérature et d’arts, etc. Quel est le problème ? Il faut lever l’équivoque et l’ambigüité. Par exemple, pourquoi dira-t-on de l’enquête sociologique qu’elle aboutit à une connaissance scientifique et non l’enquête de police, l’enquête de type journalistique (reportage) ? Comme toute enquête, l’enquête sociologique est un moyen de collecter des informations. Signe distinctif, la quête d’informations est réalisée par l’interrogation systématique de sujets d’une population déterminée pour décrire, comparer ou expliquer ; il s’agit d’une démarche de type scientifique. Une science est un mode de connaissance de phénomènes naturels ou humains ; mais elle n’est pas le seul mode de connaissance de l’univers. Les mythes, la religion, l’intuition naturelle, l’expérience personnelle, les traditions séculaires, la déduction ou le raisonnement logique, etc. fournissent des connaissances, pas du tout méprisables. La science est un mode de connaissance qui se distingue par ses méthodes. Une connaissance est dite scientifique si elle découle de l’application d’une méthode scientifique, c’est-à-dire si son processus de production se fait dans le respect de certaines règles et procédures, d’étapes précises. En inversant ce raisonnement, on peut déclarer que la méthode scientifique mène à la connaissance scientifique. Ainsi la théologie chrétienne qui veut rendre compte d’une foi «captive de l’obéissance au Christ » suppose la foi mais se voudra scientifique si elle s’appuie sur une herméneutique adéquate pour bâtir ses affirmations et dégager ses conclusions, donc si elle s’appuie sur une méthodologie connue et reconnue. Une étude exégétique scientifique aura la prétention de dépasser le stade de la simple narration ou de l’analyse littéraire. Un travail littéraire, une étude philosophique, qui se réalise avec un caractère de recherche systématique et s’appuie sur une théorie (par exemple en littérature, sur la narratologie, la sociocritique, la sémiologie, l’onomastique, etc.) ne peut souffrir un ostracisme qui lui refuserait a priori la scientificité.

C’est simplement admettre qu’un texte, qu’un article rédigé pour être publié dans un périodique, est retenu pour scientifique s’il est le produit de résultats de recherche ayant obéi à des règles, à des normes, à des procédures de production de la connaissance dans une discipline donnée, s’il a respecté aussi le principe deIl reste qu’en philosophie et dans d’autres disciplines par exemple, tout comme la thèse, l’article peut s’appuyer sur une démarche en tout ou en partie déductive, être donc le fruit d’une réflexion, d’une analyse, de la raison plutôt que des sens et de l’expérience, alors que dans certaines disciplines, l’article empruntera une démarche plutôt inductive, donc le fruit d’observation et d’expérience tandis que dans d’autres il y aura carrément une démarche hypothético-déductive, donc le fruit du besoin de vérifier des théories et des hypothèses grâce à des tests empiriques. Pour l’essentiel, la plupart des articles s’organisent sur la base d’un questionnement, d’une méthode d’investigation mise en jeu pour obtenir des informations à analyser. Encore qu’il faille faire attention à la pertinence de toute la conception et de l’élaboration car la seule rectitude théorique et méthodologique ne suffit pas ; elle peut conduire à se conformer à des théories et à des méthodes simplement par opportunisme ou stratégie de survie professionnelle. L’affaire Sokal est instructive. Au printemps 1996, Alan Sokal, professeur de physique de l’Université de New York, réussit à faire publier par une revue spécialisée américaine et prestigieuse, Social Test, un article pastiche à base de citations de philosophie contemporaine, contenant de nombreuses absurdités scientifiques et d’affirmations gratuites, sans aucun fondement. Il voulait démontrer que certains « savants » partisans du courant postmoderne en sciences humaines importent parfois des concepts et des théories des sciences de la nature sans vraiment les comprendre. Il a mis également à jour un phénomène navrant dans certains milieux en sciences humaines : sont publiés parfois des textes pourvu que leur contenu (même insignifiant) soit à la mode ou dans le ton voulu d’un point de vue théorique ou méthodologique.

Et puis rien ne garantit que certains chercheurs ne soient pas amenés à tricher, à faire de la fraude scientifique pour se faire publier rapidement en sacrifiant toute objectivité et en se livrant à la manipulation ou à l’invention des données. Le psychologue Cyril Burt fut l’un de ces tricheurs qui vécut dans la gloire grâce à ses faux « travaux » sur l’hérédité de l’intelligence à partir d’étude de jumeaux identiques élevés dans différentes familles. Il avait inventé de toutes pièces les données. En fait, seules les 15 premières paires de jumeaux existaient réellement sur les 53 paires prétendument étudiées. G.Malglaive (1990 :186) écrit : «Construire un modèle, c’est donc symboliser les objets et mettre en œuvre sur ces symboles des règles de construction ». Le modèle est une représentation d’une réalité sur laquelle on se propose d’agir. Il permet de concevoir et communiquer à propos de la réalité représentée, et d’anticiper, d’orienter et d’évaluer l’action. A la suite des sciences de la nature, les sciences humaines et sociales adoptent volontiers une formalisation de conception de l’article, un modèle qui soit à la fois un modèle d’intelligibilité (théorique) et un modèle d’action (pratique). Le modèle retenu pour symboliser la structure de l’article scientifique a pour acronyme «IMRAD » (qui signifie en anglais «Introduction, Materials and methods, Results And Discussion »).Ce modèle s’accompagne d’éléments dont la prise en compte facilite la compréhension rapide. Ce sont les « clés du texte», à savoir : le titre, le nom de l’auteur, le résumé et les mots-clés. Il s’agit de recueillir des données pertinentes dont le chercheur a besoin pour tester ses hypothèses, ses conjectures théoriques. Pour illustrer cette réponse, reportons-nous à l’étude de Durkheim sur le suicide. Pour tester l’hypothèse sur les liens entre la cohésion religieuse et le taux de suicide, il a eu besoin d’une part de rechercher les données permettant de calculer les taux de suicide de plusieurs contrées différentes, sauf bien entendu, sur le plan religieux, et d’autre part les données relatives à la cohésion religieuse. Et pour estimer l’impact de la cohésion sociale sur le suicide, il a dû étudier les relations entre ces deux variables et a pris en considération des variables de contrôle.

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