Réforme du mode de scrutin réclamée à Québec

Le Parlement de plus en plus marginalisé

Nous savons tous que la perfection n’étant pas de ce monde, le fonctionnement des systèmes politiques de gouvernance des sociétés dites démocratiques comporte plusieurs failles. Toutefois, sommes-nous vraiment conscients que, chez nous comme ailleurs, certains signaux d’alarme ont passé depuis un bon moment déjà au rouge? Sommes-nous aussi conscients des causes qui ont déclenché ces signaux d’alarme?
D’abord, que doit-on penser et conclure quand des chroniqueurs politiques chevronnés, des universitaires de renom et des observateurs attentifs de la scène politique présentent depuis des années maintenant nos chefs de gouvernement comme des «monarques élus», des «dictateurs tranquilles», des «empereurs», voire comme des «potentats»? Que penser et que faire quand un éminent politicologue comme Donald Savoie, titulaire de la chaire d’études Clément-Cormier sur le développement économique à l’Université de Moncton, président sortant de l’Association canadienne de science politique et Officier de l’Ordre du Canada, déclare que «le premier ministre canadien et ses homologues provinciaux sont des monarques des temps modernes qui, en régnant de façon autocratique à la manière de Louis XIV, sont en voie de tuer la démocratie»?
Que penser et conclure quand le réputé chroniqueur politique du Globe and Mail, Jeffrey Simpson, dénonce, dans son livre The Friendly Dictatorship, qui vient de paraître, «la centralisation massive du pouvoir sous le contrôle d’un seul homme à travers les apparats du système parlementaire». (…)
En ce début du XXIe siècle, il est assez troublant et paradoxal de constater, qu’à bien des égards, on est revenu à des situations semblables à celles qui ont fait naître et progresser l’idéal parlementaire. Il est sans doute à propos de rappeler que le combat pour la création et la suprématie juridique d’assemblées de représentants élus du peuple a été mené durement, et pendant des siècles, pour mettre fin au règne des gouvernements d’une seule personne ou d’une oligarchie exerçant l’autorité et faisant la loi de façon absolutiste et tyrannique. (…)
Certes, on ne peut pas nier qu’il y a eu progrès puisque, aujourd’hui, l’idée démocratique, voulant que toute autorité de gouvernement émane des gouvernés, prévaut. Mais, est-ce suffisant pour parler d’une démocratie représentative?
En ramenant sur la table de la discussion publique ces constats et ces interrogations de fond, il faut aussi mettre en relief les causes de cette crise de la démocratie représentative et du déclin du parlementarisme. Parmi les causes les plus souvent mentionnées pour expliquer cette crise de la démocratie représentative et le déclin du parlementarisme, figurent:
– l’absence d’une véritable séparation des pouvoirs législatif et exécutif dans notre système de tradition britannique qui confère au gouvernement et surtout à son chef une très grande mainmise sur l’institution parlementaire; cela est surtout vrai quand le parti ministériel est majoritaire à l’Assemblée, ce qui a toujours été le cas au Québec depuis 1867;
– le contrôle gouvernemental sur l’activité et la procédure parlementaires qui a donné au pouvoir exécutif un véritable monopole de l’initiative des lois et des règlements, ce qui a entraîné un transfert de la fonction législative du Parlement à l’Exécutif et à son chef et qui a fait de l’Assemblée parlementaire une simple chambre d’enregistrement où les délibérations ne sont, à bien des égards, qu’un mal nécessaire;
– le règne des partis et l’utilisation par les dirigeants de ceux-ci de la ligne partisane ainsi que du droit de veto sur l’acceptation des candidats aux élections autant que sur les nominations et promotions pour imposer une discipline rigoureuse aux parlementaires de leur groupe, restreignant ainsi l’indépendance absolue des élus tout en s’assurant de leur grande loyauté;
– la transformation des assemblées parlementaires en forum d’affrontement sans merci, selon les clivages partisans, pour la quête ou la conservation du pouvoir au détriment d’une véritable discussion publique dont la finalité est la recherche sérieuse du bien commun par la formulation des règles et par la prise de décisions;
– les réalités techniques et économiques du monde moderne, qui s’accommodent mal de longs palabres parlementaires car elles exigent des décisions efficaces, et pour la plupart nécessairement rapides, de l’État, ce qui force d’ailleurs à une concentration de l’autorité politique et qui fait de la discussion publique une formalité passablement vide;

Réforme du mode de scrutin réclamée à Québec

Pressé de toutes parts de modifier en profondeur le mode de scrutin au Québec pour introduire le vote proportionnel, le gouvernement Landry se dit ouvert à la réflexion. Avec des réserves. «J’ai étudié ou enseigné dans des pays à scrutin proportionnel et j’ai pu voir de près la qualité démocratique que ça peut donner. Cependant, dans un régime parlementaire britannique, si le gouvernement n’a pas la majorité en tout temps sur une question importante, il tombe. Alors, comment est-ce qu’on concilie cela?» a demandé le premier ministre Bernard Landry. Il répondait alors à une question par le chef de l’Action démocratique, Mario Dumont, en Chambre, mardi. Plus tôt dans la journée, une coalition de 125 personnalités issues des milieux politiques, syndicaux, étudiants et autres tenait à Montréal une conférence de presse réclamant la tenue d’un débat public et d’une commission parlementaire avec pour objectif de modifier le système actuel, dit uninominal à un tour. Au nombre de ces personnalités, on retrouve Claude Ryan, Claude Charron, Jean Allaire et le président de la CSN, Marc Laviolette. Selon eux, la formule du vote uninominal à un tour tel que nous la connaissons est non seulement non représentative des nouveaux courants d’expression populaire, mais provoque le désengagement des citoyens qui boudent leur devoir au moment de la tenue des élections. «On commet un crime contre la démocratie de façon consciente. On doit, au contraire, pouvoir matérialiser la présence des voix de tous à l’Assemblée nationale, tonne Marc Laviolette. Le Québec sera-t-il le dernier à fermer la lumière sur ce système dépassé», ajoute-t-il en référence au fait que seuls le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada utilisent encore ce mode de scrutin. Claude Ryan: «Un principe fondamental veut que chaque personne ait un droit de vote égal à une autre personne. Et il est important que ce principe soit respecté. Le mode de scrutin québécois est une des rares institutions à ne pas avoir fait l’objet d’une réforme majeure.» Claude Charron: «Certains groupes n’ont pas le droit de parole qu’ils méritent à l’Assemblée nationale. Il est temps que le Québec passe d’une société en noir et blanc à une société en couleurs.» Andrée Mayer-Périard, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) fait quant à elle le constat que les jeunes sont à la fois informés, politisés ET qu’ils vont de moins en moins voter. «C’est grave.» Le scrutin majoritaire uninominal se traduit par des situations comme celle des élections provinciales de 1998 alors qu’avec une majorité de 40000 voix dans l’ensemble du Québec, le Parti libéral s’est retrouvé dans l’opposition avec seulement 48 sièges, contre 71 au PQ. Le Parti québécois, qui avait fait élire seulement 7 puis 6 députés à l’Assemblée nationale en 1970 et 1973 avait pourtant reçu l’appui de 23 et de 30% des électeurs. En 1998, l’Action démocratique, avec 11,8% des voix n’a fait élire que son chef, Mario Dumont.

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