L’hysterie chez l’homme quelques aspects cliniques et psychopathologiques

L’hystérie chez l’homme quelques aspects cliniques et psychopathologiques

THEORIES ETIOPATHOGENIQUES 

Théories organogénétiques Comme dans la majorité des pathologies psychiatriques, il a été observé pour l’hystérie une fréquence élevée des antécédents familiaux d’hystérie, ou de phénomènes de « possession » ; bien qu’aucune corrélation génétique irréfutable n’ait été apportée. Par ailleurs, la majorité des auteurs ont noté l’importance de facteurs déclenchants traumatisants ou stressants dans la névrose hystérique. Le développement des neurosciences depuis la deuxième guerre mondiale a permis une meilleure compréhension des aspects neurochimiques du stress (systèmes noradrénergique, dopaminergique, sérotoninergique,…), et des adaptations thérapeutiques. L’évolution de la recherche permettra peut-être d’en savoir plus dans les années à venir.

Théories psychogénétiques

Modèle psychanalytique FREUD, en élaborant sa théorie sur la bisexualité psychique, a noté le rôle de cette dernière dans la genèse de l’hystérie. Selon cette théorie, tout individu aurait une part de son psychisme féminine, et une part masculine, à des proportions variables. Chez certaines personnes anatomiquement de sexe masculin, la part de féminité serait la plus prépondérante. Chez l’homme, la genèse de l’hystérie impliquerait un traumatisme lié à un fantasme de la situation oedipienne. C’est cette partie féminine mal acceptée ou mal reconnue qui serait à la source du problème. Selon les psychanalystes, il n’y a qu’un complexe d’Œdipe à l’entrée duquel le masculin et le féminin ne sont pas clivés, et dont l’issue peut être pour les deux sexes masculine ou féminine, selon la dominance des investissements. Le symptôme a presque toujours une signification bisexuelle. Il réalise presque toujours un double fantasme, un fantasme sexuel féminin et un fantasme sexuel masculin, « de telle sorte que l’un des deux fantasmes prend sa source dans une motion homosexuelle ». 16 Quelquefois cependant c’est le symptôme qui est dédoublé pour exprimer ce double fantasme. Selon RICHARD (42) dans « problématiques de l’hystérie », « le courant homosexuel inconscient et la bisexualité psychique sont particulièrement vigoureux, tant chez l’homme que chez la femme hystériques, ce qui renforce l’incertitude sur l’identité sexuée véritable et nourrit un conflit entre comportements féminins et virils ». C’est donc à partir de cet axiome de la bisexualité que nous pouvons expliciter au mieux cette question si importante pour l’analyse des identifications féminines des hommes et des identifications viriles des femmes si prévalentes dans toutes les formes de névrose. A ce propos, Freud écrivait à Fliess : « Je m’habitue à considérer chaque acte sexuel comme un événement impliquant quatre personnes. » Selon NASIO, « l’hystérie incarne …la souffrance d’être indéterminé quant à son identité sexuelle. L’hystérique souffre de ne pas savoir s’il est un homme ou une femme. Il ne peut pas se dire homme ou femme, parce qu’il est resté au seuil de l’expérience de l’angoisse de castration. » (38) Un symptôme est un phénomène perceptible qui révèle un processus caché. Il peut être conçu comme la réaction de l’organisme à un agent pathogène. Un syndrome est un ensemble de symptômes caractérisant une maladie. Un diagnostic peut être établi avec un ensemble de symptômes. Dans l’hystérie, il y a conversion de l’affect. Le corps se met à parler. C’est de la rupture entre l’affect et la représentation que naît le refoulement. La question fondamentale de l’hystérique est : « Qui suis-je ? Un homme ou une femme ? » Pour LACAN, l’intérêt que semble éprouver l’homme hystérique pour la femme concerne non pas un individu, mais le mystère de sa propre féminité. L’hystérique ne pouvant accéder à la reconnaissance de sa féminité, constamment problématique, n’est pas en mesure d’assumer son propre corps en tant que sexué, ce qui le voue « au morcellement fonctionnel que constitue les symptômes de conversion ». 

Modèle cognitivo-comportemental

Cette approche de la personnalité pense que le cerveau est une boîte noire qui réagit à des stimuli par des réponses afin de favoriser ceux qui sont sources de plaisir et d’éviter ceux qui sont sources de déplaisir. Les manifestations comportementales de l’hystérie seraient dues à un conditionnement dont le patient n’a pas véritablement conscience. Pour ROGNANT, « les désordres hystériques…ont été appris et, le plus souvent, ils apparaissent comme des conduites d’évitement conditionnées face à une anxiété intense » (43). De là découlent leurs approches thérapeutiques de déconditionnement et de désensibilisation. 3. Théories sociogénétiques L’hystérie chez l’homme tient compte de l’ensemble des comportements imposés par la société en général, et la culture en particulier. L’homme a été éduqué à minimiser le plus possible, sauf en de rares situations, son expression corporelle. Aussi, il n’emprunte le mode d’hyperexpressivité qui caractérise l’hystérie féminine habituellement, que pour se faire plus ou moins consciemment exclure de manière socialement honorable d’un milieu auquel il ne parvient pas à s’adapter (milieu militaire ou professionnel). A ce propos, LISFRANC (35) pense que la demande de l’homme hystérique s’adresse « à la société ». Une société peut simultanément susciter, permettre l’expression d’une pathologie donnée, et en réprimer d’autres. (10) L’hystérique ne reproduit pas seulement ce qui appartient à sa problématique personnelle, mais elle reproduit aussi ce qui appartient aux autres, elle reproduit même ce qui n’appartient à personne, ce qui circule comme représentation collective. Chaque époque est marquée du sceau d’une société déterminée, pourvoyeuse de maladies et attribuant l’amplitude d’acceptation d’une norme. 18 L’image que véhicule la société actuelle n’est-elle pas pourvoyeuse de ses nouvelles formes d’hystérie, de nouvelles formes d’expression, de troubles fonctionnels divers et variés, expression d’un corps en souffrance, corps qui réagit devant une contention de l’expression du désir. NGOMA et Coll. pensent que le contexte socioculturel africain met en place un cadre acceptable des manifestations hystériques chez l’homme, comme c’est le cas des transes de certains lutteurs traditionnels au Sénégal et au Zaïre après une défaite. (39). La société africaine avant la décolonisation offrait des cadres exutoires à tous ses membres, et son organisation familiale large permettait de toujours retrouver une figure paternelle ou une figure maternelle, même en l’absence de parents géniteurs. De nos jours, le processus d’acculturation progressive a fait qu’on en arrive de plus en plus à une démission des parents, avec un mode de vie familial nucléaire père + mère + enfants ; et des enfants de plus en plus laissés à eux-mêmes ou aux bonnes que les parents travaillent ou pas. Les enfants grandissent de nos jours dans nos sociétés modernes africaines entre deux cultures, avec des figures maternelles et paternelles trop souvent symboliquement absentes, même quand elles sont physiquement existantes. Avec le développement de la mass média, la société dans son ensemble s’est « hystérisée », et les enfants sont de plus en plus éduqués par les médias ; la vie quotidienne tend à se transposer sur une autre scène, dans le monde du spectacle. L’hystérie aurait-elle donc trouvé une nouvelle scène, celle des plateaux télévisuels ? Où elle se laisse avec complaisance admirer, nous subjuguant tous. 19 V. ETUDE CLINIQUE 1. Symptomatologie générale de l’hystérie La conversion désigne une attente somatique hystérique. Cette atteinte observable cliniquement est sans substrat organique. En pratique, le diagnostic de conversion hystérique est posé devant un symptôme ne présentant pas d’origine organique (absence de cohérence physiologique des signes cliniques, normalité des examens complémentaires). Ce terme de conversion, vient de la psychanalyse. Il suppose un mécanisme du trouble hystérique : un conflit psychique inconscient vient se transposer sur le corps et provoque ainsi un symptôme somatique. Il y a conversion du « psychique » en somatique. La conversion ne doit pas être confondue avec la simulation. Sa durée est très variable (heures, jours, semaines, mois…). Par extension du concept, il est décrit des conversions psychiques 1.1. Les manifestations paroxystiques a) la grande crise excito-motrice de CHARCOT Elle se déroule en cinq phases : – La phase prodromique ou d’aura hystérique qui débute de façon variable soit par l’ascension d’une « boule hystérique » de la région épigastrique à la région cervicale, soit par des douleurs ovariennes, soit des palpitations, soit des troubles visuels. Elle se termine par une perte de connaissance avec chute sans blessure, sans morsure de la langue, sans perte d’urines. – La phase épileptoïde : après un bref arrêt respiratoire, on observe des convulsions désordonnées toniques puis cloniques d’abord sous forme de petites secousses avec grimaces puis de grandes secousses généralisées. Elle se termine dans un calme complet, mais bref avec stertor. 20 – La phase de contorsions clownesques, avec de grands mouvements bizarres, des cris, comparée à « une lutte contre un être imaginaire » par RICHET. – La phase de transes, avec des attitudes passionnelles, des agitations érotiques ou des scènes de violence. – La phase terminale ou résolutive, avec crises de larmes ; on observe un retour à la conscience dans un état de méconnaissance inaffective de la perturbation provoquée (« superbe indifférence » de CHARCOT). Cette grande crise ne se produit que devant des tiers et dure de quelques minutes à plusieurs heures. b) les formes mineures Ce sont des crises tronquées, dégradées, brèves qui sont le plus souvent décrites. Elles vont des banales « crises de nerf » épileptiformes aux évanouissements (13) et aux crises tétaniformes. C’est aussi l’apanage des êtres frustes ou à fortes expressivités ethniques comme les peuples méditerranéens ou certains groupes culturels d’Afrique et d’Amérique (18). On peut distinguer : – Les crises syncopales, avec lipothymie, simulacre de pertes de connaissance de courte durée sans amnésie post-critique, sans perturbation de l’EEG et sans anomalies cliniques à l’examen cardio-vasculaire (on note rarement un ralentissement du pouls et une baisse de la tension artérielle). La crise survient « généralement dans un endroit public au milieu d’une foule et en présence d’au moins une personne particulièrement importante pour l’hystérique », selon DEPOUTOT. 21 DEGOS signale que ces pertes de connaissance surviennent dans un contexte neurotonique, à forte valeur diagnostique, très fréquent avec céphalées, palpitations, « boule pharyngée », douleurs multiples. – L’hystéro-épilepsie – L’hystérie tétaniforme – Les formes extra-pyramidales qui sont des équivalents mineurs de la grande crise : éternuement, bâillement, hoquet, tremblements, accès de rires ou de pleurs incoercibles, secousses musculaires, tics, ou mouvements choréiformes. 1.2. Les manifestations durables a) Les troubles moteurs – Les paralysies : tous les types peuvent êtres observés : monoplégie, hémiplégie, quadriplégie, l’aphonie avec perte de la voix haute et conservation de la voix chuchotée, l’astasie-abasie, paralysie en « manche de veste », en « gigot », en « manchette » décrite par JANET (30). La paralysie hystérique dure quelques semaines à quelques mois. Elle ne respecte pas l’organisation anatomique ; et FREUD disait que « l’hystérie se comporte dans ses paralysies et autres manifestations, comme si l’anatomie n’existait pas ou comme si elle n’en avait nulle connaissance ». DE MOL et Coll. (14) rapportent le cas d’une paraplégie hystérique chez un homme de 37 ans survenue deux jours après un traumatisme cranio-vertébral., symptôme qui a initialement « trompé plus d’un neurologue » vu son contexte de survenue. • Les contractures : de siège variable. Elles peuvent survenir au niveau d’un membre, d’un doigt (crampes des écrivains et des instrumentalistes), des muscles du cou (torticolis), des muscles para vertébraux avec opisthotonos ou faux mal de Pott (9). 22 • Les gestes anormaux : ce sont les tremblements, les dyskinésies, les secousses musculaires, les tableaux choréiformes et les tics, tendant volontiers vers la chronicité mais compatibles avec une vie professionnelle. b) Les troubles sensoriels – La surdité survient après un choc émotionnel (hystérie de guerre) ou après un traumatisme. Il peut s’agir d’une surdité sélective (à une voix familiale par exemple). – Les troubles visuels sont plus marqués et plus durables chez l’homme. Il peut s’agir d’un rétrécissement du champ visuel, d’une photophobie, d’une diplopie monoculaire, d’une amblyopie, de scotomes. La cécité hystérique est la plus remarquable, et pousse souvent à un geste chirurgical de trop. GODARD et Coll. (23) rapportent le cas d’un jeune homme de 22 ans qui, un mois après la naissance de sa fille a présenté une cécité avec paralysie des membres inférieurs. c) Les troubles sensitifs Ce sont essentiellement : – Les anesthésies cutanées ou muqueuses – Les hyperesthésies dont le siège préférentiel est au niveau des zones émotionnellement chargées pour le sujet : sommet du crâne, mains, points impliqués dans un traumatisme. – Les algies : se rencontrent dans 70% des cas, à type de douleurs multiples, et surtout de céphalées hystériques. DEPOUTOT se demande si ces dernières « ne sont pas la forme la plus moderne de la maladie ». La description de ces algies est impossible et il existe autant de formes que de patients, et elles sont à la base de la consommation médicale excessive. 23 d) les troubles neurovégétatifs et autres Ils sont essentiellement : – Des spasmes qui peuvent être génitaux, respiratoires (« toux nerveuse »), vésicaux (rétention d’urines, incontinence), oesophagiens (« boule hystérique », régurgitations, rots bruyants), intestinaux (constipation, aérophagie, météorisme), pyloriques (vomissements), utérins (« grossesse nerveuse »). – Des troubles vasomoteurs et trophiques avec épaississement et refroidissement des téguments, cyanose, oedèmes sous-cutanés, fièvre inexpliquée, ostéoporose diffuse, développement du système pileux. – Des troubles des conduites alimentaires pouvant entraîner des cachexies et des obésités. – Des insomnies fréquentes et rebelles. – Des hémorragies localisées qui sont rares et se voient surtout dans les formes très graves de la maladie. Il faut noter que tous ces symptômes de conversion hystérique ont en commun un certain nombre de caractères : . Ils n’obéissent pas aux lois de l’anatomie, de la physiologie et de la pathologie. . Ils ne sont pas associés à des signes physiques. . Ils peuvent disparaître ou réapparaître sous l’effet de la suggestion.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA
LITTERATURE
I. DEFINITIONS
II. HISTORIQUE
III. ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
IV. THEORIES ETIOPATHOGENIQUES
1. Théories organogénétiques
2. Théories psychogénétiques
3. Théories sociogénétiques
V. ETUDE CLINIQUE
1. Symptomatologie générale de l’hystérie
2. Manifestations spécifiques à l’homme
3. La personnalité hystérique masculine
4. Diagnostic
4.1 Diagnostic positif
4.2 Diagnostic différentiel
5. Evolution
5.1 Facteurs du pronostic
5.2 Evolution
5.3 Complications
VI. ASPECTS THERAPEUTIQUES

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DEUXIEME PARTIE : ETUDE PRATIQUE
I. METHODOLOGIE DE L’ETUDE
1. Cadre de l’étude
2. Période de l’étude
3. Type d’étude
4. Objectifs de l’étude
5. Population d’étude
6. Méthode
7. Contraintes
8. Considérations éthiques
II. OBSERVATIONS CLINIQUES
III. ANALYSE
1. Caractéristiques de l’état civil de nos patients
2. Circonstances déclenchantes
3. Symptomatologie clinique
4. Particularités biographiques de nos patients
5. La famille des hommes hystériques : la question de l’oedipe.
6. La personnalité de nos patients
7. La conduite thérapeutique
8. Evolution de la maladi

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