Les phosphates de calcium amorphes

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Les phosphates de calcium

Généralités

Les phosphates de calcium représentent une famille de matériaux minéraux issus de la combinaison des différentes formes acides de l’acide phosphorique H3PO4 avec l’ion Ca2+. L’acide phosphorique a 3 pKa (2,15, 7,20 et 12,42) correspondant aux trois formes ioniques : H2PO4-, HPO42- et PO43- [24]. D’autres éléments tels que le zinc [25], l’argent [26], le cuivre [27] ou encore des ions tels que SiO44- [28] peuvent se substituer ou s’insérer dans la maille des phosphates de calcium. Ces dopants peuvent donner aux matériaux des propriétés antibactériennes [29] ou encore modifier la stabilité chimique du minéral [30]. Les « phosphates de calcium » correspondent à différents composés identifiés par leur rapport atomique calcium/phosphore (Ca/P) (Figure 3) et dont la solubilisation est dépendante du pH du milieu ainsi que de la concentration en ions comme décrit dans la Figure 4. Nous avons fait le choix de présenter dans ce paragraphe les phosphates dicalciques, octocalciques, tetracalciques et les hydroxyapatites.
Figure 3 Frise représentant les orthophosphates de calcium. De gauche à droite, nous retrouvons les phosphates monocalciques (MCP) de formule générale Ca(H2PO4)2,nH2O, les phosphates dicalciques (DCP) de formule générale CaHPO4,nH2O, les phosphates de calcium octocalciques (OCP) de formule Ca8(HPO4)2(PO4)4,5H2O, les phosphates tricalciques (TCP) de formule Ca3(PO4)2, les hydroxyapatites phosphocalciques (HAp) de formule Ca10(PO4)6(OH)2 et enfin les phosphates tétracalciques (TTCP) de formule Ca4(PO4)2O.

Les phosphates dicalciques

Si le rapport molaire Ca/P vaut 1, du phosphate dicalcique (DCP) est alors formé. Dans la sous famille des DCP, une distinction est faite entre deux types de cristaux : le DCPD pour phosphate dicalcique dihydraté (ou brushite) et le DCPA pour phosphate dicalcique anhydre (ou monétite).
brushite
La brushite de formule CaHPO4.2H2O est obtenue par précipitation en milieu acide [32] (pH < 6.5). Elle se distingue de la monétite en spectrométrie infrarouge par la présence d’une bande à 1652 cm-1 et de bandes entre 3000 et 3600 cm-1 attribuées aux vibrations de la liaison OH de l’eau [33]. Les autres bandes caractéristiques de la brushite se trouvent à 1217, 1062, 985, 872 et 526 cm-1 et sont respectivement associées aux vibrations ν5, ν6, ν2, ν3 et ν4 de l’hydrogénophosphate [34]. La présence d’eau est également visible en ATG avec une perte de masse non négligeable de l’ordre de 20 % vers 200 °C [35]. Enfin sa structure monoclinique (dont les paramètres de maille sont : a = 5.182 Å, b = 15.180 Å, c = 6.239 Å et β = 116 °25′) produit un diagramme de diffraction caractérisé par des pics à 13,57, 24,36, 34,11, 35,58 et 39,88 °2θ (avec une source au cobalt λ = 1,788970 Å) respectivement attribués aux plans (020), (021), (041), (-221) et (-220) selon la fiche standard JCPDS # 09-0077.
La brushite se retrouve à l’état naturel dans certains cals osseux [36,37] de fractures. Elle a une importance quant à la vitesse de réparation de l’os notamment chez les enfants. Elle évolue en milieux aqueux vers une structure apatitique mal cristallisée [38,39]. Elle est, de ce fait, largement utilisée pour les ciments osseux [40–42].
monétite
La monétite est la forme anhydre de la brushite. Elle a donc comme formule chimique CaHPO4. Les spectres infrarouges de ces deux formes, brushite et monétite, se distinguent uniquement par les bandes de la liaison OH de l’eau ; absentes dans celui de la forme anhydre. Sa structure triclinique possède les paramètres de mailles suivants : a = 6,906 Å, b = 8,577 Å, c = 6,634 Å, β = 91,50 ° et α = 127,6 °. Le diagramme de diffraction est caractérisé par des pics à 26,45, 26,61, 30,21 et 32,92 °2θ correspondants respectivement aux plans (020), (-220), (112) et (102) selon la fiche standard JCPDS # 09-0080.
Elle est issue généralement de la déshydratation de la brushite à 200 °C pendant 1H [39]. Elle intervient dans la composition de certains ciments osseux [43] ou dans la synthèse d’autres phosphates de calcium comme le phosphate tricalcique en la chauffant par exemple en présence d’une autre source de calcium comme la calcite [44,45].

Phosphate octocalcique

Si le rapport Ca/P vaut 1,3, le phosphate de calcium considéré est appelé phosphate octocalcique (OCP). De formule générale Ca8(HPO4)2(PO4)4,5H2O c’est un phosphate de calcium souvent observé in vitro comme un intermédiaire instable évoluant vers une apatite déficiente en calcium en solution aqueuse [38]. Bien que sa structure soit triclinique, l’OCP laisse apparaître quelques arrangements atomiques proches de ceux de l’apatite. Comme les DCPA et DCPD, c’est un phosphate de calcium dit acide et donc relativement soluble en milieu neutre en comparaison avec les phosphates de calcium ne contenant que des ions PO43- [46].

Phosphates tricalciques

Si le rapport Ca/P vaut 1,5, c’est le phosphate tricalcique (TCP) de formule Ca3(PO4)2 qui est présent. Trois phases cristallines sont distinguées.
TCP apatitique
La phase apatitique du TCP (Ca9(HPO4)(PO4)5)(OH)) peut être obtenue par le mélange d’une solution de nitrate de calcium et d’hydrogénophosphate d’ammonium [47–49]. Ces poudres sont S. LE GRILL – UPS – 2018 10
Les phosphates de calcium en général utilisées comme intermédiaires réactionnels pour la synthèse par voie solide des autres formes de TCP.
β-TCP
La phase β-TCP est une phase rhomboédrique obtenue par voie solide en chauffant à une température entre 850 et 1125 °C. Elle est aussi expérimentalement obtenue en chauffant de l’os et est alors appelée « poussière d’os » [50]. Bien que le β-TCP n’intervienne jamais dans les processus de calcification naturels, il est pourtant largement utilisé dans le domaine de la substitution osseuse (BIOSORB®, CEROS®, CERASORB® …) ou celui des ciments phosphocalciques [38,41].
α-TCP
La phase α-TCP (monoclinique) est plus soluble dans l’eau que son pendant β et métastable à température ambiante. Elle est obtenue par trempe de la phase β portée à une température au-delà de la température de transition beta : 1125 °C [51]. Elle peut être également obtenue en chauffant du phosphate tricalcique amorphe entre 600 et 700 °C [52]. Du fait de sa faculté à s’hydrolyser rapidement en hydroxyapatite déficiente en calcium, elle est utilisée dans le domaine de la substitution osseuse pour former des céramiques poreuses résorbables [53,54].

Les apatites

Nous distinguerons ici trois types de composés : l‘hydroxyapatite stœchiométrique, les apatites biomimétiques et les apatites nano.

L’hydroxyapatite stœchiométrique

La formule chimique de l’hydroxyapatite stœchiométrique est Ca10(PO4)6(OH)2 et correspond  donc à un rapport atomique Ca/P de 1,67. D’une façon plus générale les apatites correspondent à une vaste famille de composés minéraux de formule chimique Me10(XO4)6Y2 dans laquelle Me représente un métal bivalent, XO4 un anion trivalent et Y un anion monovalent. Les apatites stœchiométriques cristallisent le plus souvent dans un système hexagonal. C’est le cas de l’hydroxyapatite phosphocalcique et plus particulièrement pour les apatites phosphocalciques avec les paramètres de maille suivants : a = 9,418 Å, c = 6,881 Å, β = 120 ° [55]. Une représentation de la projection de la maille de l’hydroxyapatite sur le plan (001) est donnée sur la Figure 5. Cette projection fait apparaitre deux types de tunnels : les premiers hébergent les ions calcium alors que les seconds sont occupés par les ions OH-.
Cette phase cristalline peut être obtenue par voie sèche ou par voie liquide. Dans les deux cas, l’obtention de la phase pure stœchiométrique nécessite souvent une calcination à haute température (1000 °C) d’un précurseur apatitique mal cristallisé [56,57]. Les synthèses en voie liquide nécessitent également la plupart du temps un post traitement par rinçage de la poudre [58] pour éliminer les sous-produits de réaction et purifier la phase cristalline.
Le spectre infrarouge de l’hydroxyapatite présente des bandes de vibrations fines à 3572 et 630 cm-1 correspondant au groupement hydroxyle du cristal, les bandes de vibrations à 1090 et 1030 cm-1 correspondent à la vibration ν3PO43-, la bande à 960 cm-1 est associée à la vibration ν1PO43-, celles à 600 cm-1 et 570 cm-1 correspondent à la vibration ν4PO43- et celle à 474 cm-1 à la vibration ν2PO43-. Entre 10 et 60 ° 2θ (λ KαCo = 1.79 Å), le diffractogramme de l’hydroxyapatite présente notamment des raies à 30, 37, 37,5, 38,4, 39,8, 46,6, 54,8 et 58,3 ° 2θ respectivement associées aux plans (002), (211), (112), (300), (202), (310), (222) et (213) répertoriés dans la fiche JCPDS # 09-0432.
La haute cristallinité de l’hydroxyapatite stœchiométrique calcinée et sa stabilité chimique en font un composé peu soluble et sa dissolution nécessite des solutions acides. Tonino et al. [59] ont démontré que des revêtements d’hydroxyapatite se résorbent très lentement (i.e. en quelques années) in vivo. Malgré ce manque de solubilité, l’hydroxyapatite possède de bonnes propriétés biologiques d’ostéoconductivité qui justifient son utilisation comme matériau de substitut osseux.

Les apatites non stœchiométriques

L’os est constitué d’une phase apatitique carbonatée déficiente en calcium et mal cristallisée de formule [Ca8,3(HPO4)0,7(PO4)4,5)(CO3)0,7(OH)1,3] [50,60] et de taille nanométrique (de l’ordre de la dizaine ou de la centaine de nanomètres). Les apatites qui présentent des carbonates, des hydrogénophosphates, des lacunes ou qui sont de petite taille ont, au vu de leur similitude avec la phase minérale naturelle de l’os, un intérêt biologique plus marqué que l’hydroxyapatite stœchiométrique. Elles ont un rapport Ca/P qui peut varier autour de 1,67 et présentent des diffractogrammes plus ou moins bien résolus du fait de leur plus faible cristallinité et de leur taille nanométrique.

Caractéristiques des apatites non stœchiométriques : les carbonates.

Les ions carbonates (CO32-) peuvent se substituer soit aux ions PO43- soit à OH- dans la maille de l’hydroxyapatite. Dans le premier cas, la substitution peut être obtenue par réaction à haute température (en présence de carbonate de calcium) ou par précipitation et le carbonate est dit de type B ; la substitution totale des OH- s’obtient en chauffant dans une atmosphère de gaz carbonique desséché et l’apatite est dite carbonatée de type A. La carbonatation partielle en A peut aussi être obtenue en milieu aqueux ce qui est généralement le cas des apatites biologiques. L’insertion des carbonates de type B peut être obtenue de façon volontaire en ajoutant un sel de carbonate (typiquement de l’hydrogénocarbonate de sodium, NaHCO3 [61]) ou de manière fortuite à cause de dioxyde de carbone solubilisé dans l’eau du milieu réactionnel [62] ou à cause d’impuretés dans les réactifs [63]. La présence de ces carbonates (types A ou B) augmente significativement la solubilité de l’apatite [64].
La présence des carbonates se manifeste par l’apparition de bandes de vibration dans la région comprise entre 1350 et 1570 cm-1 dans le spectre infrarouge [65,66]. Plus particulièrement, les carbonates de type A se présentent en doublet à 1450 et 1540 cm-1 alors que les carbonates de type B sont identifiés également par leur doublet à 1410 et 1470 cm-1 [67].
Figure 6 Spectres infrarouges centrés sur le domaine de vibration ν3 CO3. Les différents spectres représentent des concentrations en carbonate variables (1 : 1,3 %, 2 : 2,8 %, 3 : 3,5 % et 4 : 10 %). Ces spectres sont issus de la référence [68].

Caractéristiques des apatites non stœchiométriques : réactivité

Du fait de leur taille nanométrique, ces apatites possèdent une grande surface spécifique (de l’ordre de 160 m²/g [69]) ce qui a pour effet de les rendre de manière générale, plus réactives. De plus, la description de ces apatites nanométriques non stœchiométriques biomimétiques carbonatées est celle d’un système à cœur apatitique recouvert d’une couche de surface hydratée [70,71]. Cette couche hydratée leur permet d’échanger de nombreux ions et augmente ainsi leur fonctionnalité. Cette structure en sandwich (Figure 7) n’a pas pu être directement observée mais des preuves indirectes ont été mises en évidence dans le spectre infrarouge : la présence de carbonates différents des types A et B et appartenant à des domaines hydratés ainsi que la contribution de bandes à 617 et 534 cm-1 attribuées à la présence d’ions hydrogénophosphates non apatitiques. Enfin une très grande capacité à échanger des ions a été démontrée pour ces apatites qui est imputée à cette couche hydratée [72,73].
Figure 7 Représentation schématique du modèle de la couche hydratée des apatites nanométriques mal cristallisées [74].

Synthèse par voie humide

Les apatites non stœchiométriques carbonatées nanométriques peuvent être obtenues selon le même protocole de synthèse en voie humide que les apatites stœchiométriques en adaptant le pH, la température, le temps de maturation [75]. La morphologie et la taille de ces apatites nanométriques peuvent également être contrôlées par l’ajout de surfactants comme le CTAB [76] ou de polymère comme le PEG [77]. Ces molécules agissent alors comme des modèles ou des points de nucléation pour la phase minérale [78] à l’instar du mécanisme proposé de minéralisation de l’os. Il est également possible d’obtenir des apatites de taille nanométrique par hydrolyse d’un précurseur phosphocalcique. Ces procédés impliquent généralement des phénomènes de solubilisation reprécipitation d’un composé minéral moins stable comme de la brushite, de la monétite, de l’OCP ou de l’α-TCP en solution vers une forme minérale plus stable : une apatite. Ustundag et al. [79] utilisent dans leurs travaux de l’acétate de calcium et de l’acide phosphorique pour former un revêtement d’hydroxyapatite à la surface de nanotubes de carbone en suivant la réaction (1) : 5Ca(CH3COO)2 + 3H3PO4 + 10NH3 + H2O → Ca5(PO4)3(OH)↓ + 10NH4CH3COO + OH- (1)
Les solutions de précurseurs sont mélangées en maintenant le pH ≥ 10 grâce à l’ajout d’une solution d’ammoniaque. A cette suspension d’hydroxyapatite nanométrique a été ajoutée 1 % massique de nanotubes de carbone. Le tout est placé dans un réacteur hydrothermal à 200 °C pendant 2 H puis séché à 100 °C pendant une nuit après avoir été rincé à l’eau. Les nanocristaux ainsi formés ont une morphologie en bâtonnet de 60-70 nm de long et 10-15 nm de large (Figure 8). Cependant, de l’acétate d’ammonium est associé à ces nanocristaux d’apatite, comme produit secondaire de la réaction. Dans la synthèse de l’apatite nanométrique, ce résidu de réaction est indésirable. Cependant dans l’élaboration du matériau composite nanotubes de carbone/apatite, il intervient dans la fonctionnalisation de surface des nanotubes.
Figure 8 Images en microscopie électronique à transmission de la synthèse d’apatites nanométrique (A) et du composite nanotube de carbone/apatite nano (B) reprit des travaux de Ustundag et al.[79].

Les phosphates de calcium amorphes

Lorsque la périodicité atomique d’un solide n’est plus assurée, la phase alors formée est qualifiée d’amorphe. Elle ne peut plus alors être associée à un réseau de Bravais et ne présente pas de motif de diffraction (rayons X, électrons, neutrons …) indexable avec des indices de Miller [80].

Généralités

Les phosphates de calcium amorphes (ACP) les plus courants décrits dans la littérature sont les amorphes dits de Posner. Ils sont obtenus en solution aqueuse en mélangeant une préparation de sel de calcium (souvent du chlorure de calcium ou du nitrate de calcium) avec une solution de phosphate (souvent potassium, sodium ou ammonium). La réaction se fait dans un milieu tamponné basique (TRIS ou ammoniaque). Ce milieu réactionnel est le même que le milieu utilisé pour synthétiser l’hydroxyapatite ou les apatites nano car l’ACP est supposée être un précurseur de ces phases. Les phénomènes de maturation, de vieillissement sont empêchés en séparant le précipité du surnageant rapidement (par filtration ou centrifugation) après la réaction de précipitation et le précurseur phosphocalcique amorphe est alors récupéré. Le rapport molaire Ca/P de ces ACPs de Posner est de 1,5 avec la formule théorique chimique Ca9(PO4)6.
En 1974, Betts et Posner [81] présentent des fonctions de distribution de paires (PDF) d’ions obtenues par transformé de Fourier du signal de la diffraction X de phosphates de calcium amorphes. Ils identifient des pics à 1,55, 2,4, 3,4 et 4,1 Å qu’ils associent respectivement aux paires d’ions P-O, O-O et Ca-O, Ca-Ca et enfin P-P. Les deux premiers pics sont particulièrement semblables en position et taille aux pics observés sur la PDF d’hydroxyapatite. Ce résultat suppose un arrangement à courte distance similaire des paires d’ions entre l’ACP et l’HAp. Les troisième et quatrième pics sont sensiblement plus larges et moins intenses que ceux d’une apatite bien cristallisée et pourtant à la même position. Ces pics traduisent des arrangements atomiques similaires peu étendus et suggèrent l’existence d’un domaine cristallin caractérisé par une distance de cohérence de l’ordre du nanomètre. La similarité de positionnement des pics de la fonction de distribution de paires entre l’ACP et l’HAp ainsi que la tendance de l’ACP à évoluer vers une HAp [82] laissent supposer que la portion Ca9(PO4)6 du motif cristallin de l’hydroxyapatite peut être un modèle pour le cluster de Posner. Ainsi le premier modèle d’ACP a une géométrie sphérique d’une taille de 9,5 Å et est supposé être déshydraté.
Cependant, même si l’ordre de grandeur ainsi que la géométrie sphérique des clusters d’ACPs sont régulièrement démontrés expérimentalement, le modèle de Posner est fréquemment remis en question notamment quant à sa chimie. Termine et al. [83] ont, par exemple, obtenu des ACPs différents de ceux de Posner à des pH acides. Les ACPs ainsi formés présentent des rapports Ca/P compris entre 1,18 et 1,5. Ces résultats sont corrélés au fait qu’en milieu acide, des hydrogénophosphates interviennent dans la formation de la phase minérale ce qui a pour conséquence de faire décroitre le rapport Ca/P. La chimie du modèle d’amorphe est alors plus semblable à celle des OCPs avec des quantités de phosphates et d’hydrogénophoshates variables. Dans leurs travaux Karimi et al. [84] utilisent différents précurseurs ainsi que différents mélanges eutectiques de solvants (chlorure de choline-urée, chlorure de choline-éthylène glycol ou chlorure de choline-glycérol) pour produire des phosphates de calcium amorphes avec des rapports molaires Ca/P variables. Les ACPs sont préparés par voie liquide en ajoutant une solution de phosphate à une solution de calcium. Le précipité ainsi formé est ensuite filtré puis séché au lyophilisateur pendant 65 H. Le minéral obtenu à un rapport Ca/P différent de 1,5 (plus faible, de l’ordre de 1 à 1,15) calculé en EDX et dépendant du solvant utilisé (sensible à la nature alcaline du milieu). Cette étude présente l’intérêt de proposer une voie de synthèse en milieu non aqueux. L’aspect métastable des phosphates de calcium amorphes étant un facteur limitant dans le contrôle de leur synthèse.
Les particules d’ACP ont une taille qui varie usuellement de 20 à 100 nm en fonction du solvant ou de la nature des précurseurs et elles s’organisent le plus souvent en chapelet. Brecevic et al. [85] proposent que la formation de ces particules nanométriques résulte de l’agrégation de particules primaires (Figure 9) qui peuvent être associées aux clusters définis précédemment.
Dans la même optique Habraken et al. [86], par suivi du pH, de la concentration d’ions libres Ca2+ et par imagerie TEM démontrent la formation spontanée d’un cluster amorphe avec une dimension caractéristique de 1 nm. Celui-ci s’organise en nodules sphériques correspondant aux nanoparticules d’ACP. D’autres études évoquent cette formation spontanée d’un cluster amorphe dans des conditions de sursaturation d’ions [87–89].
Les ACPs sont connus pour évoluer en milieu aqueux et pour former des apatites mal cristallisées. Dans leur étude Kim et al. [16] démontrent cette évolution en mettant en exergue l’importance du rapport Ca/P initial dans la solution. Plus le rapport est élevé, plus l’évolution de l’amorphe vers l’apatite est rapide. Cette évolution sert de modèle pour la formation et la croissance des apatites biomimétiques comme évoqué par Kazanci et al. [17]. Christoffersen et al. [91] observent également dans leurs travaux par imagerie TEM la formation de particules sphériques d’une taille de 100 nm. Ces particules ont un rapport molaire Ca/P de 1,35 et évoluent par la suite pour donner des cristaux de taille nanométrique qui eux même évoluent vers des tailles plus importantes. Après hydrolyse, le produit final est ainsi constitué d’un mélange d’OCP et d’apatite déficiente en calcium.

Techniques de synthèse

L’histoire de la découverte des phosphates de calcium amorphes est rapportée dans la revue de littérature de S. V. Dorozhkin [92]: « En 1955, Robinson et Watson [93] étaient les premiers à suggérer qu’une portion substantielle du minéral nouvellement formé dans un os jeune n’était pas cristallin. Au lieu de cela, ils décrivirent ce minéral comme étant similaire par ses caractéristiques à un précipité amorphe qu’ils avaient préparé pour une étude sur l’apatite synthétique [94]. Ce précipité, est apparu initialement dans leur synthèse quand des solutions suffisamment concentrées de CaCl2 et Na2HPO4 ont été mélangées à température ambiante et pH neutre. La texture extrêmement fine et non cristalline des précipités a été mise en évidence par des observations au MET et des clichés de diffraction des électrons sans motif. Cette dernière caractéristique les a amenés à déduire que le motif plus diffus de la diffraction électronique d’un os nouvellement formé en comparaison avec celle d’un os mature, même si toujours apatitique, indiquait la présence d’un composant amorphe. »
Ainsi les phases amorphes semblent être les premières phases qui apparaissent lorsqu’un précipité phosphocalcique est formé avec des concentrations suffisamment élevées. Elles sont donc obtenues en utilisant des protocoles déjà définis pour former des apatites cristallisées. Brangule et al. [67] synthétisent ainsi des ACPs en utilisant des sels de nitrate de calcium avec du phosphate diammoniaque et du carbonate d’ammonium diammonique. Safronova et al. [95] utilisent de l’acétate de calcium et d’acide phosphorique pour former ces phosphates de calcium amorphes. La solution de calcium est versée dans la solution de phosphate en maintenant le pH à 9 par ajout d’ammoniaque. Un précipité se forme alors instantanément et est laissé pendant 15 min sous agitation. Il est ensuite filtré (sans rincer) et séché à l’air pendant 48 H. L’absence de rinçage laisse apparaître la formation de produit secondaire et, plus spécifiquement dans ce cas, d’acétate d’ammoniaque. La présence de ce groupement organique engendre, par dégradation thermique de l’acétate, la formation de carbonate dans le phosphate de calcium après une chauffe modérée.
Les phosphates de calcium amorphes ont aussi été synthétisés par des procédés sol-gel comme décrit par Layrolle et al. [96]. Leur procédé se déroule en milieu alcoolique en faisant réagir du calcium avec de l’acide phosphorique (85 %). L’éthanol et le calcium vont alors former du Ca(OEt)2 qui réagit avec l’acide phosphorique. L’ajout du phosphore se fait à basse température (< 10 °C) et lentement pour éviter la formation de monétite. Un gel se forme alors et est laissé pendant 24 H sous azote à température ambiante. Le précipité est ensuite récupéré et séché à 100 °C pendant 8 H.

Caractéristiques physico-chimiques

Les ACPs ne fournissent pas de raie de diffraction en DRX mais des halos. Le manque d’organisation et la présence de nombreux environnements chimiques se traduisent sur le spectre infrarouge de l’ACP par des bandes larges et mal résolues. Cependant en spectroscopie Raman, les phosphates de calcium amorphes présentent une raie assez bien définie (bien que large) à 950 cm-1 qui correspond à la vibration ν1PO4 et qui est caractéristique d’un environnement amorphe.

Le chitosane

Nous l’avons vu, un biomatériau dont la composition reproduit celle du tissu osseux naturel devrait être composé, pour sa phase organique, de collagène. Cependant, le collagène est une protéine sensible qui dès 62 °C, commence à se dénaturer en gélatine de manière irréversible [97]. Le collagène est également un matériau onéreux et de ce fait, notre choix s’est orienté vers un autre biopolymère : le chitosane. Ce polymère d’origine naturelle a comme avantage d’être plus résistant thermiquement.
Le chitosane est un polysaccharide issu de la déacétylation de la chitine. C’est un copolymère composé d’unité de glucosamine et de N-acetyl-glucosamine [98] (Figure 11). Il s’agit par conséquent d’un polymère cationique soluble en milieu acide [99]. Il a de plus démontré de bonnes propriétés de biocompatibilité et est considéré comme un matériau bioactif [100–102] en interagissant avec des molécules extracellulaires comme les glycosaminoglycanes [103]. Par cette interaction, le chitosane augmente indirectement la concentration locale des facteurs de croissance impliqués dans la formation de l’os [104] ainsi que le recrutement et la différentiation d’ostéoprécurseurs [103]. Du fait de ces propriétés, son utilisation dans le domaine des biomatériaux a connu une augmentation notable durant les dernières décennies [100] et, tout particulièrement, pour l’élaboration de matériaux de substituts osseux de synthèse.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Etat de l’art
I.1. Contexte
I.1.1 Minéralisation de l’os
I.2. Les phosphates de calcium
I.2.1 Généralités
I.2.1.1 Les phosphates dicalciques
I.2.1.2 Phosphate octocalcique
I.2.1.3 Phosphates tricalciques
I.2.2 Les apatites
I.2.2.1 L’hydroxyapatite stoechiométrique
I.2.2.2 Les apatites non stoechiométriques
I.2.2.2.1 Caractéristiques des apatites non stoechiométriques : les carbonates.
I.2.2.2.2 Caractéristiques des apatites non stoechiométriques : réactivité
I.2.2.2.3 Synthèse par voie humide
I.2.3 Les phosphates de calcium amorphes
I.2.3.1 Généralités
I.2.3.2 Techniques de synthèse
I.2.3.3 Caractéristiques physico-chimiques
I.3.1 Origine
I.3.2 Intérêt biologique
I.3.3 Propriétés physico –chimiques
I.4. Les matériaux composites à matrice chitosane chargés en phosphates de calcium 2
I.4.1 Procédés de mise en forme
I.4.2 Etude des interactions organique/inorganique
I.5. Le procédé d’atomisation séchage
I.6. Pour aller plus loin
Liste des figures
Chapitre 2 : Matériels et méthodes
II.1. Matériels
II.2. Méthodes
II.2.2 Préparation des phases solides
II.2.2.2 Synthèse de l’apatite biomimétique
II.2.2.3 Broyage de l’hydroxyapatite commerciale
II.2.3 Atomisation
II.2.4 Formulations
II.2.4.2 Suspensions
II.2.4.3 Solutions
II.2.5 Évolution des poudres en milieu aqueux
II.2.6 Spectroscopies vibrationnelles
II.2.6.2 Spectrométrie infrarouge
II.2.6.3 Spectrométrie Raman
II.2.6.4 Spectrométrie RMN
II.2.6.4.1 Etat de l’art
II.2.6.4.2 Protocoles expérimentaux.
II.2.7 Analyses X
II.2.7.2 DRX
II.2.7.3 SAXS
II.2.7.3.3 Etat de l’art
II.2.7.3.4 Protocole expérimental
II.2.7.4 WAXS
II.2.8 Microscopies électroniques
II.2.8.2 Microscopie électronique à balayage- MEB
II.2.8.3 Microscopie électronique en transmission-TEM
II.2.9 Granulométrie
II.2.9.2 Voie sèche
II.2.9.3 Voie humide
II.2.10 Analyse thermogravimétrique/thermique différentielle – ATG/ATD
II.2.11 Chromatographie d’exclusion stérique – SEC
II.2.12 Evaporation laser assistée par matrice – MAPLE
II.2.13 Etudes biologiques
II.2.13.2 Culture cellulaire
II.2.13.3 Activité antimicrobienne
II.2.14 AFM
II.2.15 Impression 3D
Liste des figures
Chapitre 3 : Synthèse et caractérisation de la phase minérale
III.1 Atomisation de suspensions
III.1.1 Introduction
III.1.2 Caractérisation de la phase solide des suspensions
III.1.2.1 Hydroxyapatite stoechiométrique
III.1.2.1.1 Evolution de l’hydroxyapatite commerciale en solution acide
III.1.2.1.2 Impacts de l’atomisation sur l’hydroxyapatite
III.1.2.2 Apatite biomimétique
II.1.2.2.1 Caractérisation de la poudre après atomisation
III.2 Atomisation de solutions
III.2.1 Caractérisation de l’acétate de calcium avant et après atomisation
III.2.2 Préparation de la solution
III.2.3 Caractérisation de la poudre obtenue
III.2.3.1 Caractérisations morphologiques
III.2.3.2 Caractérisation physico-chimique
III.2.3.3 Evolution thermique et en solution de la poudre atomisée
III.2.4 Influence du rapport Ca/P
III.2.4.1 Influence sur la morphologie des poudres atomisées
III.2.4.2 Influence sur la chimie
III.3 Résumé
Liste des figures
Chapitre 4 : Synthèse et caractérisation du matériau composite
IV.1 Caractérisation de la phase organique
IV.1.1 Caractérisation du polymère avant atomisation
IV.1.2 Effet de l’atomisation sur le chitosane
IV.2 Caractérisation du matériau composite
IV.2.1 Suspension
IV.2.2 Solution
IV.2.2.1 Influence structurelle sur la phase minérale
IV.2.2.2 Influence chimique de la phase organique
IV.2.2.3 Evolution en milieu aqueux
IV.3 Résumé
Liste des figures
Chapitre 5 : Mise en forme du matériau composite
V.1 Revêtement
V.1.1 Etat de l’art
V.1.2 Présentation de la technique
V.1.3 Etude des revêtements obtenus
V.2 Impression 3D
V.2.1 Etat de l’art
V.2.2 Etude de faisabilité
V.3 Résumé
Liste des Figures
Conclusion générale
Bibliographie

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