Les usages individuls « amateurs » des images Retour sur le s outils créés par les « fans »

Les usages individuls « amateurs » des images Retour sur le s outils créés par les « fans »

Reprenons les différents éléments de notre corpus «Internet » en examinant quels sont les contenus véhiculés par les images qui y sont reprises. Les images transférées sur Internet par les créateurs amateurs ne sont pas uniquement des images reprises directement de la télévision. Elles sont parfois reprises également dans la presse magazine ou des sites Internet. Nous avons vu que les images des candidats de l’émissions donnent naissance à des w eblogs ou blogs de fans centrés généralement sur l’un d’entre eux. Nous avons pu observer des blogs centrés sur certains candidats de l’émission, comme le blog Gregisthebest395 . Le créateur du blog agit sur les images du candidat par la sélection qu’il en fait et la manière dont il les contextualise en ajoutant du texte. Il agit également sur les images en en créant de nouvelles par le recours à des techniques de découpage-collage et en ajoutant du texte et des formes graphiques. Cela engendre des créations de Fan Art qui visent généralement à sublimer autant que possible l’image du candidat admiré : le «fan » ajoute à l’image des effets de lumière ou de couleur, il encadre ou détoure les images des corps pour les mettre en exergue et leur ajoute des commentaires admiratifs. Les reprises d’images se font aussi dans les forums de discussion dédiés à l’émission ou à l’un des candidats. Certains forums ont des sections consacrées au Fan art mais elles sont le plus souvent mises en valeur dans les « signatures » des membres et apparaissent alors à chaque fois que celui-ci s’exprime. Un troisième outil concerné par ces reprises d’images est le site perso de fan, consacré généralement à un unique candidat. Les créations de type Fan Art s’y exposent en page d’accueil et des rubriques « images » proposent de nombreuses captures d’écran, pages de magazines scannées, extraits vidéo enregistrés. Ces types de contenus apparaissent d’ailleurs également dans certains forums.Cette relation fétichiste à l’image s’exprime enfin dans un quatrième type d’outil qui est le site de partage d’images et de vidéos, dont Youtube est actuellement la figure de proue. Les «fans » y déposent des image fixes ou séquentielles qui peuvent être des captures d’écran, des photographies ou vidéos personnelles des candidats, prises lors d’une sortie de studio d’enregistrement ou d’une séance d’autographes, ou encore des montages d’images de tous types, qu’elles soient extraites de l’émission, de sites Internet ou de pages de magazines, agrémentées d’une musique d’ambiance ou d’insertions d’éléments textuels ou graphiques. 

Des images instrumenalisées

 L’appropriation des images transférées est loin d’être seulement conditionnée par les contrats de lecture des médias d’accueil des images ; elle est loin également d’être passive ou inactive. L’usager joue en effet un rôle dans la manipulation des images puisqu’il peut se les réapproprier et les réinvestir de sens via différentes pratiques de détournement. La multiplication des ressources sur les émissions de télévision donne au téléspectateur pour lequel l’identification est forte le moyen d’accéder aux images sur lesquelles il se projette et de les « manipuler ». Dans le cas de l’émission Star Academ y 4, ces manipulations concernent surtout les adolescents, « fans » des candidats devenant stars. Un premier accès à l’image est celui à l’image «palpable » du magazine, dans lequel l’appropriation des images est déjà en quelque sorte dictée par la charte éditoriale. Les magazines destinés aux adolescents produisent des images manipulables sous formes de posters ou de fiches à découper, images qui sont centrées sur la valorisation des corps des candidats. Ces images peuvent évidemment engendrer des utilisations détournées mais difficilement décelables par le chercheur puisqu’il s’agit de pratiques qui restent marginales et qui ne sont pas visibles car elles restent cantonnées aux cercles intime et domestique. Les pratiques de manipulation des images les plus visibles restent donc celles que l’on peut observer sur Internet.La figure 104 est une photographie prise par un bloggeur d’un coin de sa chambre. Celui-ci, consacrant un blog au candidat Grégory, a pris en photo une armoire sur laquelle il a accroché des posters de son idole. On pourrait parler ici d’un effet «voyeuriste » rappelant l’émission : une partie d’un lieu intime du bloggeur est donnée à voir aux yeux de tous, tout comme le candidat de Star Academ y expose son intimité en étant filmé dans son quotidien. Pour autant, c’est plutôt la reconnaissance des «fans » qui semble ici recherchée : cette partie de la chambre de l’adolescent témoigne de son adoration mais ne dévoile rien d’autre, l’image lui sert à apporter la preuve de sa « qualité » de fan, voire à se valoriser en montrant la quantité de posters affichés. Sur Internet, les mêmes images peuvent revêtir des fonctions très différentes. Nous avons pu voir qu’elles sont instrumentalisées par le lecteur, usager d’Internet devenu créateur de contenus, qui les utilise à la fois pour se construire une identité numérique (avatar, signature) et pour réaliser des œuvres de Fan Art (bannière, fond d’écran), tout comme pour créer des objets virtuels mimant des objets «palpables » (étiquette, papier à lettres). L’image instrumentalisée s’avère donc être une constante dans les contenus créés par les adolescents. On distinguera ainsi, parmi les images «bricolées » sur Internet, deux types de réappropriations des images de télévision : – l’image-objet au service de l’existence virtuelle de l’usager ; – l’image comme objet palpable en puissance. Les images-objets au service de l’existence virtuelle de l’usager sont des images de tous types (arrêts sur images d’émission, scans de la presse magazine, photographies de presse) qui se retrouvent «rognées » et «rétrécies » pour intégrer le petit format d’un avatar dans un blog ou un forum. Elles sont « rognées » également mais plus souvent « détourées » pour être intégrées à des bannières servant de signature à l’usager d’un forum : elles se retrouvent alors « posées » sur un fond de couleur et parfois sous le texte de la signature ou du message « d’amour » de l’adolescent, et « juxtaposées » à d’autres images de la même figure ou à l’image de l’adolescent lui-même. Elles sont « détourées » et intégrées à un fond, parfois «juxtaposée » à d’autres images pour former un fond d’écran. L’image devenant objet palpable en puissance sur Internet manifeste la transformation de pratiques préexistantes à l’informatique : créations « bricolées » d’étiquettes, de calendriers, de marques-pages à l’effigie de l’idole du moment, elles ont toutes pour objectif d’afficher son admiration (sa « fanitude ») sur le plus grand nombre de supports possible. Ces créations prennent généralement place dans des rubriques intitulées « Goodies » et prennent pour modèle des objets papiers que l’internaute est censé pouvoir imprimer. Lorsqu’elle n’est pas instrumentalisée, l’image peut également revêtir des fonctions illustratrices ou symboliques. L’im age illustratrice est peu présente 251 dans notre corpus. Elle peut être mobilisée lorsqu’un adolescent retranscrit les paroles d’une chanson ou lorsqu’il apporte une information périphérique à l’émission (des informations sur la tournée ou sur la biographie d’un candidat). L’im age-sym bole renvoie quant à elles aux marqueurs graphiques de l’émission, qui fonctionnent comme de véritables marqueurs mémoriels. Nous avons vu que l’on peut trouver ce type d’images dans le logotype et son emblème, les décors du château et du plateau ; on peut également les trouver dans les visages des candidats apparaissant dans le générique de l’émission quotidienne. 

La n o tio n de « brico lage »

La notion de «bricolage » va nous servir à décrire les reprises d’images sur Internet, qui débouchent sur des pratiques amateurs, le «bricolage » étant vu comme une pratique inventive de réappropriation des codes, tel que l’a décrit Michel De Certeau [DEC 90]. Les images transférées peuvent donc être complètement décontextualisées et dépersonnalisées. Elles peuvent également être recontextualisées dans un contexte qui n’est pas celui de l’image-source. Il s’agit alors d’un détournement de l’image. Nous avons vu que le premier degré de « manipulation », d’ « instrumentalisation » des images de télévision était leur soumission au bon vouloir-voir du téléspectateur par la pratique du zapping et de l’enregistrement. Cette pratique agit sur la temporalité : « Je regarde l’émission quand je veux, je peux la regarder au ralenti, de manière fragmentée, en avançant sur les publicités, etc. » Rien de plus facile que de « faire parler » les images en les décontextualisant ou en en faisant un montage orienté. Ainsi, on peut interpréter différemment les images d’une émission de télé-réalité lorsque ces images sont montées selon une certaine chronologie afin de faire naître une histoire inventée de toutes pièces. De notre point de vue, les actions sur l’image préexistent au numérique : nous avons vu précédemment que ces actions concernaient le support papier, auquel les termes de découpage et de collage s’appliquaient physiquement. Ce qui a changé, c’est le support numérique qui introduit des aides logicielles aux manipulations d’image, changeant par là-même notre niveau d’expertise sur l’image : nous pouvons faire illusion et faire par exemple passer pour vraie une photo truquée. Pour autant, les manipulations d’images par des adolescents « fans » ou «détracteurs » de l’émission Star Academ y restent de l’ordre du « bricolage » numérique : les actions sur l’image restent très souvent visibles, moyen peut-être d’accentuer l’idée d’ « action » sur des figures de projection de la notoriété. 

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