L’évaluation socioéconomique du partage du risque

L’évaluation socioéconomique du partage du risque

Le chapitre précédent a montré l’importance qu’avait l’évaluation de la diversification des risques sur les choix méthodologiques pour les prendre en compte dans le calcul socioéconomique. Il s’agit donc de se donner les moyens d’apprécier précisément cette réalité dans les évaluations. En effet, bien souvent, les risques sont inégalement répartis entre les acteurs et la capacité de diversification est donc concrètement réduite. Dès lors, l’évaluation socioéconomique du partage du risque constitue un enjeu important des politiques publiques pour des raisons d’efficacité mais aussi d’équité1. Il s’agit également d’apporter les éléments d’information permettant d’inciter les acteurs à réduire les risques. (1) Nous n’abordons pas dans ce rapport les pratiques du partenariat public-privé qui se sont fortement développées ces dernières années en France. Les dispositions législatives de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 instituant les contrats de partenariat public-privé, complétée par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, offrent en effet la possibilité de réaliser des investissements publics en transférant un ensemble de risques techniques et financiers au secteur privé. L’analyse du partage du risque constitue un élément essentiel de la procédure, puisque l’un des intérêts de ce type de contrats est bien de faire porter chacun des risques (financement de l’investissement, construction de l’ouvrage, exploitation, maintenance, usages du bien, recettes, etc.) par le partenaire le plus à même de le supporter pour en diminuer le coût global. Cela oblige les promoteurs de ces projets à identifier ces risques et à valoriser le gain que la collectivité peut trouver dans une meilleure allocation des risques.

L’analyse socioéconomique de projets d’investissement dans des biens et des services doit impérativement prendre en compte non seulement le risque mais la manière dont ceux-ci sont répartis entre les différents acteurs. Cela conduit à recommander une analyse désagrégée du partage du risque entre les acteurs.Par exemple, le risque de chômage doit être évalué différemment selon que les individus perdant leur emploi sont convenablement indemnisés par la collectivité ou non. En effet, la valeur collective du risque qu’une personne sur 100 perde 100 % de son revenu est largement plus importante que celle que chacun perde 1 % de son revenu. Plus généralement, si le risque d’un projet est porté par un nombre restreint d’agents, certains d’entre eux étant particulièrement vulnérables, son évaluation devra certainement être moins favorable que si, toutes choses égales par ailleurs, le risque est convenablement disséminé dans l’économie.L’existence de niveaux différents d’aversion au risque au sein de la collectivité doit inciter à répartir ces risques entre les agents en fonction des coûts individuels qu’ils impliquent. Cette répartition peut se faire « naturellement » dans le cadre des mécanismes de marché ou bien doit être « organisée » par la puissance publique. De manière générale, on admet que, quel que soit le dispositif, contractuel, tarifaire ou juridique, le partage du risque repose sur un double principe de diversification et de mutualisation. Il doit néanmoins tenir compte des problèmes d’agence que ces partages de risque génèrent (coût de coordination, asymétrie d’informations, comportements stratégiques, etc., voir infra). La théorie économique et les pratiques dans de nombreux secteurs (assurance, finance) ont de fait bien mis en évidence les effets sous-optimaux des comportements des agents sur l’intérêt collectif.

La diversification fait en sorte de mélanger, au sein d’un même pool, des risques suffisamment variés pour que la loi des Grands Nombres puisse s’appliquer. Cet équilibrage, qui vise à gommer le risque spécifique de chaque actif en ne laissant finalement qu’un risque global où les risques diversifiables ont disparu, est parfois réalisé par le jeu du marché. L’objectif de diversification poursuivi par chacun des acteurs économiques conduit à répartir les risques sur l’ensemble du marché, en transférant une part des risques d’un acteur vers d’autres acteurs disposés à les supporter. Par exemple, l’automobiliste transfère son risque d’accident à un assureur en contrepartie d’une prime d’assurance. Le premier y trouve intérêt si la prime d’assurance est inférieure au montant qu’il serait prêt à perdre pour ne pas avoir à acquitter le coût qu’il supporterait en cas d’accident, le second y trouve intérêt si la prime d’assurance est supérieure au coût moyen unitaire des accidents sur l’ensemble de ses assurés. L’aversion au risque de l’assuré et la dissémination de son risque dans le pool d’assurés conduit ainsi à un contrat de transfert du risque dont chaque partie sort gagnante. La création de valeur de ce transfert de risque organisé par l’assureur ou la mutuelle provient de sa capacité à mutualiser ce risque sur une large population, c’est-à-dire de découper le risque de l’automobiliste « en petits morceaux » pour le répartir sur la prime d’assurance de tous ses clients avec un impact unitaire très faible.

 

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