Les tumeurs malignes naso-sinusiennes

Epidémiologie

Etant donné la faible incidence et la diversité de ces tumeurs, la plupart des séries, rétrospectives, s’étalent sur de nombreuses années, rendant difficile la comparaison des moyens thérapeutiques qui évoluent régulièrement. De plus elles associent souvent de nombreux types histologiques et sont donc inhomogènes.

Fréquence et sexe

Les tumeurs des voies aéro-digestives supérieures (VADS) représentent 12% des causes de mortalité chez l’homme et sont moins fréquentes chez la femme (sex-ratio 1 /10) (3). Les cancers naso-sinusiens représentent 3% de ces tumeurs. Leur incidence correspond à 1/100000. On observe un nombre plus élevé de femmes que dans les autres cancers des VADS (1/3) (3). Dans notre série, le sex-ratio était de 1.

Âge

L’âge moyen de 52 ans dans notre série est inférieur à l’âge moyen décrit dans la littérature, généralement supérieur à 60 ans (3).

Profession

Seul un de nos patients atteint d’adénocarcinome de l’ethmoïde était exposé au bois contre 80% dans la littérature (4). D’autre part, 37,5% de nos patients étaient connus alcolo-tabagique, facteur de risque pourtant très peu décrit dans la littérature pour les cancers naso-sinusiens (4). Ces patients étaient tous de sexe masculin. Les autres cas étaient essentiellement des femmes au foyer sans facteur de risque particulier.

Délai de consultation

Le délai entre les premiers signes et la consultation est souvent élevé : 12 mois dans notre série contre 4,4 mois dans la série de Boudet (5). Ceci s’explique par l’apparente banalité des symptômes (l’obstruction nasale est le signe d’appel le plus fréquent), le bas niveau socio-économique et l’éloignement géographique. Ainsi, 78,1% des malades étaient en stade T3 ou T4 lors de la première consultation, chiffres qui sont en accord avec les autres séries de la littérature (3).

Fréquence des localisations selon le type histologique de la tumeur maligne

Dans la littérature, 20% de ces cancers se développent au niveau de l’ethmoïde, 30% au niveau de l’infrastructure du maxillaire, 40% au niveau du sinus maxillaire, 10% au niveau des fosses nasales (5). Dans notre série, le point de départ des tumeurs était essentiellement ethmoïdal (40,6%), contre seulement 28% au niveau du sinus maxillaire, et 12,5% au niveau des fosses nasales. La diversité de ces cancers est grande. Sur une étude multicentrique portant sur 700 tumeurs du massif facial supérieur dans les centres anti-cancéreux en France, il a été trouvé que les carcinomes épidermoïdes sont les plus fréquents (Tableau V) (6). Dans notre série, le ratio carcinomes épidermoïdes / adénocarcinomes est inversé, avec 21,9% de carcinomes épidermoïdes contre 37,5% d’adénocarcinomes. Par ailleurs, le nombre de sarcomes paraît plus élevé que dans les autres séries avec 6,25% de chondrosarcomes (deux cas), 3,1% de rhabdomyosarcomes (un cas) et 3,1% d’ostéosarcomes (un cas). Il en est de même concernant le nombre d’esthésioneuroblastomes (9,4%) qui est supérieur aux données de la littérature. Le nombre de lymphomes (12,5%) et de mélanomes (3%) correspondent quant à eux à ce qui est décrit (6,7). Nous avons également retrouvé un carcinome muco épidermoïde (3,1%) alors que dans la littérature, les carcinomes adénoïdes kystiques apparaissent plus fréquents au sein des tumeurs d’origine salivaire (5).

Facteurs de risque

Poussières de bois

L’exposition professionnelle à la poussière de bois a été fortement identifiée comme
facteur de risque du cancer des fosses nasales et des sinus paranasaux, en particulier de l’adénocarcinome. L’exposition à la poussière dans un milieu clos, mettant en suspension des particules fines (ponçage, fraisage, sciage, rabotage etc…) sur des bois durs, riches en tanins serait la plus nocive. Ces particules se déposeraient sur le cornet moyen, entrainant un ralentissement du transport muco ciliaire et à long terme une métaplasie malpighienne (4). L’exposition à la poussière de bois qui engendre un risque élevé existe dans les milieux suivants:
• fabrication de meubles et d’armoires
• scierie
• charpenterie .

Dans notre série, un patient était exposé aux poussières de bois dans le cadre de son travail de menuisier. Il présentait un adénocarcinome de l’ethmoïde, localisation et type histologique les plus rapportés chez les travailleurs de l’industrie du bois (9). Ce facteur de risque est signalé en France depuis Moure et Portmann en 1923 mais les premières études épidémiologiques concernant la relation entre les poussières de bois et les cancers naso-sinusiens ne seront réalisées qu’en 1965 en Angleterre par Mac Beth et Coll. La maladie fut déclarée maladie professionnelle en 1969 (10). La durée moyenne d’exposition aux poussières est variable, mais semble être assez longue (24 ans pour Moreau) (9). Toutefois, de nombreuses publications font état de durées très courtes, inférieures à 5 ans (3). Notre patient a quant à lui été exposé durant une période de 21 ans. Notre étude ne retrouve qu’un patient exposé au bois professionnel chez les malades atteints d’adénocarcinome de l’ethmoïde contre 80% des malades dans les autres séries (11, 12). Ceci s’explique essentiellement par le fait que l’échantillon de la population choisi comprend en majorité des militaires et leurs ayants droits.

Poussières de cuir, composés de nickel, EBV et papillomes inversés

Les personnes qui travaillent dans l’industrie de la fabrication de souliers et de bottes risquent davantage d’être atteintes d’un cancer nasosinusien. Ces travailleurs du cuir, exposés à l’acide tannique, ont un risque professionnel spécifique d’adénocarcinome ethmoïdo-nasal (13). L’exposition professionnelle à la poussière de certains composés de nickel (sulfure et oxyde de nickel) dans l’industrie de l’affinage du nickel accroît également le risque de cancer des fosses nasales et des sinus paranasaux (13). L’infection à EBV peut causer une forme rare du lymphome non hodgkinien (LNH) appelée lymphome T ou NK extra-ganglionnaire de type nasal. Cette forme de LNH risque d’affecter les voies nasales et les sinus paranasaux (4). Le papillome inversé, masse bénigne qui se développe sur le revêtement des fosses nasales ou des sinus paranasaux, peut se transformer en tumeur maligne. La fréquence de cette transformation est évaluée entre 7 et 15% (14). Le type histologique le plus fréquemment rencontré est le carcinome épidermoïde et les antécédents nasosinusiens y semblent significativement associés (15, 16). Aucun des patients de notre étude n’était exposé à l’un de ces facteurs de risque. Ceci s’explique encore une fois par le faible éventail de professions dans notre échantillon. Concernant les transformations malignes de papillomes inversés, aucun cas n’a été comptabilisé dans notre série. Le rôle du tabac et de l’alcool est très secondaire, voir nul en ce qui concerne les cancers du massif facial (17), ce facteur est pourtant retrouvé chez 37,5% de nos patients (12 cas), tous militaires.

Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
1. Patients
2. Méthodes
RESULTATS
I. Données épidémiologiques
1. Fréquence
2. Age
3. Sexe
4. Profession
II. Données cliniques
1. Mode de découverte
2. Antécédents
3. Mode de début
4. Délai de consultation
5. Siège de l’atteinte
6. Signes fonctionnels
7. Examen clinique
III. Données paracliniques
1. Examen tomodensitométrique
2. Imagerie par résonnance magnétique
IV. Bilan d’extension
V. Données anatomopathologiques
1. Types histologiques
2. Classification TNM
VI. Données thérapeutiques
1. Moyens thérapeutiques
2. Indications
VII. Evolution
1. Suites immédiates
2. Suites secondaires
3. Suites lointaines
VIII. Résultats traitement et évolution en fonction du type histologique de la tumeur
1. Adénocarcinomes
2. Carcinomes épidermoïdes
3. Mélanomes malins
4. Sarcomes
5. Esthésioneuroblastomes
6. Lymphomes malins non Hodgkiniens
7. Carcinome de type salivaire
DISCUSSION
I. Epidémiologie
1. Fréquence et sexe
2. Age
3. Profession
4. Délai de consultation
5. Fréquence des localisations selon le type histologique de la tumeur
II. Facteurs de risque
1. Poussières de bois
2. Poussières de cuir, composés de nickel, EBV et papillomes inversés
3. Facteurs de risques possibles
4. Prévention
III. Clinique
1. Symptomatologie
2. Examen clinique
IV. Evaluation diagnostique
1. Imagerie
2. Diagnostic histologique
3. Etude de l’extension tumorale
4. Examens biologiques
V. Classification des tumeurs malignes naso-sinusiennes
VI. Traitement
1. Buts du traitement
2. Moyens thérapeutiques et indications
VII. Evolution
1. Facteurs pronostiques
2. Résultats oncologiques
3. Métastases
VIII. Traitement et évolution selon le type histologique du cancer naso-sinusien
1. Adénocarcinomes
2. Carcinomes épidermoïdes
3. Mélanomes malins
4. Esthésioneuroblastomes
5. Sarcomes
6. Lymphomes malins non Hodgkiniens
7. Carcinomes d’origine salivaire
IX. Surveillance après traitement
X. Soins de soutien
XI. Perspectives d’avenir
CONCLUSION

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