L’UNIFORMISATION ET LA PACIFICATION DE LA PROCEDURE CONTENTIEUSE

L’UNIFORMISATION ET LA PACIFICATION DE LA PROCEDURE CONTENTIEUSE

Avant la réforme de 1975, pratiquement toutes les règles procédurales relatives au divorce figuraient dans le code civil. Cette imbrication des règles procédurales dans le code civil en matière de divorce demeurera intangible. Cela s’explique par le lien intime qui unit les règles de fond et de procédure du divorce. Ceci prouve indiscutablement l’influence de la procédure dans le prononcé du divorce. Ce qui ne veut pas dire que le fait d’alléger la procédure du divorce augmente le désir de divorcer, mais plutôt, répond d’une manière plus large aux demandes de divorce. Contrairement aux politiques familiales antérieures qui limitaient l’accès au divorce par le biais d’une procédure lourde ; la loi de 2004 part du postulat que dès lors qu’il y a une demande de divorce, l’échec conjugal est automatiquement constaté et le rôle de la procédure est de répondre à cette demande. Elle y répond par une procédure simplifiée en unifiant les trois cas de divorce. Désormais les divorces contentieux sont soumis à un ensemble de règles communes « le tronc commun procédural ». Ce tronc commun comprend la requête initiale jusqu’à l’assignation en passant par la tentative de conciliation et finit par le prononcé du divorce. Désormais la procédure contentieuse ne joue plus un rôle de dissuasion. La procédure contentieuse est marquée par deux étapes jouant un rôle précis, pacifier la procédure. Elle est rythmée par la neutralité de la procédure contentieuse jusqu’à l’assignation (§1) et par l’uniformité et les spécificités de l’instance contentieuse proprement dite (§2).

Neutralité de la procédure contentieuse jusqu’à l’assignation

La procédure contentieuse s’ouvre par une requête silencieuse sur les motifs de divorce (A.). Elle se poursuit pas l’audience de conciliation qui est tournée vers le divorce (B.) et cette même audience s’achève par les mesures provisoires qui sont largement destinées à amorcer le règlement du divorce (C.)

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Le silence de la requête sur les motifs du divorce

Dans tous les cas de divorce contentieux, l’initiative est prise par un seul des époux, même dans le cadre du divorce accepté. L’action en divorce revêt la forme d’une requête initiale, seuls les époux ont qualité pour agir avec représentation d’avocats. La requête ne doit indiquer « ni le fondement juridique de la demande en divorce, ni les faits à l’origine de celle-ci »104. La cause du divorce doit demeurer impérativement inconnue. Lorsque est évoqué l’exposé « sommaire » des motifs des mesures provisoires, celui-ci ne doit pas dissimuler les griefs de la demande en divorce et violer l’exigence de taire les raisons du divorce. Les motifs doivent légitimer la demande d’une mesure provisoire, ils doivent justifier la nécessité de la mesure sans impliquer de manière fautive le conjoint. La requête initiale est désormais neutre. Auparavant la requête initiale précisait le fondement juridique. Il n’était pas possible de substituer une autre cause de divorce que celle désignée dans la demande initiale selon l’ancien article 1077 du N.C.P.C. Le silence de la requête initiale sur les raisons du divorce est l’une des règles essentielles soucieuse de pacifier la procédure contentieuse. En effet, cela permet d’une part, d’entamer la procédure par une période neutre afin d’éviter d’envenimer le conflit et d’autre part, de conduire à des choix procéduraux moins conflictuels et ainsi de mener plus sûrement au divorce. Le choix procédural se fait désormais après ou pendant la tentative de conciliation passage obligatoire dans la procédure contentieuse. Les époux gardent le silence soit jusqu’à la requête introductive d’instance soit jusqu’à la tentative de conciliation et seulement, si à cette occasion ils acceptent le principe de rupture du mariage. Pour les différents divorces contentieux, cette exigence se matérialise par la suppression des mémoires qui devaient obligatoirement accompagner la requête dans le divorce sur demande acceptée (les articles 1129 et 1130 anciens du N.C.P.C) et la suppression du double aveu. Elle se concrétise également par la suppression de l’indication des moyens par lesquels le défendeur exécutera le devoir de secours dans le divorce pour altération définitive du lien conjugal ou encore l’invocation des violations des devoirs et obligations du mariage dans le divorce pour faute. Le fait de taire les 104 Article 1106 du C.P.C. 57 mobiles du divorce démontre la volonté du législateur de faire abstraction du conflit. Ce qui paraît paradoxal lorsque l’on entame une procédure contentieuse, c’est-à-dire « une procédure suivie par une juridiction lorsqu’elle doit répondre par un acte juridictionnel à la question posée »105. On débute la procédure de divorce contentieux comme s’il n’y avait pas de différend. L’aspect conflictuel est totalement nié. Il y a une impression de répulsion de la part de la procédure de tout ce qui a trait à la subjectivité.

La conciliation tournée vers le divorce

La tentative de conciliation est davantage tournée vers le divorce et cela s’explique par la modification de son objet (1.) et par le principe de confidentialité (2.) 1°) L’objet de la conciliation La tentative de conciliation est obligatoire pour chaque type de divorce (contentieux) avant toute instance judiciaire. Le traitement d’un litige par le juge ne se limitant pas à trancher conformément aux règles de droit applicables, il a également pour mission de favoriser la conciliation entre les parties. L’article 21 du C.P.C. pose clairement cette mission « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties ». La tentative de conciliation est érigée dans la procédure de divorce contentieuse comme un préalable obligatoire. La loi du divorce dans la résolution du conflit cède une part aux volontés mais sous la houlette du juge. L’extension de la conciliation dans différents domaines du droit jusque là totalement réfractaires aux modes amiables de résolution des conflits révèle que « le jugement ne peut plus être seulement un acte d’autorité imposé par loi ; il devient une décision qui ajuste au mieux les intérêts divergents ; il s’agit de favoriser son acceptation par les justiciables qui s’opposent et, au-delà, par le 59 corps social tout entier. »107 La tentative de conciliation n’est pas une nouveauté de la loi de 2004, ce qui est nouveau c’est son objet. En effet, la finalité de l’audience de conciliation a été totalement bouleversée108. Il ne s’agit plus comme autrefois pour le juge d’essayer de dissuader les époux de divorcer mais de concilier les époux tant sur le principe que sur les conséquences du divorce (article 252 alinéa 2 du Code civil). Longtemps la tentative de conciliation a eu pour objet la réconciliation des époux. Il s’agissait pour le juge de les faire renoncer au divorce. Le juge aux affaires familiales était investi d’une mission de défense du lien. Désormais, l’audience de conciliation a pris sa véritable forme. La tentative de conciliation est neutre ; elle a perdu son aspect moralisateur. La loi de 2004 a mis fin à l’excès d’interventionnisme du juge lors de l’audience de conciliation pour le maintien du mariage. Le juge n’intervient plus de manière intrusive dans la relation de couple en les incitant à renoncer au divorce. Il ne doit défendre aucune position mais rechercher une solution acceptable pour les deux conjoints.

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