Panorama des mariages mixtes en France entre 1968 et 1999

Panorama des mariages mixtes en France entre 1968 et 1999

Face à la rareté des études empiriques sur l’inter-mariage en France, ce chapitre propose une analyse des comportements maritaux des immigrés sur une longue période de temps. Ils tentent d’apporter des réponses aux questions suivantes : dans quelles mesures existe-t-il des groupes d’immigrés endogames ou exogames? Quelle différence peut-on trouver entre les comportements matrimoniaux des immigrés et des natifs, ou encore des immigrés entre eux? Comment l’exogamie a-t-elle évolué? Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer son évolution? Comment s’articulent différents facteurs qui peuvent influencer le choix du conjoint? Pour ce faire, ce travail s’appuie sur les bulletins de mariage des individus EDP sur la période allant de 1968 à 2000 1 . En plus de ces études relativement classiques pour décrire les mariages des immigrés et leur évolution, ce chapitre se termine par une analyse précise du lien de causalité entre le choix du mariage des immigrés et leur situation sur le marché du travail. 1. Dans la version de l’EDP utilisée dans cette thèse, les informations sur le mariage des individus sont disponibles jusqu’à l’année 2000. Le travail porte, dans un premier temps, sur la totalité de ces mariages. Panorama des mariages mixtes en France entre 1968 et 1999 328

La mixité des mariages en France

Les mariages mixtes entre 1968 et 2000 : quel poids au sein de la nuptialité en France? a Comment définit-on l’inter-mariage à travers les données de l’EDP Pour traiter la question du comportement marital des immigrés, c’est l’information contenue dans les bulletins de mariage des individus EDP contractés sur la période 1968 et 2000 qui est utilisée 2 . Il est d’abord important de souligner que ces données sont particulièrement adaptées à l’analyse du choix du conjoint. En effet, les études sur le mariage utilisent dans la majorité des cas des données « en stock » issues de la réponse des individus à des questions sur les caractéristiques des conjoints au moment de l’enquête. Or, les données « en flux », collectées à la date du mariage, sont préférables. Ces dernières sont les plus aptes à rendre compte des caractéristiques du conjoint au moment de la décision du mariage – d’autant plus que quelques caractéristiques peuvent changer après le mariage (changement de nationalité, de religion, de catégorie socioprofessionnelle. . . ). Néanmoins, les données présentent aussi des limites. La limite la plus importante est directement liée à la catégorisation statistique des immigrés dans le recensement, et notamment l’impossibilité d’intégrer la deuxième génération dans l’analyse. De plus, les bulletins de mariage collectés dans l’EDP ne renseignent que la nationalité et le pays de naissance du conjoint, et là aussi, il faudra donc se contenter de la première génération d’immigration. Néanmoins, la jonction des données longitudinales de l’EDP et des bulletins de mariage permet de répondre de manière relativement satisfaisante aux questions que cette partie cherche à traiter. Enfin, seules les unions maritales – et non pas sur la mise en couple – peuvent faire l’objet de cette étude. Or, tous les travaux récents sur le choix du conjoint soulignent l’importance de considérer la population globale des couples (concubins ou mariés) notamment à cause de la baisse du poids de l’institution du mariage dans la société. Néanmoins, les travaux sur 2. À côté des recensements, l’EDP comprend aussi tous les bulletins d’état civil des individus constituant le panel (que l’on appelle individus EDP) : il s’agit de bulletins de mariage mais aussi de naissance des enfants et de décès.  l’immigration montrent qu’il s’agit toujours de la forme majoritaire d’union chez les populations immigrées (Borrel et Tavan, 2004). L’exploitation des données de l’EDP permet de détecter plusieurs niveaux de mixité dans le mariage. Le premier niveau est celui du mariage bi-national : dans les bulletins de mariage, figure une information sur la nationalité des deux conjoints et on peut ainsi considérer comme mariage mixte un mariage contracté entre deux personnes de nationalités différentes. Ainsi, dans cette définition, un mariage mixte peut être contracté entre un conjoint français et un autre de nationalité étrangère ou alors entre deux conjoints étrangers de nationalités différentes. On qualifiera le premier d’exogame franco-étranger et le second d’exogame-étrangers. Pour déceler d’autres formes d’endogamie, il faut utiliser l’information sur le pays de naissance des individus et si possible leur nationalité à la naissance. Bien que des informations assez précises sur la nationalité de l’individu EDP soient disponibles, les informations concernant son conjoint sont limitées à sa nationalité au moment du mariage et son pays de naissance. Les mariages seront ainsi examinés selon la nationalité et le pays de naissance de l’individu EDP qui constituera la référence, et l’analyse tentera d’aller le plus finement possible dans le repérage du type d’union qu’il contracte. En exploitant la dimension longitudinale des données, il est possible de classer les individus EDP contractant un mariage sur la période 1968-2000 en trois catégories : les Français de naissance, les immigrés devenus français avant le mariage et les immigrés étrangers avant le mariage 3 . Quant au conjoint, on peut combiner les informations sur sa nationalité et son pays de naissance et distinguer entre les Français nés en France et les Français nés à l’étranger 4 . Cette distinction permettra de déceler des niveaux 3. Pour savoir si l’individu EDP est immigré naturalisé avant le mariage, c’est l’information conjointe du recensement et du bulletin de mariage qui est utilisée. En effet, si l’information des recensements avant le mariage indique que l’individu est immigré naturalisé ou alors qu’il est étranger au recensement précédent le mariage et de nationalité française dans le bulletin de mariage, il est possible d’en conclure qu’il a été naturalisé avant le mariage. 4. Soulignons ici que l’expression « Français de naissance » n’est pas équivalente à celle de « Français 330 2.1. La mixité des mariages en France graduels d’exogamie qui dépassent le simple critère de nationalité (par exemple le mariage d’un étranger avec un Français né dans le même pays). Néanmoins, cette étude est incapable de détecter les mariages entre étrangers et Français issus de l’immigration puisque elle ne dispose pas d’information sur le pays de naissance des parents des conjoints. La figure IV.2.1 représente les différentes unions possibles pour les trois catégories d’individus EDP. On voit ainsi qu’un mariage exogame au sens de la nationalité peut être considéré comme endogame culturellement lorsque l’on affine l’analyse en prenant en compte les pays de naissance des individus (mariage entre un immigré étranger avant le mariage et un Français né dans le même pays). À l’opposé, un mariage endogame au sens de la nationalité (mariage entre un immigré devenu français avant le mariage et un Français né en France) peut être considéré comme exogame. Fig. IV.2.1: Classification des mariages Individu EDP Français De naissance Français né en France Français né à l’étranger Etranger Nationalité et pays de naissance du conjoint Français né en France Français né dans un pays différent Français né dans le même pays Etranger d’un pays différent Etranger du même pays Immigré Etranger avant le mariage Français avant le mariage Une flèche à l’extrémité arrondie unit deux personnes de nationalités différentes alors qu’une flèche dont la pointe est en losange unit deux personnes de même nationalité. né en France ». En effet, la première, issue de la catégorisation des recensements, désigne ceux qui sont nés français en France. Les Français nés en France peuvent être nés étrangers et acquérir la nationalité. Ainsi, le niveau de précision de l’information sur la nationalité de l’individu EDP est supérieur à celui de son conjoint. On peut savoir si l’individu EDP est immigré ou Français de naissance ; pour son conjoint on peut uniquement connaître sa nationalité au moment du mariage (cette dernière peut avoir changé) et son pays de naissance. CHAPITRE 2. PANORAMA DES MARIAGES MIXTES 331 On compte sur la période 1968-2000, 166 460 bulletins de mariage 5 . Dans un premier temps, on décompose ces mariages en trois catégories selon la concordance des nationalités des deux conjoints 6 : – Les mariages endogames : il s’agit de mariages entre deux personnes de même nationalité. – Les mariages exogames franco-étrangers : il s’agit de mariages entre une personne de nationalité française et une personne de nationalité étrangère. – Les mariages exogames étrangers : il s’agit de mariages entre deux personnes étrangères de nationalités différentes 7 . b L’inter-mariage en France Sur la totalité de la période, la répartition des mariages observés est présentée dans le tableau ci-dessous (tableau IV.2.1). Tab. IV.2.1: Répartition des mariages contractés entre 1968 et 2000 par les individus EDP selon le sexe (critère de nationalité) Type de mariage Hommes Femmes Total Endogame 93.92 93.68 93.80 Exogame-étranger 0.33 0.33 0.33 Exogame franco-étranger 5.75 5.99 5.87 Total 100 100 100 Source EDP, INSEE, N=166 460 On voit ainsi que 93.8% des mariages contractés en France sur la période sont endogames et que le taux d’exogamie maritale, au sens de la nationalité, est aux alentours 5. Il s’agit ici des bulletins de mariage où l’on dispose de minimum d’informations permettant d’analyser le type d’union : l’année du mariage et les nationalités des conjoints, soit 99.2% des bulletins de mariage sur la période. 6. Je m’inspire ici d’une terminologie déjà utilisée dans les travaux de Neyrand et M’Sili (1997, p.585). 7. Sur l’importance de la distinction entre les mariages unissant un membre de la majorité à un membre d’une minorité et les mariages unissant deux membres de minorités différents on peut se référer à l’article de D. Gurak and J. Fitzpatrick (1982) . 

La mixité des mariages en France de 6%

La grande majorité de ces mariages exogames est contractée entre un conjoint français et un autre de nationalité étrangère. Comme le montre la figure IV.2.2, la part des mariages mixtes n’a cessé d’augmenter Fig. IV.2.2: Evolution des mariages mixtes entre 1968 et 2000 (en pourcentage des mariages selon le critère de nationalité) 0 2 4 6 8 10 12 68-75 75-82 82-90 90-99 sur la période. Ceci est notamment dû à la forte augmentation du taux des mariages exogames franco-étrangers 8 . En effet, le tableau IV.2.2 montre que ce dernier passe de 3.9% des mariages contractés entre 1968 et 1975 à 9.1% de ceux contractés entre 1990 et 2000.

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