Problèmes isomorphes et mode d’organisation 

Problèmes isomorphes et mode d’organisation 

D’après les travaux de Shea et Morgan (1975) et de Cheng et Mo (1993), la variabilité favorise l’élaboration de schémas de résolution. Hors, nous avons observé dans notre première expérience que la proximité visuelle semblait favoriser l’abstraction de connaissances, tout comme l’observait Holyoak et Koh (1987). Cependant, nous n’observons pas de différences de performances en fonction de la proximité ou de la dissimilarité visuelle. Le problème test visuellement différent ayant été fortement échoué (Figure 30). Les résultats de notre expérience montraient également une différence de réussite aux problèmes d’apprentissage visuellement différents (Figure 30) alors qu’aucune différence n’était observée pour les problèmes d’apprentissage visuellement équivalent (Figure 30). La variabilité visuelle semble induire une différence de difficulté dans les problèmes. Selon Gagné (1968) utiliser une hiérarchisation d’apprentissage favorise la réussite de problèmes complexes. Nous introduisons donc une condition hiérarchisée où nous présentons les problèmes visuellement différents selon une hiérarchie de difficulté. Dans cette expérience, nous étudions l’impact de la variabilité des traits de surface de problèmes issus du jeu du Démineur© (visuellement équivalents ou visuellement différents) sur la réussite à des problèmes de transfert (visuellement équivalent ou visuellement différent). Nous introduisons une hiérarchisation des problèmes visuellement différents. Nous faisons l’hypothèse que cette hiérarchisation compensera la variabilité visuelle et favorisera la réussite des problèmes.

Méthode 

Participants

 75 volontaires (dont 21 garçons), étudiants à l’Université de Bourgogne, ont participé à cette deuxième expérience (âge moyen 20 ans ; écart type 9 mois). Ils sont non naïfs29 et répartis aléatoirement et équitablement entre les trois conditions expérimentales. 

Matériel

 Quatorze problèmes issus du Démineur© (Figure 36) sont utilisés dans cette expérience. Six de ces problèmes sont utilisés dans la phase d’apprentissage pour la première condition, ils présentent une similitude visuelle forte avec les problèmes tests. Six autres sont utilisés dans la phase d’apprentissage pour la seconde et la troisième condition, ils ne présentent pas de similitudes visuelles avec les problèmes tests. Les deux autres 29 C’est-à-dire qu’ils connaissent le jeu du Démineur© et qu’ils en maitrisent les règles. 92 problèmes sont utilisés dans la seconde phase pour les trois conditions expérimentales. Ces deux problèmes sont proches visuellement entre eux et proche également des problèmes utilisés dans la première condition. Ils sont différents visuellement des problèmes utilisés dans la condition 2 et 3. Tous les problèmes utilisés dans cette expérience peuvent être résolus avec la même règle de résolution de soustraction des surfaces. Les problèmes visuellement différents sont de difficulté différente. Cette difficulté étant liée à l’habillage des problèmes.

Procédure 

Phase d’apprentissage (Tableau XII) : Après explicitation de la consigne, les six premiers problèmes sont présentés un par un aux participants30. Dans la première condition, les problèmes visuellement proches sont présentés aléatoirement. Dans la seconde condition, les six problèmes visuellement différents sont présentés aléatoirement. Dans la troisième condition, les six problèmes visuellement différents sont présentés de manière hiérarchisée, du plus facile au plus difficile.

Résultats

 La Figure 37 présente les patterns de résultats obtenus sur les problèmes tests. Pour mesurer les performances des participants nous prenons en compte leurs niveaux de réussite c’est à dire le nombre de problèmes réussis parmi les deux problèmes tests. Le niveau de réussite varie du zéro à un (‘zéro’ représentant l’échec aux deux problèmes tests ; ‘un’ la réussite aux deux problèmes tests) Afin d’examiner l’hypothèse de l’impact de la variabilité sur le transfert, une ANOVA a été conduite. Cette analyse indique que le niveau de réussite des participants varie significativement en fonction de la condition expérimentale (F (2, 72) = 3.571, p< .033). Les participants réussissent davantage les problèmes tests lorsqu’ils sont confrontés aux problèmes visuellement différents dans la première phase s’ils sont présentés de manière hiérarchisée (0.76 vs 0.60 vs 0.56). La différence de performance entre les participants de la condition 1 et de la condition 2 est non significative (t(48) = -.660, ns). Les participants confrontés à des problèmes visuellement proches lors de l’apprentissage ne réussissent pas mieux les problèmes tests que les participants confrontés à des problèmes visuellement différents. La performance de la condition 3 est significativement différentes des deux autres conditions (t (48) = -2.535, p< .015 ; t (48) = -2.077, p< .043). Les participants confrontés aux problèmes visuellement différents de manière hiérarchisée réussissent mieux les problèmes test que les participants confrontés aux mêmes problèmes présentés de manière aléatoire. Ils réussissent également mieux que les participants confrontés à des problèmes visuellement proches lors de l’apprentissage. Les résultats montrent l’impact positif de la hiérarchisation sur l’apprentissage. Nous n’observons pas d’effet de l’habillage des problèmes.  

Discussion de l’expérience 2

Les résultats de cette expérimentation mettent en avant la prévalence de l’organisation sur le visuel des problèmes. En effet, nous n’observons pas d’effet du visuel des problèmes (pas de différences entre les conditions utilisant des problèmes visuellement équivalents et visuellement différents). Cependant, nous observons un effet de l’ordre de présentation des problèmes. Lorsque les problèmes sont présentés de manière hiérarchisée dans la phase d’apprentissage, les participants réussissent davantage les problèmes tests. L’organisation des problèmes impacte davantage la réussite que l’aspect visuel des problèmes. Face à des problèmes présentés aléatoirement, les participants peuvent être tentés d’utiliser une stratégie de mémorisation d’exemplaire comme processus d’apprentissage qui les conduit à faire des erreurs faces aux problèmes tests. A l’inverse, avec une présentation hiérarchisée, les participants peuvent élaborer des schémas de résolution et les utiliser pour résoudre les problèmes tests. Ils obtiennent davantage de réussite aux problèmes tests. La hiérarchisation des problèmes permet de faire le lien entre les problèmes. C’est dans cette démarche que l’élaboration d’un schéma de résolution est possible (Bernardo, 1994). La proximité plus forte entre les problèmes dans ce type d’organisation favorise ce processus de résolution et donc l’élaboration de connaissances permettant de faire face aux problèmes de transfert. Nous pouvons conclure de cette expérimentation que la réussite de nouveaux problèmes est fortement conditionnée par le mode d’organisation des problèmes dans la phase d’apprentissage, celui-ci conditionnant le processus mis en jeu lors de cette phase. Il apparaît que lorsque nous favorisons, par un mode d’organisation adapté, l’élaboration de schéma de résolution, par rapport à un processus de mémorisation d’exemplaire, nous permettons aux participants de réussir davantage de problèmes tests. Comme nous avons pu le voir dans la première partie, si de nombreux travaux ont déjà porté sur la structuration interne des problèmes et leur lien avec les mécanismes cognitifs (e.g., Sweller et al, 2000) très peu de recherches ont porté sur les effets du mode d’organisation de plusieurs problèmes, de difficultés différents. Dans la poursuite des résultats obtenus dans l’expérience présentée précédemment, nous souhaitons confirmer l’hypothèse de l’effet positif d’un mode d’organisation particulier – un mode d’organisation hiérarchisé – sur la réussite de problèmes complexes. 

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