Positionnement général, littérature étudiée et dispositif de recherche- intervention

Positionnement général, littérature étudiée et dispositif de recherche- intervention

Le choix de la comptabilité pour articuler gestion collective des écosystèmes et interventions d’une organisation

Penser et renouveler les formes d’action collective en mobilisant les sciences de gestion Notre recherche se situe au croisement des questionnements sur la gestion collective de problèmes écologiques, des contributions spécifiques que les entreprises du secteur de l’environnement peuvent apporter à ces dynamiques d’action collective, et des formes de comptabilités environnementales qui peuvent accompagner leurs nouvelles interventions. Ce travail trouve ainsi sa place au sein des sciences de gestion, dans la définition qu’en donne Hatchuel comme sciences des collectifs en train de se former, et dont l’horizon est « l’élaboration de théories axiomatiques et généalogiques de l’action collective » et le renouvellement conjoint des savoirs et des relations qui les sous-tendent (Hatchuel, 2008, p. 7). Dans une telle perspective, les sciences de gestion fournissent un cadre ouvert, qui ne cherche pas a priori à réduire systématiquement l’action collective à un seul principe ou à un sujet totalisateur (le profit, un chef, l’expert, etc.) (Hatchuel, 2008 ; Hatchuel, 1998), mais bien au contraire à traiter dans toutes leurs spécificités de nouveaux problèmes d’action collective qui se posent aux chercheurs et aux praticiens au sein comme en dehors du monde de l’entreprise. Or les problèmes d’action collective qui nous préoccupent en premier lieu dans cette recherche s’expriment concrètement : d’une part auprès de nombreux acteurs des territoires qui constatent année après année un déficit de gestion efficace de la qualité des écosystèmes, et ce malgré la multiplication des outils d’information et des dispositifs réglementaires à leur disposition ; d’autre part au sein de certaines entreprises du secteur de l’environnement où managers, techniciens, commerciaux cherchent les voies concrètes de développement d’activités Positionnement général, littérature étudiée et dispositif de recherche- intervention Chapitre 1 28 commerciales nouvelles qui contribuent à la gestion et à l’amélioration de la qualité écologique des territoires. Dès lors, il s’agit de penser comment et par quels nouveaux équipements conceptuels et pratiques nous pouvons contribuer dans le même temps à : (1) renforcer les dynamiques actuelles de prise en charge collective de la conservation de la biodiversité, voire en imaginer et en impulser de nouvelles dans lesquelles une entreprise du secteur de l’environnement pourrait jouer un rôle clé et apporter des contributions décisives ; (2) accompagner l’entreprise, conçue comme une entité collective originale et un construit social dont la mission est avant tout d’« engendrer, par la conception et la mise en œuvre d’activités coordonnées, de nouvelles capacités d’action pour le collectif et son futur » (Segrestin, B et Hatchuel, A, 2012, p. 37) dans les projets de renouvellement de ses modèles d’action et des formes spécifiques de rationalisation du monde qui les soutiennent (les « mythes rationnels4 ») (Gendron, 2014 ; Hatchuel, 1998 ; Hatchuel, 2014) ; (3) concevoir des comptabilités à même de représenter, de formaliser et de donner des prises à ces nouvelles formes d’action collective qui engagent dans des géométries différentes l’entreprise auprès d’autres acteurs sur les territoires. Si les sciences de gestion se déploient dans un cadre ouvert, au carrefour entre des savoirs provenant d’une diversité d’horizons disciplinaires (économie, sociologie, sciences politiques, mathématiques, technique et depuis plus récemment l’écologie), elles n’en restent pas moins guidées par le projet central de la production de connaissances opératoires, « actionnables5 » (Avenier et Schmitt, 2007, p. 19) permettant la conception de formes originales d’action collective.

Une littérature au croisement de la gestion de l’environnement et des recherches en comptabilité

Notre travail de lecture s’est construit essentiellement sur la base de croisements déjà existants ou que nous avons proposés entre plusieurs corpus de littérature relevant d’une part de la comptabilité et d’autre part du champ de la gestion de l’environnement. Le lecteur pourra retrouver tout au long du manuscrit des références issues de ces différents corpus, dont les frontières sont souvent déjà poreuses. La littérature relevant de la comptabilité a été explorée en suivant trois directions principales. Premièrement, nous avons étudié la littérature en comptabilité qui propose déjà des croisements entre comptabilités et enjeux écologiques au niveau de la gestion des organisations et qui compose le domaine des comptabilités socio-environnementales (voir chapitre 2). Cette Chapitre 1 30 littérature se trouve dans des journaux spécialisés sur les comptabilités socio-environnementales tels que Issues in Social and Environmental Accounting et Social and Environmental Accounting Journal, ou dans des journaux de recherches interdisciplinaire et critique sur la comptabilité tels que Accounting Forum, Accounting Organizations and Society, Critical Perspectives on Accounting ou encore Accounting, Auditing and Accountabilty Journal. Au sein de cette littérature, nous avons ciblé tout particulièrement les textes, de plus en plus nombreux au cours de ces trois dernières années, qui traitent des questions relatives aux écosystèmes et à la biodiversité et proposent des outils ou des innovations comptables pour y répondre (voir Jones, 2014b). Deuxièmement, nous avons exploré les travaux proposant des pistes pour intégrer le capital naturel dans les comptabilités territoriales (voir chapitre 3). Cette littérature se trouve essentiellement dans des journaux du champ de l’environnement et de l’économie écologique (Ecological Economics, Ecosystem Services, Ecological Indicators, etc.) ou sont le fruit de rapports institutionnels. Enfin, nous avons souhaité saisir du mieux possible ce qui fait la particularité de la pensée et du phénomène comptable, au-delà des seuls enjeux spécifiques aux comptabilités socioenvironnementales. Ainsi, la part la plus importante de nos lectures en comptabilité est issue de recherches adoptant des perspectives critiques et interdisciplinaires en comptabilité pour en étudier les dimensions historique, sociale, institutionnelle et politique (Baxter et Fong Chua, 2003 ; Naro, 2010). Ces approches que l’on retrouve pour une grande part dans des journaux cités ci-dessus nous ont paru être une ressource particulièrement riche pour ouvrir la « boîte noire » de la comptabilité, tâche essentielle lorsque l’on cherche, comme nous le faisons, à déployer des raisonnements, des concepts et des vocabulaires comptables sur des enjeux qui ne sont traditionnellement pas ceux de la comptabilité. Notre démarche a été guidée par la volonté de croiser les questions comptables non pas uniquement avec des enjeux de gestion de transformation d’une organisation donnée, mais également et surtout avec des problématiques plus larges de gestion collective et multi-acteurs des écosystèmes pouvant bénéficier des interventions d’une entreprise. Cela nous a conduit à étudier quatre corpus de littérature. Premièrement, notre travail s’inscrit en grande partie dans une perspective de recherche critique et pragmatique en gestion de l’environnement, l’Analyse Stratégique de la Gestion Environnementale (ASGE), « qui entend tirer les conséquences organisationnelles et stratégiques de la problématique environnementale […] » (Mermet, 2010, p. 265). A partir d’un positionnement normatif clarifié et assumé dans le but d’atteindre une efficacité réelle dans le traitement des problèmes d’environnement, l’ASGE propose des cadres et des méthodes d’analyse pour penser les types d’actions de changement, les stratégies, les modes de négociation et les modes d’organisation de l’action collective à même d’y contribuer. Les travaux existant en ASGE conduisent dans plusieurs directions : analyse approfondie des causes d’un problème environnemental donné et des conditions éventuelles de sa résolution, recherches en appui aux acteurs œuvrant pour la conservation de l’environnement, recherches sur la stratégie des entreprises et des organisations publiques en matière d’environnement, analyse critique des doctrines de gestion qui prévalent dans le champ de l’environnement et du développement durable, etc. (Mermet, 2010, p. 266). Une partie importante de ces travaux construits sur la base d’un effort collectif de recherche ont ainsi fait l’objet de nos lectures et sont venus à l’appui des analyses conduites dans ce travail (voir Billé, 2004 ; Billé, 2006 ; Gaudefroy de MombynesLeménager, 2007 ; Guillet, 2011 ; Mermet, 2011 ; Mermet, 2010 ; Mermet et al., 2005 ; Mermet et Leménager, 2015 ; Narcy, 2000).

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