Pourquoi poser un diagnostic chez l’adulte sans déficience intellectuelle ?

Pourquoi poser un diagnostic chez l’adulte sans déficience intellectuelle ?

Les adultes autistes non déficients sur le plan intellectuel peuvent avoir une vie sociale et professionnelle, ou dans certains cas, ne parvenant pas à s’autonomiser sur un plan social et/ou professionnel, rester vivre au domicile familial.
Quelle que soit la situation, il existe pour ces individus une incompréhension du monde relationnel et des codes sociaux à l’origine d’une véritable souffrance psychique. Des problématiques de dépression et d’anxiété sont bien souvent associées avec, comme nous allons le voir, un risque suicidaire plus élevé dans cette population que dans la population générale (confère « III-7- Diagnostics différentiels et comorbidités »).
Ceci souligne l’importance de réaliser un diagnostic, même tardif, afin de pouvoir orienter ces individus vers des prises en charges adaptées, mais également de leur permettre de poser un nom sur l’origine des difficultés qu’ils rencontrent.
En effet, le simple fait de poser un diagnostic présenterait des vertus thérapeutiques et déculpabilisantes en permettant aux patients de mieux se connaitre et de mieux se comprendre, de mieux comprendre les échecs du passé et ainsi augmenter leur confiance en eux .
Il offre également la possibilité d’une reconnaissance par l’entourage qui peut ainsi mieux s’adapter à leurs difficultés relationnelles .
Il peut ainsi en résulter une véritable amélioration de leur qualité de vie. C’est pourquoi un diagnostic, même tardif et même lorsqu’il existe une vie sociale affective et professionnelle, présente un intérêt à être posé.

Spécificités du diagnostic chez l’adulte 

Le bilan diagnostic d’autisme sans déficience intellectuelle à l’âge adulte nécessite une évaluation clinique approfondie car les symptômes sont généralement plus subtils que ceux présents chez l’enfant, compensés par des capacités intellectuelles ou des facultés d’adaptation élaborées ou masqués par des symptômes psychiatriques.
Aussi, l’évaluation nécessite d’interroger l’entourage qui pourra apporter des éléments complémentaires concernant l’histoire du patient, mais aussi des données dont le patient n’a pas forcément conscience. D’une manière générale, l’examen de diagnostic chez l’adulte pose aux cliniciens plusieurs problèmes : Les souvenirs de l’enfance peuvent être altérés pour le patient comme pour sa famille. L’adulte peut donner des réponses qui semblent témoigner de son empathie et de son aptitude au raisonnement social résultant en réalité d’une analyse et d’une adaptation intellectuelle et non pas de son intuition.
Les problèmes de compréhension peuvent être réduits à un niveau subclinique grâce au soutien d’un partenaire apprenant au sujet les divers codes sociaux et spécificités du langage verbal et non verbal. (96d)
C’est pourquoi l’évaluation diagnostique chez l’adulte nécessite, pour le clinicien, un certain niveau d’expérience afin de contourner de possibles erreurs interprétatives des signes observés, liées à des meilleures aptitudes cognitives d’adaptation et de compensation chez l’adulte.

Avantages et inconvénients du diagnostic chez l’adulte 

La réalisation d’un diagnostic d’autisme chez l’adulte sans déficience intellectuelle présente de nombreux avantages pour le sujet qui en bénéficie ainsi que ses proches.
Pour le sujet qui en bénéficie, la réalisation d’un diagnostic apporte une meilleure compréhension d’un soi qui, le plus souvent, éprouve depuis de nombreuses années un sentiment de marginalité sur le plan social. Il peut exister un véritable sentiment de soulagement au fait de ne pas se sentir «fou», stupide ou déficient et de pouvoir enfin être orienté vers une prise en charge adaptée. De plus, grâce à l’existence de groupes de soutien, le sujet peut rencontrer des individus partageant les mêmes troubles et les mêmes difficultés. En plus d’un sentiment d’identification, ces groupes offrent un soutien permettant de rompre avec l’isolement et un vécu de culpabilité concernant les troubles .
Accepter sa différence permettra également au sujet de réduire les effets de certaines stratégies de compensation, c’est également une étape cruciale dans le développement de relations adultes réussies avec un partenaire (96e).
Pour l’entourage du sujet, la connaissance du diagnostic leur offrira une meilleure compréhension de son comportement, notamment en situation sociale. Les proches pourront ainsi se renseigner, apprendre à s’adapter et avoir d’autres attentes en considération des difficultés réelles qui s’associent à un diagnostic de syndrome d’Asperger ou d’autisme de haut niveau .
Si les avantages semblent pleinement justifier la réalisation d’un diagnostic chez l’adulte, il est important de prendre également en considération les difficultés qu’il peut occasionner.
En effet, l’annonce diagnostique ne s’accompagne pas toujours d’une réaction positive et peut même faire l’objet d’un rejet de la part du sujet refusant d’affirmer sa différence. Elle peut également s’accompagner d’un sentiment de colère du fait que le diagnostic n’ait pas été posé avant, le sujet peut songer que sa vie aurait été plus facile si le diagnostic avait été posé des décennies auparavant. De plus, porter un diagnostic de syndrome d’Asperger ou d’autisme de haut niveau peut être une véritable épreuve lorsqu’il occasionne des moqueries de la part de l’entourage ou lorsque, sur un plan professionnel, l’accès à certains postes est restreint par des employeurs jugeant que le sujet ne sera pas capable (96f).
Enfin, il peut être difficile et douloureux, pour le sujet qui reçoit le diagnostic, d’accepter l’idée que l’on ne guérit pas de l’autisme .

Le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau, une seule et même entité ?

C’est en 1980 que l’expression « trouble envahissant du développement » a été introduite pour la première fois dans le DSM-3 et, à partir des années 1990, l’élargissement des critères diagnostiques de l’autisme a favorisé le développement des recherches (génétique, imagerie, sciences cognitives, neurosciences…) et d’un vaste marché de l’autisme ; Suite aux travaux de Léo Kanner, l’expression «autisme de haut niveau» était utilisée pour décrire les individus qui présentaient, lors des tests cognitifs réalisés au cours de la petite enfance, des signes cliniques classiques d’autisme mais qui, au cours de leur croissance, ont fait preuve de plus grandes aptitudes intellectuelles avec de meilleures aptitudes sociales et d’adaptation que la moyenne des enfants autistes.
En revanche, ce n’est qu’en 1981 que la dénomination « Syndrome d’Asperger » a été utilisée pour la première fois par Lorna Wing, s’inscrivant ainsi comme un nouveau terme diagnostique au sein de la très large catégorie des troubles du développement (96g).
Comme nous l’avons vu, depuis 2013 et le DSM-5, le syndrome d’Asperger et l’Autisme de haut niveau sont regroupés sous la dénomination des TSA.
Le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau partagent une certaine ressemblance sur le plan clinique, de nombreux travaux visant notamment à l’inclusion du syndrome d’Asperger dans une catégorie nosologique autonome au sein du DSM et de la CIM-10, ont ainsi été initiés afin de définir s’il existe des critères distinctifs entre le syndrome d’Asperger de l’autisme de haut niveau, et de déterminer si finalement, le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau ne seraient pas un unique et même trouble.
Malgré un important travail préparatoire, les travaux ultérieurs n’ont pas, jusqu’à présent, permis de retenir de critères distinctifs suffisants entre le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau. De nombreux articles dans la littérature comparent ces deux entités symptôme par symptôme à la recherche d’une différence significative autre que celle classiquement admise, à savoir l’existence d’un retard de langage dans le cadre de l’autisme de haut niveau qui serait absent dans le syndrome d’Asperger .
En s’intéressant au langage, des études ont montré qu’il existe un meilleur niveau de langage chez les individus Asperger comparativement aux individus diagnostiqués autistes de haut niveau. Cette différence aurait cependant tendance à s’atténuer avec l’âge .
Or cette différence est probablement induite par la définition même du syndrome d’Asperger le plus souvent utilisée et qui exclut la présence d’un retard du langage avant l’âge de trois ans.
Concernant le fonctionnement intellectuel, le quotient intellectuel (QI) global serait supérieur chez les individus Asperger en comparaison aux individus autistes de haut niveau, avec un QI verbal supérieur et un QI de performance comparable pour les deux entités. Dans le contexte de l’autisme de haut niveau, le QI de performance serait, à l’inverse, supérieur au QI verbal.
Ici encore, comme le souligne la psychiatre Adélaïde Tonus, la différence de QI global entre les deux entités semble expliquée par l’existence d’un meilleur QI verbal dans le syndrome d’Asperger, lui-même probablement dû à la définition même du syndrome d’Asperger car l’absence de retard de langage peut supposer une meilleure efficience intellectuelle sur le plan verbal.

Table des matières

I. Introduction 
II. Etat des lieux 
1- Le retard français
2- Pourquoi poser un diagnostic chez l’adulte sans déficience intellectuelle ?
III. Le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau 
1- Historique
2- Epidémiologie
3- Aspects cliniques
A. Classifications
B. Description clinique
1- Les rapports sociaux
a- Une pauvreté des rapports sociaux
b- Comprendre et exprimer les émotions
2- Le langage
3- Les intérêts spécifiques
4- La coordination motrice
5- La sensorialité
4- Diagnostic
1- Outils du dépistage et du diagnostic
2- Outils complémentaires au diagnostic
3- Spécificités du diagnostic chez l’adulte
4- Avantages et inconvénients du diagnostic chez l’adulte
5- Un résultat finalement subjectif
5- Les modifications apportées par le DSM-5
6- Le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau, une seule et même entité ?
7- Diagnostics différentiels et comorbidités
1- Diagnostics différentiels
a. Le trouble de la personnalité schizoïde, schizotypique et obsessionnel-compulsif
b. Le trouble de personnalité évitante et l’anxiété sociale
c. Le trouble de la communication sociale et pragmatique
d. Le trouble obsessionnel compulsif
e. Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité
f. Résumé des principaux diagnostics différentiels
2- Comorbidités
a. L’anxiété
b. La dépression
c. Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité
d. Syndrome de Gilles de la Tourette et Trouble obsessionnel-compulsif
e. Le trouble bipolaire
f. Résumé des principales comorbidités psychiatriques
3- Cas particulier de la schizophrénie
8- Hypothèses étiologiques
1- Théories cognitives
a. La théorie d’un déficit en théorie de l’esprit
b. La théorie d’un dysfonctionnement cognitif
c. La théorie d’une faible cohérence centrale
d. La théorie d’un sur fonctionnement perceptif
2- Hypothèses organiques
e. Différences cérébrales
b. Hypothèses génétiques
c. Causes prénatales et facteurs environnementaux
9- Prise en charge
1- Approches psychothérapiques
2- Approche pharmacologique et institutionnelle
3- Communauté Asperger
IV. Unité Mobile Autisme Adulte (UMAA) : Les Makaras
1- Objectif
2- Composition de l’équipe
3- Matériel à disposition
4- Schémas d’intervention
1- Demandes émanant d’un établissement
2- Demandes personnelles
5- Demandes en 2015
V. Etude 
1- Problématique
2- Matériels et méthodes
3- Analyse
4- Résultats
5- Discussion des résultats
6- Conclusion de l’étude
VI. Discussion
1- Le syndrome d’Asperger, un phénomène de société ?
2- La question de la norme et de l’humain
3- En voie vers une neurodiversité ?
VII. Conclusion 
VIII. Bibliographie 
IX. Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *