Quel rôle pour le pharmacien d’officine dans la prise en charge de l’observance du patient infecté par le VIH

Le virus du VIH 

Les premiers cas de syndrome immunodéficience acquise (SIDA) ont été décrits dans le Morbidity and MortalityWeekly Report (MMWR) du Centers for disease control and prevention (CDC) en 1981 aux Etats-Unis . Néanmoins, ce n’est qu’en 1983 que le VIH a été isolé par une équipe de chercheurs français. En 1981, on parlait aux Etats Unis de « gay syndrom » car le SIDA a été décrit pour la première fois chez les homosexuels. En France, ce type de syndrome apparait également en 1982, ce qui pousse alors une équipe de chercheurs français à tenter d’identifier ce nouveau virus. De plus, les chercheurs arrivent à montrer que le virus du VIH est présent depuis 1959 et a connu une forte transmission en Afrique sur la période 1970-1980 .
Ce virus humain de la famille des Rétrovirus est de forme sphérique de 90 à 120nm de diamètre. Il est composé de particules formant une enveloppe externe dans laquelle on retrouve des glycoprotéines (gp). Cette enveloppe (bicouche lipidique) protège à l’intérieur la capside virale qui contient le génome viral, la nucléocapside et les enzymes participant à la réplication du virus (intégrase et transcriptase inverse). Les protéases sont situées entre l’enveloppe externe et la capside virale. Le VIH est un virus constitué par deux copies d’ARN simple brin, et appartient à la sous famille des Lentivirus. Les lentivirus sont des virus instaurant une maladie d’évolution lente. Le VIH présente une grande variabilité génomique (ce qui complique parfois la mise en place d’un traitement antirétroviral). Ce virus est de type 1 (le plus répandu aujourd’hui dans le monde) ou de type 2 (virus principalement présent en Afrique de l’Ouest).

Cycle de développement (réplication) du VIH 

La multiplication du virus du VIH se déroule en plusieurs phases bien distinctes. Dans un premier temps, il y a une phase de fixation ou d’attachement. Le VIH a alors pour cibles les lymphocytes CD4+, les lymphocytes T auxiliaires, les monocytes macrophages et les cellules dendritiques. Pour qu’il y ait une fixation du virus à ces cellules, il faut nécessairement un corécepteur cellulaire : CCR4 et CXCR5.
Ces corécepteurs définissent le tropisme du virus. Le VIH de type 1 à tropisme R5 a une affinité pour le corécepteur CXCR5. Ses cellules cibles sont donc les monocytes, les macrophages qui sont rencontrés lors d’une primo infection. Le VIH de type 1 à tropisme R4 a pour sa part une affinité pour le corécepteur CCR4 porté par les lymphocytes T ; il est rencontré lors du stade avancé de l’infection. De plus, il existe des virus du VIH à double tropisme ayant une affinité pour les corécepteurs CCR4 et CXCR5.
Après ce processus de fixation et d’attachement à sa cellule cible réalisé, s’opère la phase de fusion du virus à la cellule. Une liaison de forte affinité s’effectue entre la protéine d’enveloppe virale gp120 et le récepteur CD4 cellulaire. Ensuite, la protéine gp120 de l’enveloppe virale change de conformation et se fixe au corécepteur. Il s’en suit un réarrangement de la protéine transmembranaire gp41, et la fusion entre l’enveloppe virale et la membrane cellulaire peut avoir lieu.
C’est alors qu’il y a un relargage de la capside virale dans la cellule hôte. La capside virale se retrouvant dans la cellule hôte, l’ARN monobrin viral peut-être rétrotranscrit en ADN viral. Cette étape de rétrotranscription est réalisée par l’enzyme transcriptase inverse (TI) appelée encore rétrotranscriptase (RT) présente elle aussi à l’intérieur de la capside virale. Cette transcriptase inverse est une ADN polymérase ARN dépendante. Elle est qualifiée de peu fidèle car il peut y avoir de nombreuses erreurs de transcription qui sont à l’origine de mutations. Ces mutations sont la conséquence directe de la grande variabilité génétique que l’on rencontre chez le virus de l’immunodéficience acquise.

Phases de l’infection et stades de la maladie 

La transmission du virus du VIH peut se produire de plusieurs façons : Par des rapports sexuels non protégés par un préservatif avec une personne séropositive, Par un contact important avec du sang contaminé : accident d’exposition au sang (AES), transfusion sanguine, partage de matériel d’injection chez les personnes toxicomanes, Par transmission maternofoetale, au cours de la grossesse ou lors de l’allaitement.
Une fois le virus transmis, la personne se trouve infectée, on parle de primo-infection. La primo-infection dure en moyenne 12 semaines après la contamination. Lors de cette phase, le plus souvent asymptomatique, la personne atteinte présente une réponse immunologique antivirale et un réservoir viral se constitue. L’équilibre immunovirologique est alors atteint au cours des 6 premiers mois de l’infection. Les signes cliniques sont variables d’un individu à l’autre lors de cette primo-infection. 90 % des symptômes cliniques rencontrés sont un syndrome pseudo-grippal associé à de la fièvre. 50 % des signes observés concernent un rash cutané et 15 à 20% des signes sont des ulcérations buccales. Il est possible de rencontrer également une pharyngite, des ulcérations génitales ou encore une splénomégalie. En France, au cours de l’année 2013, seulement 10% des personnes découvrant leur séropositivité étaient au stade de la primo-infection symptomatique, 66% étaient au stade d’infection asymptomatique, 13% au stade symptomatique non SIDA et 11% au stade SIDA . Dès que cette phase de primo-infection s’arrête, l’infection devient chronique et peut durer plusieurs années. Au cours de cette phase chronique, qui peut être asymptomatique ou symptomatique, une réplication virale faible mais toujours active est observée mais est toujours contrôlée par le système immunitaire. Cependant, une lente destruction des cellules infectées s’opère ce qui modifie l’équilibre. Enfin, lorsqu’il y a échappement thérapeutique ou chez les personnes non traitées, la phase SIDA (syndrome de l’immunodéficience acquise) s’installe. Le virus reprend une réplication intense, et dans le même temps, il y a un déficit quantitatif et qualitatif du système immunitaire. Une lymphopénie progressive à lymphocytes T CD4+ s’installe avec un déficit multifactoriel (lyse, apoptose, effet cytopathogène…). De plus, il y a des atteintes des fonctions des lymphocytes T CD4+ accompagnées d’anomalies immunitaires multiples. Néanmoins, l’association de ces déficits qualitatifs et quantitatifs des lymphocytes T CD4+ est variable d’un sujet à l’autre. Ceci amène donc à une expression différente de la maladie.

Développement des Antirétroviraux 

Après l’isolement du virus du VIH en 1983 par une équipe de l’Institut Pasteur, le premier traitement a fait son apparition en juillet 1985 avec les premiers essais cliniques de la zidovudine (AZT). Son activité antirétrovirale est alors démontrée. Cette molécule était en développement depuis une vingtaine d’années contre le cancer sans succès. La zidovudine est un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse (INTI). En mars 1987, la zidovudine est alors commercialisée. Cette première molécule autorisée permet de mettre en place ce que l’on appelle la monothérapie chez les patients infectés par le virus du VIH. Au début des années 1990, la bithérapie fait son apparition. Cette bithérapie est rendue possible grâce à un second INTI la didanosine (ddI), ou la Zalcitabine (DDC) en association avec la zidovudine (AZT). En 1995, les premières antiprotéases font leur apparition aux Etats-Unis : le saquinavir, l’indinavir et le ritonavir. La CROI (Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections) de Washington organisée en 1996, présente les premiers résultats prometteurs des trithérapies associant une antiprotéase et deux INTI différents. Cette année marque un tournant dans la prise en charge des personnes vivant avec le virus du VIH. Six mois plus tard, la conférence internationale sur le SIDA organisée à Vancouver, démontre clairement les résultats bénéfiques des trithérapies. Ces antiprotéases comportent à l’époque un nombre élevé de comprimés en deux ou trois prises quotidiennes. Le ritonavir est ensuite utilisé comme « booster » et non comme inhibiteur de protéase. En effet, celui-ci inhibe le cytochrome 3A4 et permet ainsi un métabolisme plus long de l’inhibiteur de protéase utilisé, assurant ainsi une meilleure réponse thérapeutique, de même qu’une diminution du nombre de comprimés au cours de la journée. Après une année « riche » en 1996, il faut attendre avril 1998 pour voir une nouvelle avancée dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Il s’agit de la première autorisation de mise sur le marché d’une spécialité combinant deux antirétroviraux devenant ainsi disponible dans les pharmacies hospitalières Combivir® (lamivudine et zidovudine). Une nouvelle classe de médicaments antirétroviraux élargit les possibilités de traitement, avec les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) : la névirapine est autorisée en septembre 1998.

Principaux effets secondaires des antirétroviraux 

Les antirétroviraux présentent des effets secondaires qui peuvent se révéler handicapants pour les personnes traitées vivant avec le VIH. Ces effets indésirables peuvent être la cause d’une non observance, aboutissant à un non contrôle de l’infection du patient à VIH pouvant impacter par ailleurs sa qualité de vie. L’organisation mondiale de la santé a classé en quatre grades la sévérité clinique ou biologique de ces effets indésirables et l’impact sur la qualité de vie. Le grade 1 préconise une poursuite du traitement engagé, le grade 2 préconise également la poursuite du traitement antirétroviral accompagné d’un traitement symptomatique mais si nécessaire, le changement de molécules antirétrovirales pourra se faire. Le grade 3 demande un changement de la molécule causant l’effet indésirable et enfin le grade 4 préconise un arrêt du traitement antirétroviral, la prise en charge des effets secondaires et après amélioration une possible réintroduction du traitement antirétroviral. Au cours des premières semaines de traitement, les effets indésirables rencontrés sont : – Les troubles digestifs : les personnes traitées par antirétroviraux ont régulièrement cette plainte sans incriminer une molécule en particulier. Ces troubles digestifs sont variables tels que les nausées, les vomissements, la diarrhée et les ballonnements abdominaux. Les troubles hépatiques : fréquents avec une hausse des transaminases signifiant une cytolyse hépatique, rencontrés avec l’efavirenz et la névirapine. Les atteintes dermatologiques : très fréquentes, notamment des toxidermies avec les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse ou encore une hypersensibilité retardée à l’abacavir. Les atteintes hématologiques : une anémie peut être rencontrée chez les personnes traitées par la zidovudine. Les troubles du sommeil, cauchemars, vertiges : avec l’efavirenz. Les atteintes rénales: insuffisance rénale avec le ténofovir, lithiases rénales avec l’atazanavir.
Il existe aussi des effets indésirables pour les antirétroviraux d’installation beaucoup plus lente : Toxicité mitochondriale des antirétroviraux (surtout avec les INTI) ayant un retentissement neurologique (stavudine, zidovudine, inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse et inhibiteurs de protéases) Troubles du métabolisme lipidique et glucidique (principalement rencontrés avec la prise des inhibiteurs de protéases) se traduisant par: Une hypercholestérolémie, une hypertryglycéridémie Un syndrome lipodystrophique : une estimation de 50 à 60% des personnes traitées par antirétroviraux depuis 1 à 2 ans avec un inhibiteur de protéase initié dans les années 2000 présentent ce syndrome. Ce syndrome se caractérise par une redistribution de la masse graisseuse corporelle. Elle peut s’accumuler au niveau du tronc, de l’abdomen, ou diminuer au niveau du visage et des membres. Il existe des formes mixtes avec l’association des deux phénomènes. Une hyperglycémie pouvant se compliquer de diabète Ostéoporose/ostéopénie/ostéonécrose : avec le ténofovir ou les inhibiteurs de protéases.

Suivi biologique des personnes vivant avec le VIH 

Chez le patient infecté par le virus du VIH, le paramètre biologique important pour juger d’une non réplication du virus est la charge virale. Les populations lymphocytaires (dont les lymphocytes CD4) seront mesurées pour juger la restauration immunitaire du patient. Aujourd’hui en France, il est recommandé de traiter toute personne séropositive même si le taux de CD4 est supérieur à 500/mm3. Le VIH infecte les cellules qui expriment le récepteur CD4 à leur surface. Il contamine également les monocytes, les macrophages, les cellules folliculaires dendritiques, les cellules de Langerhans cutanés, et les cellules de la microglie cérébrale [33]. Avant de débuter tout traitement antirétroviral, un bilan biologique sera réalisé avec les examens suivants : typage lymphocytaire CD4/CD8, ARN VIH plasmatique (charge virale), test génotypique de résistance et détermination du sous-type VIH-1, si non réalisés antérieurement, recherche de l’allèle HLA-B57*01 si traitement avec de l’abacavir envisagé (en raison de l’hypersensibilité retardée du à l’abacavir), hémogramme avec plaquettes, transaminases, γ-GT, phosphatases alcalines, bilirubine, lipase (à défaut, amylase), CPK, LDH, glycémie à jeun, créatininémie, clairance de la créatininémie, phosphorémie, TP, TCA, bilan lipidique : cholestérol total, HDL, LDL, triglycérides à jeun, bandelette urinaire (protéinurie, glycosurie). Ensuite après introduction d’un traitement antirétroviral, un bilan immunovirologique sera réalisé à 1 mois, 3 mois de traitement puis tous les 3 mois pendant la première année du traitement. Ce bilan immunovirologique va mesurer le taux de CD4 d’une part et la charge virale d’autre part, qui doit être indétectable au seuil du laboratoire pour un succès du traitement. Après une première année de traitement si les patients ont un taux de CD4 > à 500/mm3 un nouveau contrôle immunovirologique sera réalisé tous les 4 à 6 mois et pour les personnes ayant un taux de CD4 entre 350 et 500 /mm3, ce contrôle sera réalisé tous les 3 à 4 mois. Ces examens après la première année de traitement sont moins nombreux .

Table des matières

Introduction 
1. Le virus de l’immunodéficience acquise (VIH) et son développement
1.1. Le virus du VIH
1.2. Cycle de développement (réplication) du VIH
1.3. Phases de l’infection et stades de la maladie
1.4. Epidémiologie
2. Traitements Antirétroviraux et Recommandations 
2.1. Développement des Antirétroviraux
2.2. Stratégies thérapeutiques recommandées en France
2.3. Recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
2.4. Principaux effets secondaires des antirétroviraux
3. Suivi biologique et observance des patients infectés par le virus du VIH
3.1. Suivi biologique des personnes vivant avec le VIH
3.2. Observance thérapeutique
3.3. Observance en France
3.4. Dans les autres pays « comparables » à la France
3.5. Les obstacles à l’observance
4. Nouvelles missions du pharmacien 
4.1. Loi Hôpital Patient Santé et Territoires (HPST) de 2009 et entretiens pharmaceutiques
4.2. Education thérapeutique du patient et pharmacien
4.3. Exemple du pharmacien clinicien au Canada
5. Enquêtes 
5.1. Méthodologie
5.1.1. Objectifs et perspectives
5.1.2. Problématique
5.1.3. Questions
5.1.4. Populations cibles et déroulement de l’étude
5.1.4.1. Enquête auprès des patients
5.1.4.2. Enquête auprès des pharmaciens
5.1.5. Les questionnaires
5.1.5.1. Le questionnaire patient
5.1.5.2. Le questionnaire pharmacien
5.1.5.3. Outils Statistiques
5.2. Résultats des enquêtes
5.2.1. Résultats de l’enquête auprès des patients
5.2.1.1. Profil des Patients
5.2.1.2. A propos de l’infection à VIH
5.2.1.3. A propos de la délivrance en pharmacie
5.2.2. Résultats de l’enquête auprès des pharmaciens
6. Discussion 
Conclusion
Bibliographie
Annexes 

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *