L’implication des élèves dans l’aménagement de la classe pour rendre les espaces plus attractifs et lisibles

L’implication des élèves dans l’aménagement de la classe pour rendre les espaces plus attractifs et lisibles

L’enfant, véritable acteur spatial Les espaces et les individus qui les fréquentent s’influencent réciproquement 

C’est la société qui est à l’origine de tout espace

 La notion d’espace étant complexe, il en existe diverses définitions. Selon les dictionnaires généralistes, l’espace est « une étendue indéfinie qui contient tous les objets » 3 . En ce sens, l’espace serait donc un simple cadre de vie, une sorte d’arrière-plan où évolueraient les Hommes avec leurs objets. D’après le géographe Armand Frémont, l’espace est plus que cela car il possède une véritable dimension sociale. Ainsi, c’est la société qui produit les espaces, qui les aménage et les organise les uns par rapport aux autres pour répondre à ses besoins mais aussi en fonction de sa propre sensibilité. Le spécialiste écrit notamment : « Les hommes vivant en société construisent leur propre territoire, les espaces géographiques, chacun pour ce qui le concerne mais aussi collectivement. Ils ne se comportent pas comme de simples objets qui n’auraient comme motivations que des besoins économiques de subsistance ou l’adaptation au milieu, ainsi que de nombreux géographes ont pu longtemps le croire. Ils ont leur espace, qu’ils approprient, avec leurs parcours, leurs perceptions, leurs représentations, leurs pulsions et leurs passions, tout ce qui fait de l’homme un sujet dans toute son épaisseur d’homme. » L’être humain est donc le principal intervenant dans le processus de création d’un espace et en se l’appropriant, il construit sa signification. Chaque espace, qu’il soit prétendu naturel ou complétement transformé par l’Homme, possède ce statut parce que la société l’a décidé (Monnet, 1998). Nous sommes alors tous des acteurs spatiaux responsables de l’identité des espaces5 . Réciproquement, une fois conçus par des communautés, les espaces induisent des pratiques et des interactions en perpétuelles mutations. 

Les espaces induisent des pratiques et des interactions

 Pour Foucault (1966), les espaces ne sont pas neutres et selon leur configuration, ils induisent des comportements. Ces derniers sont déterminés à la fois par la valeur symbolique et culturelle de chaque espace mais également par les pratiques et actions qui y sont privilégiées et observables. Ainsi, la connaissance des normes sociales associées à des lieux amène à des comportements bien précis. Il apparait alors que certains espaces incitent à des interactions (salles de classe, cantines…) alors que d’autres invitent les individus pourtant tout aussi proches physiquement à se replier sur eux-mêmes (bibliothèques, transports en commun…). Cela montre que la configuration des lieux n’est pas forcément à l’origine du type d’interaction mais que prime plutôt l’application de codes culturels dans un contexte connu. C’est ainsi que Dimitri Germanos (2009), architecte, psychosociologue et professeur à l’université, s’appuie sur Fisher, Khine, (2006) et Spencer et al (1989) pour affirmer que comme tout espace, la classe est constituée de références et de symboles qui induisent des comportements de la part des élèves.

Et à l’école ? Les caractéristiques spatiales des classes encouragent à une posture d’élève

L’espace d’une classe est défini par un cadre bâti dans un contexte

 Une salle de classe s’insère dans une école, cadre bâti qui lui-même s’inscrit dans un quartier de la ville. D’après l’inspectrice générale de l’Education Nationale Viviane Bouysse (2009), ce contexte participe à la façon dont va être appréhendé l’espace de la classe puisque les enfants vont progressivement passer de chez eux à un espace partagé appartenant à la communauté et soumis à des règles. Cela est important car l’école n’est pas juste une institution, c’est un milieu de vie dans lequel les élèves passent une grande partie de leur temps. Selon Rebecca S. New, les écoles sont une sorte particulière d’espace : « Les écoles ne sont pas seulement des espaces où se construit la connaissance. Les écoles elles-mêmes sont […] aussi des interprétations sociales de ce que les enfants devraient apprendre » 6 . Ma salle de classe se situe au rez-de-jardin d’une école construite dans le 11e arrondissement de Paris dans les années 1970. Bien qu’il se gentrifie, le quartier est encore relativement mixte socialement. Depuis l’entrée, mes 22 élèves accompagnés de leur parent doivent passer par un hall, descendre des escaliers puis arpenter un long couloir qui mène à l’unique salle occupée de cette partie de l’étage. Tout un côté la classe est pourvu de baies vitrées qui offrent un éclairage naturel important et donnent sur une partie de la cour de récréation. Nous pouvons également apercevoir en contre-haut le square de la Roquette dont la vue est quelque peu dissimulée par un grillage et de la végétation (cf. Annexe 1). Ma classe est donc plutôt isolée par rapport aux autres. Le cheminement relativement long que doivent faire les élèves pour accéder à leur salle les prépare progressivement à adopter 6 S. New Rebecca, « Les écoles, espaces intentionnels pour l’enfance », Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°64, 2013 (p.41-52) 9 un comportement répondant aux normes scolaires. L’ouverture de la pièce sur un espace partagé de l’école qu’est la cour et surtout sur la ville lui permet de s’ancrer dans un contexte. 

L’aménagement de la classe impose et/ou propose des pratiques 

Au-delà du cadre bâti dont les contraintes sont peu modifiables, c’est l’aménagement qui particularise chaque classe et qui reflète la pédagogie d’un enseignant. L’objectif de toute configuration est l’épanouissement personnel des enfants mais également leur intégration scolaire et sociale (Kallmeyer ; Tournier, 2014). Dans la plupart des classes de maternelle, l’espace est divisé en « coins ». Cela permet aux élèves de mieux se repérer et de circuler de façon autonome selon leurs besoins (Pollard, 2009). Ma salle de classe est relativement spacieuse et offre donc de nombreuses possibilités d’aménagement. Les « coins » permanents, au nombre de six, sont distincts et cloisonnés visuellement ou physiquement (cf. Annexe 2). 

Le coin regroupement, un lieu dédié aux interactions langagières dirigées par l’enseignant 

Comme son nom l’indique, le coin regroupement doit permettre de regrouper tous les élèves d’une classe et de les fédérer. Ces derniers doivent tous être assis confortablement et se voir mutuellement ainsi que l’enseignant. Le tableau, vers lequel sont tournés les élèves, permet d’afficher des références et des repères. Dans ma classe, l’espace est organisé de façon « conventionnelle », à savoir quatre bancs : deux qui font face au tableau et à la chaise de l’enseignante et un de chaque côté. L’espace, situé dans un des angles de la classe, est cloisonné par deux étagères recouvertes de rideaux translucides ainsi qu’un bureau. Un revêtement en linoléum jaune vient également identifier la zone. Le coin regroupement de ma classe sert essentiellement à mener des activités de rituels, de lectures et de chants. Des séances de langage y sont également organisées. Lorsqu’il n’est pas occupé par un groupe dirigé par l’enseignante, les élèves peuvent investir l’espace librement en jouant à un jeu de construction. Les livres et comptines du moment sont également exposés et consultables devant le tableau. Les pratiques qui sont menées dans le coin regroupement sont donc induites par le mobilier, les affichages et le matériel mis à disposition. 

Les tables en ilots propices au travail en ateliers

 En maternelle, les tables et les chaises sont adaptées à la taille des élèves. En début d’année dans ma classe, une trentaine de tables était disposée au centre de la classe et cela prenait énormément d’espace. Mon binôme et moi avons alors décidé d’en enlever quelques unes de façon à ce qu’il y ait juste une table par élève. Des ilots ont ensuite été constitués en fonction du nombre d’élèves dans les groupes que nous avions constitués : deux groupes de quatre élèves de petite section et deux groupes de sept élèves de moyenne section. Cette organisation permet aux élèves d’un même ilot de travailler sur une activité semblable et d’interagir entre eux. Chaque groupe n’a pas d’ilot prédéfini, c’est l’enseignante qui oriente les élèves vers les tables en fonction de la couleur des nappes qui les recouvrent. Les élèves investissent les tables en atelier dirigé avec l’enseignante, en semi-dirigé avec l’ASEM ou en autonomie. Dans cette dernière configuration, les élèves sont soit soumis à un travail à réaliser seuls, soit libres de choisir parmi des activités entreposées sur des étagères (celles qui cloisonnent le coin regroupement). 

Le coin peinture, un espace d’expérimentation 

Le coin peinture est installé à côté du point d’eau de la classe pour des soucis de praticité. Il est aménagé grâce à un ilot de six tables au centre ainsi que de deux panneaux verticaux qui permettent de fixer des feuilles et qui viennent cloisonner l’espace. L’espace permet aux élèves d’avoir une première approche des arts plastiques en expérimentant différents supports, matériaux, outils et gestes7 . Dans ma classe, cet espace n’est presque jamais utilisé en autonomie par les élèves. Il est soit dirigé par l’enseignante, soit par l’ASEM8 . Les pratiques qui y sont observées sont donc très contrôlées..

Table des matières

Introduction
1. L’enfant, véritable acteur spatial
1.1. Les espaces et les individus les fréquentant s’influencent réciproquement
1.1.1. C’est la société qui est à l’origine de tout espace
1.1.2. Les espaces induisent des pratiques et des interactions
1.2. Et à l’école ? les caractéristiques spatiales des classes encouragent à une posture d’élève
1.2.1. L’espace d’une classe est défini par un cadre bâti dans un contexte
1.2.2. L’aménagement de la classe impose ou propose des pratiques 9
1.2.2.1. Le coin regroupement : un lieu dédié au débat
1.2.2.2. Les tables en ilots propices au travail en groupe
1.2.2.3. Le coin peinture, un espace d’expérimentation
1.2.2.4. Le coin bibliothèque : un espace de repli sur soi
1.2.2.4. Les coins construction et de jeu symbolique, espaces de jeux essentiels au développement de l’enfant
1.3. Les pratiques des élèves participent à l’identité d’un espace
1.3.1. Le rapport particulier de l’enfant à l’espace
1.3.2. L’espace de jeu symbolique est l’espace de la classe le plus modifié par les pratiques des élèves
1.3.2.1. Un espace de jeu « trop » libre ?
1.3.2.2. Pourquoi ce manque d’intérêt ?
2. Du « coin cuisine » au « coin docteur », les élèves comme acteurs spatiaux explicites
2.1. Une transformation amenée par le contexte de la classe
2.1.1. Une situation problème motivante et qui faitsens pourles élèves
2.1.1.1. Pourquoi un coin docteur ?
2.1.1.2. Un projet initié par les élèves eux-mêmes
2.1.2. Quelles représentations initiales sur le cabinet médical
2.1.2.1. Le cabinet médical, de l’espace vécu à l’espace conçu
2.1.2.2. Premières représentations à l’oral
2.1.2.3. Premières représentations à l’écrit
2.2. Les élèves agissent concrètement sur l’espace et prennent conscience d’être des acteurs spatiaux
2.2.1. Quels objets enlever ? Lesquels garder et dans quel but ?
2.2.2. Les affichages et la réorganisation de l’espace
2.2.2.1. Des affichages pour organiser l’espace et recréer un univers
2.2.2.2. La réorganisation du mobilier
2.2.3. Le jouet, un objet médiateur
2.3. Faire vivre le coin docteur
2.3.1. Comment réguler l’espace pour éviter les conflits ?
2.3.1.1. Le nombre d’élèves dans l’espace de jeu
2.3.1.2. Le matériel mis à disposition
2.3.2. Les rôles symboliques des élèves dans cet espace
2.3.2.1. Un manque d’interaction entre les élèves
2.3.2.2. La contitution de scénarios-type
2.3.2.3. La distribution de rôles
2.3.2. Observation après quelques semaines de jeu
2.3.2.1. Deux semaines après le réaménagement
2.3.2.2. Sept semaines après le réaménagement
Conclusion
Bibliographie
Annexe

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